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Décisions

Cass. soc., 10 juin 2015, n° 14-11.814

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Rapporteur :

Mme Corbel

Avocat général :

M. Finielz

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 5 déc. 2013

5 décembre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2013), que M. X..., engagé le 2 août 2006 en qualité de directeur général par la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences, a été licencié pour faute grave par lettre du 12 mai 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de ce licenciement ; qu'à l'audience de conciliation, invoquant un motif d'empêchement professionnel, il a informé le bureau de conciliation qu'il ne comparaîtrait pas personnellement mais qu'il serait représenté par son avocat ; que le bureau de conciliation à qui l'employeur avait demandé de prononcer la caducité de la demande pour inobservation des dispositions de l'article R. 1454-12 du code du travail sur la représentation du demandeur, a renvoyé l'affaire devant le bureau de jugement qui, après avoir procédé sans succès à une nouvelle tentative de conciliation, a rendu son jugement sur le fond ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater l'absence de la caducité de l'instance, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser diverses sommes au salarié, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article R. 1454-12 du code du travail, tel que modifié par le décret du 18 juillet 2008, que la demande et la citation doivent être déclarées caduques par le bureau de conciliation si le demandeur, absent pour un motif légitime, n'est pas représenté par un mandataire muni d'un écrit l'autorisant à concilier en son nom et pour son compte ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'absence de caducité de l'instance, la cour d'appel a relevé que le salarié avait délivré à son conseil un mandat exprès de le représenter à l'audience de conciliation ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si le mandat confié par M. X... à son avocat pour le représenter à l'audience de conciliation du 4 mai 2011 permettait au mandataire de concilier au nom et pour le compte du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1454-12 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte de l'article R. 1454-12 du code du travail, tel que modifié par le décret du 18 juillet 2008, que la demande et la citation doivent être déclarées caduques par le bureau de conciliation si le demandeur, absent pour un motif légitime, n'est pas représenté par un mandataire muni d'un écrit précisant qu'en cas d'absence du mandataire, le bureau de conciliation pourra déclarer sa demande caduque ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'absence de caducité de l'instance, la cour d'appel a relevé que le salarié avait délivré à son conseil un mandat exprès de le représenter à l'audience de conciliation ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si le mandat confié par M. X... à son avocat pour le représenter à l'audience de conciliation du 4 mai 2011 précisait qu'en cas d'absence du mandataire, le bureau de conciliation pourra déclarer sa demande caduque, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1454-12 du code du travail ;

3°/ que le bureau de conciliation est compétent pour prononcer la caducité de la demande et de la citation lorsque le demandeur, absent pour un motif légitime, s'est fait représenter sans donner à son mandataire un mandat l'autorisant à concilier en son nom et pour son compte et précisant qu'en cas d'absence du mandataire, le bureau de conciliation pourra déclarer sa demande caduque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir constaté que la FNAMS avait demandé au bureau de conciliation le 4 mai 2011 de déclarer la demande caduque et que le bureau de conciliation avait renvoyé l'affaire devant le bureau de jugement sans constater la caducité de la demande et de la citation, a jugé que le bureau de conciliation était incompétent pour statuer sur les exceptions de procédure ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 1454-12 du code du travail ;

4°/ que lorsque le demandeur, absent pour un motif légitime, s'est fait représenter sans donner à son mandataire un mandat l'autorisant à concilier en son nom et pour son compte et précisant qu'en cas d'absence du mandataire, le bureau de conciliation pourra déclarer sa demande caduque, l'instance doit être déclarée caduque par le bureau de conciliation sans possibilité de régularisation ultérieure ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'absence de caducité de l'instance, la cour d'appel a jugé que l'éventuelle « omission » du préliminaire de conciliation pouvait être réparée avant toute forclusion ; qu'en statuant ainsi, quand il n'y avait pas eu en l'espèce d'omission du préliminaire de conciliation, mais, qu'une audience de conciliation avait au contraire bien eu lieu, à laquelle le salarié absent n'avait pas valablement mandaté son conseil en vue de concilier, de sorte que l'irrégularité du mandat confié à l'avocat par le salarié absent à l'audience devait être sanctionnée par la caducité de l'instance, la cour d'appel a violé l'article R. 1454-12 du code du travail ;

5°/ que la régularisation de l'omission du préalable de conciliation n'est possible que si elle n'est pas imputable aux parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'éventuelle omission du préliminaire de conciliation pouvait être réparée avant toute forclusion ; qu'en statuant ainsi, quand l'irrégularité du mandat confié à l'avocat par le demandeur était imputable à ce dernier, la cour d'appel a violé l'article R. 1454-12 du code du travail ;

Mais attendu que l'article R. 1454-12, alinéa 2, du code du travail, en ce qu'il impose au mandataire représentant le demandeur de produire un mandat spécial l'autorisant à concilier en l'absence du mandant et précisant qu'en cas d'absence du mandataire, le bureau de conciliation pourra déclarer la demande caduque, ne s'applique pas à l'avocat, qui tient des articles 416 et 417 du code de procédure civile une dispense générale d'avoir à justifier, à l'égard du juge et de la partie adverse, qu'il a reçu un mandat de représentation comprenant notamment le pouvoir spécial d'accepter ou de donner des offres ; que par ces motifs de pur droit, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande reconventionnelle en remboursement d'un trop-perçu au titre de la prime d'ancienneté, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 203 de la convention collective d'entreprise applicable au sein de la FNAMS prévoit le versement d'une prime d'ancienneté pour les salariés ayant atteint le dernier échelon de leur classe ; que les cadres de direction qui évoluent hors classe sont donc exclus du bénéfice de cette prime d'ancienneté ; qu'en l'espèce, pour débouter la FNAMS de sa demande reconventionnelle, la cour d'appel a jugé que M. X... justifiait du fait que le versement de la prime d'ancienneté avait été prévu par la convention collective d'entreprise ; qu'en statuant ainsi, quand M. X... en qualité de cadre de direction évoluait hors classe, de sorte qu'il ne remplissait pas les conditions posées par l'article 203 de la convention collective d'entreprise, la cour d'appel a violé cet article de la convention collective ;

2°/ que le président d'une fédération ne peut prendre l'engagement unilatéral d'accorder une prime d'ancienneté au directeur général sans en avoir ne serait-ce qu'informé le conseil d'administration ; qu'en l'espèce, pour débouter la FNAMS de sa demande reconventionnelle, la cour d'appel a relevé que c'était avec l'accord de l'ancien président de la FNAMS que le directeur général avait bénéficié des mesures liées à l'ancienneté prévues par l'article 203 de l'accord de la convention d'entreprise, et que l'ancien président avait validé à nouveau son accord par la signature de la fiche de paye du mois d'août 2008 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le président de la FNAMS avait eu l'accord du conseil d'administration pour prendre l'engagement unilatéral d'accorder une prime d'ancienneté au directeur général, ou en avait à tout le moins informé le conseil d'administration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait reçu depuis plusieurs années une prime d'ancienneté accordée par le président de la fédération calculée selon les mêmes modalités que celles prévues à la convention collective d'entreprise pour d'autres salariés, en a justement déduit que l'employeur n'était pas en droit d'obtenir le remboursement de ces primes en invoquant un défaut de pouvoir de son président, inopposable au salarié; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférent, alors, selon le moyen, que la cassation de l'arrêt attaqué sur le fondement du deuxième moyen, en ce qu'il a jugé que la prime d'ancienneté était due à M. X..., entraînera automatiquement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que le salaire de M. X... comprenait la prime d'ancienneté de sorte que le salaire moyen mensuel but était de 10 389,21 euros et l'indemnité de préavis de 124 670,52 euros, outre les congés payés afférents à concurrence de 12 467,05 euros ;

Mais attendu que le rejet à intervenir du deuxième moyen rend ce moyen inopérant ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme à titre d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que l'article 324 de la convention collective d'entreprise prévoit que sauf en cas de licenciement pour faute lourde ou grave, une indemnité distincte de celle du préavis et égale à un mois d'appointement par année d'ancienneté est due ; que la cassation de l'arrêt sur le fondement du deuxième moyen, en ce qu'il a jugé que la prime d'ancienneté était due à M. X..., entraînera automatiquement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que le salaire de M. X... comprenait la prime d'ancienneté de sorte que le salaire moyen mensuel but était de 10 389,21 euros et l'indemnité de licenciement à hauteur de 93 502,89 euros ;

Mais attendu que le rejet à intervenir du deuxième moyen rend ce moyen inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.