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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 15 septembre 2016, n° 15/00245

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

LS Investissements (SAS)

Défendeur :

Direction Générale des Finances Publiques

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pollet

Conseillers :

Mme Diepenbroek, Mme Pascale Blind

TGI Strasbourg, du 15 déc. 2014

15 décembre 2014

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Courant 2007, la société Multiples, dirigée par M. Laurent S., a rencontré des difficultés financières.

Le 8 novembre 2007, elle a obtenu, pour le règlement de ses dettes fiscales et sociales, un plan provisoire accordé par la commission des chefs des services financiers, des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage de la Seine Saint Denis.

La commission a exigé, pour garantir le paiement des dettes objet du plan, un cautionnement personnel de M. S., ainsi qu'un cautionnement de la société par actions simplifiée LS investissements (LSI), autre société dirigée par M. S.. Ce dernier a donc souscrit le 19 mars 2008 un engagement de caution à titre personnel et, le 29 avril 2008, un acte de cautionnement au nom de la société LSI, pour un montant de 364 183,56 euros, au titre des dettes de la société Multiples envers la direction générale des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin.

Le 8 septembre 2009, la société Multiples a été placée en redressement judiciaire. Après avoir bénéficié d'un plan de continuation arrêté par jugement du 7 décembre 2000, elle a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 12 mars 2012.

Agissant sur le fondement des actes de cautionnement souscrits les 19 mars et 29 avril 2008, la direction générale des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin a engagé des poursuites en paiement contre M. S. et contre la société LSI.

Par lettre du 2 août 2012, elle a abandonné les poursuites contre M. S. à titre personnel, à raison du caractère disproportionné de son engagement.

Par acte d'huissier en date du 17 septembre 2012, la société LSI a fait assigner la direction générale des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir l'annulation des poursuites exercées contre elle.

Par jugement en date du 15 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la société LSI de toutes ses prétentions, l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a écarté les moyens invoqués par la société LSI en retenant

- s'agissant de la nullité du cautionnement :

* que, si l'engagement de caution de la société LSI n'était pas conforme à son objet social, il avait été autorisé par l'assemblée générale des associés se prononçant à l'unanimité,

* que le cautionnement n'était pas contraire à l'intérêt social de la société LSI dès lors qu'il n'était pas de nature à l'exposer à un risque de disparition totale,

* que les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation privant d'effet les cautionnements disproportionnés n'étaient pas applicables en l'espèce, la caution étant une personne morale,

* que les dispositions des articles L. 225-43 et L. 227-12 du code du commerce afférentes aux conventions prohibées entre une société et ses dirigeants ne trouvaient pas à s'appliquer,

* que la preuve n'était pas rapportée de pressions exercées par l'administration fiscale, de nature à entraîner un vice du consentement de la caution,

- s'agissant de l'exception fondée sur les dispositions de l'article 2314 du code civil et sur le fait que, le cautionnement de M. S. à titre personnel ayant été annulé par l'administration, la société LSI ne peut plus bénéficier de la subrogation dans le bénéfice de cette garantie : que la société LSI ne s'explique pas sur l'existence d'une faute commise par l'administration à l'origine de la perte de la garantie, et ne justifie pas des conséquences dommageables pour elle de cette perte,

- s'agissant de l'absence de bonne foi de l'administration fiscale, invoquée à titre subsidiaire par la société LSI au soutien d'une demande de dommages et intérêts : qu'il n'apparaissait pas que l'administration ait agi de mauvaise foi,

- s'agissant de l'absence de justification, par l'administration, de l'obligation de la société LSI de payer les dettes de la société Multiples : que cette obligation était suffisamment établie par l'acte de cautionnement souscrit le 29 avril 2008,

- s'agissant l'irrégularité de la mise en demeure adressée à la société LSI par l'administration : que la mise en demeure visait les avis de mise en recouvrement servant de fondement aux poursuites ainsi que le montant des sommes dues, et que, contrairement à ce que soutenait la société LSI, il n'était pas nécessaire que l'acte de cautionnement fût joint à la mise en demeure.

La société LSI a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 14 janvier 2015.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et

- d'annuler les poursuites, à raison de l'irrégularité de la mise en demeure en date du 4 mai 2012 et de l'absence de production, par l'administration, des éléments permettant de justifier l'obligation pour la société LSI de payer les dettes de la société Multiples,

- d'annuler l'acte de cautionnement souscrit par la société LSI

* sur le fondement des articles L. 225-43 et L. 227-12 du code de commerce, s'agissant d'une convention interdite par ces textes, conclue par personne interposée au profit de M. S.,

* sur le fondement de l'article L. 227-6 du code de commerce, s'agissant d'un acte conclu en violation de l' objet social de la société,

* sur le fondement des articles 1109 et suivants du code civil, le consentement de la société LSI ayant été vicié par un état de contrainte économique,

- pour le cas où le cautionnement ne serait pas annulé,

* de condamner l'administration, pour n'avoir pas conclu et exécuté de bonne foi cet acte, au paiement, à titre de dommages et intérêts, de la somme de 186 345,98 euros, égale à celle faisant l' objet des poursuites de l'administration,

* de dire que la décision de l'administration d'annuler le cautionnement souscrit à titre personnel par M. S. doit entraîner la décharge de la société LSI,

- de condamner l'administration fiscale aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En ce qui concerne l'irrégularité de la procédure de recouvrement mise en oeuvre par l'administration, l'appelante fait valoir

- que la mise en demeure n'était pas accompagnée de l'acte de cautionnement servant de base aux poursuites,

- que l'administration ne justifie pas de l'envoi des avis de mise en recouvrement préalablement à la mise en demeure,

- que l'administration ne justifie pas du montant des sommes restant dues par la société Multiples,

- que l'existence d'une obligation, pour la société LSI, de payer les dettes de la société Multiples, n'est pas établie, ainsi qu'il ressort d'un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 28 juillet 2009 et d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 novembre 2010.

Au soutien de sa demande tendant à l'annulation du cautionnement, la société LSI fait valoir

- que, M. S. n'étant pas propriétaire de sa résidence principale qui appartient à la société LSI, le cautionnement de celle-ci a été conclu, par personne interposée, dans l'intérêt de M. S., et qu'il tombe dès lors sous le coup de la prohibition des engagements souscrits par une société au bénéfice de son dirigeant, édictée par les articles L. 225-43 et L. 227-12 du code de commerce,

- qu'en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, le représentant légal de la société n'est habilité à agir au nom de la société que dans la limite de l' objet social, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, cette irrégularité ne pouvant pas être couverte par une décision de l'assemblée des associés, la société n'étant dès lors pas engagée à l'égard de l'administration fiscale, qui savait que l'acte dépassait l' objet social,

- qu'au surplus, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'engagement litigieux était contraire à l'intérêt social, en ce qu'il était susceptible d'entraîner la disparition totale de la société, le montant de l'engagement devant être apprécié à la date de celui-ci, et non pas en fonction d'éléments postérieurs, et en considération de l'ensemble des engagements souscrits à cette date, s'élevant en l'occurrence à 3 208 327 euros, alors que la situation de la société était déjà négative à hauteur de 6 745 464 euros, somme ramenée par l'administration, après réévaluation de l'actif immobilier, à 4 364 547 euros, de sorte que l'administration a admis, dans une autre procédure, que la valeur des parts sociales en 2008 était nulle,

- que le cautionnement de la société LSI, obtenu sous des pressions économiques, est nul pour vice du consentement.

Quant à l'absence de bonne foi de l'administration, la société LSI soutient que l'administration a fait pression sur elle pour qu'elle souscrive un engagement qu'elle savait contraire aux dispositions légales et dépassant ses facultés de remboursement.

S'agissant des conséquences de l'annulation, par l'administration, du cautionnement souscrit à titre personnel par M. S., la société LSI fait valoir

- que la décision d'annulation prise par l'administration le 2 août 2012 lui est opposable par application des articles L. 80-A et L. 80-B du livre des procédures fiscales,

- qu'en vertu du principe de l'estoppel, l'administration ne peut changer de position pour s'opposer aux conséquences de sa décision d'annulation,

- que cette décision prive la société LSI du recours dont elle aurait du disposer à l'encontre de M. S. et que, dès lors, elle doit être déchargée de son engagement, par application de l'article 2314 du code civil.

*

La direction générale des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société LSI à lui payer une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse aux moyens invoqués par l'appelante, l'administration fiscale fait valoir

- que la mise en demeure adressée à la société LSI était régulière en la forme, dès lors que l'acte de cautionnement n'avait pas à y être annexé et que l'avis de mise en recouvrement avait été préalablement notifié à la société LSI,

- que le bien fondé des poursuites résultait, d'une part de l'acte de cautionnement solidaire emportant renonciation au bénéfice de discussion, d'autre part de la déclaration et de l'admission de la créance de l'administration au passif de la liquidation judiciaire de la société Multiples, les décisions du tribunal de grande instance de Bobigny et de la cour d'appel de Paris produites par l'appelante concernant des poursuites exercées sur le fondement d'un autre engagement et n'étant donc pas transposables en l'espèce,

- que l'acte de cautionnement litigieux n'a pas été conclu, fût-ce par personne interposée, dans l'intérêt personnel de M. S., mais dans celui de la société Multiples, débitrice principale, et de l'administration fiscale, créancière, et qu'il ne s'agissait donc pas d'une convention interdite par les articles L. 225-43 et L. 227-12 du code de commerce,

- qu'en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, les actes passés par le représentant légal de la société engagent celle-ci à l'égard des tiers même s'ils dépassent l' objet social, à moins que les tiers n'aient eu connaissance de ce dépassement, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque l'acte avait autorisé par l'assemblée générale des associés,

- que le cautionnement litigieux n'était pas contraire à l'intérêt social, compte tenu de la communauté d'intérêts entre les sociétés dirigées par M. S., appartenant au même groupe, et qu'au surplus, l'acte n'était pas de nature à créer un risque de disparition totale de la société, le montant de l'engagement ne représentant que 3,46 % de l'actif net immobilier de la société,

- que l'existence d'un prétendu vice du consentement ne repose sur aucun élément de fait,

- que l'administration n'a fait qu'appliquer le droit en exigeant une garantie en contrepartie des délais de paiement accordés le 8 novembre 2007, destinés à éviter l'ouverture d'une procédure collective, et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir agi de mauvaise foi,

- que, si la décision d'annulation du cautionnement personnel de M. S. lui est opposable, l'absence de recours de la société LSI contre M. S. n'est pas de nature à entraîner la décharge de son propre engagement.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises à la cour par voie électronique

- le 2 septembre 2015 pour la société LSI,

- le 19 mai 2015 pour la direction générale des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 11 mai 2016.

MOTIFS

A l'inverse de la méthode retenue par les premiers juges, il convient d'examiner en premier lieu, et non en dernier, les moyens tenant à la régularité de la mise en demeure car, à supposer ces moyens fondés, la procédure serait nulle et il n'y aurait pas lieu de statuer sur le fond.

Par ailleurs, au soutien de sa demande d'annulation des poursuites, la société LSI invoque l'absence de justification du montant des sommes restant dues par la société Multiples et l'absence d'obligation, pour la société LSI, de payer les dettes de cette société. Il s'agit de moyens de fond, et non de forme, qui seront examinés en second lieu.

S'agissant des défenses au fond, elles présentent entre elles des relations de principal à subsidiaire qui conduisent à les examiner dans l'ordre suivant:

1° l'existence de l'engagement de caution de la société LSI,

2° la nullité du cautionnement (qui suppose que l'engagement existe),

3° la décharge de la caution par application de l'article 2314 du code civil (qui suppose que le cautionnement soit valable),

4° le montant de la somme due en vertu du cautionnement (qui suppose que le cautionnement soit valable et efficace),

5° la demande reconventionnelle de la caution en dommages et intérêts (qui vise à une compensation entre la créance de l'administration et une créance réciproque de la société LSI).

Sur la régularité de la mise en demeure

L'article L. 257-O A du livre des procédures fiscales dispose qu'à défaut de paiement des sommes mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement, l'administration notifie au contribuable, avant le premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais, une mise en demeure de payer.

L'article R. 257-O A-1 du même livre précise que la mise en demeure indique les références de l'avis de mise en recouvrement dont elle procède ainsi que le montant des sommes restant dues.

En l'espèce, l'administration produit l'avis de mise en recouvrement n° 024 483 8808 rendu exécutoire le 9 juin 2009 pour un montant de 283 094,56 euros, notifié à la société LSI par lettre recommandée avec accusé de réception.

La mise en demeure en date du 4 mai 2012 vise cet avis de mise en recouvrement, indique le montant de la somme restant due, soit 186 345,98 euros, et se réfère expressément à l'acte de cautionnement en date du 29 avril 2008.

Aucune disposition légale ou réglementaire n'exige que l'acte de cautionnement soit annexé à la mise en demeure, la référence à l'avis de mise en recouvrement, qui vaut titre exécutoire, étant suffisante.

La mise en demeure est donc régulière en la forme.

Sur l'existence de l'engagement de caution de la société LSI

L'obligation de la société LSI résulte de l'acte de cautionnement souscrit le 29 avril 2008 par son représentant légal, M. S., aux termes duquel celui-ci s'est engagé, au nom de la société, à rembourser à la direction générale des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin, dans la limite de 364 183,56 euros, les dettes de la société Multiples, au cas où celle-ci n'y satisferait pas elle-même.

Le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 28 juillet 2009, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 novembre 2010, sur lesquels la société LSI se fonde pour contester son engagement, sont incidence sur celui-ci, car ils ont été rendus dans le cadre de poursuites exercées sur le fondement d'un autre engagement, à savoir une promesse d'hypothèque résultant d'un acte notarié du 16 septembre 2008.

Sur la nullité du cautionnement

Nullité en tant que convention prohibée par les articles L. 225-43 et L. 227-12 du code de commerce

Ces dispositions interdisent aux dirigeants d'une société anonyme, à peine de nullité, de faire cautionner par la société leurs engagements envers les tiers.

En l'espèce, le cautionnement litigieux n'a pas été consenti pour garantir une dette de M. S., représentant légal de la société LSI, mais une dette de la société Multiples.

Si l'interdiction s'applique aux personnes interposées, la société Multiples n'est pas intervenue en l'espèce en cette qualité, la dette garantie lui étant propre. En aucun cas le cautionnement litigieux n'avait pour objet de garantir une obligation personnelle de M. S..

C'est donc en vain que la société LSI invoque les dispositions des articles L. 225-43 et L. 227-12 du code de commerce.

Nullité pour dépassement de l' objet social

L'article L. 227-6 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées dispose que, dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Le dépassement de l' objet social n'est donc une cause de nullité de l'engagement souscrit au nom de la société par le président que si le tiers connaissait ce dépassement.

En l'espèce, le cautionnement litigieux a été autorisé par délibération de l'assemblée générale des associés de la société LSI en date du 7 avril 2008, dont il n'est pas contesté qu'elle a été votée à l'unanimité. Cette délibération est visée dans l'acte de cautionnement souscrit le 29 avril 2008 par M. S. en qualité de président de la société LSI. Dans ces conditions, l'administration fiscale était fondée à considérer qu'à supposer que l'acte dépassât l' objet social de la société, ce dépassement était couvert par l'autorisation unanime des associés donnée en assemblée générale.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'ont énoncé les premiers juges, dans le cas d'une société par actions simplifiée, il n'est pas nécessaire, pour que la société soit engagée par un acte de son président dépassant l' objet social, que cet acte soit conforme à l'intérêt social . Cette exigence ne s'applique en effet qu'aux sociétés de personnes telles que les SCI, la contrariété à l'intérêt social n'étant pas, par elle-même, une source de nullité des engagements souscrits par les sociétés de capitaux.

Le débat opposant les parties sur le point de savoir si le cautionnement litigieux était ou non de nature à générer un risque de disparition totale de la société, ou s'il pouvait être justifié par une communauté d'intérêts entre les différentes sociétés ayant M. S. pour dirigeant, est donc sans emport sur la solution du litige.

Nullité pour vice du consentement

Comme l'ont relevé les premiers juges, l'existence de pressions exercées par l'administration pour obtenir le cautionnement de la société LSI n'est pas établie. Il était normal et conforme à la pratique des affaires qu'en contrepartie de délais de paiement consentis à la société Multiples, l'administration exige une garantie de sa créance.

C'est également avec pertinence que les premiers juges ont observé que, dès lors que la société LSI conteste être liée par une communauté d'intérêts à la société Multiples, elle ne saurait prétendre que son consentement était vicié par la menace d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Multiples.

La demande de nullité du cautionnement fondée sur une contrainte économique constitutive d'un vice du consentement doit donc être rejetée.

Sur le montant de la somme due en vertu du cautionnement

Selon deux avis d'inscription sur la liste des créances, notifiés le 3 avril 2012 par le greffe du tribunal de commerce à l'administration fiscale, la créance de celle-ci a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la société Multiples à hauteur de 156 287,81 et 30 058,17 euros, soit au total 186 345,98 euros.

Le montant de la créance est ainsi parfaitement établi.

Sur la décharge de la caution

L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Faisant application de ce texte, l'administration fiscale a renoncé aux poursuites qu'elle avait engagées contre M. S. sur le fondement du cautionnement souscrit par celui-ci à titre personnel.

La société LSI revendique l'application des dispositions de l'article 2314 du code civil, selon lesquelles la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par le fait de ce dernier, s'opérer en faveur de la caution. Elle prétend en effet que la décision prise par l'administration fiscale d'abandonner les poursuites contre M. S. l'a privée d'un recours contre ce dernier.

Toutefois, la sanction prévue par l'article L. 341-4 précité prive le cautionnement d'effet non seulement à l'égard du créancier, mais aussi des autres cautions. Par conséquent, celles-ci, n'étant pas privées de la transmission d'un droit dont elles ne pouvaient se prévaloir, ne sont pas fondées, lorsqu'elles sont recherchées par le créancier, à revendiquer le bénéfice de l'article 2314 du code civil.

La société LSI prétend donc en vain être déchargée de son engagement.

Sur la demande reconventionnelle de la caution en dommages et intérêts

La société LSI ne prouve pas l'absence de bonne foi de l'administration, qu'elle invoque au soutien de sa demande de dommages et intérêts.

En effet, il a été vu ci-dessus que le cautionnement sollicité par l'administration était licite, qu'il n'a donné lieu à aucune interposition de personne et qu'il n'a pas été obtenu sous l'effet de pressions.

Il n'est pas démontré que l'engagement de la société LSI excédait ses facultés de remboursement. Au surplus, à supposer que tel ait été le cas, l'exigence de proportionnalité de l'engagement par rapport aux biens et revenus de la caution n'est pas applicable aux cautionnements souscrits par les personnes morales.

La demande de dommages et intérêts de la société LSI doit donc être rejetée.

Sur les frais et dépens

L'appelante, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'intimée en cause d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'appelante tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2014 par le tribunal de grande instance de Strasbourg ;

Ajoutant au dit jugement,

CONDAMNE la société LSI à payer à la direction générale des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

REJETTE la demande de la société LSI formée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société LSI aux dépens d'appel.