Cass. 3e civ., 24 juin 1998, n° 96-19.042
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Bourrelly
Avocat général :
M. Sodini
Avocat :
Me Baraduc-Benabent
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mai 1996) que la Caisse d'épargne de Versailles, preneur des locaux affectés à l'exploitation d'une caisse d'épargne et de prévoyance, a demandé aux bailleurs, les époux Y..., de l'autoriser à céder le bail à la société Agence Allorge, agence immobilière ; que les époux Y... et la société Gif 2000, bénéficiaire d'une promesse de vente des locaux, se sont opposés à la cession ; que, le ler décembre 1989, la société Agence Allorge a sommé les époux Y... d'assister le 12 décembre 1989 à celle-ci, en l'étude d'un notaire, en vue d'assurer la régularité de ce contrat ; qu'invoquant la modification de la destination des lieux, les époux Y... ont les 7 et 8 décembre 1989 donné congé à la Caisse d'épargne et l'ont assignée en prononcé de la résiliation du bail et expulsion ; qu'ils ont engagé le 15 décembre 1989 contre la Caisse d'épargne et la société Agence Allorge une procédure en annulation de la cession à venir ; que la société Gif 2000 est devenue propriétaire des locaux le 19 décembre 1989 ; que, le 20 décembre 1989, la Caisse d'épargne a cédé le droit au bail à la société Agence Allorge, assignée sitôt après en expulsion par la société Gif 2000 devant le juge des référés ; que l'expulsion a été ordonnée le 9 janvier 1990 ; que la résiliation du bail a été prononcée le 16 janvier 1992 par une décision devenue irrévocable, la société Gif 2000 étant intervenue dans la procédure ; que la société Agence Allorge a demandé que la Caisse d'épargne la garantisse de son éviction ;
Attendu que la Caisse d'épargne d'Ile-de-France Ouest fait grief à l'arrêt de la condamner au titre de la garantie d'éviction due par le cédant à payer à la société Agence Allorge une somme correspondant au prix et à une partie des frais de la cession du bail alors, selon le moyen, 1o que la garantie d'éviction n'est pas d'ordre public et est exclue au cas où l'acheteur connaissait le risque d'éviction ou a déclaré le prendre en charge, la vente étant alors aléatoire ; que la cour d'appel a considéré qu'en l'absence de clause expresse, le contrat ne pouvait avoir été passé aux risques et périls de l'acquéreur sans rechercher, comme elle y était cependant invitée par la Caisse d'épargne dans ses conclusions d'appel si l'acceptation des risques ne résultait pas de la connaissance de l'opposition du bailleur et de la précipitation avec laquelle la société Allorge, professionnel de l'immobilier, avait exigé de signer l'acte de cession malgré l'opposition du bailleur, qui lui avait déjà été notifiée et contre laquelle elle n'avait émis aucune contestation ; que pour avoir omis d'effectuer cette recherche au seul motif que l'acte de cession ne comprenait pas de clause expresse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1626 et suivants du Code civil ; 2o que si l'éviction est imputable à l'acquéreur, ce dernier perd le bénéfice de la garantie d'éviction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'après avoir été assignée avec la Caisse d'épargne, par les époux X..., en nullité de la cession de bail à intervenir, la société Allorge a, nonobstant cette situation conflictuelle, conclu l'acte de cession et que c'est à la demande expresse de cette dernière que la Caisse d'épargne a accepté de signer cet acte ; qu'en décidant toutefois que la Caisse d'épargne était tenue de garantir la société Allorge de l'éviction qu'elle a subie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1626 et suivants du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la Caisse d'épargne, qui ne pouvait ignorer, lors de la cession, que les bailleurs successifs, contestaient celle-ci et avaient engagé plusieurs actions à l'encontre de la cédante, avait cependant accepté de conclure cette cession sans faire insérer à l'acte une clause prévoyant que le cessionnaire achetait à ses risques et périls, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant exactement, sans être tenue de procéder à une recherche que ses énonciations rendaient inopérante, qu'en l'absence d'une clause de non-garantie et nonobstant le fait que l'acquéreur ait eu connaissance, à la date de son engagement, du risque d'éviction auquel il pouvait être exposé, la garantie du cédant était due ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.