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Décisions

Cass. 3e civ., 6 mai 2009, n° 07-21.242

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Jacques

Avocat général :

M. Gariazzo

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Vuitton et Ortscheidt

Nîmes, du 18 sept. 2007

18 septembre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 septembre 2007), que, le 17 mars 2000, les époux X... ont unilatéralement promis de vendre à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Languedoc-Roussillon (la SAFER) ou à toute personne s'y substituant un domaine viticole ; que, le même jour, l'exploitation agricole à responsabilité limitée Château de Beck a unilatéralement promis de vendre à la SAFER ou à toute personne s'y substituant les immeubles et matériels en permettant l'exploitation ; que ces deux promesses mentionnaient que " la dénomination commerciale Château de Beck déposée à l'INPI sera cédée avec l'ensemble de l'exploitation, avec effet dès l'entrée en jouissance " ; que la SAFER ayant levé l'option et s'étant substituée la SARL Château de Beck, deux actes authentiques ont été établis le 15 septembre 2000 par MM. Y... et M. Z..., notaires, le premier par lequel les époux X... ont vendu à la SARL l'immeuble en nature de vignes, et le second par lequel l'EARL Château de Beck, devenue l'EARL Terroirs et Tradition (l'EARL), a vendu, entres autres, à la SARL, les bâtiments d'habitation et d'exploitation ainsi que le matériel de cave et de culture ; que le second acte mentionnait que " la marque Château de Beck déposée à l'INPI sera cédée avec l'ensemble de l'exploitation " ; qu'à la suite d'une opposition à la demande d'enregistrement de cette marque présentée le 21 juillet 2000 par M. X..., un arrêt devenu irrévocable a confirmé la décision du directeur de l'institut national de la propriété industrielle, qui avait refusé l'enregistrement ; que la SARL a, sur le fondement de la garantie d'éviction, assigné en dommages-intérêts les époux X... et l'EARL, qui ont appelé en garantie la SAFER ainsi que les notaires, lesquels ont aussi été appelés en intervention forcée par la SARL ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que les époux X... et l'EARL font grief d'accueillir la demande de la SARL, alors, selon le moyen :

1° / que par acte de vente notarié du 15 septembre 2000, les époux X... ont cédé à la SARL " un immeuble en nature de vignes " ; qu'en se prononçant au motif que la marque " Château de Beck " faisait partie " de l'objet de cette vente ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de vente du 15 septembre 2000 entre les époux X... et la SARL, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2° / que selon la promesse de vente en date du 17 mars 2000, conclue entre les époux X... et la SAFER, les premiers se sont engagés à vendre à la seconde " une propriété rurale dénommée " Château de Beck " comprenant bâtiments d'habitation et d'exploitation, caves, hangars, ainsi que diverses parcelles en nature de terres, vignes, bois et landes " sur la commune de Vauvert ; que la promesse de vente précisait simplement que " la dénomination commerciale Château de Beck déposée à l'INPI sera cédée avec l'ensemble de l'exploitation, avec effet dès l'entrée en jouissance ", sans préciser que cette cession serait réalisée par les époux X... ; qu'ainsi, en se fondant sur cet acte pour considérer que la marque faisait partie de l'objet de la vente du 15 septembre 2000 entre les époux X... et la SARL, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la promesse de vente du 17 mars 2000, en violation de l'article 1134 du code civil ;

3° / que par acte de vente notarié du 15 septembre 2000, l'EARL Château de Beck a cédé à la SARL une propriété agricole, comprenant des bâtiments d'habitation et d'exploitation, des caves et un hangar, ainsi que diverses parcelles en nature de sols et chemins, sur la commune de Vauvert, qu'une maison d'habitation et divers biens immobiliers ; qu'il était simplement précisé à cet acte que " la marque Château de Beck déposée à l'INPI sera cédée avec l'ensemble de l'exploitation " ; que dès lors, en décidant qu'il résultait de cet acte que la marque Château de Beck avait été cédée par l'EARL Château de Beck à la SARL, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté née du rapprochement de l'ensemble des actes rendait nécessaire, que l'acte notarié conclu par l'EARL précisait que " la marque Château de Beck déposée à l'INPI sera cédée avec l'ensemble de l'exploitation ", sans qu'il pût être tiré argument de l'utilisation du futur pour prétendre que cette marque n'était pas comprise parmi les biens vendus et n'était qu'envisagée, et que si cette mention n'était pas reprise dans l'acte conclu par les époux X..., qui formait avec l'autre un ensemble notoire, cette marque devait aussi être considérée comme faisant partie de l'objet de cette vente, dans la mesure où celle-ci n'était que la suite directe de la promesse qui précisait que la dénomination commerciale déposée à l'INPI serait cédée avec l'ensemble de l'exploitation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1627 de ce code ;

Attendu que pour débouter les époux X... et l'EARL Terroirs et Tradition de leur action en garantie contre la SAFER, l'arrêt retient qu'il ne saurait être invoqué la qualité de cédant de la SAFER, les époux X... et l'EARL Château de Beck ayant seuls la qualité de vendeurs aux termes des deux actes de vente du 15 septembre 2000, tenus seuls de ce fait à la garantie de l'article 1626 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la SAFER, en tant que prestataire de services, était intervenue aux actes authentiques de vente en qualité de " vendeur professionnel ", ce dont il résultait qu'elle était tenue à la garantie d'éviction, concurremment avec les époux X... et l'EARL, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter la SARL de sa demande contre les notaires, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que si l'acte authentique mentionne que " la marque Château de Beck déposée à l'INPI sera cédée avec l'ensemble de l'exploitation ", la terminologie employée avec l'utilisation notamment du futur, n'implique nullement que les officiers ministériels avaient l'obligation de vérifier l'enregistrement effectif de ladite marque auprès de l'INPI ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en tant que rédacteur de l'acte, le notaire est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour en assurer la validité et l'efficacité, la cour d'appel, qui a constaté qu'en dépit de l'emploi du futur, la marque constituait un élément de la vente sur lequel les parties s'étaient engagées et que celles-ci avaient entendu vendre une marque enregistrée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux X... et l'EARL Terroirs et Traditions de leur demande contre la SAFER du Languedoc-Roussillon et débouté la SARL Château de Beck de sa demande contre MM. Y... et Z..., l'arrêt rendu le 18 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.