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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 22 septembre 2014, n° 13/00923

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Me Buisson

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blanc

Conseillers :

Mme Nollet, Mme Faivre

Avocats :

Me Daudé, Me Laval, Me Hervouet

TGI Blois, du 8 nov. 2012, n° 13/00923

8 novembre 2012

Prononcé le 22 SEPTEMBRE 2014 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Suivant acte du 29 juin 2010, maître Gérald BUISSON, agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de François X... , a saisi le tribunal de grande instance de BLOIS pour se voir autoriser à accepter, aux lieu et place de ce dernier, la succession de Jean-Marie X... , décédé le 16 janvier 2004 à SAINT VIATRE (41).

Par jugement du 8 novembre 2012, le tribunal, statuant au visa de l'article 779 du code civil, a autorisé maître BUISSON, es-qualités, à accepter ladite succession, a condamné François X... à lui verser la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné François X... aux dépens.

Ce dernier a interjeté appel de la décision.

Suivant conclusions du 7 mai 2014, il demande à la cour de :

à titre principal,

- renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de BOURGES, juridiction limitrophe, subsidiairement,

- infirmer le jugement entrepris,

- faisant application des dispositions relatives à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, dire que maître BUISSON n'avait ni capacité, ni pouvoir, pour engager la présente action,

- le déclarer irrecevable en ses demandes,

- dire que maître BUISSON n'a pas qualité pour exercer l'action en renonciation de succession en ses lieu et place,

- déclarer maître BUISSON irrecevable à agir, pour défaut de la qualité de liquidateur dû à la durée excessive de la liquidation judiciaire, au sens de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,

- débouter maître BUISSON, es-qualités, de l'ensemble de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner maître BUISSON, es-qualités, à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.

François X... s'estime fondé à solliciter, en application de l'article 47 du code de procédure civile, le renvoi de l'affaire devant une juridiction limitrophe, aux motifs que maître BUISSON n'a plus qualité pour le représenter dans le cadre de sa liquidation judiciaire et qu'il exerce des fonctions d'auxiliaire de justice dans le ressort de la présente cour.

Il allègue que, l'acceptation d'une succession étant personnelle, maître BUISSON n'a pas qualité pour agir de ce chef à sa place et qu'il doit être déclaré irrecevable en son action.

Il fait valoir, au surplus, que la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à son encontre le 9 avril 1986, qu'elle aurait dû être clôturée pour insuffisance d'actif en septembre 2002, qu'elle se poursuit en réalité depuis plus de 28 ans, qu'il s'agit d'une durée excessive au sens de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, que l'ouverture d'une procédure de la liquidation judiciaire simplifiée était obligatoire en vertu des dispositions de l'article L 641-2 alinéa 1 du code de commerce, dès lors que les conditions de mise en oeuvre de ladite procédure se trouvaient réunies, qu'en application des articles L 644-5 et L 643-13 du même code, la clôture devait être prononcée au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi, soit le 1er janvier 2007 ou, à tout le moins, le 1er avril 2007, et que, depuis cette date, maître BUISSON, n'a plus qualité, ni pouvoir, pour exercer la présente action.

Suivant conclusions du 10 avril 2014, maître BUISSON, agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de François X... , sollicite la confirmation du jugement entrepris, la condamnation de l'intéressé à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.

Maître BUISSON soutient que les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ne sont pas applicables lorsque l'auxiliaire de justice concerné intervient à la procédure en tant que représentant d'une partie, et non en tant que partie lui-même au litige, qu'en l'espèce, il agit, non à titre personnel, mais en tant que liquidateur à la liquidation judiciaire de François X... , que les conditions de mise en oeuvre de la liquidation judiciaire simplifiée ne sont pas réunies, que des droits immobiliers sont entrés dans le patrimoine de l'intéressé le jour du décès de son père, soit le 16 janvier 2004, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 instaurant ladite procédure, que l'actif successoral n'est pas, au surplus, de faible valeur et comporte des biens immobiliers, lesquels ne sont pas des 'actifs faciles et rapides à réaliser', que la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ne pouvait donc trouver à s'appliquer en l'espèce, que François X... n'a jamais saisi le tribunal de commerce, seul habilité à cet égard, d'une demande tendant à voir convertir la procédure de liquidation judiciaire en cours en liquidation judiciaire simplifiée, que l'assignation introductive de la présente instance a été délivrée à la dernière adresse connue du débiteur et que ce dernier a, en tout état de cause, été en mesure de faire valoir ses moyens de défense, que la nullité de l'assignation ne saurait donc être encourue, que la renonciation à succession de François X... ne lui a jamais été notifiée, qu'elle est intervenue quatre ans après le décès de Jean-Marie X... et un an après le dépôt de la requête tendant à voir autoriser le liquidateur à saisir le tribunal aux fins de liquidation de l'indivision, que cette renonciation ne vise qu'à accroître l'insolvabilité du débiteur au préjudice de ses créanciers et que le droit du débiteur en liquidation judiciaire d'agir seul, pour accepter ou renoncer à la succession, ne prive pas le liquidateur de la possibilité dont il dispose, en vertu de l'article 779 du code civil, de se faire autoriser en justice à accepter la succession au bénéfice exclusif des créanciers et dans la limite de leurs créances.

SUR CE, LA COUR :

Sur l'application de l'article 47 du code de procédure civile :

Attendu que, lorsqu'un auxiliaire de justice est parti à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe ;

Que ces dispositions ne trouvent à s'appliquer que lorsque l'auxiliaire de justice est partie au litige, et non lorsque celui-ci intervient en qualité de représentant d'une partie ;

Attendu, en l'espèce, que maître BUISSON a été nommé liquidateur à la liquidation judiciaire de François X... par jugement du tribunal de commerce de BLOIS en date du 9 avril 2006 ;

Que c'est, en cette qualité et pour la défense des intérêts des créanciers du débiteur, qu'il a, au visa de l'article 779 du code civil, saisi le tribunal de grande instance de BLOIS, pour se voir autoriser à accepter la succession litigieuse ;

Que, ce faisant, maître BUISSON, es-qualités, n'agit pas à titre personnel, mais bien en sa qualité de liquidateur, qualité dont il n'a, à ce jour, pas été dessaisi ;

Que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 47 du code de procédure civile ne peuvent trouver à s'appliquer ;

Que la demande de renvoi de la cause devant une juridiction limitrophe ne peut qu'être rejetée ;

Sur l'application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée :

Attendu que la loi du 26 juillet 2005, qui a instauré le régime de la liquidation judiciaire simplifiée, est entrée en vigueur le premier janvier 2006 ;

Qu'elle ne s'applique pas aux procédures alors en cours, sous réserve de certaines exceptions dont celle concernant le régime de liquidation judiciaire simplifiée, lequel est susceptible d'application immédiate si les critères d'application sont réunis ;

Attendu que, pour que le régime de la liquidation judiciaire simplifiée soit applicable, trois conditions cumulatives sont posées par l'article L 641-2 alinéa 2 du code de commerce, à savoir :

- l'absence de bien immobilier dans l'actif du débiteur,

- un nombre de salariés égal ou inférieur à 5 au cours des six derniers mois,

- un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 75.000 € à la date de clôture du dernier exercice comptable ;

Que l'article L 643-13 dispose, en outre, que, si les actifs du débiteur consistent en une somme d'argent, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée est de droit applicable ;

Attendu qu'une fois ouverte, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée doit être clôturée au plus tard un an après son ouverture ;

Attendu, en l'espèce, que la procédure collective a été ouverte à l'égard de François X... suivant jugement de redressement judiciaire du 21 mars 1986, converti par décision du 9 avril 1986 en liquidation judiciaire ;

Que François X... n'a jamais sollicité auprès du tribunal de commerce le bénéfice de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ;

Que, en tout état de cause et contrairement aux allégations de l'intéressé, celui-ci ne remplissait pas les conditions requises pour prétendre au bénéfice de cette mesure ;

Que, à compter du 16 janvier 2004, date du décès de son père, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, il est, en effet, devenu propriétaire indivis avec ses frères et soeurs des biens immobiliers compris dans la succession du de cujus ;

Que la présence de droits immobiliers dans l'actif du débiteur empêche tout recours à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ;

Que, au surplus, l'actif successoral, tel qu'il résulte des renseignements communiqués par le notaire liquidateur, de l'ordre de 715.000 €, n'est pas de faible valeur et qu'il comporte des biens immobiliers, qui ne peuvent être qualifiés, en présence de cinq co-partageants, d'actifs faciles et rapides à réaliser ;

Que François X... n'a renoncé que le 15 septembre 2008, soit bien après l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, à la succession de son père ;

Que cette renonciation, arguée de frauduleuse, a été immédiatement contestée par maître BUISSON, es-qualités, les parties étant renvoyées par la présente cour (arrêt du 25 mars 2010) à saisir le tribunal de grande instance de BLOIS pour faire trancher cette contestation, ce qu'elles font dans le cadre de la présente instance ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la procédure de liquidation judiciaire simplifiée n'a jamais eu vocation à s'appliquer en l'espèce, que maître BUISSON n'a pas été dessaisi de sa mission de liquidateur à la liquidation judiciaire de François X... , que cette procédure est toujours en cours et que liquidateur régulièrement désigné a parfaites qualité et capacité pour exercer la présente action ;

Sur le caractère personnel de la renonciation à succession :

Attendu que la faculté d'accepter ou de renoncer à la succession est, certes, un droit attaché à la personne que le débiteur en liquidation judiciaire exerce seul ;

Que, cependant, le liquidateur tire des dispositions de l'article 779 du code civil (anciennement 788 du code civil) le pouvoir de se faire autoriser en justice à accepter la succession en lieu et place du débiteur, lorsque celui-ci s'abstient de le faire ou y renonce au préjudice des droits de ses créanciers ;

Que le moyen d'irrecevabilité de ce chef n'est pas davantage fondé ;

Sur la durée de la procédure :

Attendu, enfin, que François X... ne saurait se prévaloir de la durée excessive de la liquidation judiciaire en cours à son égard, alors que la multiplicité des procédures engagées témoigne de sa résistance à permettre l'accomplissement de sa mission par le mandataire désigné ;

Qu'il doit, en particulier, être souligné que François X... a dissimulé à maître BUISSON, es-qualités, l'ouverture de la succession de son père ensuite du décès de ce dernier le 16 janvier 2004, que le mandataire a dû recueillir lui-même les informations nécessaires auprès du notaire chargé des opérations de partage et engager une procédure judiciaire, à défaut de coopération du débiteur, que ce dernier a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de BLOIS en date du 28 novembre 2008, qui a autorisé maître BUISSON, es-qualités, à agir en partage de l'indivision existant entre ses frères et soeurs et lui, qu'en cause d'appel, François X... a fait connaître qu'il avait renoncé à la succession de son père, ce qui a contraint maître BUISSON, es-qualités, à contester cette renonciation contraire aux intérêts des créanciers et à engager la présente instance pour obtenir l'autorisation d'accepter la succession aux lieu et place du débiteur, que, dans le cadre de cette instance, François X... a encore multiplié les moyens d'irrecevabilité et artifices de procédure pour empêcher l'examen au fond du litige et qu'il apparaît qu'il est, en ce qu'il fait manifestement tout pour faire échapper à la liquidation judiciaire les biens susceptibles de lui échoir, lui-même, dans une large mesure, à l'origine de la durée, effectivement très longue, de cette procédure de liquidation judiciaire ;

Attendu que maître BUISSON, es-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de François X... , sera déclaré recevable en son action ;

Sur le fond :

Attendu que la renonciation de François X... à la succession de son père, alors que sa part dans ladite succession est évaluée par le notaire à 143.000 €, est contraire aux intérêts de ses créanciers, non désintéressés à ce jour ;

Que c'est à bon droit que le premier juge a, au visa de l'article 779 précité du code civil, autorisé maître BUISSON, es-qualités, à accepter aux lieu et place de l'intéressé ladite succession ;

Que le jugement entrepris mérite d'être confirmé ;

Attendu que François X... , qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens, ainsi qu'au paiement à maître BUISSON, es-qualités, de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

STATUANT publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REJETTE la demande de François X... tendant à voir renvoyer la cause devant la cour d'appel de BOURGES ou toute autre juridiction limitrophe,

DÉCLARE maître BUISSON, es-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de François X... , recevable et bien fondé en son action,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE François X... à payer à maître BUISSON, es-qualités, la somme de TROIS MILLE EUROS (3.000 €), sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE François X... aux dépens.