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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 15 mai 2018, n° 17/06982

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pettoello

Avocats :

Me Pillet, Me Valade

TGI Périgueux, du 4 déc. 2017, n° 16/000…

4 décembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

L'Union de Recouvrement de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (URSSAF) de Midi-Pyrénées a saisi le tribunal de grande instance de Toulouse d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de X…, au titre de son activité d'avocat.

Sur renvoi de la juridiction saisie, qui s'est estimée territorialement incompétente, le tribunal de grande instance de Périgueux, après un renvoi de l'audience sur la demande de X… et un jugement avant dire droit rejetant sa requête fondée sur l'article 47 du code de procédure civile et ordonnant sursis à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal des affaires de sécurité sociale, par jugement du 4 décembre 2017, a déclaré irrecevable la demande de rétablissement professionnel de X…, et ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard, désignant notamment la SCP Pimouguet Leuret Devos-Bot en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclarations du 18 décembre 2017, faites à 16h26 et 17h49, X… a interjeté appel de cette décision, intimant l'URSSAF de Midi-Pyrénées et la SCP Pimouguet Leuret Devos-Bot, mandataires judiciaires associés. Les deux appels ont été joints le 21 décembre 2017 par mention au dossier.

Par ordonnance du 12 janvier 2018, le président de la chambre saisie a constaté que l'affaire relevait du circuit court tel que notamment prévu par l'article 905 du code de procédure civile. Un avis de fixation à bref délai pour l'audience du 3 avril 2018 à 14 heures a été adressé le même jour au conseil de l'appelant.

Comme prévu par l'article 905-1 du code de procédure civile, La déclaration d'appel a été signifiée par l'appelant à l'URSSAF et à la SCP Pimouguet Leuret Devos-Bot le 18 janvier 2018.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées les 9 février et 23 mars 2018, et en dernier lieu le jour même de l'audience, 3 avril 2018 à 08 heures 46, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, X… demande à la cour de :

Déclarer : X… recevable en son appel ;

Constater que le jugement critiqué du 4 décembre 2017 a rendu en violation du principe de la contradiction

Le cas échéant, ordonner au greffe du Tribunal de Grande instance de Périgueux, la communication à la Cour de céans d'une copie certifiée conforme des notes d'audience ou d'un éventuel procès-verbal relatant la teneur des débats et les observations des parties

Constater : que X… a procédé le 15 décembre 2017 au : « dépôt d'une déclaration de cessation des paiements et demande d'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel, concomitante à la procédure de liquidation judiciaire » ce qui régularise l'irrecevabilité soulevée par le Tribunal de Grande Instance de Périgueux

Déclarer : X… bien fondé en son appel ;

Y faisant droit,

1/ Annuler la décision déférée en toutes ses dispositions et, saisie par l'effet dévolutif de l'appel ouvrir la procédure de rétablissement professionnel sollicitée qui est accompagnée d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire

2/ Subsidiairement, Infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et, saisie par l'effet dévolutif de l'appel ouvrir la procédure de rétablissement professionnel sollicitée

3/ Rejeter l'ensemble des demandes de l'Urssaf de Midi Pyrénées

4/ Déclarer irrecevables les conclusions prises le 26 mars 2018 par la SCP de mandataires judiciaires PIMOUGUET - LEURET -DEVOS BOT faute d'avoir respecté le délai de l'article 905-2 du Code de procédure civile.

5/ Subsidiairement Rejeter l'ensemble des demandes de la SCP de mandataires judiciaires PIMOUGUET - LEURET -DEVOS BOT

L'appelant fait notamment valoir :

que les conclusions prises le 26 mars 2018 par la SCP Pimouguet Leuret Devos-Bot sont irrecevables faute d'avoir respecté le délai de l'article 905-2 du code de procédure civile ;

que le jugement doit être annulé pour avoir méconnu le principe de la contradiction, en ce que le tribunal a fondé sa décision sur un moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la procédure de rétablissement professionnel sollicitée par lui doit être ouverte, la fin de non-recevoir soulevée ayant été régularisé par dépôt le 15 décembre 2017 au greffe d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire avec bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel ; que cette demande contient des éléments permettant d'établir qu'il en remplit les conditions ; que subsidiairement, la cour infirmera le jugement en considérations des mêmes moyens et prononcera l'ouverture d'un rétablissement professionnel.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 7 mars 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, L'URSSAF de Midi-Pyrénées demande à la cour de :

Recevoir l'URSSAF de MIDI PYRENEES en ses demandes fins et conclusions et l'en déclarer bien fondée

A titre principal,

REJETER la demande d'annulation du jugement du Tribunal de Grande Instance de Périgueux du 4 décembre 2017 formulée par X…

CONFIRMER la décision déférée en toutes ses dispositions

A titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement du 4 décembre 2017, et saisie par l'effet dévolutif,

DEBOUTER X… de sa demande d'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel

CONSTATER le non-paiement de la créance de l'URSSAF

CONSTATER l'état de cessation de paiement de X…

Prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

Condamner X… au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre aux entiers dépens

L'URSSAF fait notamment valoir :

Sur le moyen de nullité, que la procédure en matière de procédures collectives est orale, et qu'il est de jurisprudence que les moyens soulevés par le juge en la matière sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience ; qu'il ressort en sus du jugement que le moyen a bien été introduit dans les débats ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation ;

Sur le bien fondé du jugement, que la demande d'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel est irrecevable, en ce qu'elle est toujours une demande complémentaire à une demande de liquidation judiciaire, et ne peut pas être la conséquence d'une assignation du débiteur à une procédure collective ; que par ailleurs, les conditions d'ouverture ne sont pas réunies ; que l'état de cessation des paiements est établie par 3 contraintes de l'URSSAF et du vain recouvrement forcé de la créance ; que X… a formé lui-même une demande de liquidation judiciaire.

Par conclusions déposées le 26 mars 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la SCP Pimouguet Leuret Devos-Bot, en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de X…, demande à la cour de :

Dire et juger que le Tribunal de Grande Instance de Périgueux n'a pas méconnu les dispositions de l'article 16 du Code de Procédure civile.

En conséquence,

Rejeter la demande d'annulation du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Périgueux en date du 4 décembre 2017.

Dire et juger l'appel de X… tendant à la réformation du jugement et à l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel mal fondé dans la mesure où il ne remplit pas les conditions de forme et de fond édictées aux articles L.645-1 et suivants du Code de Commerce.

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Périgueux en date du 4 décembre 2017.

Débouter X… de son appel,

Dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Le mandataire judiciaire fait notamment valoir que X… était présent à l'audience devant le tribunal, qu'il a pris la parole, et qu'il a même adressé une note en délibéré ; qu'il n'y a pas eu violation du contradictoire, puisque le tribunal a simplement vérifié si les conditions d'application des dispositions du code de commerce applicables étaient réunies ; que le rétablissement professionnel ne peut qu'être rejeté puisque le tribunal de grande instance a été saisi sur assignation d'un créancier et qu'à la date de la décision, le débiteur n'avait pas déposé de déclaration de cessation des paiements ; qu'il ne remplit pas les conditions comme ayant cessé son activité depuis plus d'un an ; que X…, pour lequel les déclarations de créances se montent pour l'heure à 138 093,10 euros dont 25 000 à titre provisoire, a attendu plusieurs mois avant de solliciter le bénéfice d'une procédure collective, laissant donc augmenter son passif, de sorte que n'est pas démontrée sa bonne foi.

Le dossier a été communiqué au Ministère Public, lequel, par mention au dossier du 9 mars 2018, a déclaré s'en rapporter. Cet avis a été communiqué aux parties par les soins du greffe.

Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au Barreau de Périgueux, présent devant le tribunal de grande instance, a été avisé de la date de l'audience devant la cour d'appel par les soins du greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des conclusions du mandataire judiciaire

L'appelant soutient devant la cour, par ses conclusions déposées le matin même de l'audience, l'irrecevabilité des conclusions déposées le 26 mars 2018 par le mandataire judiciaire, en ce qu'elles auraient été déposées hors du délais qui lui était imparti.

Il se prévaut de la signification de ses conclusions faite à la SCP Pimouguet Leuret Devos-Bot à sa demande le 23 février 2018, et en déduit que le délai de dépôt des conclusions de cet intimé expirait donc le vendredi 23 mars suivant.

Il résulte toutefois de l'article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile invoqué à l'appui de cette demande que le prononcé de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé relève du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président.

La demande de X… adressée en ce sens à la cour statuant au fond par ses conclusions du 3 avril 2018 est en conséquence irrecevable.

Sur la nullité alléguée du jugement

Le tribunal de grande instance a jugé irrecevable la demande de X… d'ouverture directe d'une procédure de rétablissement professionnel, sans ouverture préalable d'une liquidation judiciaire.

La nullité du jugement est poursuivie par X… pour violation du contradictoire, qui soutient que ce motif d'irrecevabilité de sa demande d'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel aurait été relevé d'office par le tribunal sans que celui-ci n'invite les parties à présenter leurs observations.

Aux termes des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations.

Toutefois, en matière de procédure orale, les moyens soulevés par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience.

En l'espèce, non seulement la preuve contraire n'est pas rapportée, mais il résulte des termes mêmes du jugement, dans sa partie relative à l'exposé des moyens des parties, que la question a été soulevée pendant les débats, puisqu'il est expressément écrit que « X… a maintenu sa demande de rétablissement professionnel sans ouverture de la procédure de liquidation judiciaire (...) ».

Ainsi, et sans qu'il ne soit besoin de retarder encore la solution du présent litige en ordonnant la communication d'une copie certifiée conforme des notes d'audience ou d'un éventuel procès-verbal, force est de constater que le moyen de nullité est mal fondé et doit être rejeté.

Sur la demande de rétablissement professionnel

A titre subsidiaire, X… présente alors de nouveau une demande de rétablissement professionnel, en faisant valoir qu'elle est, cette fois, accompagnée d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Pour autant, l'URSSAF oppose à bon droit qu'il résulte de la combinaison des articles L. 640-2, L. 645-3, et R. 645-2 du code de commerce que ce n'est qu'après que le débiteur a déclaré son état de cessation des paiements et demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire qu'il peut solliciter un rétablissement professionnel, et que la demande de rétablissement professionnel ne peut être la conséquence d'une assignation du débiteur à une procédure collective.

La procédure de rétablissement professionnel sans liquidation est en effet prévue par l'article L. 645-1 du code de commerce qui dispose qu'elle est ouverte au débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible, qui ne fait l'objet d'aucune procédure collective en cours, n'a pas cessé son activité depuis plus d'un an, n'a employé aucun salarié au cours des six derniers mois et dont l'actif déclaré a une valeur inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d'État.

L'article L. 645-3 du même code précise que le débiteur qui demande l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire peut, par le même acte, solliciter l'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel. Le tribunal n'ouvre la procédure de rétablissement professionnel qu'après s'être assuré que les conditions légales en sont remplies.

Enfin, l'article R. 645-2 du même code prévoit que lorsque le tribunal ouvre la procédure de rétablissement professionnel à la demande du débiteur, il sursoit à statuer sur la demande d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire faite par ce dernier et, le cas échéant, sur l'assignation du créancier ou sur la requête du ministère public aux mêmes fins.

Le fait que, postérieurement au jugement, X… ait déposé une demande de liquidation judiciaire à l'appui de sa demande de rétablissement professionnel n'est pas de nature à opérer régularisation, dès lors que la procédure de redressement judiciaire était déjà ouverte par le jugement du 4 décembre 2017, et qu'il faisait donc l'objet d'une procédure collective en cours ouverte par une décision exécutoire de droit.

Au surplus, il est constant que X…, qui a fait l'objet d'une omission du tableau de l'ordre des avocats de Périgueux par arrêt de la présente cour du 1er avril 2016, soit plus d'un an avant sa demande devant le tribunal de grande instance le 15 décembre 2017 dont il se prévaut, ne remplissait déjà plus à cette date les conditions légales rappelées ci-dessus pour faire l'objet d'une procédure de rétablissement personnel.

En effet, la présente procédure porte sur l'ensemble de son activité d'avocat, qu'il n'y a donc pas lieu de scinder en plusieurs activités.

Il doit donc être débouté de sa demande de rétablissement professionnel.

Sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

Selon l'article L. 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.

X…, qui tout à sa demande de procédure de rétablissement professionnel ne s'explique pas sur sa mise en redressement judiciaire ni ne forme de prétentions de ce chef, non seulement ne conteste pas être en cessation des paiements, mais le reconnaît par sa propre demande de mise en liquidation judiciaire dont il excipe désormais.

L'URSSAF se prévaut à bon droit de 3 contraintes signifiées (ses pièces 2, 3 et 4), pour un montant total de 5 868 euros, à l'encontre desquelles les recours de X… ont été déclarés irrecevables, et dont le recouvrement forcé n'a pu être mené (ses pièces 6, 7 et 8).

Il ressort des déclarations de X… lui-même que la valeur de son actif est inférieure à 5 000 euros (page 3 de ses conclusions), alors que le mandataire judiciaire précise que le passif déclaré est de 138 093,10 euros au jour de ses conclusions.

Ainsi, X… est bien dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Le jugement attaqué sera donc également confirmé en ce qu'il prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de X….

Sur les autres demandes

X…, par la présente procédure d'appel, a contraint l'URSSAF, dont il était déjà le débiteur, à faire face à des frais irrépétibles supplémentaires.

Il sera condamné à payer à cet organisme 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande présentée à la cour par X… de voir prononcer l'irrecevabilité des conclusions déposées le 26 mars 2018 par la SCP Pimouguet Leuret Devos-Bot en sa qualité de mandataire judiciaire désigné par le jugement du tribunal de grande instance de Périgueux du 4 décembre 2017,

Rejette la demande de nullité du jugement soutenue par X…,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Périgueux,

Déboute X… de sa demande de rétablissement professionnel présentée devant la cour d'appel,

Condamne X… à payer à l'URSSAF de Midi-Pyrénées 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.