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Décisions

Cass. com., 23 septembre 2020, n° 19-12.542

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Bélaval

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, Me Le Prado, SCP Yves et Blaise Capron

T. com. Bourges, du 5 sept. 2017

5 septembre 2017

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 novembre 2018), la société Centre France automobiles (la société CFA) a souscrit auprès de plusieurs partenaires, dont la société Caisse de crédit agricole mutuel Centre Loire et la société Crédit industriel et commercial Ouest (les banques), des ouvertures de crédit. Les 2 octobre 2014 et 2 février 2015, les banques ont respectivement notifié à la société CFA la dénonciation des concours consentis.

2. Par un jugement du 21 avril 2015, un tribunal a mis la société CFA en liquidation judiciaire et a désigné la société Ponroy en qualité de liquidateur.
La société Conseils et services automobiles du Cher, actionnaire de la société CFA, a elle-même fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du 9 juin 2015, la société Ponroy étant désignée mandataire judiciaire.

3. Le 13 janvier 2016, les sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et la société Ponroy, ès qualités, ont saisi le tribunal d'une action en responsabilité contractuelle contre les banques sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil et de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, pour rupture abusive des crédits.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Les sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et la société Ponroy, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer leur action irrecevable, alors « que l'article L. 650-1 du code de commerce n'est applicable qu'à la responsabilité fondée sur un octroi fautif de crédit et non à la responsabilité résultant d'une rupture fautive du crédit ; qu'en appliquant ce texte à une action en rupture fautive du crédit, la cour d'appel a violé l'article L. 650-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce :

5. Aux termes de ce texte, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

6. Pour déclarer l'action en responsabilité irrecevable, l'arrêt retient que les demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, tendant à l'octroi de dommages-intérêts en raison de la rupture du crédit court terme, doivent s'analyser comme constituant, au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce, des demandes tendant à ce que les créanciers soient tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis et qu'il n'est pas établi ni même allégué que les banques se seraient rendues coupables de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées et en déduit que les prétentions des sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et de la société Ponroy, ès qualités, se heurtent nécessairement aux dispositions du texte précité.

7. En statuant ainsi, alors que, les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte, la cour d'appel a, par fausse application, violé celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.