CA Douai, 2e ch. sect. 2, 13 octobre 2009, n° 09/01510
DOUAI
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Olivier
Conseillers :
M. Deleneuville, Mme Muller
Avoués :
SCP Thery-Laurent, SCP Deleforge Franchi
Avocat :
Me Mathot
Monsieur David DEWITTE, exploitant un fonds de commerce de café 47 place Carnot à DOUAI a été déclaré en liquidation judiciaire simplifiée le 19 juin 2008, avec poursuite de l'activité. Dans ce cadre, Monsieur Christophe X... a adressé le 25 août 2008 une proposition d'achat du fonds de commerce à Maître Dominique MIQUEL ès qualités de liquidateur. Devant l'existence d'une offre émanant d'autres candidats, Maître Dominique MIQUEL a demandé à ces derniers et à Monsieur Christophe X... d'adresser leur meilleure offre au Juge Commissaire sous forme de pli cacheté. Monsieur Christophe X... a adressé alors une offre le 10 octobre 2008 pour un montant de 90 000 €.
Par ordonnance du 24 octobre 2008, le Juge Commissaire ordonnait la vente du fonds de commerce au profit de Monsieur Christophe X... pour le prix de 90.000 €.
Sur opposition formée par Monsieur Christophe X... à cette ordonnance, par jugement du 11 février 2009, le Tribunal de Commerce de DOUAI a, notamment, rejeté la demande de Monsieur Christophe X... tendant à voir rétracter l'ordonnance du juge commissaire, condamné Monsieur Christophe X... à signer, dans les 15 jours de la notification du jugement, l'acte de vente du fonds de commerce, ainsi qu'à payer le prix de 90 000 € outre intérêts et frais de vente, et qu'à défaut de cette signature le jugement vaudra cession. Il a encore condamné
Monsieur Christophe X... à payer à Maître Dominique MIQUEL ès qualité la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au Greffe en date du 27 février 2009, Monsieur Christophe X... a interjeté appel de cette décision, appel tendant expressément à l'annulation du jugement. Dans ses dernières conclusions déposées le 11 juin 2009, il sollicite l'annulation du jugement et de l'ordonnance du juge commissaire en faisant valoir que ce dernier a excédé ses pouvoirs en autorisant la vente dans de telles conditions. Il expose, à cette fin, que seul le tribunal pouvait autoriser la vente de gré à gré des biens de l'entreprise, et que, ce dernier n'y ayant pas procédé dans le jugement ouvrant la liquidation judiciaire simplifiée, seule la vente aux enchères était possible, et le juge commissaire ne pouvait lui-même autoriser la vente de gré à gré.
Il demande encore condamnation de Maître Dominique MIQUEL à lui payer la somme de 4 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Maître Dominique MIQUEL, dans ses dernières conclusions déposées le 5 mai 2009, soulève l'irrecevabilité de l'appel formé par Monsieur Christophe X..., au moyen que le juge commissaire n'a pas statué en dehors du cadre de ses pouvoirs dès lors qu'il lui revenait d'autoriser la vente du fonds de commerce et que c'est seulement la modalité de cette vente qui est en l'espèce critiquée. À défaut, il demande que le jugement soit confirmé.
Il sollicite encore condamnation de Monsieur Christophe X... à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel tendant à la nullité du jugement, voie de recours qui a été formée en l'espèce, n'est ouverte que dans le cas où le Juge qui a rendu la décision attaquée a excédé ses pouvoirs, cet excès devant être entendu en un sens strict.
En l'espèce, le Juge Commissaire a, en application des dispositions de l'article L. 642-19 du Code de Commerce "ordonné la vente de gré à gré du fonds de commerce (...) dépendant de l'actif de Monsieur David DEWITTE (...) au profit de Monsieur Christophe X... moyennant le prix de 90 000 € selon les dispositions reprises dans son offre". Or, la procédure collective concernant Monsieur David DEWITTE est une liquidation judiciaire simplifiée prononcée en application des dispositions de l'article L. 641-2 du Code de Commerce dans sa rédaction résultant de la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises et régie par les articles L. 644-1 et suivants du même code. Dans une telle procédure et en application de ces textes, c'est le Tribunal lui-même qui détermine, par jugement, les biens de l'entreprise pouvant faire l'objet d'une vente de gré à gré, ceux-ci étant alors cédés sans l'autorisation du Juge Commissaire ; ce dernier ne dispose dès lors, dans un tel cas, d'aucun pouvoir d'autorisation d'une vente de gré à gré de biens de l'entreprise, a fortiori d'un pouvoir d'«ordonner» une telle vente ainsi que le Juge Commissaire l'a décidé en l'espèce dans l'ordonnance frappée de recours.
Dès lors, en l'espèce, le Juge Commissaire a bien excédé ses pouvoirs en prenant une décision qui ne lui revenait pas dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée décidée par le Tribunal ; dès lors, cette ordonnance doit être annulée, de même que le jugement qui a rejeté le recours formé contre elle.
Maître Dominique MIQUEL, succombant en sa position, devra supporter les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, il n'est pas possible de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Christophe X... tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et de l'instance devant le premier juge et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
ANNULE en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Statuant à nouveau :
PRONONCE la nullité, pour excès de pouvoir, de l'ordonnance du Juge Commissaire du 24 octobre 2008.
CONDAMNE Maître Dominique MIQUEL à payer à Monsieur Christophe X... la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
REJETTE toutes les autres demandes.
CONDAMNE Maître Dominique MIQUEL aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP THERY-LAURENT, avoués associés, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.