Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 20 mars 2014, n° 13-11.841

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gridel

Avocats :

SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Paris, du 18 sept. 2012

18 septembre 2012

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 14 octobre 2010, B. 196, pourvoi n° 09-13.840), la société Uvex Arbeitsschutz GmbH (société Uvex), devenue actionnaire majoritaire des trois sociétés du groupe Y... suite à l'acquisition des titres de la société Map, holding du groupe, a, en vertu de la créance de dommages-intérêts que les consorts Y..., anciens actionnaires dirigeants de cette société, lui avaient transmise, recherché la responsabilité de la société d'avocats Lamy Lexel (l'avocat), laquelle avait été chargée, en qualité de conseiller juridique et fiscal des consorts Y..., des opérations de restructuration du groupe avant sa cession et de la négociation de celle-ci, lui reprochant d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil en s'abstenant de faire mention de la distribution d'acomptes sur dividendes décidée par le conseil d'administration de la société Map le 28 avril 2000 et d'attirer l'attention des actionnaires de cette société qui, de manière incompatible avec cette distribution, ont décidé d'affecter en réserves l'intégralité du résultat de l'exercice 2000, lors de l'approbation des comptes ; qu'après avoir exactement retenu que l'avocat avait été défaillant dans l'accomplissement de sa mission d'élaboration des documents fiables en vue de l'approbation des comptes et de la gestion de l'exercice et d'assistance lors des négociations relatives à la cession des actions de la société concernée, pour n'avoir pas examiné l'ensemble des documents sociaux utiles, notamment le registre spécial des délibérations du conseil d'administration, qu'il lui incombait d'obtenir, et qui lui auraient permis de connaître la distribution d'acomptes sur dividendes au titre du dernier exercice précédant la cession, l'arrêt déboute la société Uvex de l'intégralité de ses demandes ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que, pour fonder ce déboutement, l'arrêt retient que le préjudice dont la société Uvex demande réparation consiste dans la répétition d'acomptes sur dividendes indûment perçus, ce qui ne peut constituer un préjudice indemnisable ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les acomptes sur dividendes, dont la répétition avait fait suite à la décision de l'assemblée générale d'affecter l'intégralité du bénéfice de l'exercice en réserve, en vue de valoriser les titres objet de la cession à venir, opérations dont l'avocat était tenu de garantir l'efficacité, constituaient des dividendes fictifs pour avoir été distribués en violation des exigences de l'article L. 232-12, alinéa 2, du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que l'arrêt ajoute que ce préjudice est sans lien causal avec les fautes retenues contre l'avocat, dès lors que le remboursement des sommes perçues en infraction aux règles sociales et pénales ne pouvait qu'avoir lieu, la répétition étant inéluctable pour éviter aux actionnaires concernés d'éventuelles condamnations ;

Qu'en statuant ainsi, quand la faute de l'avocat consistant à n'avoir pas découvert, quand il en avait l'obligation et les moyens, l'existence d'acomptes sur dividendes distribués au titre de l'exercice 2000 en exécution d'une délibération du conseil d'administration de la société cédée et à avoir laissé prendre, lors de l'assemblée générale dont il avait préparé la tenue, une décision qui, incompatible avec cette distribution prévisionnelle, exposait ses bénéficiaires à une action en répétition de dividendes fictifs, était, sauf l'hypothèse d'une distribution frauduleuse, en lien causal avec le manque à gagner résultant de la restitution des acomptes, déduction faite de la valorisation nette des titres découlant de l'affectation en réserve de l'intégralité du bénéfice d'exercice résultant des comptes annuels approuvés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.