CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 17 décembre 2020, n° 17/14863
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Marine Consulting International (Sté), Delta Solutions (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourrel
Conseillers :
Mme Fillioux, Mme Alquié-Vuilloz
Avocats :
Me Causse, Me Rousseau, Me Béchet
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
La société Delta Solution qui exerce une activité d'expertise, de conseil, d'audit, d'organisation et de maîtrise d'ouvrage dans le domaine du transport, du déménagement et des activités maritimes et d'assurance est une société par actions simplifiées au capital de 100 000 euros divisé en 1 000 actions d'une valeur nominale de 100€, constituée entre la société Camaoce devenue Marine Consulting international et Messieurs Gil G. et Marc E..
Le capital de la société Delta solutions a été réparti de la manière suivante :
- 510 actions soit 51% à la société Marine Consulting International,
- 90 actions soit 9% à Monsieur Gil G.,
- 100 actions soit 10% à Monsieur Marc E.,
- 250 actions soit 25% à Monsieur Cédric D.,
- 50 actions soit 5% à Monsieur Pierre Paul G..
A ce jour le capital de la société Delta solution est réparti de la manière suivante :
- 76% à la société Marine Consulting International,
- 9% à Monsieur G.,
- 10% à Monsieur E.,
- 5% à Monsieur G..
La société Marine Consulting International est une holding familiale constituée entre Monsieur G. et ses enfants.
Monsieur Gil G. exerce les fonctions de Président de la société Delta Solution et de la société Marine Consulting International.
Le 26 juillet 2016, Messieurs E., G. et D. saisissent le tribunal de commerce de Marseille afin de voir nommer un administrateur provisoire.
Le 26 juillet 2016, les associés minoritaires ont convoqué pour le 11 août 2016 à 14h une assemblée générale de la société Delta Solution avec à l'ordre du jour : les modifications des statuts de la société, la prise d'acte de la démission du président, la révocation du président et la nomination d'un nouveau président.
Le 11 août 2016 entre 14h et 14h05, Messieurs E., D. et G. adoptent la première résolution en présence d'un huissier de justice. Monsieur G. rejoint l'assemblée générale à 14h05.
Par ordonnance de référé du 6 octobre 2016, le président du tribunal de commerce de Marseille a suspendu les effets de la dite résolution jusqu'à la décision au fond.
Par jugement contradictoire du 22 juin 2017, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la nullité de l'assemblée générale du 11 août 2016, condamné solidairement Messieurs E., D. et G. à payer à Monsieur G. la somme de 20 000€ chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral causé par la révocation de ses fonctions de président et la suspension de son droit d'exercer son activité d'expert maritime et 1 000€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les a déboutés de leur demande reconventionnelle et les a condamnés aux dépens.
La juridiction a estimé, en application des dispositions de l'article L 223-37 et L 225-104 du code de commerce, que la participation de Monsieur G. à l'assemblée du 11 août 2016, nonobstant son retard, permet de valider les violations de la convocation, les associés minoritaires n'ayant pas le pouvoir de convoquer une assemblée générale, qu'en revanche, la modification des statuts adoptée en l'absence de Monsieur G., donc sans l'unanimité, doit être annulée car contraire aux dispositions de l'article 1836 du code civil et que la mésentente certaine entre les associés n'était pas de nature à entraîner la paralyser du fonctionnement de la société de sorte qu'il n'y avait pas lieu de prononcer sa dissolution.
Le 22 juin 2017, Messieurs E., G. et D. ont interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 26 octobre 2020, ils demandent à la cour au visa des articles 784 du code de procédure civile, 1836 et 1240 du code civil et L 227-9 du code de commerce de :
* rabattre l'ordonnance de clôture du 18 février 2020,
*confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré valable la convocation à l'assemblée générale du 11 août 2016,
* l'infirmer pour le surplus,
*déclarer l'assemblée générale du 11 août 2016 valable,
*débouter Monsieur G. et la société Marine Consulting international de toutes leurs demandes,
* les condamner in solidum à leur payer :
- à Monsieur D. la somme de 181 671,90€ au titre du préjudice économique et 10 000€ au titre du préjudice moral,
- à Monsieur E. la somme de 88 746,20€ au titre du préjudice économique et 70 000€ au titre du préjudice moral,
- à Monsieur G. la somme de 70 768,30€ au titre du préjudice économique et 70 000€ au titre du préjudice moral,
* les condamner in solidum à leur payer la somme de 20 000€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction.
Ils soutiennent que les dispositions de l'article 1836 alinéa 1 du code civil ne sont pas d'ordre public de sorte qu'il est possible d'y déroger, que l'article L 227-9 du code de commerce permet aux associés d'organiser dans les statuts les conditions nécessaires à l'adoption des décisions collectives, que l'article 24 des statuts de la société Delta Conseil déroge à l'article 1836 du code civil et prévoit le recours à la majorité et non l'unanimité de sorte que la première résolution a été valablement adoptée.
Ils font valoir que les autres résolutions découlant de la première sont également valables
Sur le préjudice résultant de cette révocation, ils soutiennent qu'elle répondait à des motifs graves dont des détournements de soumissions aux appels d'offre à son profit par Monsieur G., à une gestion opaque et une absence de communication des conventions réglementées.
Ils soulignent que cette révocation intervient après de nombreux échanges de mails et de correspondances, que Monsieur G. était avisé de motifs de révocation et qu'elle n'a eu aucun caractère vexatoire et que la suspension de ses activités d'expert n'a duré que 6 jours.
Concernant leur préjudice, ils indiquent que Monsieur G. a manqué à son devoir de loyauté et qu'ils ont subi de ce fait un préjudice économique important, tenant à l'absence de secrétariat, d'une perte de la valeur de leurs parts sociales et à l'absence de distribution des dividendes et ils invoquent tous un préjudice moral important.
Par conclusions déposées et notifiées le 14 septembre 2020, Monsieur G. et la société Marine Consulting International demande à la cour au visa des articles 1836 du code civil et L 227-1 du code de commerce de :
*révoquer l'ordonnance de clôture et admettre les pièces et conclusions,
* infirmer le jugement du 22 juin 2017 du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il dit n'y avoir lieu à annulation de l'assemblée générale du 11 août 2016 en raison de l'irrégularité de la convocation et débouter Monsieur G. et la société Marine Consulting International de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de l'irrégularité et du caractère frauduleux de l'assemblée générale du 11 août 2016,
Statuer à nouveau à cet égard :
*constater que l'assemblée générale du 11 août 2016 a été irrégulièrement convoquée,
* condamner conjointement et solidairement Messieurs D., E. et G. à payer à la société Marine Consulting International et Monsieur G. la somme de 100 000€ chacun en réparation du préjudice moral que leur a causé la convocation et la tenue frauduleuse de l'assemblée générale du 11 août 2016,
Pour le surplus :
*dire et juger que l'assemblée générale du 11 août 2016 a été convoquée et s'est tenue en fraude des droits des associés majoritaires à savoir la société Marine Consulting International et Monsieur G.,
*dire que l'article 24 des statuts ne pouvait être modifié s'agissant des modalités d'adoption des décisions collectives qu'à l'unanimité de tous les associés,
*dire et juger que la désignation d'un président de séance de l'assemblée générale est irrégulière,
* dire et juger que la révocation de Monsieur Gil G. de ses fonctions de président de la société Delta Solutions est abusive et dépourvue de tout motif grave de nature à la justifier,
En conséquence : *confirmé le jugement en ce qu'il a annulé l'assemblée générale des actionnaires du 11 août 2016 et condamné solidairement les intimés à lui payer la somme de 20 000€ chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et les a déboutés de leur demande de dissolution de la société Delta Solution et de leur demande de dommages et intérêts,
* condamner in soludim les intimés à lui payer la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur la convocation à l'assemblée générale du 11 août 2016, ils exposent que les dispositions des articles L 223-27 et L 225-104 du code de commerce ne sont pas applicables aux sociétés par actions simplifiées, que la règle de la validation par la présence de tous les associés n'est pas non plus inscrite dans les statuts de la société Delta solutions, que de surcroît, Monsieur G. n'était pas présent lors du vote de la première résolution qu'ainsi sa présence ne peut couvrir la nullité invoquée, que l'annulation de la première résolution est de nature à entraîner de facto celle des autres résolutions, qu'en vertu des dispositions statutaires de la société Delta Solution notamment l'article 26, l'assemblée générale ne pouvait être convoquée que par le président, que la dérogation prévue à l'article 25 des statuts ne concernent pas les assemblées générales mais uniquement les décisions collectives.
Ils ajoutent que selon les dispositions de l'article 1836 du code civil les modifications des statuts ne peuvent être adoptées qu'à l'unanimité et que les statuts de la société Delta Solution ne comportent aucune dispositions contraires contrairement aux dires des appelants, qu'il convient de confirmer la décision des juges de première instance .
Ils soulignent enfin que l'assemblée générale litigieuse présente un caractère frauduleux en raison de son caractère précipité en pleine saison estivale alors qu'elle ne présentait aucun caractère d'urgence et que l'absence de désignation d'un président de séance démontre le caractère frauduleux de cette assemblée.
Ils précisent enfin que cette décision a constitué un abus de majorité que l'annulation de l'assemblée litigieuse ne suffit pas à réparer, Monsieur G. ayant subi un préjudice moral conséquent.
Sur la révocation abusive de Monsieur G., ils font valoir que la révocation du président ne peut intervenir que pour motifs graves selon les dispositions statutaires de la société, que l'assemblée litigieuse ne fait pas mention de motifs graves justifiant la décision, que les associés ont toujours voté l'approbation de comptes, que les reproches fondés sur un éventuel conflit d'intérêt avec les autres sociétés au sein desquelles intervient Monsieur G. ne sont justifiés, pas plus que ceux basés sur le défaut d'assurance de la société Delta solution, que les autres griefs n'ont pas été évoqués lors de l'assemblée générale et concerne la société Delta Consult et E-secrétariat mais pas la société Delta Solution, que l'absence de secrétariat à compter du mois de juin 2016 est étrangère à la volonté de Monsieur G. et n'a pas affecté le chiffre d'affaires de la société Delta solution.
Ils réfutent les reproches en soulignant que les associés ont toujours approuvé les comptes à l'unanimité, que les appelants ne versent pas au débat les factures dont Monsieur G. aurait omis de tenir compte, qu'il n'est pas justifié d'un trop perçu au profit de Monsieur G., que les factures contestées adressées par la société Marine Consulting International à la société Delta solution concernent les années 2006 à 2010 pour des comptes qui ont été approuvés, que le prélèvement de 100 000€ au profit de la société Marine Consulting International intervenu après la décision de révocation ne peut permettre de la justifier et ce d'autant que cette somme correspond à des factures émises après prestations en juin et juillet 2016,
Concernant le détournement de soumission d'appel d'offre, ils soulignent que ce grief n'est pas fondé ainsi que le reconnaissent les appelants
Concernant les dépenses d'ordre privées, ils indiquent que seul le billet d'avion de Monsieur G. a été pris en charge par la société Delta solution puisqu'il profitait de ce voyage aux USA pour rencontrer un client, que de surcroît, cette dépense d'un montant de 791,43€ et antérieure de 7 ans à l'assemblée générale ne peut justifier la révocation.
Ils concluent que la révocation de Monsieur G. n'est pas justifiée par des motifs graves, que sa gestion de la société a permis une situation financière favorable, que sa révocation est donc abusive et vexatoire, de sorte qu'il est fondé à obtenir de justes dommages et intérêts.
Sur le préjudice des appelants, ils mentionnent que Monsieur D. a démissionné en novembre 2016 afin de rejoindre une entreprise concurrente la société Veritech, que Monsieur G., licencié pour inaptitude, a créé une entreprise concurrente PPG Expertise et Monsieur E. a mis fin au contrat de partenariat avec la société Delta Solution et a rejoint la société Veritech, que leurs demandes relatives à la réalisation d'heures supplémentaires en raison de l'absence de secrétariat ne sont pas recevables devant la présente juridiction, que Monsieur G. n'a pas commis de faute séparable de ses fonctions de nature à entraîner sa responsabilité.
Sur la perte de valeur de leurs parts, ils soulignent que le chiffre d'affaires de la société a plus que doublé en 8 ans sous la présidence de Monsieur G., que les baisses subies entre 2017 et 2020 sont les résultats du départ des associés, que sur l'absence de distributions de dividendes, ils précisent que la marge de 10% du chiffre d'affaires évoquée n'a jamais été atteinte et que jusqu'en 2015, les associés ont décidé de l'affectation des résultats à l'unanimité, que la distribution de dividendes ne relève pas des attributions du président.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 novembre 2020.
Motifs :
Sur la convocation à l'assemblée générale du 11 août 2016 :
Par acte d'huissier notifié le 26 juillet 2016, Messieurs D., E. et G. ont fait signifier à Monsieur G. et la société Delta Solution une convocation à une assemblée générale de la société Delta Solution prévue pour le 11 août 2016 à 14 heures au siège social de la dite société.
L'article L 227-9 du code de commerce énonce que ' les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient…'.
L'article 25 des statuts de la société Delta Solution intitulé 'modalités des décisions collectives' indique que ' les décisions collectives sont prises sur convocation ou à l'initiative du président ou tout associé '. Cependant l'article 26 des dits statuts sous l'intitulé ' assemblée ' souligne que les associés se réunissent en assemblée sur convocation du président au siège social ou en tout autre lieu mentionné dans la convocation. Sauf à vider de tout sens ces deux articles, il convient de retenir de leur combinaison que seul le président avait le pouvoir de convoquer l'assemblée générale, les associés ne disposant pas d'une telle capacité, l'article 25 des statuts ne concernant que la prise de décisions collectives autres que celles prises pendant l'assemblée générale qui sont alors soumises, selon les statuts, à rédaction d'un procès-verbal signé des associés.
Il est constant toutefois en l'état d'une clause précise et claire n'ouvrant pas une possibilité d'interprétation, que la règle ainsi définie sur les modalités de convocation par l'article 26 doit être retenue et que la convocation du 26 juillet 2016 était irrégulière car prise en violation des statuts.
Nonobstant cette irrégularité, les appelants concluent à l'irrecevabilité de l'action en nullité au motif que la présence effective de Monsieur G. à partir de 14h05 purgerait de tout vice cette convocation.
Il est acquis que les dispositions de l'article L223-27 du code de commerce et l'article 225-104 du même code disposent effectivement que l'action en nullité d'une assemblée générale irrégulièrement convoquée n'est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés, mais ces textes s'appliquent respectivement pour les SARL et pour les SA.
Or si l'article L 227-1 du code de commerce pose le principe que les règles relatives aux SA s'appliquent aux sociétés par actions simplifiées, il est fait expressément exception à cette règle notamment pour les articles L 225-103 à L 225-126 du code de commerce.
Dès lors aucune disposition textuelle ou statutaire en l'espèce, indique que la nullité de la convocation serait purgée par la présence de tous les associés.
De surcroît afin d'échapper à la nullité de l'AG et régulariser la situation, il convient d'établir que tous les associés se sont réunis à la date et à l'heure prévues par la convocation.
Or, il convient de souligner que Monsieur G. n'est arrivé qu'à 14h 05, selon le constat d'huissier dressé par Maître R., soit postérieurement au vote de la première résolution intervenue dès 14h03. Dès lors cette assemblée générale irrégulièrement convoquée n'a pas été ouverte en présence de tous les associés et l'argument selon lequel la présence de tous les associés purgerait la convocation de tout vice ne peut recevoir application en l'espèce.
Toutefois, il n'y a pas lieu de sanctionner par la nullité le non-respect de cette disposition statutaire. En effet l'article L 227-9 du code de commerce énonce que ' les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.... Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé'. Mais le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n'est pas sanctionné par la nullité sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle. En l'absence de précision statutaire, comme en l'espèce sur le non-respect des stipulations des statuts en matière de convocation, leur violation n'est pas sanctionnée par la nullité. Or Monsieur G. ne se prévaut d'aucune disposition statutaire en ce sens.
De surcroît, selon l'article L 235-1 du code de commerce, 'la nullité des d'actes ou délibérations ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre, à l'exception de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 225-35 et de la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 225-64 ou des lois qui régissent les contrats, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833 du code civil'. L'article 1844-10 du code civil, limite également 'la nullité des actes ou délibérations des organes de la procédure aux cas de violation d'une disposition impérative de titre IX du code civil ou l'une des causes de nullité du contrat en général '.
Sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté ouverte par une disposition impérative de la loi d'aménager conventionnellement la règle, le non-respect des clauses statutaires n'est pas sanctionné par la nullité.
Or en l'espèce, Monsieur G. ne se prévaut d'aucune disposition impérative du livre II qui aurait été enfreinte, de sorte que l'absence de convocation régulière pour l'assemblée générale du 11 août 2016 ne permet pas de remettre en cause les délibérations de la dite assemblée.
La société Marine Consulting et Monsieur G. sollicitent l'indemnisation de leur préjudice moral résultant de l'irrégularité de la convocation. Toutefois, les intéressés, présents à la dite assemblée, ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.
Sur le vote de la première résolution :
Aux termes de l'article 1836 du code civil, les statuts d'une société ne peuvent être modifiés, à défaut de clause contraire, que par un accord unanime des associés.
Il n'est pas contesté que la règle de l'unanimité peut être écartée par des dispositions statutaires contraires, ainsi que l'article 1836 lui-même le prévoit, sauf dispositions légales l'interdisant et résultant des articles 1836 al 2, 1844 al 1 du code civil et L 227-19 du code de commerce prévoyant le maintien de la règle de l'unanimité dans les clauses prévues aux articles L227-13, L227-16 et L 227-17 du code de commerce.
En l'espèce, la première résolution proposée lors de l'assemblée générale du 11 août 2016 portant sur une modification des statuts n'entrant pas dans le champ des exclusions sus visées, la règle de l'unanimité ne devait pas être impérativement préservée et le vote pouvait s'opérer conformément aux règles prévues dans les statuts.
Il résulte de la lecture de l'article 24 des statuts de la société Delta solution que ' les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité des voix des associés disposant du droit de vote, présents ou représentés. Le droit de vote attaché aux actions est proportionnel à la quotité du capital qu'elles représentent. Chaque action donne droit à une voix '.
Cette clause, qui se borne à prévoir les modalités d'adoption des décisions collectives, n'implique nullement une dérogation aux dispositions impératives de l'article 1836 du code civil. En effet, la clause 24 ne règle que les conditions auxquelles sont soumises les décisions en assemblée générale mais aucune clause aux statuts de la société Delta Solution ne prévoit expressément et sans ambiguïté la possibilité de déroger aux dispositions de l'article 1836 du code civil. Le mécanisme de l'article 24 n'est donc aucunement contraire aux dispositions de l'article 1836 du Code civil.
Dès lors la modification des statuts prévue en l'espèce dans la première résolution devait être recueillir l'unanimité des accords des associés, en vertu des dispositions de l'article 1836 du code civil, faute de clause contraire permettant d'y déroger. Or elle a été votée en l'absence de Monsieur G. ainsi que cela résulte du procès-verbal d'huissier qui a noté son arrivé à 14h05 alors que la résolution a été admise à 14h03. Cette résolution doit être déclarée irrégulière en l'absence d'accord unanime des associés.
Il est constant que la nullité d'une délibération sociale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre deuxième du code de commerce ou du titre IX du code civil. La règle de l'unanimité requise, sauf clause contraire, pour modifier les statuts d'une société civile par l'article 1836 du code civil constitue une disposition impérative visée à l'article 1844-10. La nullité de la décision est donc encourue.
Il convient de confirmer la décision de première instance à ce titre.
Sur le préjudice de Monsieur G. :
Monsieur G. invoque un préjudice moral inhérent aux circonstances dans lesquelles sa révocation irrégulière est intervenue.
La révocation de Monsieur G., opérée suite à une modification irrégulière des statuts et dans le cadre d'une assemblée générale non valablement convoquée, a généré un préjudice moral certain pour ce dernier qui a été privé de ses fonctions de président jusqu'à la suspension de la décision par ordonnance de référé du 6 octobre 2016, sachant que sa révocation a été publiée dès le 17 août 2016 au registre du commerce, que la BPPC en a été avisé dès le 18 août 2016 et que le 31 août 2016, la société Delta Solution, en la personne de Monsieur E., le sommait de restituer le matériel professionnel mis à sa disposition.
Ainsi, cette révocation prononcée dans des circonstances vexatoires a été rendue publique auprès des tiers de l'entreprise et au registre du commerce et a, dès lors, porté atteint à la réputation de Monsieur G. qui est fondé à obtenir la condamnation in solidum des appelants à lui régler la somme totale de 45 000€.
Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre.
Sur le préjudice des appelants :
Les appelants sollicitent la condamnation in solidum de Monsieur G. et de la société Delta Solution à les indemniser du préjudice économique subi du fait de difficultés concernant le service de secrétariat, la perte de la valeur de leurs parts sociales et l'absence de distribution de dividendes depuis 2007, en stigmatisant un manquement à l'obligation de loyauté de la part de Monsieur G..
Selon les dispositions de l'article L225-251 du code de commerce ' les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion'. L'article L227-8 du code de commerce énonce que les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.
Il est donc constant que la responsabilité du dirigeant peut être engagée en raison de la commission d'une faute de gestion, faute qui comprend l'imprudence, la négligence ou des manœuvres frauduleuses. Les associés, qui peuvent agir pour obtenir réparation de leur préjudice personnel, doivent néanmoins prouver que la faute leur a causé personnellement un préjudice, et non pas un préjudice subi par la société dont le leur ne serait que le corollaire.
Monsieur G. oppose à cette action, l'absence de faute séparable de ses fonctions. Cependant la mise en oeuvre de la responsabilité du président à l'égard des associés agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi, n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ce dirigeant soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales.
Il résulte des éléments produits au débat que la société Delta Solution facturait des prestations de secrétariat à la société 'E-secrétariat' dont Monsieur G. serait également le président ainsi que le laissent entendre les appelants. Les parties ne contestent pas qu'à compter du mois de juin 2016, la salariée de la dite société a cessé ses activités et par courrier du 5 juillet 2016, Monsieur G. a alors préconisé de supprimer le recours à un service de secrétariat extérieur incitant les associés à accomplir les tâches administratives eux-mêmes. Cette décision, qui entre dans le cadre de la gestion d'une société, relève de la compétence de son président et ne présente pas de caractère fautif ou déloyal.
Les intéressés critiquent également une distribution insuffisante selon eux de dividendes depuis 2007. Toutefois, la décision de distribuer des dividendes appartient aux associés en assemblée générale et non au dirigeant, après avoir approuvé les comptes de l'exercice écoulé et constaté l'existence de sommes distribuables. Messieurs E., D. et G., qui ne justifient pas avoir critiqué en temps utile les comptes annuels lors des assemblées générales, ne sont pas fondés à contester aujourd'hui l'absence de distribution à hauteur de leur espérance et ce d'autant qu'au titre des motifs de la révocation de Monsieur G., ils avaient dénoncé au contraire une distribution intempestive de dividendes en 2013.
Enfin, ils dénoncent une perte de valeur de leurs parts sociales détenues dans la société Delta Solution. Toutefois, les associés, qui se plaignent d'une baisse de valeur consécutive à une mauvaise gestion de la société, ne font pas valoir un préjudice qui leur soit spécial, mais un préjudice subi par la société elle-même dont le leur n'est que le corollaire. Messieurs E., D. et G. n'explicitent pas quel serait leur préjudice propre, distinct de celui de la société, résultant des fautes qu'ils allèguent.
En l'absence de comportement fautif établi et de préjudice personnel en lien, aucune condamnation ne peut intervenir à ce titre à l'encontre de Monsieur G., les appelants ne justifiant pas par ailleurs le fondement juridique de l'action intentée à l'encontre de la société Delta Solutions.
Il convient de confirmer la décision de première instance à ce titre.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur G. et la société Delta Solution, à la hauteur de 1 000€ chacun.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant par arrêt contradictoire, publiquement :
Confirme la décision de première instance en toutes ses dispositions à l'exception du montant des dommages et intérêts accordés à Monsieur G. Gil,
Statuant à nouveau sur ce point :
Condamne in solidum Messieurs E. Marc, D. Cédric et G. Pierre à payer à Monsieur G. Gil la somme de 45 000€ à titre de dommages et intérêts,
Condamne in solidum Messieurs E. Marc, D. Cédric et G. à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000€ à la société Delta solution et de 1 000€ à Monsieur Gil G.,
Condamne Messieurs E. Marc, D. Cédric et G. Pierre aux dépens d'appel.