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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 18 mars 2016, n° 14/12949

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Lis Schaal, Mme Nicoletis

T. com. Paris, du 23 mai 2014, n° 08/002…

23 mai 2014

Le 10 novembre 2000, la SAS J. & R. a été constituée entre MM. Christian R. et Cyril J., pour exploiter un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie à Poissy, acquis le 8 décembre 2000 pour un prix de 2.300.000 francs. Le capital de la société, 180.000 euros, à été versé par M. J., qui a été nommé président de la société à hauteur de de 60.000 euros et par M. R. à hauteur de 120.000 euros.

Par acte notarié du 8 décembre 2000, la société J. ET R. a acquis le fonds de commerce de 'boulangerie chaude-pâtisserie fraîche' sis [...].

Le 19 mars 2001, un acte sous seing privé dénommé 'reconnaissance de dette et convention d'exclusivité de fournitures' a été signé entre la société J. & R., représentée par son président, et le GIE M. S. P., aux droits duquel vient la SA MOULINS S..

Cet acte stipule que la société J. & R. reconnaît devoir une somme de 400.000 francs (60.979,60 euros), correspondant à un prêt consenti pour l'acquisition de son fonds de commerce.

Ce prêt consenti avec un taux d'intérêt de 7,50 % était remboursable à raison de 59 mensualités de 8.015,17 francs, soit 1.221,90 euros, plus une mensualité de 8.015,51 francs, intérêts inclus, soit 1.221,95 euros, payable du 15 février 2001 jusqu'au 15 janvier 2006 et garantie par le nantissement du fonds de commerce et le cautionnement solidaire de M. J..

En contrepartie de ce prêt la société J. & R. s'est engagée à se fournir exclusivement en farine auprès du GIE MOULINS S. P..

Le 17 avril 2001, M. R. a confié à M. Michel K., expert-comptable et commissaire aux comptes, un audit de la gestion de la société J. & R.. M. K. a remis le 16 juillet 2001 un rapport faisant état d'erreurs de gestion, d'infractions pénales, sociales et fiscales commise par M. J., qui ont entraîné l'entreprise dans une situation irrémédiablement compromise. Au nombre des délits, M. K. mentionnait : '- octroi d'un emprunt au M. S. au vu de l'établissement d'un faux procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2000 (n'ayant jamais eu lieu) dans lequel l'unanimité des associés autorise le président M. Cyril J. à emprunter aux M. S. une somme de 400'000 francs à 7,5 %, autorise également la prise de nantissement, M. R. n'ayant jamais été au courant de cette opération, (faux, usage de faux et escroquerie constituée auprès des Moulins s.) ; il est à noter que suite à l'octroi de cet emprunt, la SAS J. & R. est tenue désormais de s'approvisionner en exclusivité auprès des M. S. suite à un contrat signé le 19 mars 2001 et enregistré à la recette des impôts.'

À compter du mois d'août 2001, la SAS J. & R. a cessé de rembourser le prêt et de régler les livraisons de farine au GIE M. S. P..

Le 23 août 2001, M. R. a déposé plainte entre les mains du procureur de la République prés le tribunal de grande instance de Versailles contre M. J. du chef de faux et usage de faux, tentative d'escroquerie, escroquerie, abus de confiance, abus de bien social , recel d'abus de bien social et vol.

Par ordonnance du 5 septembre 2001, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a nommé Maître Franck M. en qualité d'administrateur provisoire de la société J. & R. et a mis fin aux fonctions de président de M. J..

Par courrier du 19 octobre 2001, Maître M. a notifié à M. J. son licenciement pour fautes lourdes.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 novembre 2001, la société J. & R. a été mise en demeure par le GIE M. S. P. de régler la somme de 66.152,28 francs, soit 10.084,85 euros, sous peine de déchéance du terme.

Par lettre recommandée du 8 décembre 2001, de M. R., associé majoritaire de la société J. & R., a contesté la validité du prêt en soutenant que ce prêt n'a pas été consenti à la société mais qu'il s'agissait d'un emprunt personnel déguisé au bénéfice de M. J., qui a été consenti sur la base d'un faux procès-verbal d'assemblée générale du 15 décembre 2000. M. R. a précisé avoir porté plainte au pénal contre M. J. et devoir porter plainte contre la société MOULINS S. pour complicité. Il demandait la restitution des sommes prélevées sur le compte de la société J. & R., soit 48.091,02 francs.

Par courrier du 18 janvier 2002, M. Pierre M., commissaire aux comptes de la société J. & R., a informé le parquet financier du tribunal de grande instance de Versailles l'existence de manœuvres frauduleuses imputables à M. J., dont '-octroi d'un emprunt aux M. S. à partir d'un faux procès-verbal d'une délibération de l'assemblée générale extraordinaire datée du 15/12/00 (400'000 francs à 7,5 %) avec un contrat d'exclusivité auprès de ce fournisseur.'

Le 25 mars 2002, l'assemblée générale extraordinaire de la société J. & R. a désigné M. R. en qualité de président de la société.

Le 28 mars 2002, la société J. & R., représentée par Maître M., et M. R. ont déposé devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Versailles une plainte pénale avec constitution de partie civile contre X, des chefs de faux et usage de faux, complicité du chef de faux et usage de faux, tentative d'escroquerie, escroquerie, complicité de chefs de tentative d'escroquerie et d'escroquerie, abus de confiance, complicité de chefs d'abus de confiance, abus de bien social , complicité de chefs d'abus de bien social , recel d'abus de bien social , complicité de chefs de recel de bien social , vol et complicité de chef de vol.

Le 9 avril 2002, le conseil du GIE MOULINS S. P. a adressé une nouvelle lettre de mise en demeure à la société J. & R., pour lui réclamer le paiement de la somme de 78.500,02 euros.

Par courrier du 15 avril 2002, la société J. & R. a répondu en rappelant les termes de son courrier du 8 décembre 2001 et l'existence d'une procédure pénale en cours.

Le 9 juillet 2002, la société J. & R. a été dissoute et M. R. désigné en qualité de liquidateur amiable.

Par actes des 2 et 21 août 2002 le GIE M. S. P. a assigné en paiement la société J. & R. et M. J. devant le tribunal de commerce de Paris. Puis, par acte du 15 avril 2003 , M. R., es-qualités de liquidateur amiable de la société J. ET R..

Par jugement du 2 mars 2004 le tribunal de commerce a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la procédure pénale en cours.

Par jugement du 21 septembre 2009, le tribunal correctionnel de Versailles a déclaré M. J. coupable d'abus de biens sociaux, faux par altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, usage de faux en écriture et l'a condamné à payer à la société J. ET R. la somme de 194.366 euros en réparation de son préjudice, ainsi que la somme de 12.000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Par arrêt du 25 mars 2011, devenu définitif, la cour d'appel de Versailles a confirmé la condamnation des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux et limité à la somme de 178.169,80 euros le montant des dommages-intérêts dus par M. J. à la société J. ET R..

Par jugement du 23 mai 2013, le tribunal de commerce de Paris a :

- révoqué le sursis à statuer

- dit irrecevables les demandes de la société MOULINS S., venant aux droits du GIE MOULINS S. P., contre la société J. & R.,

- dit recevables les demandes de la société MOULINS S. contre M. R., es-qualités de liquidateur de la société J. & R. ,

- dit recevables les demandes de M. R., es-qualités, à l'encontre de M. J. au titre du prêt

- condamné solidairement M. J. et M. R., es-qualités, à payer à la société MOULINS S. les sommes de :

72.085,23 euros au titre du prêt,

6 419,75 euros au titre de la fourniture de farine

-dit que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter du 21 août 2002

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie

- débouté les parties de leurs autres demandes

- condamné in solidum M. R., es-qualités, et M. J. aux dépens.

Par déclaration du 19 juin 2014, M. R., es-qualités, a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 30 septembre 2015, par lesquelles M. R., ès-qualités de liquidateur amiable, demande à la cour de :

- le dire recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

- infirmer le jugement du 23 mai 2013 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

- débouter la société MOULINS S. et M. J. de leurs demandes,

vu les articles 1108 et suivants, 1156 et suivants, 1382 et suivants et 1384 alinéas 5 du code civil,

- dire et juger que M. Q., salarié du GIE MOULINS S., a reconnu avoir été en possession des statuts, avoir rédigé sciemment, en fraude des droits de la SAS J. ET R., un faux procès verbal de délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2000 qui a été signé, irrégulièrement, par M. Cyril J., seul, à l'insu et à l'exclusion de son principal associé majoritaire, M. R..

- dire et juger que M. Q., salarié du GIE MOULINS S. P., et M. J. ont avoué la fraude et leurs manoeuvres dolosives tendant a la mise en place sous couvert d'une reconnaissance de dette à la SAS J. et R. d'un prét personnel ainsi déguisé à M. J.

- dire et juger que sous couvert d'une convention d'exciusivité de farine consentie à la SAS J. et R., la SA MOULINS S. a livré pour partie la farine, non pas à la SAS J. et R., mais au père de M. J., boulanger à PARIS,

En conséquence,

- dire et juger, nulle et nul effet, la reconnaissance de dette avec convention d'exclusivité de fourniture de farine du 19 mars 2001 en raison des vices du consentement et manoeuvres dolosives avérées et jugées de la SA MOULINS S. et de M. J.

Subsidiairement, la déclarer inopposable à M. R., es qualités de liquidateur de la SAS J. ET R.,

- dire et juger M. R., es-qualités de liquidateur de la SAS J. & R., recevable et bien fondé en son appel incident et en ses demandes reconventionnelles

- condamner in solidum la SA MOUUNS S. et M. J. à rembourser à M. R., es-qualités de liquidateur de la SAS J. & R., la somme de 7.331,43 euros (48 091,02 F), correspondent aux 6 mensualités indument prélevées de février à juillet 2001 inclus sur le compte de la SAS J. & R. au titre du remboursement de ce prétendu prêt personnel à M. J., avec intérêts au taux légal à compter de la mise en

demeure du 8 décembre 2001 en application de l'article 1153 et suivants

- dire et juger que les intéréts dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du code civil

- condamner in solidum la SA MOULINS S. et M. J. à verser chacun à M. R., es-qualités de liquidateur de la SAS J. & R. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et interéts en réparation de leurs agissements frauduleux

- condamner la SA MOULINS S. à verser à M. R., es- qualités de liquidateur de la société J. & R. la somme de 20.000 euros pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile ,

- dire et juger que la SA MOULINS S. devra procéder immédiatement, et à ses frais, sous astreinte de 500 euros par jour de retard a compter de la décision à intervenir, aux formalités de mainlevée des nantissements inscrit au tibunal de commerce de Versailles sur le fonds de commerce de la SAS J. & R. et en justifier auprés de l'appelant

- dire et juger que la Cour réservera sa compétence pour liquider l'astreinte

- dire et juger que M. J. devra garantir le concluant de toutes condamnations qui pourraient étre prononcées à son encontre

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse ou par extraordinaire, la Cour ne ferait pas droit a l'appel de la concluante,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'article 4 de la prétendue reconnaissance de dette relative aux pénalites de retard devait s'analyser comme une clause pénale manifestement excessive devant étre réduite à la somme de 6.097,96 euros en application de l'article 1152 alinea 2 du code civil constatant que le montant demandé par la SA MOULIN S. était supérieur au montant du prêt en capital.

Et condamner la SA MOULINS S. et M. J. à verser, chacun à M. R., es- qualités de liquidateur de la SAS J. & R., une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me B., Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelant fait valoir que le prêt litigieux était un prêt personnel déguisé consenti frauduleusement à M. J. avec le concours d'un salarié du GIE MOULIN S. P., sur la base d'un faux procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2000.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 30 novembre 2015, par lesquelles la société MOULINS S. demande à la cour de :

Vu les articles 379 du code de procédure civile, 1134 et suivants, 2288 et suivants et notamment 2298 du code civil, L.227-6 du code de commerce

- confirmer en toutes ses dispositions, la décision dont appel.

- débouter M. R., es- qualités de liquidateur de la SAS J. ET R. de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. R. en sa qualité de liquidateur de la SAS J. ET R. et M. J. à payer chacun la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société MOULINS S. P.,

- les condamner aux entiers dépens.

M. J. n'a pas constitué avocat.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du contrat dénommé 'reconnaissance de dette et convention d'exclusivité de fournitures'

Considérant que M. R., es-qualités, soutient que la 'reconnaissance de dette avec convention d'exclusivité de fournitures' du 19 mars 2001 est nulle et reproche au tribunal de ne pas avoir pris en compte la participation active et reconnue du représentant du GIE MOULINS S., M. Q., dans l'élaboration frauduleuse de la convention avec la complicité de M. J. entachant de nullite l'acte, excluant en toutes hypothèses la qualité de tiers et l'application de l'article L.227-6 du code de commerce ; que ces agissements dolosifs font nécessairement obstacles à la formation et à la validité des acteslitigieux et excluent un quelconque engagement opposable à la SAS J. ET R. ;

Que l'appelant fait valoir, d'une part, qu'en application des articles L. 227-5 du code des sociétés et 17 des statuts de la société J. ET R., M. J. n'avait pas pouvoir souscrit seul un emprunt au nom de la société ; que sachant que M. R., associé majoritaire, ne donnerait pas son accord M. J. et son complice M. Q., salarié du GIE MOULINS S., ont rédigé cette fausse reconnaissance de dette avec convention d'exclusivité de fournitures de farine et ont inscrit régulièrement un nantissement en garantie de ce prêt ; que M. Q. a reconnu, lors de l'enquête pénale, qu'il a rédigé lui-même le faux procès-verbal assemblée générale antidaté et qu'il ne s'agissait pas d'un prêt fait à la société J. ET R. mais d'un prêt personnel consenti à M. J. afin de constituer son apport personnel dans la société ;

Que l'intimée était incontestablement partie prenante à l'acte frauduleux et nul dont elle demande l'exécution, il n'y a nullement à distinguer entre cette opération de prêt frauduleuse et l'utilisation des fonds prêtés entre co-associes et la SA MOULINS S. ne saurait faire valoir, sans abus, qu'elle serait 'un tiers' et qu'en application de l'article L. 227-6 du code du commerce les limitations statutaires des pouvoirs de M. J. Iui seraient inopposables ;

Que la cour d'appel de Versailles, statuant sur les intérêts civils, qui avait connaissance de la procédure en cours devant le tribunal de commerce, n'a pas accordé à la société J. ET R. le remboursement du prêt litigieux ; que bien que condamné à rembourser la société J. ET R. la somme de 178.169,80 euros, M. J. ne s'est acquitté que d'une minuscule partie de sa dette, avant de partir sans laisser d'adresse en 2014 ; que le débiteur exclusif de la société MOULINS S. est M. J. ;

Considérant que la société MOULINS S. expose qu'elle est restée étrangère au contentieux pénal qui n'a opposé que les deux associés de la société J. & R. et que l'argumentation soutenue par M. R., es-qualités, est en droit inopérante et dilatoire ;

Que les agissements condamnables de M. J. sont sans incidence sur le fond du présent litige, puisqu'en sa qualité de président d'une SAS , M. J. avait tous pouvoirs pour engager la société, sans avoir besoin de solliciter, au regard des tiers, une quelconque autorisation de son associé ; qu'en outre, l'article L.227-6 alinéa 4 du code de commerce dispose que les limitations de pouvoir du président prévues dans les statuts d'une SAS sont inopposables aux tiers ; que l' objet social de la société J. & R. étant l'activité de boulangerie pâtisserie, la souscription d'un prêt pour financer le fonds de commerce de boulangerie pâtisserie exploité par la société et la convention de fourniture de farine entrent dans son objet social ;

Que le fait que l'assemblée générale du 15 décembre 2000 ait été, ou non, tenue est sans incidence juridique sur la validité du prêt en cause et n'a d'intérêt que dans les rapports entre les actionnaires ; que de plus, cette assemblée n'était nullement nécessaire pour la validité du prêt et totalement étrangère à l'établissement de l'acte de prêt, l'adage 'fraus omnia corrumpit' n'est pas applicable au prêt lui-même ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article 1108 du code civil 'Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

- le consentement de la partie qui s'oblige ;

- sa capacité à contracter ;

- un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;

- une cause licite dans l'application.'

Considérant que, par des motifs qui sont le soutien nécessaire de leur décision, le tribunal correctionnel et la cour d'appel de Versailles ont retenu que M. Q., salarié du GIE MOULINS S. P., a en toute connaissance de cause fabriqué un faux procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2000 autorisant M. J. à souscrit un prêt destiné à l'acquisition du fonds de commerce de la société J. ET R., assorti d'un nantissement au profit du GIE ; que notamment l'arrêt d'appel du 25 mars 2011 énonce 'que M. J. et Q. admettent tout deux qu'il s'agissait de permettre au premier d'apporter le financement personnel nécessaire à l'acquisition du fonds, puisque la somme a été retirée par le prévenu après son dépôt sur le compte de la société' ;

Considérant que si la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et si, selon l'article L.227-6 du code de commerce , les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers, cependant, la rédaction en toute connaissance de cause par un salarié du GIE MOULINS S. d'un faux procès verbal d'assemblée générale de la société J. ET R. afin d'éluder les clauses statutaires de cette société et l'absence de pouvoir de son président pour conclure un contrat de prêt, démontrent la volonté de fraude et la collusion frauduleuse avec M. J.

Considérant que le contrat du 19 mars 2001 mentionne en son article premier, que le prêt s'est matérialisé par la remise d'un chèque à la société J. ET R. en vue de l'acquisition de son fonds de commerce de boulangerie pâtisserie à Poissy ; que cependant M. R., es-qualités, établi par la production du jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 21 septembre 2009 et de l'arrêt d'appel du 25 mars 2011, que le chèque de 400.000 francs établi à l'ordre de la société J. ET R., dont la photocopie est produite aux débats, n'a été déposé sur le compte de la société que pour pouvoir être retiré par M. J. et non pour permettre à la société d'acquérir son fonds de commerce, cette acquisition ayant déjà été réalisée le 8 décembre 2000 ;

Considérant qu'il résulte du jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 21 septembre 2009 et de l'arrêt d'appel du 25 mars 2011 que non seulement M. Q. savait que M. J. ne pouvait pas engager la société J. et R., mais qu'il savait également que le prêt, objet du contrat, n'était pas destiné à cette société mais qu'il s'agissait d'un prêt déguisé destiné à M. J., à titre personnel ; que le GIE est civilement responsable des agissement de son salarié, qui a agit dans l'exercice de ses fonctions et dans l'intérêt de son employeur, puisque qu'au contrat de prêt frauduleux était adossée une convention d'exclusivité de fourniture de farine au bénéfice du GIE, peu important que M. Q. n'ait pas été poursuivi pénalement ;

Considérant qu'il apparaît que la reconnaissance de dette signée le 19 mars 2001 au nom de la société J. ET R. par son président est dépourvu de cause, ou tout au moins contient une cause simulée ; qu'en effet le prêt, objet de la reconnaissance de dette, n'avait pas pour but de permettre à la société J. ET R. d'acquérir son fonds de commerce ; que bien plus, la cause du prêt du 19 mars 2001 est illicite, puisque le but recherché par M. J., avec la complicité de M. Q., était d'obtenir des fonds au préjudice de la société J. ET R. ;

Considérant que le contrat signé le 19 mars 2001 a été conclu en fraude des droits de la société J. ET R. dans le but de lui nuire en lui faisant supporter la charge d'un prêt qui ne lui était pas destiné et en lui imposant une obligation d'approvisionnement exclusive en farine ; qu'en conséquence, ce contrat de prêt qui est dépourvu de cause est nul, que cette nullité entraîne celle du contrat de fourniture de farine qui en est la contrepartie, les deux contrats étant interdépendants ;

Considérant que la nullité de l'acte dénommé 'reconnaissance de dette et convention d'exclusivité de fournitures' signé le 19 mars 2001, a pour effet son anéantissement rétroactif ; que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. R., es-qualités, à exécuter le contrat annulé et à verser à la société MOULINS S. la somme de 72.085,23 euros au titre du prêt ; qu'en revanche, la société J. ET R. reste redevable des sommes non contestées correspondant aux livraisons de farine, dès lors que ces denrées lui ont été livrées ; que M. J. doit être condamné à garantir la société J. des sommes mises à la charge de l'appelant ;

Sur la demande de restitution

Considérant que M. R., es-qualités, sollicite la condamnation in solidum de M. J. et de la société MOULINS S. à rembourser les sommes indûment prélevées sur le compte de la SAS J. & R. au titre du prétendu emprunt, 48.091,02 francs soit 7.331,43 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 décembre 2001 et capitalisation des intérêts ; que l'appelant fait valoir que, par courrier du 8 décembre 2001 puis du 15 avril 2002, l'intimée a été informée que la reconnaissance de dette litigieuse était un prêt personnel au bénéfice de M. J., établi sur la base d'un faux avec la complicité du GIE MOULINS S. P. ;

Considérant que la société MOULINS S. expose que le prêt a été encaissé par la société J. ET R., qu'elle est restée étrangère aux décisions pénales versées aux débats, que la cour d'appel de Versailles a accordé à la société J. ET R. dommages et intérêts en remboursement du prêt détourné par M. J. et qu'il appartient à M. R. de faire exécuter cet arrêt ;

Mais considérant que la nullité de l'acte dénommé 'reconnaissance de dette et convention d'exclusivité de fournitures' signé le 19 mars 2001, a pour effet son anéantissement rétroactif ; que le prêt prévu à cet acte n'a pas bénéficié à la société J. ET R., qui n'a pas à en assurer les remboursements ; qu'il ressort de la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 25 mars 2011 que le remboursement du prêt consenti par la société MOULINS S. est exclu de la somme de 178'169,80 euros que M. J. a été condamné à verser à la société J. ET R. à titre de dommages et intérêts ; que les sommes perçues par l'intimée au titre du remboursement du prêt doivent être restituées à M. R., es-qualités ; que M. J., véritable bénéficiaire du prêt litigieux doit être condamné in solidum ; que compte tenu des circonstances de l'espèce et de l'ancienneté de la créance, il y a lieu de prévoir que les intérêts au taux légal sont dus à compter du courrier du 15 avril 2002 ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Considérant que M. R., es-qualités, sollicite la condamnation de la société MOULINS S. et de M. J. à verser chacun à M. R., es-qualités de liquidateur amiable de la société J. ET R., la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral sur le fondement des articles 1382 et 1384 alinéa 5 du code civil ; que l'appelant expose que l'intimée a reconnu dès 2001 la faute grave et intentionnelle de son salarié, mais a persisté à l'issue de la procédure pénale à poursuivre de mauvaise foi la procédure engagée contre la société J. ET R. ;

Mais considérant que la faute intentionnelle de M. Q., dont l'intimée est civilement responsable en application des dispositions de l'alinéa 5 de l'article 1384 du code civil , est à l'origine de la signature contrat du 19 mai 2001 et de l'octroi l'octroi du prêt litigieux ; que la responsabilité de M. J. a été reconnue pénalement ; que la société J. ET R. a dû engager une procédure pénale et se défendre devant la juridiction civile pour faire reconnaître qu'elle n'était pas la bénéficiaire du prêt litigieux et n'avait pas à exécuter le contrat du 19 mai 2001 ; que la société J. ET R. a subi un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à la somme de 10 000 euros ; qu'en conséquence la SAS MOULINS S. et M. J. doivent être condamnés à verser chacun la somme de 5 000 euros à ce titre à M. R., ès-qualités ;

Sur la demande de mainlevée des inscriptions de nantissement

Considérant que M. R., es-qualités, sollicite que la société MOULINS S. soit condamnée, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, à procéder à la mainlevée immédiate, et à ses frais, du nantissements inscrit au tribunal de commerce de Versailles sur la société J. ET R. sur la base du faux procès verbal d'assemblée générale du 15 décembre 2000 et à en justifier et que la cour réserve sa compétence pour liquider l'astreinte ;

Mais considérant que la nullité de l'acte dénommé 'reconnaissance de dette et convention d'exclusivité de fournitures' signé le 19 mars 2001, a pour effet son anéantissement rétroactif ; qu'en conséquence la société MOULINS S. doit procéder à la mainlevée immédiate du nantissement inscrit sur la société J. ET R. en exécution de l'acte annulé, et ce sous astreinte comme il sera dit au dispositif de l'arrêt, sans qu'il y ait lieu que la cour réserve sa compétence pour liquider l'astreinte ;

Sur la caution solidaire de M. J.

Considérant que la société MOULINS S. sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. R., es-qualités de liquidateur, et M. J. au paiement des sommes dues au titre du prêt soit 65.987,27 euros en principal avec intérêt de droit à compter du 6 décembre 2001, ainsi que 6 097,96 euros en application de l'article 4 du contrat qui constitue un accessoire ;

Mais considérant que la caution solidaire de M. J. est valable : que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que M. R., es-qualités, expose que la procédure initiée par la société MOULINS S. constitue un double abus de droit, dès alors que dès 2001 elle connaissait les agissements de M. Q., mais a refusé de répondre à ses courriers du 8 décembre 2001 et 15 avril 2002 et a préféré cautionner les déclarations de M. J. ;

Mais considérant que M. R., es-qualités, qui ne démontre pas que la société MOULINS S. ait abusé de son droit d'agir en justice doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en sa disposition ayant condamné M. Christian R., agissant ès-qualités de liquidateur de la SAS J. ET R., à payer à la SA MOULINS S. la somme de 72.085, 23 euros au titre du prêt,

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que la 'reconnaissance de dette avec convention d'exclusivité de fournitures' signée le 19 mars 2001 entre la SAS J. ET R. et la SA MOULINS S. a été conclue en fraude des droits de la SAS J. ET R. et est dépourvue de cause,

Dit nulle la 'reconnaissance de dette avec convention d'exclusivité de fournitures' signée le 19 mars 2001 entre la SAS J. ET R. et la SA MOULINS S.,

Condamne in solidum la SA MOULINS S. et M. Cyril J. à rembourser à M. Christian R., ès-qualités de liquidateur de la SAS J. ET R., la somme de 7.331,43 euros, correspondent aux 6 mensualités prélevées de février à juillet 2001 inclus, sur le compte de la SAS J. ET R. au titre du remboursement du prêt stipulé à l'acte du 19 mars 2001, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2002,

Dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil,

Dit que M. Cyril J. devra garantir M. Christian R., ès-qualités, de toutes condamnations prononcées à son encontre en application de la 'reconnaissance de dette avec convention d'exclusivité de fournitures' du 19 mars 2001 annulée,

Condamne la SA MOULINS S. et M. Cyril J. à verser chacun à M. Christian R., ès- qualités de liquidateur de la SAS J. ET R., la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par la SAS J. ET R.,

Ordonne à la SA MOULINS S. de procéder à ses frais, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt aux formalités de mainlevée des nantissements inscrit au tribunal de commerce de Versailles sur le fonds de commerce de la SAS J. & R. et en justifier auprès de M. Christian R., ès- qualités de liquidateur de la SAS J. ET R.,

Dit n'y avoir lieu à ce que la cour réserve sa compétence pour liquider l'astreinte,

Condamne la SA MOULINS S. et M. Cyril J. à verser chacun à M. Christian R., ès-qualités de liquidateur de la SAS J. ET R., une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SA MOULINS S. et M. Cyril J. aux entiers dépens d'appel qui pourrons être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.