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Décisions

CA Metz, ch. des urgences, 4 avril 2017, n° 16/00839

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Team Services (Sasu)

Défendeur :

Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Messias

Conseillers :

Mme Flauss, M. Beaudier

TGI Metz, 1er mars 2016

1 mars 2016

EXPOSE DU LITIGE

La SASU TEAM SERVICES est une société messine spécialisée dans le transport, l'archivage et l'affranchissement de courriers pour professionnels ;

En vue de l'extension de nouveaux bâtiments dans la zone industrielle de METZ-Nord et de la réalisation de travaux et de l'aménagement du local commercial situé [...], elle a obtenu en date du 11 décembre 2015, un accord de la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE (ci-après dénommée SA CAISSE D'EPARGNE) pour l'attribution d'un prêt de 330 000,00 € ;

Cet accord avait une durée de validité de trois mois, délai devant permettre à l'emprunteur potentiel de fournir les derniers documents utiles ;

Cependant dès réception de cet accord de financement, la SASU TEAM SERVICES a contacté des prestataires et s'est engagée auprès d'eux pour leur confier les travaux envisagés grâce à l'obtention du prêt sollicité. Ainsi, le 14 décembre 2015, elle a contracté avec la société ABC RENOV à HAYANGE pour un montant de 396 711,98 € dont 35% exigibles à la commande, soit 139 549,193 €, ainsi qu'avec la société TF CRÉATION à WOIPPY pour un montant de 10 000,00 € dont 5 000,00 € exigible à la commande et, enfin, avec la société TRT PHONEST à LA MAXE, pour un montant de 41 770,28 € dont une somme de 12 516,084 € exigible au début des travaux ;

Ces entreprises ont commencé leurs travaux dès le 15 décembre 2015, le président de la SASU TEAM SERVICES affirmant pour sa part avoir eu confirmation téléphonique, mais sans équivoque, d'Y, représentant de la SA CAISSE D'EPARGNE, de ce qu'il pouvait engager les travaux ;

Le 15 décembre 2015, en l'absence de finalisation de la convention du 11 décembre 2015, X, président de la SASU TEAM SERVICES, a demandé par voie de mise en demeure à la SA CAISSE D'EPARGNE de procéder aux dernières formalités , c'est à dire, la signature du contrat de nantissement et la signature de la caution personnelle de X à hauteur de 30%, permettant la mise à disposition de la somme convenue de 330 000,00 € ;

Mais le 24 décembre 2015, la SA CAISSE D'EPARGNE a fait tenir un courrier à la SASU TEAM SERVICES l'informant de sa décision de 'refus d'entrée en relation' ;

C'est dans ces conditions que la SASU TEAM SERVICES a assigné en référé par devant le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ, le 5 janvier 2016, la SA CAISSE D'EPARGNE aux fins de voir ordonner à cette dernière de procéder à la finalisation des formalités, à savoir :

- la signature du nantissement du fonds de commerce de la SASU TEAM SERVICES ;

- la signature de la caution personnelle et solidaire de X à hauteur de 30% ;

Il a été sollicité, en outre, du juge des référés saisi qu'il ordonne à la SA CAISSE D'EPARGNE de mettre à disposition de la SASU TEAM SERVICES la somme de 330 000,00 € convenue, le tout sous astreinte de 500,00 € par jour de retard à compter de la notification/signification de l'ordonnance à intervenir et la condamnation de la SA CAISSE D'EPARGNE au paiement d'une somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par ordonnance de référé en date du 1er mars 2016, le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ a :

- constaté l'existence d'une contestation sérieuse ;

- dit en conséquence n'y avoir lieu à référé sur le fondement de l'article 872 du code de procédure civile ;

- déclaré son incompétence sur les demandes principales formées par la SASU TEAM SERVICES;

- débouté la SASU TEAM SERVICES de ses demandes formées à titre subsidiaire sur l'article 873 du code de procédure civile ;

- condamné la SASU TEAM SERVICES à payer à la SA CAISSE D'EPARGNE la somme de 750,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SASU TEAM SERVICES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SASU TEAM SERVICES à régler les dépens ;

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de droit par provision ;

Pour statuer ainsi, le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ relève qu'une banque a toute liberté, sauf existence d'un engagement antérieur, pour proposer ou consentir un crédit ou pour s'abstenir ou refuser de le faire ;

Il considère que le courrier du 11 décembre 2015 sur lequel la SASU TEAM SERVICES fonde sa demande en ce qu'il prévoit un délai de validité à cet accord de financement et justifie l'urgence qu'elle allègue, ne constitue que la reprise de celui du 7 décembre 2015 présenté comme une 'proposition d'accompagnement' par laquelle la SA CAISSE D'EPARGNE a sollicité la transmission de divers documents ;

Le juge des référés de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ en déduit alors que le courrier du 11 décembre 2015 est simplement une proposition de crédit comportant, d'une part, un délai de levée d'option et, d'autre part, une condition suspensive tenant à la fourniture de pièces et de garanties par la SASU TEAM SERVICES mais que cette proposition n'a pas été suivie d'une formalisation de l'accord des volontés des deux parties, de sorte qu'il y a là une contestation sérieuse ;

S'agissant de la demande subsidiaire formée par la SASU TEAM SERVICES sur la base de l'article 873 du code de procédure civile, il a jugé que le trouble manifestement illicite ne saurait résulter d'une violation d'obligations contractuelles relatives à un contrat dont la validité elle-même est sujette à contestation sérieuse et ce, d'autant que la requérante n'établit aucun dommage imminent susceptible de fonder son action ;

Par déclaration au greffe de cette Cour, enregistrée le 10 mars 2016 sous le numéro RG 16/00839, la SASU TEAM SERVICES a interjeté appel de l'ordonnance de référé rendue le 1er mars 2016 par le président du Tribunal de grande instance de METZ ;

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n° 2, en date du 11 octobre 2016, la SASU TEAM SERVICES demande à la Cour de :

- dire et juger les présentes conclusions recevables en la forme ;

- constater que la proposition de crédit du 11 décembre 2015 est un acte unilatéral ;

- débouter la SA CAISSE D'EPARGNE de toutes ses demandes et prétentions formulées à l'égard de la SASU TEAM SERVICES ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 1er mars 2016 par le juge des référés de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ ;

- statuant à nouveau,

- ordonner et enjoindre à la SA CAISSE D'EPARGNE de procéder à la finalisation des formalités, à savoir :

* la signature du nantissement du fonds de commerce de la SASU TEAM SERVICES ;

* la signature de la caution personnelle et solidaire de X, à hauteur de 30 % ;

le tout, sous peine d'astreinte de 500,00 € par jour de retard à compter de la notification/signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la SA CAISSE D'EPARGNE aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SASU TEAM SERVICES une somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A l'appui de ses demandes, la SASU TEAM SERVICES fait valoir :

- que la preuve que X est bien le président de la SASU TEAM SERVICES ressort bien de la publication au registre de commerce et des sociétés de METZ, ce qui est opposable aux tiers en vertu de l'article L.123-9 du code de commerce, ladite publication n'étant pas nulle en raison de l'absence de procédure de tierce opposition puisque la SA CAISSE D'EPARGNE n'a pas cru utile d'user de cette voie de recours contre la nomination de X comme président de la SASU TEAM SERVICES ;

- qu'en tout état de cause, la nullité alléguée par la SA CAISSE D'EPARGNE quant au défaut de qualité pour agir de X devait être soulevée en première instance 'in limine litis' et celui qui s'en prévaut devait démontrer l'existence d'un grief ;

- que sur le fond, se demandes sont axées sur les articles 872 et 873 du code de procédure civile et qu'à cet égard, l'urgence n'est pas contestée et ce d'autant qu'elle disposait de trois mois pour finaliser la proposition de crédit du 11 décembre 2015, de sorte que ses intérêts financiers étaient menacés à brève échéance du fait des acomptes dus à la commande ou au début des travaux auprès des trois prestataires précédemment évoqués, soit au total une somme de 157 065,277 €;

- que cette somme représente le double du résultat qu'elle a réalisé en 2014, 138% de ses capitaux propres et la quasi-totalité de sa caisse et qu'il est ainsi démontré que la santé financière de l'entreprise a été gravement menacée par la décision de la SA CAISSE D'EPARGNE ;

- que dans le délai de trois mois, la SASU TEAM SERVICES avait bien réuni les documents manquant à la signature, c'est à dire la signature du contrat de nantissement et la signature de la caution personnelle de X à hauteur de 30% mais que c'est le refus opposé par la SA CAISSE D'EPARGNE de la recevoir qui a empêché la remise desdites pièces ;

- qu'ainsi la proposition de crédit du 11 décembre 2015 doit s'analyser comme un avant-contrat, c'est à dire un acte unilatéral, préalable à la signature d'un autre contrat dont l'objet aurait été l'octroi effectif du prêt de 330 000,00 € ;

- que l'acte du 11 décembre 2015 est bien un avant-contrat et non un accord de principe puisqu'il n'y figure aucune réserve d'usage de la part de la SA CAISSE D'EPARGNE pourtant indispensable pour qualifier un accord de principe et le distinguer d'un avant-contrat ;

- qu'au regard de l'article 873 du code de procédure civile, il appartenait au juge des référés, en cas de contestation sérieuse de trancher pour déterminer si la violation alléguée constituait un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin et donc de savoir si l'offre de crédit du 11 décembre 2015 avait ou non une valeur contractuelle ;

- qu'en l'espèce, le trouble manifestement illicite est constitué par la violation flagrante d'une règle de droit, proche de la voie de fait et suffit à fonder la compétence du juge des référés, ledit trouble ayant consisté dans le refus opposé par la SA CAISSE D'EPARGNE de permettre à la SASU TEAM SERVICES de lui fournir les documents dont elle n'avait pas encore eu connaissance et qui étaient indispensables pour permettre la signature du contrat de crédit, ainsi que l'établit un courrier du 28 décembre 2015 ;

Au visa de ses ultimes écritures récapitulatives n°2 du 30 août 2016, la SA CAISSE D'EPARGNE sollicite la Cour de :

- dire irrecevables pour défaut de qualité à agir, l'assignation ainsi que l'appel formé par la SASU TEAM SERVICES représentée par X, pris en sa qualité de président de la société ;

- subsidiairement, constater qu'il existe une contestation sérieuse sur la validité de la délibération ayant désigné X en qualité de président de la SASU TEAM SERVICES et, par voie de conséquence, sur la capacité de X à représenter la SASU TEAM SERVICES ;

- encore plus subsidiairement, dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté le 10 mars 2016 par la SASU TEAM SERVICES contre l'ordonnance rendue le 1er mars 2016 par le Tribunal de grande instance de METZ ;

- après avoir constaté l'existence d'une contestation sérieuse portant non seulement sur l'existence d'une obligation contractuelle mais encore sur les conséquences juridiques d'un éventuel non-respect de ces obligations, confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamner la SASU TEAM SERVICES en tous les frais et dépens d'instance et d'appel;

- condamner la SASU TEAM SERVICES à verser à la SA CAISSE D'EPARGNE une somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Au soutien de ses prétentions, la SA CAISSE D'EPARGNE expose :

- que, à la lumière de l'article 15 alinéa 1er des statuts de la SASU TEAM SERVICES, mis à jour le 1er décembre 2015 à la suite d'une assemble générale extraordinaire, elle émet des doutes sur la désignation de X en qualité de président de la SASU TEAM SERVICES dans la mesure où le président en question doit nécessairement être associé au sein de la société et que la totalité du capital social de la SASU TEAM SERVICES appartient à la SA GOLD TEAM ;

- que X ne détient pas davantage la moindre action dans la SA GOLD TEAM dont le capital social a été détenu, dans sa totalité, successivement par la société AELSION, puis par la société TEMPLAR HOLDING INTERNATIONAL ;

- que la SASU TEAM SERVICES ne conteste pas l'irrégularité de la désignation de X en soutenant à tort que celle-ci ne peut lui être opposée en application de l'article L.123-9 du code de commerce puisque le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n'a aucun pouvoir d'appréciation au fond quant à la validité des actes qui lui sont remis, en vertu des articles R.123-94 et R.123-139 du code de commerce . Ce magistrat ne peut donc prononcer la nullité des délibérations et des procès-verbaux des assemblées générales des actionnaires et du conseil d'administration, de sorte que les tiers peuvent se prévaloir de la nullité de ces délibérations et des procès-verbaux subséquents ;

- que, subsidiairement, même si la requête de la SASU TEAM SERVICES devait être jugée recevable, elle n'en est pas moins mal fondée car il n'existe aucune obligation contractuelle à la charge de la SA CAISSE D'EPARGNE car, en accédant finalement à la demande de prêt sollicitée par la SASU TEAM SERVICES, la SA CAISSE D'EPARGNE engageait sa responsabilité du fait que l'identité réelle du détenteur de parts de la SASU TEAM SERVICES n'est pas clairement établie et, d'autre part, compte tenu du manquement au devoir de conseil et de mise en garde qu'elle encourrait eu égard les capacités d'endettement limitées de l'appelante. Il existe donc une contestation sérieuse sur les obligations de la SA CAISSE D'EPARGNE ;

- que le courrier du 11 décembre 2015 qu'elle a fait parvenir à la SASU TEAM SERVICES n'est qu'un accord de principe général aux fins d'entrer en relation, après la fourniture de documents qui auraient permis à la banque de procéder à des vérifications plus approfondies, la SASU TEAM SERVICES n'étant pas jusqu'ici l'une de ses clientes habituelles ;

- que, de plus, la lettre de refus d'entrer en relation en date du 24 décembre 2015 émanant de la SA CAISSE D'EPARGNE est intervenue avant que la SASU TEAM SERVICES manifeste un quelconque accord de volonté et qu'ainsi, il existe une contestation sérieuse relativement à l'existence d'un contrat susceptible d'exécution forcée ;

- qu'enfin, dans une promesse unilatérale de contracter, tant que le bénéficiaire n'a pas levé l'option, l'obligation du promettant ne constitue qu'une obligation de faire dont la violation se résout exclusivement en dommages et intérêts et non en l'obligation de réaliser le contrat;

Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la Cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande et de l'appel

Attendu qu'il ressort de l'extrait Kbis relatif à l'immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés de METZ que la SASU TEAM SERVICES a été immatriculée le 5 février 2013 et dispose d'un capital social de 31 000,00 € ;

Qu'il y est précisé que le président de la société est X, demeurant à LUXEMBOURG;

Que l'extrait dont s'agit date du 7 décembre 2015 (pièce n°8 de l'appelante) alors que la proposition d'accompagnement date du 11 décembre 2015 et est, en conséquence, postérieure à celui-ci ;

Attendu qu'il s'évince des statuts de la SASU TEAM SERVICES, tels qu'ils résultent d'une assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2015, que le président de cette société est une personne physique associé de ladite société pour une durée limitée ou non, nommé par décision collective des associés ;

Qu'aux termes de l'article 15 alinéa 5 desdits statuts 'Pour la nomination du premier président, les associés décident, par voie statutaire, de nommer en cette qualité, pour une durée indéterminée, Monsieur X, né le <date> à MONT SAINT MARTIN (Meurthe et Moselle - France), demeurant <adresse>, Grand Duché de Luxembourg' ;

Attendu par ailleurs qu'au visa de l'article 6, il est stipulé que la totalité du capital social, soit 31 000,00 € est apportée par la SA GOLD TEAM ;

Attendu que la SA GOLD TEAM a été constituée au Luxembourg le 29 janvier 2013 et, qu'à l'instar de la SASU TEAM SERVICES, elle ne comprend qu'un seul actionnaire qui détient les 91 000,00 € constitutifs du capital social, à savoir la SA AELSION INVESTISSEMENTS (pièce n°5 de l'intimée) ;

Qu'aux termes de la première résolution figurant dans les statuts de cette société, il est précisé que X est appelé aux fonctions d'administrateur jusqu'en 2018 automatiquement en application des articles 8 alinéa 1er et 9 alinéa 3 ;

Que représentant à lui-seul le conseil d'administration, X dispose, en application de l'article 9 'des pouvoirs les plus étendus pour gérer les affaires sociales et accomplir tous les actes d'administration et de dispositions nécessaires ou utiles à la réalisation de l'objet social.';

Attendu en conséquence que X, désigné en tant qu'administrateur unique de la SA GOLD TEAM laquelle détient la totalité du capital social de la SASU TEAM SERVICES, pouvait légitimement tant assigner la SA CAISSE D'EPARGNE devant le juge des référés qu'interjeter appel contre l'ordonnance rendue par ce dernier ;

Qu'en effet, en droit français, si le président ou le directeur général d'une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) est une personne morale, la loi dispose que le dirigeant de cette personne morale est soumis aux mêmes conditions et obligations qu'une personne physique , de même qu''il encourt les mêmes responsabilités civiles et pénales que s''il était président ou dirigeant en son nom propre et ce, sans préjudice de la possible responsabilité solidaire de la personne morale qu''il dirige, elle-même président de la SASU ;

Qu'il s'ensuit que l'article 15 des statuts de la SASU TEAM SERVICES, s'ils avaient stipulé que le président de la société serait une personne morale associée, seule la SA GOLD TEAM aurait pu être désignée laquelle est, comme il a été précédemment rappelé, représentée par son administrateur unique, X ;

Que dès lors qu'il n'existe qu'un seul associé dans le capital de la SAS TEAM SERVICES et que celui-ci est une personne morale et non une personne physique , il s'infère que le représentant légal de cette personne morale, en l'occurrence X, est le seul à pouvoir prétendre à la qualité de président; le critère d'associé au capital social déterminant celui de la personne à désigner ;

Attendu que l'interprétation des clauses statutaires lorsqu'elles manquent de précision ou sont ambiguës, comme c'est le cas en l'espèce, doit être effectuée à l'aune de la volonté commune des parties, qu'il y a donc lieu de considérer que X a, par ricochet, la qualité d'associé requise par l'article 15 des statuts à travers la SA GOLD TEAM, personne morale ;

Que le manque relatif de clarté de l'article 15 précité ne peut s'analyser comme une irrégularité de fond affectant les statuts eux-mêmes et les délibérations et les procès-verbaux des assemblées générales des actionnaires et du conseil d'administration ;

Qu'en conséquence, il convient d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par la SA CAISSE D'EPARGNE tendant à voir déclarer irrecevables l'assignation initiale et la déclaration d'appel pour défaut de qualité à agir de X ;

Sur le fond

Attendu qu'aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.' ;

Qu'au visa de l'article 873 du même code, ' Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.' ;

S'agissant de la détermination de la notion d'urgence

Attendu que par courriel en date du 7 décembre 2015, Y, gestionnaire de clientèle spécialisé à la SA CAISSE D'EPARGNE a transmis à X, président de la SASU TEAM SERVICES, une 'proposition d'accompagnement' portant sur un prêt global consenti pour sept ans et portant sur une somme de 330 000,00 €, avec taux fixe à 2,10% l'an ;

Que dans ce message, Y informe son interlocuteur des pièces nécessaires à l'ouverture de crédit, à savoir un extrait Kbis de moins de trois mois, une copie des statuts certifiés conformes par le représentant légal de l'entreprise, un justificatif relatif à la nomination et aux pouvoirs du ou des représentants (s) légal (aux) de l'entreprise si ces informations sont absentes du Kbis ou des statuts, ainsi qu'une copie recto-verso de la pièce d'identité du(des) représentant(s) légal (aux) et des personnes habilitées à faire fonctionner le compte (pièce n°1 de l'intimée) ;

Attendu cependant qu'Y précise encore que les parties peuvent échanger sur le fonctionnement du compte et les échanges de données informatisées ;

Que cette seule mention démontre le caractère non définitif de l'engagement de la SA CAISSE D'EPARGNE dont il est possible d'imaginer que, nonobstant la remise des pièces requises, elle puisse ne pas s'entendre avec la SASU TEAM SERVICES sur le fonctionnement du compte ou les échanges de données informatisées évoqués ;

Attendu cependant que, par lettre simple en date du 11 décembre 2015, la SA CAISSE D'EPARGNE a informé X de son accord de financement, valable pour une durée de trois mois, pour le montant, la durée et le taux d'intérêt envisagés dans le mail du 7 décembre 2015 (pièce n°1 de l'appelante et n°6 de l'intimée) ;

Que de même, les garanties demandées sont réitérées, à savoir, une contre-garantie Banque Publique d'Investissement (BPI) à hauteur de 50% et une caution solidaire de X à hauteur de 30% mais qu'il y est toutefois ajouté, dans la lettre du 11 décembre 2015, le nantissement du fonds de commerce en rang utile ;

Attendu que suivant courrier en date du 9 décembre 2015, la BPIFRANCE FINANCEMENT a donné son accord de garantie à la SASU TEAM SERVICES (pièce n°4 de l'appelante) ;

Mais attendu que le 24 décembre 2015, par lettre recommandée avec avis de réception, la SA CAISSE D'EPARGNE a porté à la connaissance de la SASU TEAM SERVICES sa décision de ne pas donner suite à la demande de prêt de cette dernière, après 'analyse exhaustive' du dossier (pièce n°6 de l'appelante) ;

Attendu que, s'agissant de la condition d'urgence prescrite par l'article 872 du code de procédure civile, celle-ci ne saurait se déduire de la seule menace des intérêts financiers de la SASU TEAM SERVICES sans que soit déterminée, au préalable, la cause à l'origine de la situation dont s'agit, ce qui implique l'absence de toute contestation sérieuse ou l'existence d'un différend ;

Attendu qu'ainsi, le simple fait que la SASU TEAM SERVICES ait engagé, dès le 14 décembre 2015, des travaux auprès de trois prestataires impliquant le versement immédiat d'acompte, avant même d'avoir finalisé matériellement l'accord de prêt du 11 décembre 2015, s'analyse comme la conséquence de l'interprétation univoque donnée à la portée de l'accord du 11 décembre 2015;

Qu'il doit être relevé que s'agissant du premier devis de travaux impliquant la société ABC RENOV MULTIPOOL (pièce n°2 de l'appelante), il apparaît qu'il a été établi le 23 octobre 2015 et avait une date de validité arrivant à expiration le 23 novembre 2015, soit avant même les échanges électroniques ou épistolaires entre la SASU TEAM SERVICES et la SA CAISSE D'EPARGNE, de sorte que cette offre était caduque au 11 décembre 2015 et qu'il n'existait pas une urgence particulière à réaliser les travaux envisagés au profit de cette entreprise dès le 14 décembre 2015 ;

Qu'en tout état de cause, la SASU TEAM SERVICES ne le démontre pas ;

Attendu que le deuxième devis évoqué par l'appelante, concernant la société TF CRÉATION, a été établi le 1er décembre 2015, c'est à dire là encore avant même la proposition d'accompagnement du 7 décembre 2015, mais que toutefois, le délai de validité dudit devis expirait le 15 décembre 2015, soit le lendemain du 'bon pour accord' délivré par X (pièce n°3 de l'appelante) ;

Qu'enfin, s'agissant du troisième devis relatif à l'intervention de la société TRT PHONEST, il y a lieu de constater que son établissement date du 2 décembre 2015 et que son délai de validité était prévu au 17 janvier 2016 (pièce n°9 de l'appelante), de sorte que là encore, la SASU TEAM SERVICES ne rapporte pas la preuve de l'urgence à s'engager, dès le 14 décembre 2015, auprès de cette société ;

Attendu qu'en conséquence, aucun des travaux envisagés, à l'exception de ceux confiés à la société TF CRÉATION mais qui représentent à peine plus de 2% (10 000,00 € sur un total de près de 450 000,00 €) du montant total des travaux à effectuer, ne revêtait une urgence telle qu'elle obligeât X a engagé financièrement et lourdement la SASU TEAM SERVICES auprès des trois entreprises ;

S'agissant de la nature de la relation entre la SASU TEAM SERVICES et de la SA CAISSE D'EPARGNE

Attendu par ailleurs que la SASU TEAM SERVICES soutient n'avoir jamais prétendu qu'elle avait obtenu de la SA CAISSE D'EPARGNE un contrat de prêt mais une proposition de crédit constitutif d'un acte établi unilatéralement, de nature contractuelle, par l'organisme bancaire qui ne nécessite pas un quelconque accord de volonté de la SASU TEAM SERVICES ;

Attendu qu'il importe de distinguer cependant les actes unilatéraux des contrats unilatéraux, ces derniers résultant d'un accord de volonté comme tout contrat, même si une seule des parties est obligée envers l'autre tandis que les actes unilatéraux ne procèdent que de la manifestation de la volonté d'une seule personne , la position de la SASU TEAM SERVICES, en ce qu'elle fait état d'un acte unilatéral de nature contractuelle paraissant juridiquement antinomique ;

Attendu que de son côté, la SA CAISSE D'EPARGNE fait valoir que le prêt sollicité par la SASU TEAM SERVICES est sans commune mesure avec les capacités d'endettement de cette dernière et de X, pris en sa qualité de caution, de sorte que, sauf à engager sa responsabilité pour manquement à ses devoirs de mise en garde et de conseil, comme de souscription par une caution d'un engagement disproportionné au regard de son patrimoine et de ses biens, il existe bien une contestation sérieuse sur les obligations de la SA CAISSE D'EPARGNE ;

Que cette crainte apparaît d'ailleurs particulièrement fondée à partir des pièces versées aux débats par la SASU TEAM SERVICES elle-même (pièce n°7 de l'appelante) et par ses écritures puisqu'elle indique que les acomptes versés représentaient d'ores et déjà le double de son résultat pour l'année 2014, 138% de ses capitaux propres et la quasi-totalité de sa trésorerie ;

Attendu, en outre, que la SASU TEAM SERVICES définit la lettre du 11 décembre 2015 comme un simple accord de principe aux fins d'entrer en relation, nécessitant la transmission de documents toujours requis en matière d'octroi de prêt ;

Attendu qu'au final, il existe une opposition fondamentale entre le sens donné à l'acte du 11 décembre 2015 par la SASU TEAM SERVICES et celui que lui attribue la SA CAISSE D'EPARGNE, c'est à dire la qualification de la nature juridique des relations que le courrier en question a fait naître entre les parties à l'instance et, subséquemment, quant à ses effets;

Attendu qu'il est constant que l'accord de principe ne retire pas à la banque sa faculté d'appréciation de la solvabilité du demandeur de crédit et de veiller à l'adéquation du crédit demandé à la situation de ce dernier, ce qui a conduit, au visa des conclusions de l'intimée, celle-ci à refuser de poursuivre les relations avec la SASU TEAM SERVICES ;

Que le taux d'endettement de la SASU TEAM SERVICES est un élément essentiel dans la détermination par la SA CAISSE D'EPARGNE de l'octroi de son concours (Cass. Comm. 10 janvier 2012, n° de pourvoi : 10-26.149) ;

Attendu que dans ces conditions, la demande de la SASU TEAM SERVICES se heurte à une contestation sérieuse portant sur la nature juridique de la relation entre les parties à travers la lettre du 11 décembre 2015 et sur les effets se déduisant de la solution retenue, notamment en termes d'exécution forcée ;

Qu'une telle analyse qui échappe à la compétence du juge de l'évidence, relève exclusivement de celle du juge du fond ;

Attendu, qu'en conséquence, la décision entreprise du juge des référés, sera confirmée en ce qu'elle conclut en l'existence d'une contestation sérieuse qui prive celui-ci de toute compétence, au sens de l'article 872 du code de procédure civile ;

S'agissant de la question tenant à la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite ou de prévenir un dommage imminent

Attendu que la SASU TEAM SERVICES fait également valoir que la violation qu'elle allègue, imputable à la SA CAISSE D'EPARGNE, constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser par la prescription de mesures conservatoires ou de remise en état ;

Que c'est à tort qu'elle prétend qu'il appartenait au juge des référés de déterminer si l'offre de crédit du 11 décembre 2015 avait ou non-valeur contractuelle dans la mesure où il est de jurisprudence constante qu'il n'est pas de la compétence du juge des référés de procéder aux qualifications des relations contractuelles intervenues entre les parties, cette appréciation incombant seulement au juge du fond ;

Attendu que la SASU TEAM SERVICES explicite l'existence d'un trouble manifestement illicite par le refus de lui permettre de remettre à la SA CAISSE D'EPARGNE les documents dont elle n'avait pas encore eu connaissance mais indispensables pour permettre la signature du contrat de crédit ;

Mais attendu que, quelle que soit la qualification juridique qui sera donnée à la relation entre la SASU TEAM SERVICES et la SA CAISSE D'EPARGNE, sa violation éventuelle ne peut donner lieu qu'à versement de dommages et intérêts mais en aucun cas à une condamnation à exécuter l'obligation censée être contenue dans l'acte ;

Qu'enfin, la mesure conservatoire que le juge des référés est autorisé à prendre dans le cadre de l'article 873 du code de procédure civile, se définit comme la disposition par laquelle, dans l'attente de la décision définitive, il décide de placer un bien du débiteur sous main de justice afin d'assurer l'efficacité des mesures d'exécution qui seront prises une fois les délais de recours passés ou les recours épuisés ;

Que la mesure sollicitée par la SASU TEAM SERVICES et qui consisterait à contraindre la SA CAISSE D'EPARGNE à lui permettre de lui communiquer la signature du contrat de nantissement du fonds de commerce et la signature de la caution personnelle de X à hauteur de 30% pour, au final, signer le contrat de crédit n'est en aucun cas une mesure conservatoire mais une mesure d'exécution qui, dès lors, relève de la compétence du seul juge du fond ;

Attendu que, dans ces conditions, l'ordonnance querellée sera là encore confirmée en ce qu'elle a débouté la SASU TEAM SERVICES de ses demandes se fondant sur l'article 873 du code de procédure civile ;

Sur les autres demandes

Attendu que la SASU TEAM SERVICES succombe en toutes ses prétentions en cause d'appel;

Qu'il s'ensuit, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile qu'elle doit être condamnée au paiement des dépens de l'appel et qu'elle ne peut prétendre être éligible au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA CAISSE D'EPARGNE les frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens et qu'ainsi, il y a lieu de condamner la SASU TEAM SERVICES à lui verser une somme de 1 500,00 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort,

Déclare recevables l'appel formé par la SASU TEAM SERVICES contre l'ordonnance rendue le 1er mars 2016 par le juge des référés de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ, ainsi que les conclusions déposées par l'appelante en date du 11 octobre 2016 ;

Déboute la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE des fins de non-recevoir soulevées à raison du défaut de la qualité à agir reprochée à X ;

Dit n'y avoir lieu à constater l'existence d'une contestation sérieuse sur la validité de la délibération ayant désigné X en qualité de président de la SASU TEAM SERVICES et sur sa capacité à représenter la SASU TEAM SERVICES ;

Confirme, par motifs ajoutés, l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne la SASU TEAM SERVICES à payer à la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE une somme de 1 500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SASU TEAM SERVICES aux dépens de l'appel ;

Déboute les parties de toutes autres demandes, fins, moyens et prétentions plus amples ou contraires.