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Décisions

CA Versailles, 17e ch., 12 novembre 2014, n° 13/01916

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SKV 26 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Forest-Hornecker

Conseillers :

Mme Maugendre, Mme Lançon

Cons. Prud’h. Boulogne Billancourt, du 2…

28 mars 2013

Par jugement du 28 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt (Section encadrement) a :

- constaté que Madame Karine S. O. était mandataire social de la SAS SKV6 et qu'il n'y avait pas cumul avec un contrat de travail et en conséquence,

- dit les demandes de Madame Karine S. O. irrecevables,

- débouté la SAS SKV 26 de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Madame Karine S. O. aux éventuels dépens.

Par déclaration d'appel adressée au greffe le 15 avril 2013 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Madame Karine S. O. demande à la cour, infirmant le jugement, de :

- constater qu'elle était salariée de la SAS SKV 26 depuis le 13 décembre 1985,

- constater qu'elle a été licenciée le 21 juillet 2008,

- constater que la SAS SKV 26 n'a pas respecté les règles de procédure de licenciement,

- condamner, en conséquence, la SAS SKV 26 à lui payer les sommes de :

. 11 540 € pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 34 620 € au titre du préavis de licenciement,

. 13 463,33 € au titre des congés payés afférents au préavis,

. 86 550 € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal, vexatoire et humiliant,

. 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS SKV 26 aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SAS SOFTWAY MÉDICAL RADIOLOGIE venant aux droits de la SAS SKY 26 demande à la cour de :

- constater que Madame Karine S. O. occupait, outre sa qualité d'actionnaire unique au moment de la signature de la convention de croupier, le poste de présidente de la société SERVAL depuis mai 2004 et était donc mandataire social de cette société depuis cette date,

- constater que Madame Karine S. O. a toujours revendiqué au cours des différentes procédures devant le tribunal de commerce de NANTERRE, en première instance et en appel et ce pendant plusieurs années sa qualité de présidente de la société SERVAL qu'elle a présenté elle-même comme ' sa société ',

- constater que la procédure pour fautes de gestion initiée par la société SERVAL a permis de mettre en exergue les actes frauduleux commis par Madame Karine S. O. et de démontrer l'indépendance dont elle jouissait dans l'exercice de ses fonctions,

- constater qu'il est ainsi établi qu'aucun cumul n'a jamais existé entre son mandat social et un contrat de travail,

- dire que Madame Karine S. O. était donc au moment de sa révocation uniquement mandataire social de la société SERVAL,

- confirmer, en conséquence, le jugement entrepris et déclarer Madame Karine S. O. irrecevable en ses demandes,

- condamner Madame Karine S. O. à lui verser la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,ainsi que les dépens.

LA COUR,

qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,

Considérant que le 13 mai 2004, Madame Karine S. O. présidente et unique actionnaire de la SAS SKV 26, fournissant sous le nom commercial de Serval des prestations informatiques aux cabinets de radiologie et aux laboratoires d'analyse médicale a conclu une convention de croupier avec la société GRED spécialisée dans la fourniture d'appareils de radiologie et de produits informatiques laquelle a acquis 90% des droits de la croupe, au prix de 1350 000€ payé comptant, et s'est engagée le même jour par une promesse d'achat des 10% des droits restant, moyennant le versement de la somme de 150 000€, dès que la société le déciderait ;

que le 1er juillet 2008, la société GRED a levé l'option d'achat des 10% restant à Madame Karine S. O. et est devenue propriétaire de la totalité des actions composant le capital, la convention de croupier étant dissoute ; que Madame Karine S. O. est restée présidente de la société dans les mêmes conditions, sa rémunération devant faire l' objet de nouveaux accords, passé un délai d'un an ;

que le 9 juillet 2008, Madame Karine S. O. a présenté des observations sur les griefs formulés par la SAS SKY 26 ;

que le 16 juillet 2008, Madame Karine S. O. a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception, par le directeur de la société GRED à une réunion fixée le 21 juillet 2008 ;

que ce même jour, elle a été révoquée de son mandat social de présidente et une mission d'audit sur les aspects comptables et financiers de la société a été diligentée ;

qu'au vu du rapport d'audit, le nouveau président de la société a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre pour détournement de fonds à l'encontre de Madame Karine S. O. ;

que par jugement en date du 24 février 2010, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles, le tribunal de commerce a condamné Madame Karine S. O. de ce chef ;que par arrêt définitif en date du 16 juin 2011, la cour d'appel de VERSAILLES a également retenu que la révocation de Madame Karine S. O. était justifiée ;

que c'est dans ces circonstances que Madame Karine S. O. considérant qu'elle bénéficiait toujours d'un contrat de travail durant toute sa période d'activité au sein de SKV26 et que celui-ci avait été rompu de manière abusive par le biais de sa révocation a saisi, le 11 juillet 2011, le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1411-1 du code du travail, la juridiction pru'homale règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre un employeur et le salarié qu'il emploie ;

Considérant, sur l'existence d'un contrat de travail, qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence ; que la charge de la preuve de cumul d'un contrat de travail avec un mandat social obéit aux règles de droit commun fixées par l'article 1315 du Code civil ;

que c'est donc au salarié nommé mandataire qui à la suite de sa révocation sollicite des indemnités de rupture au motif qu'il n'a pas cessé d'exercer ses fonctions techniques de prouver la poursuite de son contrat de travail après sa nomination en qualité de mandataire social ;

qu'il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre moyennant rémunération ; qu'en l'absence de contrat de travail écrit, il appartient à celui qui se prétend salarié de rapporter la preuve de son existence, laquelle peut être recherchée au regard des trois éléments le définissant que sont la prestation de travail, la rémunération versée en contrepartie et le lien de subordination ;

que Madame Karine S. O. allègue qu'elle a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 décembre 1985 au sein de la SARL SKV26 ; qu'en 1996, elle a été nommée directrice administrative et commerciale ; qu'elle détenait également 175 parts de la société sur 500 ;

que cependant Madame Karine S. O. ne verse pas aux débats le contrat de travail qu'elle aurait signé au mois de décembre 1985 ; qu'elle produit la photocopie d'un contrat de travail signé entre elle et 'la société Serval' au terme duquel elle est employée en qualité de directrice administrative avec le statut de cadre à temps complet ; que si ce contrat indique qu'elle occupait les mêmes fonctions depuis le 1er novembre 1996 et que son ancienneté remonte au 13 décembre 1985, il n'est pas daté ; que de plus, aucun bulletin de salaire ne figure au dossier pour toute cette période ;

que, néanmoins, le président d'une société par actions simplifiées peut cumuler le mandat social avec un contrat de travail mais à condition que ce dernier corresponde à un emploi effectif assumant des fonctions techniques distinctes des fonctions résultant du mandat social , que les fonctions techniques doivent donner lieu au versement d'une rémunération différente de celle éventuellement perçue au titre du mandat social et que l'intéressé doit se trouver dans l'exercice de ses fonctions techniques dans un état de subordination juridique à l'égard de la société ;

qu'il s'ensuit que la technicité des fonctions de salarié doit permettre de les distinguer nettement des fonctions afférentes au mandat social ; que le cumul ne saurait être retenu dans l'hypothèse où le mandat social absorbe les fonctions techniques ;

qu'il n'est pas contestable que c'est en qualité de présidente de la SAS SKV26 et unique actionnaire que Madame Karine S. O. s'est rapprochée de la société GRED aux fins de conclure la convention de croupier en 2004 ;

qu'elle ne prétend pas avoir revendiqué sa qualité de salariée auprès de la société GRED ni fait état du cumul dans lequel elle se serait trouvée ; que d'ailleurs en novembre 2008 après sa révocation, elle n'a pas saisi le conseil de prud'hommes mais le tribunal de commerce pour faire juger le litige qui l'opposait à la SAS SKV26 ;

qu'au cours de cette procédure, elle a revendiqué sa qualité de gestionnaire et a affirmé 'qu'en sa qualité de présidente, elle travaillait sans relâche y compris les week-ends et jours de congés ' ;

que de plus, les fonctions de directrice administrative que Madame Karine S. O. revendique sont des fonctions générales qui dans une petite structure comme la SAS SYV 26 se confondent avec les fonctions de gestion de la marche générale de l'entreprise dévolues au mandataire social ; qu'elles ne peuvent être qualifiées de fonctions techniques ;

que le fait qu'elle n'ait pas été remplacée n'est pas suffisant pour établir l'exercice de fonctions techniques distinctes, ses fonctions ayant été absorbées par son mandat social , étant précisé que les fonctions de directeur commercial étaient dévolues à Monsieur M. ;

que, par ailleurs, l'existence d'un lien de subordination se caractérise par le fait que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ;

que si la convention de croupier prévoyait que la société GRED en sa qualité d'actionnaire majoritaire devait prendre part aux décisions qui engageaient la SAS SYV 26, l'article 4 de cette convention précisait qu'en sa qualité de présidente, Madame Karine S. O. assurera la direction générale et la représentation de la société ;

qu'aux termes de l'article L 227-6 du code de commerce , Madame Karine S. O., en sa qualité de présidente d'une société par actions simplifiée, ' était investie des pouvoirs les plus étendues pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social ' ;

que d'ailleurs les constatations faites par le contrôleur fiscal sur les comptes de la société et reprises par l'arrêt de la Cour d'appel de VERSAILLES le 16 juin 2011démontrent le niveau d'indépendance dont Madame Karine S. O. bénéficiait ;

qu'au surplus, le lien de subordination qui doit porter sur les fonctions techniques et distinctes et non pas seulement sur celles relatives à l'exercice du mandat social n'est pas établi ;

qu'enfin, les bulletins de paie de Madame Karine S. O. font état d'une seule rémunération au surplus en sa qualité de présidente de la SAS SYV 26 ;

qu'il s'ensuit que Madame Karine S. O. était uniquement mandataire social de la SAS SYV 26 au moment de sa révocation en juillet 2008 ; que ses demandes qui ne relèvent pas de la compétence du conseil de prud'hommes, seront rejetées ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu qu'elles étaient irrecevables ;

Considérant que Madame Karine S. O. qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il convient d'allouer à la SAS SOFTWAY MÉDICAL RADIOLOGIE venant aux droits de la SAS SKY 26, au titre des frais judiciaires non taxables exposés en appel la somme de 2 500€ ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les demandes de Madame Karine S. O. étaient irrecevables,

Et, statuant à nouveau,

Déboute Madame Karine S. O. de toutes ses demandes,

Condamne Madame Karine S. O. à verser à la SAS SOFTWAY MÉDICAL RADIOLOGIE venant aux droits de la SAS SKY 26 la somme forfaitaire de 2 500 € en remboursement de frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne Madame Karine S. O. aux dépens d'appel.