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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 14 mars 2018, n° 17/03136

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Stef Transport Rouen (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lottin

Conseillers :

M. Samuel, Mme Feydeau Thieffry

Avocat :

Me Franconnet

T. com. Rouen, du 25 avr. 2017

25 avril 2017

EXPOSE DU LITIGE

La SAS STEF TRANSPORT ROUEN est une filiale de la société STEF SA, qui exerce une activité de transport et regroupe plus de 100 sociétés sur l'ensemble du territoire national.

Sa présidente est une personne morale, la SAS STEF TRANSPORT.

Suivant procès-verbal de décision du 13 décembre 2016, M. Y a été désigné en qualité de représentant permanent de la SAS STEF TRANSPORT, en lieu et place de M. X.

Par courrier reçu le 10 janvier 2017 au greffe du registre du commerce et des sociétés (ci-après désigné le RCS), la SAS STEF TRANSPORT ROUEN a demandé la modification du nom du représentant permanent de la SAS STEF TRANSPORT mentionné sur le KBIS.

Cette requête a été rejetée par le greffier du RCS le 6 mars 2017.

La SAS STEF TRANSPORT ROUEN a saisi le juge commis à la surveillance du RCS afin qu'il examine sa demande.

Par ordonnance rendue le 25 avril 2017, ce juge a rejeté la requête.

La décision a été notifiée le 2 mai 2017 à la SAS STEF TRANSPORT ROUEN, qui a adressé le 11 mai 2017 une déclaration d'appel à la juridiction ayant rendu l'ordonnance.

A réception le 15 mai 2017 de cette déclaration, le magistrat a maintenu sa décision et transféré le dossier à la cour d'appel de ROUEN.

Par dernières conclusions du 12 janvier 2018, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société STEF TRANSPORT ROUEN demande à la cour de faire mentionner sur son extrait KBIS M. Y en qualité de 'représentant permanent' de la SAS STEF TRANSPORT, et non de 'personne ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel', en lieu et place de M. X.

Par conclusions du 24 octobre 2017, le Parquet Général requiert la confirmation de la décision.

MOTIFS

Les informations devant être déclarées par une société au registre du commerce sont énumérées aux articles R123-53 et R123-54 du code de commerce.

Le présent litige pose plus précisément la question de l'application de l'article R123-54, qui dispose : « la société déclare en outre :

1° Les nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms et domicile personnel des associés tenus indéfiniment ou tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, leurs date et lieu de naissance, ainsi que leur nationalité de l'article R. 123-37 ;

2° Les nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms, date et lieu de naissance, domicile personnel et nationalité des :

a) Directeurs généraux, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du directoire ou, le cas échéant, directeur général unique, associés et tiers ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel la société avec l'indication, pour chacun d'eux lorsqu'il s'agit d'une société commerciale, qu'ils engagent seuls ou conjointement la société vis-à- vis des tiers ;

b) Le cas échéant, administrateurs, président du conseil d'administration, président du conseil de surveillance, membres du conseil de surveillance et commissaire aux comptes ;

En ce qui concerne le commissaire aux comptes, l'adresse professionnelle peut être déclarée en lieu et place du domicile ;

3° Lorsque les personnes mentionnées aux a et b ci-dessus sont des personnes morales, la dénomination sociale, la forme juridique, l'adresse du siège, le cas échéant leur représentant permanent ainsi que :

a) Pour les personnes morales de droit français immatriculées au registre, les renseignements mentionnés aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ;

b) Pour les sociétés relevant de la législation d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, le numéro et le lieu d'immatriculation dans un registre public ;

c) Pour les personnes morales non immatriculées ou relevant de la législation d'un État non-membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, les nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms et domicile des personnes ayant le pouvoir de les diriger, gérer ou engager à titre habituel. »

Le juge commis à la surveillance du RCS de ROUEN a rejeté la requête présentée par la SAS STEF TRANSPORTS ROUEN, tendant à modifier le nom du représentant permanent de la personne morale la présidant, aux motifs que :

- les mentions au RCS présentent un caractère impératif, de sorte que toutes les informations dont la publication est prévue par la loi, mais seulement celles-ci, doivent être publiées,

- il résulte de l'article R123-54 du code de commerce qu'il convient de distinguer selon que le régime applicable à la forme particulière de la société dirigée prévoit ou non que la personne morale assumant ces fonctions de direction doive désigner un représentant permanent,

- les articles L227-1 et suivants du code de commerce, relatifs aux SAS, ne prévoient jamais la nomination d'un représentant permanent, contrairement aux textes concernant les SA,

- il existe de nombreuses délégations internes au sein des sociétés, qui ne sont pas publiées au registre du commerce, sans que cela ne remette en cause les engagements pris par elles,

- le représentant permanent de la société nommée présidente a la possibilité d'être inscrit sur l'extrait KBIS en qualité de « personne ayant le pouvoir d'engager à titre habituel la société ».

Le Parquet général requiert la confirmation de la décision, en se fondant sur l'avis n°2015-04 en date du 5 février 2015, rendu par le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés (CCRCS), lequel rappelle le caractère limitatif et d'ordre public des mentions du RCS et interprète l'article R123-54 3° comme ne visant que les représentants permanents dont l'existence est consacrée par la loi.

Comme le souligne la SAS STEF TRANSPORTS ROUEN, le CCRCS est une commission administrative à caractère consultatif, dont les avis ne présentent aucun caractère contraignant.

La cour observe que la demande formée par la SAS STEF TRANSPORTS ROUEN tend non pas à une inscription mais à une modification, signe que le greffe du RCS de ROUEN a pu admettre, par le passé, l'inscription de M. X, en qualité de représentant permanent de la SAS STEF TRANSPORT.

Il est constant que si les articles L227-1 et suivants du code de commerce, relatifs aux SAS, ne prévoient pas la nomination d'un représentant permanent, contrairement aux textes concernant les SA, il est admis que les statuts d'une SAS puissent prévoir l'existence d'un tel représentant.

Pour s'opposer à la requête de la SAS STEF TRANSPORTS ROUEN, le juge chargé du contrôle du RCS, se fondant sur l'avis du CCRCS du 5 février 2015, soutient que l'article R123-4 3° du code de commerce vise uniquement le représentant permanent dont l'existence est consacrée par la loi, à l'exclusion des SAS pour lesquelles le représentant permanent est nécessairement statutaire.

Or, la disposition selon laquelle « la société déclare, lorsque les personnes mentionnées aux a) et b) ci-dessus sont des personnes morales, le cas échéant leur représentant permanent » ne se réfère nullement aux seuls représentants permanents légaux, le terme « le cas échéant » signifiant simplement qu'il n'y a pas nécessairement désignation d'un représentant permanent lorsque le dirigeant d'une société est une personne morale, mais que, dans l'hypothèse où une telle désignation existe, le nom du dit représentant doit figurer sur le registre du commerce.

Dès lors qu'il est admis par tous qu'en vertu de l'article R123-54 2° du code de commerce, « les nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms, date et lieu de naissance, domicile personnel et nationalité » d'un dirigeant personne physique d'une SAS doivent figurer sur le registre du commerce, il n'y a aucune raison, dans l'hypothèse où le dirigeant est une personne morale et que ses statuts prévoient l'existence d'un représentant permanent, de ne pas faire application de l'article R123-54 3°, qui découle directement de l'article R123-54 2°.

Enfin, contrairement à ce qu'indique le juge commis à la surveillance du RCS, le fait de faire figurer le nom du représentant permanent n'affaiblit nullement la sécurité juridique des tiers, mais au contraire la renforce, puisque la responsabilité du représentant permanent vient s'ajouter à celle du représentant légal de la SAS.

A l'inverse, le refus opposé à la requête de la SAS STEF TRANSPORTS conduit à laisser figurer sur le KBIS une information erronée, susceptible de tromper les tiers.

Il est à cet égard étonnant qu'en procédant de sa propre initiative à la substitution de la mention « représentant permanent » par celle de « personne ayant le pouvoir de diriger ou engager à titre habituel », le greffe du tribunal de commerce ait conservé le nom de l'ancien représentant permanent de la SAS STEF TRANSPORTS, M. X.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer la décision déférée et d'accueillir la demande formée par la SAS STEF TRANSPORTS ROUEN.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT à nouveau,

ORDONNE au greffe du RCS du tribunal de commerce de ROUEN d'inscrire au registre du commerce et des sociétés M. Patrick MARQUART en qualité de nouveau « représentant permanent » de la SAS STEF TRANSPORT en lieu et place de M. X.