CA Versailles, 16e ch., 14 avril 2016, n° 15/01859
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sixdenier
Conseillers :
Mme Massuet, Mme Jond-Necand
FAITS ET PROCEDURE
Déclarant agir en vertu d'un bail sous seing privé en date du 28 février 2010, la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES agissant par le truchement de la SCP G.-M., huissiers de justice à Voves a, le 28 août 2013, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire des biens mobiliers de Monsieur Gérard C. et Madame Carine B. épouse C..
Le 26 octobre 2013, la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES a dressé un procès-verbal de saisie conservatoire par immobilisation avec enlèvement d'un véhicule CITROEN immatriculé AR 988 VH ;
Le 29 octobre 2013, la SCP G.-M. a dénoncé aux époux C. un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation relatif au véhicule NISSAN immatriculé AH 421 KN.
Par actes en date des 5 et 6 août 2014, les époux C. ont assigné la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES et la SCP G.-M. devant le juge de l'exécution de Chartres, aux fins d'obtenir l'annulation de la saisie conservatoire du 28 août 2013, du procès-verbal d'immobilisation du 26 octobre 2013, du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 22 octobre 2013 et de sa dénonciation du 29 octobre 2013.
Vu l'appel interjeté le 9 mars 2015 par la SCP G.-M. du jugement rendu le 20 février 2015 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Chartres qui a :
-déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la SCP G.-M.,
-déclaré irrecevable la demande de mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 22 octobre 2013 et de sa dénonciation,
-rejeté la demande d'annulation du procès-verbal de saisie conservatoire du 28 août 2013,
-annulé le procès-verbal de saisie conservatoire avec immobilisation et enlèvement du 26 octobre 2013,
-condamné la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES à payer aux époux C. la somme de 400 €,
-débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,
-condamné la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES à payer aux époux C. la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamné la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES aux dépens, qui comprendront notamment les frais d'exécution afférents aux actes annulés ou dont il a été donné mainlevée,
-condamné la SCP G.-M. à garantir la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES,
-condamné la SCP G.-M. à payer à la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 février 2016 par lesquelles la SCP G.-M., appelante, demande à la cour de :
-déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la SCP G.-M.,
-infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
.prononcé l'annulation du procès-verbal de saisie conservatoire avec immobilisation et enlèvement du 26 octobre 2013
. condamné la SCP G.-M. à garantir la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES
-confirmer la décision entreprise pour le surplus,
-décharger la SCP G.-M. des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,
-ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, et ce au besoin à titre de dommages-intérêts,
-condamner les époux C. à verser à la SCP G.-M. la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et du caractère abusif de la procédure entreprise,
-condamner les époux C. à porter et payer au concluant la somme de 3.500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et en tous les dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 janvier 2016 par lesquelles la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES, intimée, demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande de mainlevée du procès-verbal du 28 août 2013
- rejeté la demande d'annulation du procès-verbal du 28 août 2013
- condamné la SCP G.-M. à garantir la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES
-dire et juger que les demandes de nullité des époux C. sont irrecevables,
-infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le procès-verbal du 26 octobre 2013,
-débouter les époux C. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
-condamner les époux C. à verser à la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES la somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-dire et juger que la SCP G.-M. devra garantir la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre,
-condamner les époux C. ou toute partie succombant à verser à la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner les époux C. ou toute partie succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions signifiées le 30 octobre 2015 par lesquelles les époux C., intimés, demandent à la cour de :
-déclarer la SCP G.-M. mal fondée en son appel,
-constater, dire et juger les époux C. recevables et bien fondés en demandes,
-débouter la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES et la SCP G.-M. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
-confirmer le jugement du 20 février 2015 en ce qu'il a :
. déclaré irrecevable la demande de mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 22 octobre 2013 et de sa dénonciation
. annulé le procès-verbal de saisie conservatoire avec immobilisation et enlèvement du véhicule du 26 octobre 2013
. condamné la SCP G.-M. à garantir la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES
-déclarer les époux C. recevables et bien fondés en leur appel incident,
-infirmer le jugement du 20 février 2015 rendu par le Juge de l'Exécution près le Tribunal de grande instance de Chartres en ce qu'il a :
. rejeté la demande d'annulation du procès-verbal de saisie conservatoire du 28 août 2013
-constater, dire et juger qu'il y a lieu d'annuler le procès-verbal de saisie conservatoire du 28 août 2013,
-constater, dire et juger que les mesures d'exécution mises en œuvre par la SCP G.-M. sont inutiles, abusives et frustratoires,
-constater, dire et juger que la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES et la SCP G.-M. sont toutes deux responsables des procédures inutiles, abusives et frustratoires ordonnées au détriment des époux C.,
-condamner la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES à payer aux époux C. les sommes suivantes :
- 1.385,16 € au titre du coût global des mesures conservatoires et autres actes diligentés par la SCP G.-M. au profit de la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES
- 883,99 € au titre du préjudice matériel
- 3.500 € pour procédures abusives et vexatoires
- 3.000 € au titre des frais irrépétibles
-condamner la SCP G.-M. à garantir la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES,
-condamner la SCI CHARTRES DIEUDONNE COSTES aux entiers dépens ;
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 8 mars 2016.
Les plaidoiries ont été ouïes le 23 mars 2016 et le délibéré fixé au 14 avril suivant.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mainlevée du procès verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 22 octobre 2013 et de sa dénonciation
Considérant que la SCP G. M. fait valoir que la demande de mainlevée est irrecevable puisque l'acte n'existe plus selon courrier de mainlevée du 23 mai 2014,
Considérant que les époux C. ne critiquent plus désormais que mainlevée a bien été donnée,
Considérant qu'il est justifié aux débats de ce que le 23 mai 2014 la mainlevée de l'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule NISSAN immatriculé AH 421 KN a été signifiée au service des cartes grises de la préfecture de police d'Eure et Loir,
Qu'il s'ensuit que Monsieur et Madame C. n'ont donc plus intérêt à agir,
Que le jugement du premier juge est confirmé,
Sur l'annulation du procès verbal de saisie conservatoire du 28 aout 2013
Considérant que la SCP G. M. excipe de ce que la demande d'annulation ne peut prospérer puisque la saisie intervient dans la continuité d'un bail écrit,
Considérant que les époux C. font état de ce que le procès-verbal de saisie conservatoire mentionne des textes qui n'existent plus comme ayant été abrogés le 1er juin 2012,
Qu'il est rajouté que le procès-verbal ne donne pas le détail des biens saisis,
Considérant que la SCI CHARTRES DIEUDONNE observe que les actes mentionnent le titre exécutoire -soit au cas présent le contrat de bail écrit- de sorte qu'aucune nullité ne peut être invoquée,
Considérant que les mesures conservatoires ont pour objet de protéger le créancier du risque d'insolvabilité potentielle de son débiteur,
Considérant qu'aux termes de l'article 511-1 du code des procédures civiles d'exécution«toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l' autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur »,
Qu'aux termes de l'article 511-2 dudit code « une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore forec exécutoire ; il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, ['], d'un loyer resté impayé d és lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles »,
Considérant qu'aux termes de l'article 522-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie doit comporter -à peine de nullité- un certain nombre d'indications,
Qu'il doit ainsi rappeler le titre en vertu duquel la saisie est pratiquée,
Qu'au cas présent, le procès-verbal de saisie conservatoire du 28 aout 2013 mentionne l'existence du bail écrit sous seing privé en date du 28 février 2010,
Que certes la référence au texte légal est inexacte puisque la loi du 9 juillet 1991 a été codifiée mais que pour autant, il s'agit d'une simple irrégularité de forme qui n'est pas sanctionnée par la nullité,
Que le jugement est ici confirmé,
Considérant s'agissant des sommes réclamées que le premier juge a relevé que « ce moyen n'a pas été évoqué dans l'assignation mais dans des conclusions ultérieures, qu'entre temps Monsieur et Madame C. avaient fait valoir une défense au fond »,
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'irrecevabilité de la demande en application des dispositions de l'article 112 du code de procédure civile,
Qu'il en sera de même s'agissant de l'absence au procès verbal de saisie de détail des meubles saisis,
Sur l'annulation du procès verbal de saisie conservatoire par immobilisation du 26 octobre 2013
Considérant que la SCP G. M. argue de ce qu'au jour de la saisine du juge de l'exécution, l'immobilisation du véhicule CITROEN avait cessé, que mainlevée de la saisie était alors prononcée,
Qu'il en résulte que le juge de l'exécution ne pouvait prononcer la nullité de l'acte,
Considérant que la SCI CHARTRES DIEUDONNE développe en ses écritures des arguments similaires à ceux de la SCP G. M.,
Considérant que les époux C. poursuivent l'annulation du procès verbal et la confirmation de la décision du premier juge,
Qu'ils expliquent que dans le cadre de mesures conservatoires, il ne pouvait y avoir enlèvement de leur véhicule, qu'au surplus si le véhicule NISSAN est mentionné au procès verbal de saisie, c'est le véhicule CITROEN qui a été enlevé,
Considérant que le procès verbal de saisie conservatoire par immobilisation et enlèvement du véhicule CITROEN porte la date du 26 octobre 2013,
Que par courrier du 21 mai 2014, la SCP G. M. a informé Monsieur et Madame C. de ce qu'il était donné mainlevée de la saisie pratiquée sur le véhicule CITROEN,
Que cette information était portée à la connaissance du garage ATM auprès duquel le véhicule était remisé,
Qu'ainsi lorsque les assignations à comparaitre devant le juge de l'exécution étaient délivrées tant à la SCP G. M. qu'à la SCI CHARTRES DIEUDONNE -soit les 5 et 6 aout 2014- le véhicule avait été restitué à Monsieur et Madame C.,
Que Monsieur et Madame C. n'étaient alors plus recevables à contester devant le juge de l'exécution la régularité de l'acte,
Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de de la saisie conservatoire de véhicule avec enlèvement,
Sur les demandes de Monsieur et Madame C.
Considérant que Monsieur et Madame C. entendent obtenir paiement de la somme de 1.385,16 € correspondant aux actes d'huissier regardés comme abusifs,
Qu'ils rappellent que le commandement de payer visait uniquement le terme de juillet 2013 soit la somme en principal de 930 €,
Qu'ils entendent encore obtenir la somme de 883,99 € relative à leur préjudice matériel c'est à dire le remboursement des frais de nettoyage et changement de batterie du véhicule CITROEN ainsi que le coût de l'abonnement train de Monsieur C.,
Qu'ils réclament aussi la somme de 3.500 € au titre de leur préjudice moral signalant l'agressivité de l'huissier et la pression excessive exercée sur eux,
Considérant que la SCI CHARTRES DIEUDONNE, bailleur, fait état de l'absence d'abus, qu'il est rappelé que les loyers étaient payés irrégulièrement,
Que le bailleur entend que le jugement soit infirmé en ce qu'il a prononcé sa condamnation à payer une somme de 400 €,
Qu'en effet, la preuve des sommes déboursées au titre des frais de transport n'est pas établie,
Qu'enfin, l'huissier a décidé seul des mesures à entreprendre alors même qu'en ce domaine, il doit agir avec prudence,
Considérant que la SCP G. M. soutient ne pas devoir garantie,
Qu'il est rappelé que les époux C. ne payaient pas leur loyer,
Que seul le juge du fond pourrait statuer sur la responsabilité de l'huissier,
Que les préjudices ne sont pas justifiés,
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé que les époux C. avaient du engager des frais notamment de nettoyage de leur véhicule saisi, d'achat de batterie voire de transport,
Que le jugement est confirmé s'agissant de la condamnation de la SCI CHARTRES DIEUDONNE garantie par la SCI G. de payer à Monsieur et Madame C. la somme de 400 €,
Que la cour observe que le véhicule CITROEN est resté immobilisé d'aout 2013 au mois de mai 2014,
Que la mesure n'était pas contestée devant le juge de l'exécution,
Que le loyer de juillet 2013 puis celui d'août 2013 étaient impayés,
Que les chèques remis à l'huissier n'étaient pas provisionnés,
Considérant au surplus que la cour observe que, si les actes de saisie ont été réalisés sur la base du seul défaut de paiement du loyer de juillet 2013, la situation des époux C. était obérée bien avant cette date puisque, déjà en avril 2013, le bailleur faisait état de défaut de paiement et de chèques impayées,
Qu'en considération de ces éléments, la demande de Monsieur et Madame C. au titre d'un préjudice moral est rejetée,
Sur les demandes de dommages intérêts pour abus de procédure
Considérant que la SCI CHARTRES DIEUDONNE entend voir condamner Monsieur et Madame C. à lui payer la somme de 3.500 € pour procédure abusive,
Que la SCP G. M. poursuit la condamnation des époux C. pour la somme de 5.000 €,
Qu'il est fait état d'un préjudice d'image indéniable,
Considérant que l'intention malicieuse des époux C. n'est pas rapportée aux débats,
Qu'en conséquence le jugement du premier juge est confirmé en ce qu'il a rejeté toute demande de dommages intérêts de la SCI CHARTRES DIEUDONNE et de la SCP G. M.,
Considérant que Monsieur et Madame C. comme la SCP G. M. et la SCI CHARTRES DIEUDONNE succombent en leur prétentions,
Que chaque partie au litige supportera la charge de ses propres dépens,
Considérant que l'équité commande de ne pas faire droit aux prétentions formulées sous le visa de l'article 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 20 février 2015 rendu par le juge de l'exécution de Chartres, exception faite de l'annulation du procès-verbal de saisie conservatoire avec immobilisation et enlèvement du 26 octobre 2013,
Statuant à nouveau,
DECLARE irrecevable la demande d'annulation du procès-verbal de saisie conservatoire par immobilisation du 26 octobre 2013,
REJETTE toute demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.