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Décisions

Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-17.632

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Vincent et Ohl

Paris, du 19 mars 2013

19 mars 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par arrêt du 25 juin 2008, la cour d'appel de Paris a dit que la société anonyme Marionnaud (la société) avait manqué aux obligations résultant des articles 2 et 3 du règlement de la Commission des opérations de bourse n° 98-07 relatif à l'information du public en publiant, entre 2002 et 2004, des communiqués contenant des informations inexactes sur sa situation financière ; que ces manquements ont été imputés à la société ainsi qu'à MM. Marcel et Gérald X... qui exerçaient respectivement, à l'époque considérée, les fonctions de président directeur général et de directeur général délégué ; que par acte du 22 juillet 2009, la société Afi Esca (la société Esca), qui avait acquis, entre le 9 janvier 2003 et le 25 mars 2004, 8 592 actions émises par la société, a fait assigner celle-ci en paiement de dommages-intérêts ; que par acte du 11 janvier 2010, la société a fait assigner MM. Marcel et Gérald X... en garantie des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° Y 13-18.473, examinée d'office après avertissement délivré aux parties :

Attendu qu'une même personne, agissant en la même qualité, ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision ;

Attendu que la société Marionnaud, agissant à titre personnel, ayant formé le 17 mai 2013, contre l'arrêt attaqué, un pourvoi enregistré sous le n° J 13-17.632, n'est pas recevable à former, le 30 mai 2013, en la même qualité et contre la même décision, un nouveau pourvoi enregistré sous le n° Y 13-18.473 ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° J 13-17.632 :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une indemnité à la société Esca, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en l'absence de présomption de lien de causalité, la diffusion d'informations trompeuses ne peut justifier la condamnation de la société émettrice que s'il est démontré que l'investisseur s'est effectivement référé aux informations diffusées pour décider de vendre, de conserver ou d'acheter des titres de la société concernée ; qu'en ne vérifiant pas par une analyse concrète des pièces du débat, comme elle y avait pourtant été invitée par la société Marionnaud, si la société Esca avait effectivement été déterminée, dans ses choix, par les informations litigieuses, et en se bornant à se référer au caractère trompeur desdites informations, pour en déduire l'existence d'un préjudice réparable, la cour d'appel, qui n'a donc pas caractérisé la relation directe et certaine entre les manquements reprochés à la société Marionnaud et le préjudice allégué par la société Esca, a privé décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la société Marionnaud avait fait valoir que la continuité de la possession par Esca des titres litigieux acquis en 2003 et 2004 n'était pas établie par la production d'un relevé complet des mouvements de son portefeuille d'actions, aucune preuve n'étant apportée de ce qu'elle n'aurait pas, durant cette période, procédé à d'autres opérations sur ces titres, par exemple en en revendant certains pour en acheter d'autres et ainsi réaliser des plus-values sur reventes, et donc qu'en l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice certain, la société Esca était dénuée de tout droit à réparation ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, pourtant déterminantes de la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société avait diffusé entre avril 2002 et décembre 2004 des communiqués mensongers de nature à gonfler artificiellement le cours de bourse et à inciter les actionnaires à acheter des titres à un cours supérieur à sa valeur réelle, ou à les conserver, et retenu que la société Esca avait été, de manière certaine, privée de la possibilité de prendre des décisions d'investissements en connaissance de cause et de procéder à des arbitrages éclairés, en particulier en renonçant aux placements déjà réalisés, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche et pas davantage à répondre aux conclusions inopérantes invoquées par le moyen, a caractérisé le lien de causalité entre les fautes commises par la société et le préjudice, s'analysant en une perte de chance, subi par la société Esca ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 225-254 du code de commerce ;

Attendu que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action exercée par la société à l'encontre de MM. Gérald et Marcel X..., l'arrêt retient que les faits dommageables imputés à ces derniers résident dans la diffusion de fausses informations sur le marché ; qu'il ajoute que ces faits, révélés à compter du 24 décembre 2004, étaient connus de la société ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la prescription de l'action récursoire en garantie formée par la société à l'encontre de ses anciens dirigeants n'avait pu commencer à courir avant la délivrance de l'assignation principale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du deuxième moyen, non plus que sur le troisième moyen : 
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° Y 13-18.473 ;

Et sur le pourvoi n° J 13-17.632 :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action exercée par la société Marionnaud à l'encontre de MM. Gérald et Marcel X..., l'arrêt rendu le 19 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.