Cass. com., 14 janvier 1997, n° 94-18.765
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Apollis
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Defrénois et Levis, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 1994), que la société Lab Distribution a chargé la société Transports Nuttin (société Nuttin) de transporter une machine et de la livrer contre remise d'une lettre de change acceptée ; qu'au motif qu'elle n'avait pas reçu cette lettre de change que la société Nuttin prétendait lui avoir adressée par voie postale et qu'elle n'avait pu être payée du prix de la machine, la société Lab Distribution a assigné la société Nuttin en paiement de ce prix et en réparation de ses préjudices ;
Attendu que la société Nuttin fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Lab Distribution une indemnité d'un certain montant en réparation du préjudice subi, alors selon le pourvoi, d'une part, qu'il était acquis aux débats que le mandat de la société Transports Nuttin était limité à la prise de possession d'une traite acceptée par le client et à l'envoi de celle-ci à l'expéditeur ; que la cour d'appel, qui a au demeurant expressément rappelé l'étendue du mandat confié à la société Nuttin, ne pouvait dès lors considérer que l'absence de remise effective de la traite à l'expéditeur constituait de la part du transporteur une faute dans l'exécution de son mandat ; qu'en statuant pourtant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1984, 1991 et 1992 du Code civil ; alors, d'autre part, que le juge doit observer le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce la société Lab Distribution s'était bornée à faire valoir que son préjudice résultait du défaut de paiement de la machine livrée sans nullement invoquer une perte de chance liée à une " amélioration anticipée de sa trésorerie " ; que, dès lors, en relevant d'office ce moyen, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors enfin, qu'à supposer rapportée la preuve d'une faute, la responsabilité du transporteur ne peut être engagée s'il est établi que l'expéditeur n'avait aucune chance d'être payé ; qu'en l'espèce, en retenant la responsabilité de la société Nuttin, après avoir pourtant constaté que l'absence du paiement à l'expéditeur n'était pas la conséquence de la faute du transporteur, la cour d'appel n'a encore pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1147, 1984, 1991 et 1992 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le mandat donné par la société Lab Distribution à la société Nuttin avait consisté à délivrer la machine contre remise d'une lettre de change domiciliée et acceptée et à retourner cet effet de commerce à la société Lab Distribution, c'est sans encourir le grief de la première branche que l'arrêt a retenu que la faute de la société Nuttin dans l'exécution de son mandat avait consisté dans l'inexécution de l'obligation de résultat qui lui incombait d'assurer la remise effective de la lettre de change à son mandant ;
Attendu, en second lieu, que la société Lab Distribution ayant demandé, outre le remboursement du prix de la machine, la réparation de ses préjudices en raison de la faute commise par la société Nuttin et celle-ci ayant soutenu que la société Lab Distribution pouvait engager une procédure pour obtenir un titre exécutoire, c'est sans violer le principe de la contradiction ni méconnaître les textes visés à la troisième branche que la cour d'appel, qui a constaté que le préjudice subi par la société Lab Distribution résidait, non pas dans le refus du destinataire de payer le prix de la machine, mais dans l'impossibilité d'escompter la lettre de change et dans la nécessité d'engager des frais pour se faire délivrer un titre exécutoire, a apprécié souverainement le montant d'un tel préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.