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Décisions

CA Aix-en-Provence, 11e ch. b, 5 novembre 2015, n° 14/19867

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

TI Martigues, du 6 nov. 2013

6 novembre 2013

Par contrat du 17 novembre 2008, Madame Alphonsine H. a donné mandat à la société cabinet L. de gérer la location d'un appartement situé [...], dont elle est propriétaire et donné à bail le 1er mars 2009 à Monsieur Paul F., moyennant un loyer mensuel de 430€.

Le tribunal d'instance de Martigues, saisi par assignation délivrée le 6 novembre 2013 par Madame H. à la société Cabinet L., a par jugement contradictoire du 16 septembre 2014 condamné la société Cabinet L. à verser à Madame Alphonsine H. la somme de 6 000€ au titre des préjudices subis en raison de la mauvaise exécution du contrat de mandat et 1 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 octobre 2014, la société Cabinet L. a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 1er avril 2014, elle demande à la cour de :

* infirmer le jugement entrepris,

* débouter Madame H. de ses demandes,

* la condamner à lui régler :

- 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à prendre en charge les dépens.

Elle expose :

- qu'alerté par les odeurs suspectes provenant des lieux loués, elle a fait intervenir le 27 mars 2013, le service des pompiers afin de faire ouvrir l'appartement, que découvrant alors que le logement avait été abandonné par le locataire, elle a fait intervenir immédiatement une société de nettoyage et de désinfection,

- que le choix du locataire a été opéré par Madame H. seule, séduite par la situation de célibataire de Monsieur F. qui vivait en réalité avec une compagne et leurs 4 enfants,

- que Madame H. reproche au mandataire de ne pas avoir oeuvré afin de faire résilier le bail en raison de la présence des membres de la famille du locataire dans le studio donné à bail, que toutefois, le preneur ne peut se voir priver de la possibilité d'héberger ses proches,

- que durant l'année 2011, décelant un défaut d'entretien, elle a immédiatement avisé le locataire de son obligation de restituer les lieux en bon état et qu'il en avait convenu,

- que Madame H., dûment avisée du terme du bail, avait souhaité son renouvellement, se félicitant du paiement régulier des loyers par le CAF,

- qu'en novembre 2012, le cabinet L. a fait intervenir une société de désinfection et en a informé la bailleresse,

- qu'une perte de chance n'ouvre droit à indemnisation que si elle se rattache au fait supposé dommageable par un lien de causalité, que les travaux de remise en état du logement en raison de dégradations imputables à un défaut d'entretien du locataire sont sans lien direct et certain avec la suroccupation des lieux dont la bailleresse rend son mandataire responsable.

Aux termes de ses écritures déposées et notifiées le 5 février 2015, l'intimée conclut :

* à la confirmation du jugement sauf sur le montant des sommes allouées,

* à la condamnation du cabinet L. à lui régler :

- 9 025,62€ au titre du préjudice subi,

- 1 000€ et 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à prendre en charge les dépens.

Elle fait valoir :

- que lors du départ du locataire, elle a appris que le studio donné en location à Monsieur F. était en réalité occupé par 6 personnes, lui-même, son épouse et leurs 4 enfants, que cette promiscuité est à l'origine des dégradations intervenues dans les lieux loués,

- que le cabinet L., dûment avisé de cette situation, aurait prendre l'initiative d'une procédure judiciaire afin de faire résilier le bail,

- qu'elle a dû faire procéder à la réfection des lieux loués en raison de mauvais état dans lequel l'appartement a été rendu et que son mandataire doit l'indemniser du préjudice subi.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2015.

SUR CE :

Attendu que les parties ont conclu le 17 novembre 2008 un contrat de mandat aux termes duquel le cabinet L., mandataire, gérait le bien immobilier dont Madame H., mandante, était propriétaire ; que la mission de louer en totalité ou en partie le bien était dévolue au cabinet L. avec notamment l'obligation de conclure et renouveler tous les baux, les résilier avec sans indemnité, donner ou accepter les congés, faire faire toutes les réparations et d'exiger du locataire les réparations à sa charge ;

Attendu que le 1er mars 2009, Monsieur Pascal F., locataire prenait possession des lieux conformément au contrat de bail souscrit avec la bailleresse qui lui faisait en autre l'obligation de jouir paisiblement des lieux et de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, qu'il les restituera en mars 2013 dans un état dégradé ainsi que cela résulte du constat d'huissier établi le 28 mai 2013 alors que l'état d'entrée dans les lieux attestait de leur bon état ;

Attendu que Madame H. reproche à son mandataire un défaut de diligences et une négligence blâmable dans la gestion du bien, notamment en laissant le locataire, célibataire, occupée les lieux avec sa compagne et ses enfants et en ne l'alertant pas sur cette situation ;

Attendu toutefois que l'accueil par le locataire de sa compagne et d'enfants dans le studio loué, qui n'est pas contestée par les parties, n'autorisait pas le bailleur à le priver de son logement, de sorte que le défaut d'information incriminé était sans conséquence pour Madame H. ;

Attendu que de surcroît, le 29 juillet 2011, le cabinet L. a avisé la bailleresse de l'arrivée du terme du bail conclu avec Monsieur F. le 29 février 2012 et de la possibilité d'y mettre fin pour motif légitime en sollicitant ses instructions, qu'aucune réponse n'a été apportée à cette correspondance, que le fait qu'il s'agisse d'une lettre type n'est pas de nature à lui ôter toute force probante ; que le cabinet L. a expressément informé la bailleresse des délais et formes que devait revêtir tout congé, que cette dernière n'a pas souhaité donner suite à une telle procédure ;

Attendu que le cabinet L. dans un courrier du 21 mai 2013 reconnaît que dès le mois de septembre 2011, alerté sur l'existence d'un éventuel défaut d'entretien locatif, il avait obtenu de Monsieur F., un engagement écrit de restituer les lieux dans leur état lors de sa prise de possession c'est à dire ' propre et en parfait état' ; que tel n'a pas été le cas puisque le 26 mars 2013, le syndic dénonçait les odeurs désagréables en provenance du studio, que le 27 mars 2013, le service départemental d'incendie et de secours de Bouches du Rhône intervenait pour forcer la porte de l'appartement loué en raison d'une forte odeur suspecte, que le 31 mars 2013, une entreprise 'Hygiène et prévention' procédait à l'enlèvement des denrées alimentaires avariées et que le 28 mai 2013, Maître M., huissier de justice, établissait un état de sortie des lieux dont il résultait que les lieux n'avaient pas été restitués en bon état ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 1992 du code civil, le mandataire, qui est censé faire preuve de diligence, est tenu d'agir avec promptitude et célérité afin d'exécuter son mandat au mieux des intérêts du mandant ; que notamment pour mener à bien sa mission, il est soumis à une obligation de conseil et de renseignement vis à vis du mandant et doit répondre des fautes commises dans sa gestion ;

Attendu que la bailleresse évoque à l'appui de ses demandes, la carence de l'agence immobilière qui n'a pas pris l'initiative d'une procédure de résiliation du bail qui aurait permis, selon elle, d'éviter toute dégradation dans les lieux loués ;

Attendu toutefois que le cabinet L. n'était tenu qu'à une obligation de moyen de sorte qu'il appartient à la mandante de prouver la faute dans l'exécution du mandat, que chargé d'administrer un appartement donné en location, en vertu d'un mandat général donné par la propriétaire, le cabinet L. a entrepris toutes les démarches pour mener à bien sa mission; qu'il n'est nullement établi qu'en juillet 2011, date à laquelle le renouvellement du bail était envisagé, l'existence de dégradations dans les lieux loués était portée à sa connaissance, qu'alerté sur les éventuels désordres affectant les lieux loués en septembre 2011, il a obtenu du locataire l'engagement de les restituer en bon état, sans pour autant qu'il soit acquis que le cabinet L. connaissait avec certitude et exactitude l'existence de dégradations dans les lieux loués et leur ampleur ;

Attendu que la bailleresse qui incrimine l'attitude passive du mandataire, n'établit pas que ce dernier avait connaissance d'un défaut d'entretien locatif suffisamment grave pour justifier une résiliation du bail ; qu'à défaut, l'action téméraire du cabinet de gestion, qui aurait engagé une procédure de résiliation vouée à l'échec, aurait été de nature à engager sa responsabilité, outre qu'il n'est nullement établi que la saisine de la juridiction aurait permis d'éviter les dégradations dans les lieux loués ;

Attendu qu'il n'est pas établi par les éléments du dossier que le cabinet L. a failli dans l'exécution de sa mission, qu'il convient d'infirmer la décision des premiers juges et de débouter Madame H. de ses demandes ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance ni pour celle d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré,

Déboute Madame Alphonsine H. de ses demandes.