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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 18 janvier 2018, n° 15/12781

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Natixis Lease (SA)

Défendeur :

Financière Ile-de-France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebée

Conseillers :

Mme Lacquemant, M. Malfre

TGI Bobigny, du 4 juin 2015, n° 15/04009

4 juin 2015

Par acte du 4 septembre 2008, M. Marc C. s'est porté caution solidaire des engagements de la Sarl Saintex Aero dont il était gérant, à hauteur de 3 723 587,14 euros, au titre d'un crédit-bail consenti à cette dernière le 3 septembre 2008 par la société Natixis Lease, portant sur un avion Falcon. Son épouse, Mme Anne-Catherine L., commune en biens, a donné son accord à cet engagement de caution. A la suite d'échéances impayées, le contrat de crédit-bail a été résilié le 6 juillet 2010.

La société Natixis Lease, autorisée par ordonnance du 4 août 2010 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, a fait pratiquer, par acte d'huissier du 9 août 2010, une saisie- conservatoire sur les parts détenues par M. Marc C. au sein de la société Financière Natteko aux droits de laquelle se trouve la société Financière Ile-de-France, pour garantie de sa créance évaluée à 3 943 193,21 euros.

Cette saisie a été dénoncée à M. Marc C. le 13 août 2010 et n'a pas été contestée.

Par ordonnance du 10 septembre 2010, le président du tribunal de commerce de Paris a condamné solidairement la société Saintex Aero et la Scp V. Le G. A. ès qualités, à restituer sous astreinte, à la société Natixis Lease, l'aeronef Falcon 20-F-5, a condamné solidairement la société Saintex Aero, la Scp V. Le G. A. ès qualités et M. Marc C. à payer à la société Natixis Lease une provision de 2 334 903,80 euros, renvoyant les parties devant les juges du fond pour le surplus des demandes concernant l'indemnité de résiliation.

Le 10 janvier 2011, la société Natixis Lease, la société Saintex Aero et ses administrateurs provisoires, la société Corto et M. Marc C. ont signé un protocole d'accord afin de régler le litige résultant de l'inexécution du contrat de crédit-bail. Aux termes de ce protocole auquel il a été donné force exécutoire par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 1er février 2011, signifiée le 12 août 2012 à M. Marc C., il était indiqué que la créance de la société Natixis Lease à l'égard de ce dernier et de la société Saintex Aero était de 3 943 193,21 euros et que M. Marc C. qui versait concomitamment à la signature du protocole les sommes de 300 000 et 12 500 euros, s'engageait à verser la somme de 12 500 euros par mois du 1er février 2011 au 1er décembre 2012, le solde au 31 décembre 2012 après déduction des sommes versées et de la contre-valeur en euros du prix de commercialisation éventuel de l'aéronef.

Un avenant au protocole d'accord du 10 janvier 2011 a été signé le 10 août 2011, aménageant les engagements de M. Marc C..

Invoquant le non-respect du protocole du 10 janvier 2011 et de l'avenant du 10 août 2011, la société Natixis Lease a fait signifier à M. Marc C. et à la société Financière Ile-de-France, par actes des 30 janvier 2015 et 6 février 2015, la conversion de la saisie conservatoire des droits d'associé et valeurs mobilières en saisie-vente de ces mêmes droits, et ce en vertu de l'ordonnance du 1er février 2011 donnant force exécutoire au protocole et d'un jugement rendu par le juge de l'exécution le 12 novembre 2013.

Par jugement du 18 décembre 2015, le juge de l'exécution a débouté M. Marc C. et son épouse de leur demande tendant à la nullité de l'acte de conversion du 30 janvier 2015 et de la signification au tiers saisi.

Reprochant à la société Financière Ile-de-France des manquements à ses obligations de tiers saisi, en particulier de ne pas avoir garanti l'indisponibilité des parts sociales détenues par M. Marc C. au mépris des dispositions des articles R. 524-1 et R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution, 687 800 parts ayant été attribuées à Mme Anne-Catherine L. épouse C. et 10 parts à Philippine C. entre la date de l'acte de saisie conservatoire et celle de l'acte de conversion, la société Natixis Lease a poursuivi sa condamnation à lui payer la somme de 3 551 862,10 euros, sur le fondement de l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Par jugement du 4 juin 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Financière Ile-de-France, a rejeté la demande de la société Natixis Lease tendant à voir condamner cette dernière à lui payer la somme de 3 551 862,10 euros au titre des causes de la saisie, a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Financière Ile-de-France, a condamné la société Natixis Lease à payer à la société Financière Ile-de-France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Natixis Lease a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 16 juin 2015.

Par arrêt du 13 octobre 2016, la cour a sursis à statuer jusqu'à l'arrêt devant être rendu sur l'appel du jugement du juge de l'exécution du 18 décembre 2015, considérant que la décision à intervenir était susceptible d'avoir une incidence sur la solution du litige dès lors que la validité de l'acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente était contestée.

Par arrêt du 2 mars 2017, la cour a confirmé le jugement du 18 décembre 2015.

Par jugement du 7 février 2017, le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la société Financière Ile-de-France et la société Natixis Lease a déclaré sa créance au passif de la procédure collective pour un montant de 3 551 862,10 euros. Par jugement du 5 juillet 2017, la période d'observation a été prolongée pour une durée de six mois.

La société Natixis Lease a fait assigner, selon acte d'huissier du 20 mars 2017, Maître Bernard H., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Financière Ile-de-France, et Maître Bertrand J., ès qualités de mandataire judiciaire de cette dernière.

Maître H. et Maître J., cités à domicile, n'ont pas constitué avocat.

Par dernières conclusions du 4 octobre 2017, la société Natixis Lease demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et la demande de dommages-intérêts de la société Financière Ile-de-France, de le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau, de fixer sa créance au passif de la société Financière Ile-de-France à la somme de 3 551 862,10 euros correspondant aux causes de la saisie, et subsidiairement à la somme de 1 948 052 euros à titre de dommages-intérêts, en tout état de cause, de débouter la société Financière Ile-de-France, Maître H. et Maître J. de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

La société Financière Ile-de-France, aux termes de ses dernières conclusions du 3 mai 2016 antérieures à l'arrêt du 2 mars 2017 et à l'ouverture du redressement judiciaire, demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la société Natixis Lease de toutes ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts outre une indemnité de procédure de 6 000 euros, subsidiairement, si la cour devait infirmer le jugement et faire droit, dans le principe, à la demande de la société Natixis Lease, de surseoir à statuer jusqu'à ce que, d'une part, la cour d'appel de Paris ait statué sur l'appel de la décision du juge de l'exécution du 18 décembre 2015, et d'autre part, en cas de confirmation de cette décision, jusqu'à la vente des 687 810 parts sociales au nom de M. Marc C. afin que soit connu le prix de cession et, en conséquence, l'éventuel préjudice maximum qu'aurait subi la société Natixis Lease.

SUR CE

Sur la compétence du juge de l'exécution :

La compétence du juge de l'exécution n'est plus discutée par la société Financière Ile-de-France.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes de la société Natixis Lease :

La société Natixis Lease maintient que L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution est applicable en l'espèce. Elle fait valoir que le transfert d'une partie des parts de M. Marc C. à son épouse et à sa fille, validé par la société Financière Ile-de-France, ledit transfert ayant donné lieu à une modification statutaire publiée au greffe du tribunal de commerce, est opposable tant à la société Financière Ile-de-France qu'à la société Natixis Lease. Elle soutient que la société Financière Ile-de-France qui n'a pas assuré l'indisponibilité des parts sociales saisies entre ses mains à titre conservatoire a commis une faute, distincte de celle commise par M. Marc C., que la créance de la société Natixis Lease doit par conséquent être fixée au montant des causes de la saisie, soit à la somme de 3 551 862,10 euros.

Subsidiairement, elle indique qu'en raison des fautes commises par la société Financière Ile-de-France, elle a subi un préjudice tenant à la perte de chance d'appréhender les parts sociales appartenant désormais à Mme L. épouse C. et à Philippine C., soit 687 810 parts détournées en fraude de ses droits, et sollicite à titre de dommages-intérêts la somme de 1 948 052 euros correspondant à la valorisation des parts sociales détournées, telle qu'estimée par M. D. dans un rapport d'expertise amiable.

La société Financière Ile-de-France soutient d'abord que les actes de dénonciation de la saisie conservatoire ne mentionnent pas que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l'intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire alors que cette mention est prévue à peine de nullité par l'article R. 232-5-4e du code des procédures civiles d'exécution, que ces actes étant en conséquence nuls, elle ne peut avoir commis de faute.

Elle fait par ailleurs valoir que la société Natixis Lease ne justifie pas d'une cession de parts sociales, que les parts composant son capital social appartiennent en commun à M. Marc C. et à son épouse, peu important la répartition entre eux de ces parts, que la dette dont le recouvrement est poursuivie est personnelle à M. Marc C. et que la saisie est en conséquence irrégulière.

Elle conteste avoir commis une faute en tant que personne morale dès lors que le transfert de parts sociales a eu lieu entre les associés sans qu'elle intervienne personnellement. Elle ajoute qu'il appartenait à la société Natixis Lease d'engager une action pour faire annuler le transfert d'actions, ce qu'elle n'a pas fait, et que cette dernière ne peut dans ces conditions avoir subi un préjudice.

Elle conteste également la réalité du préjudice allégué et subsidiairement son quantum, soutenant, d'une part, que la société Natixis Lease ne pouvait saisir les parts sociales en application de l'article 815-17 du code civil, d'autre part, qu'il conviendra d'attendre la vente des 687 810 parts sociales au nom de M. Marc C. pour évaluer le préjudice qui résulterait de la perte de chance d'avoir pu faire vendre les 687 810 parts sociales désormais détenues par Mme L. épouse C. et Philippine C..

L'acte de saisie conservatoire notifié le 9 août 2010 à la société Financière Natteko, devenue la société Financière Ile-de-France, mentionne en caractères gras et de manière apparente : «La présente saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l'intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire». Cette mention a été rappelée dans l'acte de dénonciation à M. Marc C. de la saisie conservatoire .

Les prescriptions de l'article R. 524-1-4e du code des procédures civiles d'exécution, applicables en l'espèce, l'article R. 232-5-4e invoqué par l'intimée concernant les actes de saisie de droits incorporels et non les saisies conservatoires, ont ainsi été satisfaites. Aucun texte n'impose par ailleurs de rappeler dans l'acte de conversion l'indisponibilité des droits résultant de la saisie conservatoire antérieurement pratiquée.

Ce moyen sera par conséquent rejeté.

Il est admis depuis l'arrêt de la cour du 2 mars 2017 que la saisie conservatoire des parts sociales pratiquée le 9 août 2010 à l'encontre de M. Marc C. et l'acte de conversion de cette saisie en saisie-vente du 30 janvier 2015 sont réguliers.

Dès lors l'argumentation tenant à l'irrégularité de la saisie conservatoire , développée par la société Financière Ile-de-France qui soutient que les parts sociales constituant son capital social sont des biens communs aux époux C. ne pouvant être saisis pour recouvrer une dette personnelle de M. Marc C., est inopérante.

En vertu de l'article R. 524-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie conservatoire de droits d'associé et de valeurs mobilières indique, à peine de nullité, notamment, que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l'intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire et contient sommation de faire connaître l'existence d'éventuels nantissements ou saisies.

Aucun texte ne prévoit cependant de sanctions spécifiques en cas de manquement aux obligations ainsi faites au tiers saisi et en particulier en cas de non-respect de l'obligation de garantir l'indisponibilité, alors que s'agissant de la saisie conservatoire de biens corporels, l'article R. 522-1-4e dispose que l'acte de saisie mentionne que les biens saisis sont placés sous la garde du tiers saisi qui s'expose, en cas d'aliénation ou de déplacement des biens saisis, aux sanctions prévues à l'article 314-6 du code pénal. Dans l'hypothèse d'une saisie conservatoire de droits d'associé et de valeurs mobilières, le tiers saisi ne se voit pas notifier qu'il encourt une sanction particulière, telle la condamnation aux causes de la saisie, en cas de manquement à ses obligations.

Il en résulte que le tiers saisi qui ne répond pas à la sommation de faire connaître l'existence d'éventuels nantissements ou saisies ou qui n'assure pas l'indisponibilité des droits pécuniaires attachés à l'intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ne s'expose, s'il y a lieu, qu'à une condamnation à des dommages-intérêts, l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution, lequel n'édicte qu'un principe général devant être décliné par des dispositions légales ou réglementaires spécifiques à chaque saisie s'agissant de la condamnation aux causes de la saisie, n'ayant pas vocation à s'appliquer à la saisie conservatoire litigieuse.

Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a débouté la société Natixis Lease de sa demande de condamnation de la société Financière Ile-de-France au paiement des causes de la saisie.

Aux termes des statuts de la société Financière Natekko devenue la société Financière Ile-de-France, déposés le 10 décembre 2009 au greffe du tribunal de commerce de Paris, M. Marc C. détenait 1 377 377 parts sociales au sein de la société, son épouse en détenant 1 767. Il n'est pas démontré, ni même soutenu, qu'au jour de la saisie conservatoire pratiquée le 2 août 2010, ce dernier aurait détenu un nombre de parts moindre. Il est en revanche établi qu'à la suite de la modification des statuts, mis à jour le 15 septembre 2014, M. Marc C. ne détient plus que 689 567 parts, son épouse en détenant désormais 689 567 et leur fille 10.

L'assemblée générale extraordinaire du 10 juin 2014 a agréé Mme C. en qualité de nouvelle associée et a approuvé la nouvelle répartition du capital social. Les nouveaux statuts ainsi mis à jour le 15 septembre 2014 ont été déposés le 21 octobre 2014 au greffe du tribunal de commerce de Paris.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le transfert de parts sociales est opposable à la société Financière Ile-de-France et aux tiers dès lors qu'ont été publiés les statuts mis à jour constatant le transfert et la cession de parts sociales, peu important dans ces conditions qu'un acte de cession n'ait pas été déposé au greffe et que les formalités des articles 1690 et 1865 du code civil n'aient pas été accomplies.

En outre, c'est en vain que la société Financière Ile-de-France soutient qu'eu égard à la nature de biens communs des parts sociales composant son capital social, la circonstance que les parts sociales soient détenues par M. Marc C. ou par son épouse est sans incidence sur la saisie pratiquée par la société Natixis Lease, alors que cette dernière qui a notifié le 9 août 2010 la saisie conservatoire des droits d'associé détenus par M. Marc C. ne peut faire vendre, en exécution de la conversion de cette saisie notifiée le 30 janvier 2015, que les parts sociales toujours détenues par M. Marc C., seules concernées par la saisie conservatoire , et non celles désormais détenues par son épouse et sa fille, peu important que la valeur des parts constitue un bien de communauté, étant précisé que si les époux C. sont mariés sous le régime de la communauté et ont fait valoir dans l'instance en contestation de l'acte de conversion de la saisie conservatoire que les parts sociales saisies étaient des biens communs, les parts sociales en cause revêtent un caractère mixte, l'élément personnel, à savoir la qualité d'associé, étant propre puisqu'attaché à la personne du titulaire des parts.

Il est ainsi démontré que la société Financière Ile-de-France n'a pas assuré l'indisponibilité de l'intégralité des parts sociales qui étaient détenues par M. Marc C. et a manqué à l'obligation qui lui était faite en sa qualité de tiers saisi, sans qu'elle puisse utilement soutenir qu'elle n'est pas intervenue à l'occasion du transfert de parts sociales ayant eu lieu entre ses associés alors qu'elle a procédé à la publication des statuts et doit assumer les actes accomplis en sa qualité de personne morale.

Il est résulté de ce manquement un préjudice certain pour la société Natixis Lease puisque celle-ci a perdu la possibilité de faire vendre les parts détenues par M. Marc C. au jour de la saisie conservatoire et aujourd'hui attribuées à Mme L. épouse C. et à Philippine C., soit 687 810 parts de la société Financière Ile-de-France.

Ce préjudice correspond au prix de vente sur adjudication de ces parts sociales, que la société Financière Ile-de-France pouvait espérer obtenir dans les conditions des articles R. 233-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution. En vertu de l'article R. 233-1 du même code, une telle vente n'aurait en toute hypothèse pas pu intervenir avant que ne soit rendu le jugement du juge de l'exécution sur la contestation de la conversion de la saisie conservatoire , élevée par M. et Mme C., lequel jugement est intervenu le 18 décembre 2015, et nécessitait en outre l'accomplissement des formalités nécessaires à l'élaboration du cahier des charges et le respect des délais prévus par les articles R. 233-7 et R. 233-8. La vente pouvait ainsi raisonnablement intervenir à compter du mois de juin 2016.

Pour évaluer son préjudice, la société Natixis Lease produit un rapport établi à sa demande le 30 juillet 2015 par M. D., expert-comptable, qui propose, en l'absence d'informations plus précises, de retenir le montant des capitaux propre de la société Financière Ile-de-France comme valeur des parts sociales de cette société, soit sur la base des comptes disponibles au 31 août 2013, une valeur de 3 906 086 euros. Elle fait valoir que son préjudice s'élève en conséquence à la somme de 1 948 052 euros (3 906 086 x 687 810 parts/1 379 144 parts).

Ce rapport, établi sur la base d'éléments comptables anciens et parcellaires, ne permet cependant pas d'apprécier le préjudice effectivement subi par la société Natixis Lease.

Il est en conséquence nécessaire de désigner un expert aux fins d'évaluer, sur la période de juin à décembre 2016, la valeur des 697 810 parts sociales transférées à Mme L. épouse C. et à Philippine C., et de fournir tous éléments permettant d'évaluer le prix pouvant être obtenu dans le cadre d'une vente sur adjudication.

Il sera en conséquence sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Natixis Lease.

Sur les autres demandes :

Le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté la société Natixis Lease de sa demande de dommages-intérêts et la responsabilité de la société Financière Ile-de-France étant retenue, la demande de dommages-intérêts formée par cette dernière ne saurait prospérer.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Pour les mêmes motifs, il sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Natixis Lease aux dépens de première instance et à une indemnité de procédure de 500 euros.

Les dépens d'appel et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Natixis Lease de sa demande de dommages-intérêts et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance et au paiement d'une indemnité de procédure ;

Et statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,

Dit que la société Financière Ile-de-France a commis une faute à l'occasion de la saisie conservatoire pratiquée entre ses mains le 9 août 2010 et a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Natixis Lease ;

Sursoit à statuer sur le montant du préjudice ;

Ordonne une mesure d'expertise, désigne pour y procéder M. Didier F. demeurant [...] ([...] ' [...]), lequel pourra se faire assister de tout technicien d'une spécialité différente de la sienne, et aura pour mission d'entendre les parties ainsi que tous sachants, se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission, fournir tous éléments permettant d'évaluer, sur la période de juin à décembre 2016, la valeur des 687 810 parts sociales de la société Financière Ile-de-France, transférées à Mme Anne-Catherine L. épouse C. et à Philippine C. et le prix auquel ses parts sociales auraient pu être vendues sur adjudication dans les conditions des articles R. 233-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Dit que la société Natixis Lease devra consigner au plus tard le 15 mars 2018 la somme de 4 000 euros à valoir sur les frais et honoraires de l'expert, faute de quoi la désignation de l'expert sera caduque et il sera tiré toutes conséquences de son abstention, l'affaire étant rappelée à l'audience de procédure du 17 mai 2018 à 13 heures (salle Montesquieu, escalier R, 3 ème étage) pour vérification du paiement de la consignation, et le cas échéant fixation d'un calendrier de procédure ;

Dit que dans les deux mois de sa désignation, l'expert indiquera le montant de sa rémunération définitive prévisible, afin que soit éventuellement ordonnée une consignation complémentaire ;

Dit que l'expert devra adresser aux parties un pré-rapport, leur impartir un délai de deux mois pour lui adresser leurs dires, y répondre et déposer son rapport définitif au greffe de la cour dans un délai de six mois à compter de la consignation ;

Condamne la société Financière Ile-de-France aux dépens de première instance et la déboute de sa demande formée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Réserve les dépens d'appel et les demandes formées devant la cour au titre de l'article 700 du code de procédure civile.