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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 9 août 2005, n° 04/02177

REIMS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union de Crédit Pour le Bâtiment (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ruffier

Conseillers :

M. Perrot, M. Alesandrini

Avoués :

SCP Delvincourt - Jacquemet, SCP Six - Guillaume - Six

Avocats :

SCP Fournier-Badre-Dumont, SCP Boucher Tulpin

TGI Charleville-Mézières, du 10 sept. 20…

10 septembre 2004

FAITS ET PROCEDURE

Le 1re juillet 1987, les époux X ont contracté un crédit différé et ont bénéficié d'un crédit d'anticipation auprès de l'Union de Crédit pour le Bâtiment, ci-après désignée société UCB, portant sur un capital de 360 000 francs, avec des échéances de remboursement mensuelles d'un montant de 3 923,48 francs chacune courant à compter du 1er aout 1996. En garantie du remboursement de ce crédit, la société UCB a pris une hypothèque sur un immeuble sis <adresse>, cadastré section C n’534, 532, 594 et 596.

Monsieur X, qui exerçait la profession de charcutier, a fait l'objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par le Tribunal de Commerce de Charleville-Mézières le 20 avril 1995. Postérieurement à l'ouverture de la procédure, la société UCB a continué de percevoir normalement les mensualités prélevées sur le compte de Madame X, restée in bonis.

Par arrêt infirmatif rendu le 10 décembre 1997, la Cour d'appel de céans a annulé l'ordonnance d'admission de créance rendue par le Juge-Commissaire le 29 octobre 1996 et a procédé à la vérification de la déclaration de créances de la société UCB. Par arrêt du 7 octobre 1998, elle a admis la société UCB au passif de la liquidation judiciaire pour un montant de 278 157,40 francs à titre privilégie outre intérêts au taux contractuel à échoir sous déduction des versements effectués par Madame X.

Le 21 janvier 1999, le Tribunal de commerce de Charleville-Mézières a prononcé la clôture pour extinction du passif de la liquidation judiciaire de Monsieur X.

Le 29 mars 1999, Maitre François Brucelles, liquidateur judiciaire de Monsieur X, a adressé à la société UCB un chèque d'un montant de 109 347,76 francs correspondant selon lui et les époux X au solde de la créance de la société UCB telle que fixée définitivement par la Cour d’appel de ce siège et diminuée des versements effectués par Madame X.

Par exploit en date du 10 juin 1999, les époux X ont fait assigner la société UCB devant le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières aux fins de faire constater que celle-ci a perçu le montant intégral de sa créance telle que fixée par arrêt de la Cour d’appel de céans en date du 7 octobre 1998, soldant ainsi le prêt qu'elle leur avait consenti, et d'obtenir la mainlevée de l’hypothèque prise sur l'immeuble sis <adresse>, cadastré section C n° 534, 532, 594 et 596, aux frais de I'UCB, ainsi que la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité au titre de frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 29 juin 2001, le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise confiée à Monsieur Serge Leduc aux fins d'établir un tableau récapitulant année par année et également mensuellement révolution de la créance de la société UCB fixé par la Cour d'appel de ce siège à la somme de 278 157,40 francs à la date du 7 octobre 1998, compte tenu des versements effectués par les époux X et par le liquidateur.

L'expert Serge Leduc a déposé son rapport le 13 juin 2002 aux termes duquel il a conclu que les époux X restaient devoir à la société UCB une somme de 82 402,82 francs an mois de mars 1999. La société UCB a formé une demande reconventionnelle en paiement de la dite somme.

Par jugement rendu le 10 septembre 2004, le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a :

• fait mainlevée pure et simple, entière et définitive et ordonne la radiation en tant qu'elle porte sur l'immeuble sis <adresse>, cadastre section C n° 534,532,594 et 596, de l’inscription de privilège de préteur de deniers qui a été prise le 1er septembre 1987, volume 256, numéro 131, au profit de la Compagnie Française d'épargne et de Crédit et de l'Union de Crédit pour le Bâtiment, et ce aux frais de l'Union de Crédit pour le Bâtiment,

• dit que Monsieur le Conservateur des hypothèques de Charleville-Mézières, en vertu et sur la remise d'une expédition du présent jugement, sera tenu de procéder à la radiation de ladite inscription dans les termes ou mainlevée vient d’être faite, à quoi faire contraint et le faisant, il sera valablement décharge,

• déboute les époux X de leur demande de dommages et intérêts,

• déboute l‘Union de Crédit pour le Bâtiment de sa demande reconventionnelle en paiement ainsi que de sa demande pour frais irrépétibles,

• condamne l'Union de Crédit pour le Bâtiment à payer à Monsieur X et à Madame X la somme globale de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

• ordonne I’exécution provisoire du présent jugement,

• condamne l'Union de Crédit pour le bâtiment aux dépens et dit que la SCP Boucher Tulpin, avocats, pourra recouvrer directement contra eux la part de ceux dont elle affirme avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

La société UCB a relevé appel de cette décision le 21 septembre 2004. 

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 mat 2005, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’expose de son argumentation en application des dispositions de l'article 455, alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile, la société UCB demande à la Cour d’infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de débouter les époux X de leurs prétentions et de faire droit à sa demande reconventionnelle en les condamnant solidairement à lui payer la somme de 12 582,23 € selon décompte arrêté à mars 1999, outre les intérêts postérieurs au taux contractuel jusqu'à parfait règlement, et une indemnité de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu’à supporter les entiers dépens incluant les frais et honoraires d'expertise, avec distraction de ceux d’appel au profit de son avoué.

Suivant leurs dernières écritures en réplique, déposées te 9 mai 2005, auxquelles il est également renvoyé, les époux X concluent à la confirmation de la décision entreprise et au rejet de toutes les demandes, fins, moyens et conclusions de la société UCB comme étant manifestement mal fondés. Ils réclament en outre sa condamnation b leur verser une somme de 1 500 € en indemnisation de leurs frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct de ceux d’appel au profit de leur avoue.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2005.

DISCUSSION

La société UCB reproche aux premiers juges d'avoir considéré que la clôture pour extinction du passif de la liquidation judiciaire de Monsieur X et le versement du solde de sa créance à I'UCB par le liquidateur impliquait l'extinction de la dite créance. Elle fait valoir qu'elle détient une créance sur le co-emprunteur in bonis qui ne peut nullement être affectée par la clôture de la liquidation, fût-elle par extinction du passif et prétend que la décision entreprise ne repose sur aucune base juridique sérieuse.

Les époux X prétendent au contraire que la situation à l'égard de Monsieur X est régie par les dispositions d'ordre public du loi de 1985 et par l’autorité de la chose jugée le 21 janvier 1999 par le Tribunal de commerce. Ils font valoir que la discussion porte sur une créance produite à la liquidation judiciaire de Monsieur X, de sorte que toute discussion relative à cette créance relèverait de la compétence exclusive du Tribunal de commerce et que la Cour ne pourrait en connaitre, de sorte que les demandes de la société UCB tendant à obtenir sa condamnation ne seraient pas recevables.

Ils soutiennent qu'étant coemprunteurs solidaires, l'apurement du passif l'égard de Monsieur X vaut également pour son épouse conformément aux dispositions de l'article 1200 du Code civil, de sorte qu’ils ne sont présentement débiteurs d'aucun solde envers la société UCB.

Sur ce en application des dispositions de l'article L. 622-30 du Code de commerce, lorsque la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif est prononcée, comme en l’espèce au motif que le liquidateur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et non parce qu’il n'existe plus de passif exigible, le jugement de clôture n'a pas l’autorité de la chose jugée quant à l'extinction des créances admises au passif, étant observé que dans cette hypothèse les règlements opérés par le liquidateur judiciaire ou par le débiteur interviennent nécessairement postérieurement à la décision invoquée. Force est de constater que tel est bien le cas en l’espèce dès lors que le liquidateur a procédé au paiement de ce qu’il estimait être le solde restant dû de la créance de la société UCB le 29 mars 1999, soit plus de deux mois après le jugement dont excipent les époux X alors que la société UCB conteste expressément le calcul des sommes restant dues effectué en l’occurrence par le liquidateur et par les époux X. La Cour observe au demeurant que ces derniers se sont vu remettre par le liquidateur, le 31 mars 1999, une somme de 80 671,09 francs correspondant au solde de ses disponibilités.

II s’ensuit que le jugement du 21 janvier 1999, qui est fondé sur le fait que Monsieur X est redevenu in bonis, n'emporte pas pour autant constatation de l'extinction de la créance de la société UCB à l'égard de ce dernier, de sorte que les intimés sont par suite tenus de rapporter la preuve du paiement conformément aux dispositions de l'article 1315, alinéa 2 du Code civil.

C'est vainement que Monsieur X prétend que toute discussion relative à la créance de la société UCB relèverait de la compétence exclusive du Tribunal de commerce en application des dispositions d'ordre public de la loi du 25 janvier 1985. En effet, d’une part, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée, dessaisissant ainsi la juridiction consulaire, et, d'autre part, le litige ne porte pas sur le montant de la créance de la société UCB, qui a été définitivement fixée par la Cour de céans dans son arrêt du 7 octobre 1998, mais sur le paiement de cette créance par les époux X.

En l’espèce, force est de constater que les époux X échouent à rapporter la preuve du règlement intégral de la créance dès lors qu’il s’évince des conclusions pertinentes du rapport d’expertise déposé en la cause par l'expert Serge Leduc, qui ne soulèvent de leur part aucune critique technique argumentée, qu’ils restaient devoir à la société UCB la somme de 82 402.82 francs, soit 12 562,23 euros, à la fin du mois de mars 1999 ; étant rappelé que les intérêts au taux contractuel ont continué à courir sur la créance admise au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur X par l’arrêt du 7 octobre 1998, ce dont les intimés n'ont manifestement pas tenu compte ; il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter les époux X de l'intégralité de leurs prétentions.

Sur la demande reconventionnelle de la société UCB, il échet de retenir en premier lieu que le jugement de clôture de liquidation judiciaire intervenu sur le fondement de l'article L. 622-30, 1° du Code de commerce du fait de l'existence de disponibilités suffisantes pour assurer le règlement du passif a fait recouvrer à la société UCB I’exercice individuel de son action contre Monsieur X, redevenu maitre de ses biens. Si la créance de la société UCB a d'ores et déjà été fixée, en revanche celle-ci ne dispose pas pour autant d'un titre exécutoire à l'encontre de Monsieur X, la procédure prévue par l'article L. 622-32, IV du Code de commerce en matière de clôture pour insuffisance d’actif étant inapplicable à la clôture pour extinction du passif. Elle ne dispose à fortiori d'aucun titre à l'encontre de Madame X, de sorte que la demande doit être déclarée recevable et fondée. II y a lieu par suite de condamner solidairement les époux X à payer à la société UCB la somme de 12 562,23 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du mois d'avril 1999.

Compte-tenu des éléments de la cause, il échet de fixer à la somme de 1 500 euros le montant des frais irrépétibles exposes par la société UCB qui seront mis à la charge des époux X en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par décision contradictoire,

Dit recevable en la forme et bien fondé l’appel interjeté par la société Union de Crédit pour le Bâtiment ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu en la cause le 10 septembre 2004 par le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières ;

Statuant à nouveau, déboute Monsieur X et Madame X de l’intégralité de leurs prétentions ;

Condamne Monsieur X et Madame X à payer solidairement à l'Union de Crédit pour le Bâtiment la somme de 12 562,23 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 9,85 % l’an à compter du mois d'avril 1999 et jusqu'à parfait règlement ;

Condamne en outre Monsieur X et Madame X in solidum à payer à l’union de Crédit pour le Bâtiment une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur X et Madame X in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Delvincourt Jacquemet, avoués, à procéder à leur recouvrement direct dans les conditions fixées par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.