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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 26 mai 2016, n° 15/04241

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Onyx Participations (SAS), JCD Consult (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Picard

Conseillers :

M. Bedouet, Mme Rossi

T. com. Paris, du 18 févr. 2015, n° 2014…

18 février 2015

Le groupe F. a une activité industrielle spécialisée dans la fabrique d'étalonnage de peinture pour le marché automobile.

Le capital de Onyx Participations, société de contrôle du groupe, est détenu depuis 2011 à 41,56% par Improv Group, holding de monsieur Sébastien R., 41,56% par Jcd Consuld, holding de monsieur Jean-Christophe D., et 16,88% par les membres de la famille F., fondateur du groupe. Le groupe est composé des sas F. Entreprise, dont le capital social est détenu à 33% par la sas Onyx Participations et à 67% par le fond Nextstage, de F. investissement, filiale à 100% de F. Entreprise, et de F. Technologies, filiale à 100% de F. Investissement.

Monsieur D. et monsieur R. se partageaient la direction générale du groupe F., monsieur D. étant président de Onyx Participations, de F. Investissement et de F. Technologies, monsieur R. directeur général, et tous deux étant directeurs généraux de F. Entreprise.

Le 6 octobre 2014, les associés majoritaires d'Onyx Participations, Improv Group et la famille F., et le fond Nextstage, réunis en assemblées générales convoquées le jour même, ont révoqué monsieur D. de ses différents mandats sociaux souhaitant mettre fin à la direction bicéphale du groupe.

Monsieur D. a contesté les conditions de convocation de ces assemblées générales.

Par un jugement du 18 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a déclaré nulle l'assemblée de la sas Onyx Participations du 6 octobre 2014 et les révocations de monsieur D. de ses mandats sociaux tout en accordant un délai de deux mois pour couvrir lesdites nullités.

Toutes les parties ont interjeté appel de ce jugement.

Après deux tentatives de tenue d'assemblée générale aux fins de régularisation de l'assemblée générale annulée du 6 octobre 2014, les assemblées et décisions portant sur la révocation de monsieur D. de l'intégralité de ses mandats sociaux ont été régularisées et confirmées suivant assemblée générale du 24 mars 2015 sous l'égide de maître Guy P., administrateur provisoire désigné sur ordonnance de référé du tribunal de commerce de Chartres en date du 2 mars 2015 avec mission de gérer et d'administrer temporairement les sociétés du Groupe F..

***

Dans leurs conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 30 mars 2016, monsieur D. et la société JCD Consult demandent à la cour d'appel de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel, constater la fraude entachant la convocation de monsieur D. lors des assemblées générales du 6 octobre 2014, dire et juger qu'au regard de la convocation irrégulière des commissaires aux comptes des sociétés du groupe F., aucune régularisation des assemblées générales et des décisions collectives tenues au sein de ce groupe le 6 octobre 2014 ne pouvait intervenir, dire et juger que la fraude entachant la convocation aux assemblées générales empêche toute régularisation au sens de l'article L. 235-4 du code de commerce, d'infirmer le jugement déféré en ce qui concerne l'octroi par le tribunal de commerce de Paris d'un délai aux sociétés du groupe F. afin de couvrir les nullités afférentes aux décisions sociales ; en conséquence, rejeter toutes demandes, fins et conclusions des intimées et les condamner solidairement au paiement de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans leurs écritures notifiées par voie électronique le 10 mars 2016, auxquelles il est expressément référé, les sociétés Onyx Participations, F. Entreprise, F. Investissement et F. Technologies demandent à la cour d'appel à titre principal d'infirmer le jugement déféré, de dire et juger que l'assemblée générale d'Onyx Participations du 6 octobre 2014 a été régulièrement convoquée et a valablement délibéré, et qu'en conséquence, les révocations de monsieur D. de l'ensemble de ses mandats sociaux et la nomination de monsieur R. en remplacement sont valables ; à titre subsidiaire, constater la régularisation des assemblées et décisions des associés intervenue le 24 mars 2015 ; en conséquence, dire n'y avoir lieu de prononcer la nullité de l'assemblée de la sas Onyx Participations, les révocations de monsieur D. de ses mandats sociaux et la nomination de monsieur R. et en tout état de cause débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, les condamner solidairement à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 31 mars 2016.

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La validité des décisions sociales du 6 octobre 2014

Aux termes de l'article 1844 alinéa 1er du code civil 'Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.'

Aux termes de l'article L. 227-9 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées, en ses premier et dernier alinéas, ' Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et les conditions qu'ils prévoient.' ; ' Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.'

L'article 16 des statuts de la société Onyx Pariticipations stipule aux deuxième et septième alinéas que l'assemblée générale est convoquée 'par tous moyens avant la date de la réunion et le cas échéant dans l'heure. Elle comporte l'indication de l'ordre du jour, de l'heure et du lieu de la réunion.' ; 'L'assemblée ne délibère valablement que si plus de la moitié du capital est représentée.'

Si les statuts autorisent 'le cas échéant' une convocation dans l'heure, il est au moins indispensable, dans le respect des dispositions précitées de l'article 1844 du code civil, de s'assurer de la possibilité matérielle pour les associés d'être présents ou représentés, et au cas présent en particulier pour monsieur D., principal intéressé, puisque l'ordre du jour portait sur sa révocation et la nomination de monsieur R. en ses lieu et place. Or, les intimés qui ne s'expliquent pas sur les motifs qu'ils ont eu d'agir dans la précipitation, n'établissent pas avoir mis en mesure monsieur D. de participer à ladite réunion, les associés ayant en effet été convoqués par courrier électronique du lundi 6 octobre 2014 à 7 heures 20 par la société Improv Group mandatée par les membres de la famille F. pour la réunion devant se tenir le jour même à 9 heures, à Rambouillet, soit à quelques 80 kilomètres du domicile de l'intéressé, étant encore relevé que la société Improv Group disposait depuis le 3 octobre des pouvoirs nécessaires à la délivrance des convocations.

Il importe peu que monsieur D. ait été minoritaire, cette circonstance n'étant pas de nature à limiter son droit fondamental reconnu par l'article 1844 précité lui garantissant sa participation au vote et la possibilité de faire valoir ses arguments susceptibles d'influer sur la délibération.

Enfin, admettre comme voudrait le voir juger le groupe F., une application du deuxième alinéa précité de l'article 16 des statuts sans appréciation du contexte ayant présidé à sa mise en oeuvre, serait susceptible de faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article 1844 du code civil.

Pour ces motifs, il convient donc de confirmer la décision déférée en ce que le tribunal a jugé nulle l'assemblée générale du 6 octobre 2014 de la société Onyx Paricipations ; nulles les révocations de monsieur Jean-Christophe D. de ses mandats sociaux au sein de la sas Onyx Participations, sas F. Entreprise, sas F. investissement et sas F. Technologies ; nulles les décisions de révocation et de nomination des dirigeants des sociétés F. ; nulle la nomination de monsieur R. en qualité de président de la sas Onyx Participations et de la sas F. Technologies, nulle la nomination de la sas F. Entreprise en tant que président de la sas F. Investissement.

Sur la régularisation des décisions sociales du 6 octobre 2014

Aux termes des dispositions de l'article L. 235-4 alinéa 1er du code de commerce 'Le tribunal de commerce, saisi d'une action en nullité, peut, même d'office, fixer un délai pour permettre de couvrir les nullités.'

Les appelants rappellent que la convocation des commissaires aux comptes est une obligation légale passible de sanction pénale et se réclament de l'adage 'fraus omnia corrumpit' pour s'opposer à la régularisation.

Les intimées font valoir qu'aucune sanction pénale n'a vocation à s'appliquer les commissaires aux comptes ayant été convoqués ; ils opposent qu'aucune fraude ne peut être opposée aux associés du groupe F..

Ceci étant, d'une part, si comme le rappellent les appelants la convocation des commissaires aux comptes est une obligation légale prévue à l'article L. 823-17 du code de commerce, il est établi en l'espèce que tous les commissaires aux comptes ont été convoqués par courriel.

D'autre part, et en tout état de cause, si la précipitation dans laquelle les convocations ont été délivrées est établie, en revanche la fraude n'est pas démontrée les intimés ayant pu, certes de façon non pertinente mais sans mauvaise foi, prétendre se fonder valablement sur les dispositions statutaires. Aussi convient-il de retenir que la régularisation de l'assemblée générale - intervenue qui plus est sous l'égide de l'administrateur provisoire désigné à la demande de monsieur D. - a été valablement autorisée par le tribunal de commerce sur le fondement des dispositions précitées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel

La solution retenue fonde de confirmer la décision déférée s'agissant des dépens et des frais irrépétibles de première instance. En revanche, monsieur D. sera condamné aux entiers dépens d'appel.

L'équité justifie de condamner in solidum la société JCD Consult et monsieur D. à payer à la société Onyx Participations la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel et de rejeter toute autre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 février 2015 par le tribunal de commerce de Paris ;

Y ajoutant,

Condamne la société JCD Consult et monsieur Jean-Christophe D. aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la scp R. B. M. ;

Condamne in solidum la société JCD Consult et monsieur Jean-Christophe D. à payer à la société Onyx Participations la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette toute autre demande.