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Décisions

Cass. com., 8 janvier 2020, n° 18-21.452

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Sevaux et Mathonnet

Chambéry, du 7 juin 2018

7 juin 2018

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 10 avril 2008, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (la Caisse) a consenti à la Sarl La Rotonde (la société) plusieurs prêts garantis par les cautionnements solidaires de ses gérants, M. et Mme G..., un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société et une inscription d'hypothèque sur un bien immobilier appartenant à Mme G... ; que le 13 novembre 2008, la Caisse a consenti à la société une ouverture de crédit, destinée à satisfaire un besoin de trésorerie, garantie par les cautionnements solidaires de M. et Mme G... ; que le 30 août 2011, la Caisse a consenti à la société un nouveau prêt professionnel n° [...] destiné à l'acquisition de matériel, d'un montant initial de 130 000 euros, garanti par les cautionnements de M. et Mme G... ; que les échéances de remboursement des concours n'ayant plus été payées à compter du mois de décembre 2012, la Caisse a prononcé la déchéance du terme, et a mis en demeure la société et les cautions de payer les sommes restant dues ; que le 29 novembre 2013, un tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de la société ; que la Caisse a déclaré sa créance, puis a assigné M. et Mme G... en paiement des sommes dues au titre du prêt n° [...] et de l'ouverture de crédit ; que ceux-ci ont recherché la responsabilité de la Caisse du fait des concours consentis ;

Attendu que, pour dire que la Caisse ne peut se prévaloir des actes de cautionnement signés par M. et Mme G... au titre du prêt professionnel n° [...] souscrit le 30 août 2011 et rejeter sa demande à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté que les échéances des prêts précédents étaient respectées à cette date, retient que l'octroi du prêt litigieux n'avait pas pour but l'acquisition de matériel, celui-ci étant déjà acquis, et n'avait pas non plus pour fonction de restructurer la dette en l'état d'une différence de taux en faveur de la société jouant un rôle infinitésimal sur le bilan et le compte de résultat, eu égard à la situation économique générale de la société, mais d'assurer, du moins à court terme, le recouvrement par la Caisse des échéances des prêts précédents, et que, ce faisant, l'établissement bancaire a privilégié sa situation personnelle, sans tenir compte de celle de ses clients; que l'arrêt en déduit que cette attitude constitue un agissement frauduleux ;

Qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, contre la Caisse, une fraude, laquelle s'entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive, et sans caractériser, non plus, l'une des deux autres causes de déchéance du principe de non-responsabilité édicté par l'article L. 650-1 du code de commerce que sont l'immixtion caractérisée et l'obtention de garanties disproportionnées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie ne peut se prévaloir des actes de cautionnement signés par M. et Mme G... au titre du prêt professionnel n° [...] souscrit le 30 août 2011 et rejette sa demande à ce titre, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.