CA Grenoble, ch. com., 26 juin 2014, n° 13/01414
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cristel France (SAS)
Défendeur :
Me Serrano (ès qual.), Mathon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rolin
Conseillers :
M. Bernaud, Mme Pages
Avocats :
Me Wien, Me Collomb-Rey
Par jugements des 7 février 2012 et 7 aout 2012, le Tribunal de Commerce de Grenoble a prononcé le redressement judiciaire, puis la liquidation judiciaire de la SAS MATHON et a désigné Maître Philippe SERRANO en qualité de mandataire judicaire puis de liquidateur.
La SAS CRISTEL FRANCE a régularisé le 6 mars 2012 une déclaration de créance au passif d'un montant de 8 352,51 € au titre d'un solde de factures.
Cette déclaration de créance a été contestée par Maître SERRANO es qualités, le 20 novembre 2012, au motif qu'il n'était pas justifié du pouvoir du signataire de la déclaration de créance qui équivaut à une demande en justice.
La SAS CRISTEL FRANCE a répondu à cette contestation le 4 décembre 2012 précisant que la déclaration avait été signée par Monsieur Emmanuel BRUGGER en qualité de directeur général de la SAS CRISTEL FRANCE ayant tous pouvoirs pour représenter la société y compris en justice.
Par ordonnance du 12 mars 2013, notifiée le 25 mars 2013 à la SAS CRISTEL FRANCE, le juge commissaire a rejeté la créance déclarée au motif qu'elle n'émanait pas du représentant de la société créancière ou d'un préposé titulaire d'une délégation de pouvoir.
La SAS CRISTEL FRANCE a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue le 29 mars 2013.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 16 octobre 2013 par la SAS CRISTEL FRANCE qui demande à la cour, par voie d'infirmation de l'ordonnance, de prononcer son admission au passif de la société MATHON pour la somme de 8352,51 euros et de condamner Me SERRANO, es qualités, à lui payer une indemnité de 2000 € pour frais irrépétibles aux motifs :
que son directeur général, M. Emmanuel BRUGGER , tient de l'article 16 des statuts et de l'article L. 227-6 alinéa 2 du code de commerce les pouvoirs légitimes pour déclarer les créances comme aurait pu le faire son président,
que depuis l'intervention de la loi de sécurité financière du 1er août 2003 la jurisprudence de la Cour de Cassation s'est infléchie en ce sens qu'il suffit que les statuts prévoient que le directeur général a le pouvoir de représenter la SAS ,
qu'en toute hypothèse M. BRUGGER disposait d'une délégation de pouvoir régulière antérieure à la déclaration de créance l'habilitant à représenter la société à l'égard des tiers,
que le nom et les fonctions de M. BRUGGER ont enfin été régulièrement publiés au registre du commerce et des sociétés.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 19 juin 2013 par Maître SERRANO ès qualités, qui sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et la condamnation de l'appelante à lui payer une indemnité de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs :
que contrairement à ce qu'affirme la SAS CRISTEL FRANCE à l'appui d'une décision isolée de la Cour d'Appel de Versailles, la jurisprudence de la cour de cassation considère que seul le président d'une société par actions simplifiée à le pouvoir légal d'agir en justice et donc de déclarer une créance,
que la jurisprudence a été légèrement infléchie pour sembler admettre qu'un directeur général délégué puisse déclarer une créance lorsque les statuts lui permettent expressément de représenter la société en matière de déclaration et de recouvrement de créance, dans une espèce où le déclarant était chargé du recouvrement et du contentieux, avec pouvoir de procéder aux déclarations de créances,
qu'en l'espèce les statuts de la SAS CRISTEL FRANCE ne prévoient rien de tel, se contentant d'indiquer que : « Le directeur général représente la société à l'égard des tiers, pour les actes accomplis au nom et pour le compte de la société, dans le respect des présents statuts. »,
qu'enfin, la délégation de pouvoir du 21 juin 2007 qui indique que Monsieur BRUGGER représente la société dans ses rapports avec les tiers est en réalité circonscrite aux délégations en matière commerciale, de gestion du personnel et de respect du Code de la route.
MOTIFS DE L'ARRET
Aux termes de l'article L.227-6 du code de commerce' «' la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social .
Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article’ ».
Selon l'article 16 des statuts de la SA S CRISTEL FRANCE « le directeur général représente la société à l'égard des tiers pour les actes accomplis au nom et pour le compte de la société dans le respect des présents statuts. Il peut exercer tous les actes conformes à l'intérêt social, à l'exclusion des actes que le président ne peut accomplir sans l'autorisation préalable du comité exécutif.’ ».
A défaut de le prévoir expressément, la clause statutaire susvisée est trop générale et trop imprécise pour conférer de plein droit au directeur général le pouvoir de procéder valablement aux déclarations de créances qui sont assimilables à des actions en justice, le fait que le directeur général représente la société à l'égard des tiers n'emportant pas nécessairement délégation générale du pouvoir de représentation en justice qui appartient au représentant légal de la personne morale.
Quant à la délégation de pouvoir du 21 juin 2007, aux termes de laquelle M. Emmanuel BRUGGER «' représente la société dans ses rapports avec les tiers’ », elle est expressément limitée à certaines matières dont est exclu le recouvrement des créances sociales (conclusions de certains contrats en matière commerciale, hygiène et sécurité du travail, gestion du personnel, représentation du personnel et respect du code de la route).
Dès lors qu'elle n'émane pas d'une personne régulièrement investie du pouvoir de représenter en justice la société, la déclaration de créance litigieuse est affectée d'une nullité de fond qui doit conduire à son rejet, ainsi qu'en a justement décidé le premier juge.
L'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,
Condamne la SAS CRISTEL FRANCE aux entiers dépens.