CA Toulouse, 3e ch., 15 janvier 2018, n° 17/03987
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Orizons (SAS), Mops (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Belieres
Conseillers :
M. Beauclair, M. Mazarin-Georgin
Avocat :
Me Croels
EXPOSÉ DU LITIGE.
Vu l'appel interjeté le 24 juillet 2017 par les C… et Y… à l'encontre d'un jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TOULOUSE en date du 18 juillet 2017.
Vu les conclusions des C… et Y… en date du 28 septembre 2017.
Vu les conclusions des S.A.R.L. MOPS et SAS ORIZONS en date du 10 octobre 2017.
Vu l'ordonnance de clôture du 4 décembre 2017 pour l'audience de plaidoiries fixée au 11 décembre 2017.
Y… et X… détenant respectivement 49 % et 51 % du capital social de la S.A.R.L. MOPS (Maîtrise d'Oeuvre Partenaire des Sinistrés) ont, par acte du 31 mai 2013, cédé l'intégralité de leurs parts sociales à la SAS ORIZONS au prix de 500.000,00 euros.
Depuis cette cession, un contentieux oppose les parties sur le respect de leurs obligations respectives découlant du contrat de cession.
Diverses procédures concernent les parties :
*sur assignation délivrée le 19 septembre 2013 par les A… à l'encontre de la S.A.R.L. MOPS en paiement du solde de dividendes dus sur les résultats de l'année 2012, le tribunal de grande instance de TOULOUSE, par jugement du 11 février 2014 a institué une mesure d'expertise confiée à Z… afin notamment d'examiner les comptes de la société pour les exercices 2011 à 2013 ; cet expert a déposé son rapport le 30 juin 2016 l'instance est toujours pendante.
* par jugement du 31 décembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TOULOUSE a rejeté les contestations des sociétés MOPS et ORIZONS concernant la saisie conservatoire de créances pratiquée le 23 octobre 2013 par les A… des comptes bancaires de ces sociétés pour un montant de 242.950,00 euros.
* les sociétés MOPS et ORIZONS se sont constituées parties civiles dans le cadre de l'instruction ouverte à TOULOUSE à l'encontre des A… mis en examen pour des faits notamment d'abus de confiance, cette procédure est en cours,
* un redressement fiscal a été notifié le 11 décembre 2013 à la société MOPS au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant de 264.549,00 euros,
* par jugement du 27 octobre 2016, le Tribunal de Commerce de TOULOUSE saisi à l'initiative des sociétés MOPS et ORIZONS en paiement de diverses sommes à l'encontre des A… a constaté la litispendance avec l'instance pendante devant le tribunal de grande instance et s'est dessaisi au profit de cette juridiction.
Autorisées par ordonnance du 24 juillet 2014, les sociétés MOPS et ORIZONS ont pratiqué le 30 juillet 2014 une saisie conservatoire des comptes Crédit Mutuel et Banque Courtois des A… en garantie de la somme de 549.000,00 euros, saisie dénoncée aux A… le 31 juillet 2014.
Par acte d'huissier en date du 10 mars 2017, X… et Y… ont assigné la SAS ORIZONS et la S.A.R.L. MOPS aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire du 31 juillet 2014 à titre principal, de mainlevée partielle à hauteur de 280.000,00 euros à titre subsidiaire et d'autorisation à substituer à la saisie conservatoire une inscription d'hypothèque provisoire sur un ou plusieurs biens immobiliers.
Par jugement en date du 18 juillet 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TOULOUSE a :
- débouté X… et Y… de leur demande de mainlevée de la saisie conservatoire et de substitution de garantie,
- rejeté toute autre demande,
- condamné X… et Y… in solidum aux dépens,
- rappelé que les décisions du Juge de l'Exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.
Les B… demandent à la cour de :
- reformer la décision dont appel,
- statuant à nouveau,
- à titre principal : ordonner la main levée de la saisie conservatoire en date du 3l juillet 2014
- à titre subsidiaire ordonner la main levée partielle de la saisie conservatoire à hauteur de 280.000,00 euros.
- à titre plus subsidiaire, et si aucune mainlevée n'est accordée autoriser les demandeurs à substituer à la saisie conservatoire une inscription d'hypothèque provisoire sur un ou plusieurs biens immobiliers, ou sur toute modalité qu'il plaira au juge
- dire qu'une fois ces inscriptions faites, la main levée de la saisie conservatoire sera acquise à première demande.
Ils font valoir que :
- au fond, ils réclament aux sociétés les soldes des dividendes dus sur les résultats de 2012 et de 2013, le paiement d'un crédit vendeur outre des indemnités en réparation de leurs préjudices. Et les sociétés leur réclament une somme supérieure au prix de cession pour des chefs manifestement surévalués tant sur le différentiel de trésorerie que sur la demande au titre de la garantie de passif ou du redressement fiscal.
- les créances invoquées par les sociétés ne sont ni certaines ni liquides ni exigibles au regard de la clause de garantie de passif figurant à l'acte de cession, et l'expert n'a pas pris en compte leurs observations sur le redressement fiscal qui a été conduit de manière déloyale à leur égard.
- ainsi au jour où la saisie a été autorisée, aucune somme n'était due aux sociétés
Les S.A.R.L. MOPS et SAS ORIZONS demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris
- débouter X… et Y… de l'intégralité de leurs demandes.
- y ajoutant, condamner in solidum X… et Y… au paiement de la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elles font valoir pour l'essentiel que le rapport d'expertise judiciaire confirme le bien fondé de leurs créances telles qu'elles ont été présentées dans leur requête aux fins de saisie conservatoire, que ladite mesure est toujours justifiée, que la procédure introduite devant le tribunal de commerce se poursuit devant le tribunal de grande instance sans affecter la validité de la mesure conservatoire et que la substitution de garantie menacerait leurs créances.
Il est renvoyé aux écritures des parties, pour un plus ample exposé des moyens soulevés au soutien de leurs demandes.
MOTIFS DE LA DÉCISION *
1- Sur l'application de l'article L 511-4 du code des procédures civiles d'exécution.
Aux termes de l'article L 511-4 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État, une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas.
Aux termes de l'article R 511-7 alinéa 1 dudit code, si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.
Il est reproché aux société MOPS et ORIZONS de ne pas avoir introduit une instance au fond dans le délai d'un mois.
Cependant d'une part ce moyen est inopérant alors que la juridiction du fond a été saisie par assignation délivrée le 31 juillet 2014 soit 4 jours après la délivrance de l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire. Est indifférent le fait que le tribunal de commerce saisi ait constaté par jugement du 27 octobre 2016, la litispendance avec l'instance introduite par une assignation délivrée le 19 septembre 2013 par les B… devant le tribunal de grande instance. En effet les sociétés MOPS et ORIZONS se sont constituées devant le tribunal de grande instance dans l'instance renvoyée pour litispendance. Et le tribunal de grande instance a ordonné la jonction des instances introduites en 2013 et renvoyées devant lui par la décision de litispendance de 2016.
D'autre part les B… ne réclament pas la caducité de la mesure conservatoire, sanction applicable si leur moyen était retenu.
La procédure de saisie conservatoire est donc régulière et conserve son plein effet.
2- Sur la demande de main levée.
Aux termes de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
L'article R 512-1 du même code précise qu'il incombe au créancier de prouver que les deux conditions cumulatives sont remplies.
Le premier juge a justement rappelé que le juge auquel est déférée une mesure conservatoire, se place dans la même position que le juge qui a autorisé la mesure : il examine au jour où il statue d'une part l'apparence du principe de créance - et non la certitude, la liquidité, l'exigibilité ou le montant de la créance - et évalue d'autre part la menace qui pèse sur le recouvrement.
En l'espèce le litige au fond, longuement développé par les parties met en évidence que chacune d'elles invoque à son profit une créance née des obligations résultant de l'acte de cession qui les lie et dont elles contestent l'exécution.
Les sociétés MOPS et ORIZONS se prévalent de créances contre les B… à hauteur de la somme totale de 549.182,71 euros correspondant à un différentiel de trésorerie, à un redressement fiscal, à des condamnations et frais relatifs aux contentieux de la société MOPS, à un remboursement des honoraires perçus à tort par les cédants et ceux perçus avant réalisation et réception des travaux, ainsi qu'au remboursement des avoirs.
Le rapport définitif d'expertise de Z…, après avoir retracé les éléments juridiques du dossier et analysé les pièces comptables, bancaires et financières des sociétés MOPS et ORIZONS a conclu à un manque de loyauté et de sincérité de l'information comptable et financière due au cessionnaire tenant à la présentation d'états financiers inexacts en 2010, 2011 et 2012 et à l'absence de provisions nécessaires pour la garantie du passif ; l'expert évalue donc le préjudice résultant des inexactitudes et irrégularités comptables à la somme de 253.527 euros et celui résultant de sommes pouvant entrer dans la garantie de passif à la somme de 390.000,00 euros.
Le premier juge a justement retenu par des motifs que la cour adopte que ce rapport d'expertise - s'il est contesté par les B…, ce qui ne peut être apprécié que par le juge du fond - caractérise néanmoins l'apparence de créance exigée pour la mise en oeuvre d'une mesure conservatoire tant en son principe que pour le montant de la garantie.
Il peut être ajouté que le caractère fondé en son principe de la créance des sociétés est implicitement admis par les B…, dès lors qu'ils estiment non pas les créances infondées mais majorées et qu'ils invoquent la possibilité d'une compensation.
Concernant les menaces de recouvrement, le contentieux qui perdure entre les parties, l'absence de règlement des sommes non contestées, l'importance des sommes en jeu et le refus constant de justifier d'un patrimoine immobilier malgré les termes du jugement, caractérisent les menaces pesant sur le recouvrement.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté les contestations des B… et rejeté la demande de la mainlevée de la saisie conservatoire.
3- Sur la demande de substitution de garantie
Aux termes de l'article L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, à la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties.
Pas plus devant la cour que devant le juge de l'exécution, les B… ne justifient de l'existence d'un patrimoine immobilier susceptible de recevoir l'inscription d'une hypothèque provisoire devant se substituer à la mesure conservatoire en litige.
Leur demande de ce chef ne peut donc prospérer.
4- Sur les demandes accessoires.
Les B… succombent. Ils supporteront la charge des dépens augmentée d'une somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS *
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,
Condamne les B… in solidum à payer aux S.A.R.L. MOPS et SAS ORIZONS prises en leur ensemble la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les B… aux entiers dépens d'appel.