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Décisions

TUE, 3e ch., 22 novembre 2018, n° T-296/17

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

TUE n° T-296/17

22 novembre 2018

1        Le 1er février 2010, l’intervenante, Henkel AG & Co. KGaA, a obtenu auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), l’enregistrement, sous le numéro 1663618-0003, d’un dessin ou modèle communautaire représenté comme suit (ci-après le « dessin ou modèle contesté ») :

      

2        Le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué à des « chasses d’eau pour w.c. », relevant de la classe 09-05 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié.

3        Le 10 novembre 2014, la requérante, Buck-Chemie GmbH, a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande en nullité du dessin ou modèle contesté.

4        Le motif invoqué au soutien de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, qui prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire doit être déclaré nul s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 dudit règlement. La requérante a en substance fait valoir que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau et qu’il était dépourvu de caractère individuel, au sens de l’article 4 du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec les articles 5 et 6 du même règlement.

5        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a, entre autres, invoqué le dessin ou modèle communautaire antérieur numéro 84645-0001 (ci-après le « dessin ou modèle D 5 ») représenté comme suit :

 

6        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a, par ailleurs, produit, entre autres, les documents suivants :

–        une capture d’écran effectuée le 26 août 2007 à partir du site Internet Wayback Machine, reproduisant l’image suivante (ci-après le « document D 1 ») :

–        une capture d’écran effectuée le 18 septembre 2008 à partir du site Internet WaybackMachine, reproduisant l’image suivante (ci-après le « document D 4 ») :

–        une capture d’écran effectuée le 23 avril 2009 à partir du site Internet Wikimedia.org, reproduisant l’image suivante (ci-après le « document D 7 ») :

 

7        Par décision du 21 août 2015, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité du dessin ou modèle contesté.

8        Le 19 octobre 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 8 mars 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Dans sa décision, la chambre de recours a considéré, en substance, que les dessins ou modèles antérieurs invoqués ne s’opposaient pas à la constatation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté au sens des articles 4 à 6 du règlement no 6/2002.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés au cours de la procédure devant la chambre de recours.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 63 du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 25, paragraphe 1, sous a), et l’article 3, sous a), du même règlement, le deuxième, d’une violation de l’article 62, de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et des articles 4 et 5 du règlement no 6/2002 et, le troisième, d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et des articles 4 et 6 du règlement no 6/2002.

14      En vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire est déclaré nul s’il ne répond pas à la définition visée à l’article 3, sous a), du même règlement. Conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire est déclaré nul s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du même règlement.

15      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la protection communautaire d’un dessin ou modèle n’est assurée que dans la mesure où celui-ci est nouveau et présente un caractère individuel.

16      C’est au vu de ces dispositions qu’il y a lieu d’examiner les moyens de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 63 du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 25, paragraphe 1, sous a), et l’article 3, sous a), du même règlement

17      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante reproche à l’EUIPO d’avoir omis de vérifier d’office si le dessin ou modèle contesté constituait « l’apparence d’un produit ou d’une partie d’un produit » au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002. La requérante soutient, en substance, que dans la mesure où l’apparence du dessin ou modèle contesté se limite à la juxtaposition de quatre boules, il n’a l’apparence ni d’un produit, ni d’une partie de produit, ni de plusieurs produits. Par conséquent, le dessin ou modèle contesté aurait dû être déclaré nul conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement no 6/2002.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

19      Il convient de constater d’emblée que le premier moyen est manifestement non fondé dans la mesure où il ressort sans ambiguïté du libellé de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, que, dans une action en nullité, l’examen des faits est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

20      Or, la requérante admet elle-même ne pas avoir invoqué le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement no 6/2002 dans le formulaire de sa demande en nullité. Par conséquent, l’EUIPO n’était nullement tenu de vérifier d’office si le dessin ou modèle contesté constituait l’« apparence d’un produit ou d’une partie d’un produit » au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002.

21      Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 62, de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et des articles 4 et 5 du règlement no 6/2002

22      Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante reproche à l’EUIPO des erreurs dans l’appréciation de la « nouveauté » du dessin ou modèle contesté au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002. Les griefs de la requérante visent notamment le point 39 de la décision attaquée qui est formulé comme suit :

« Par conséquent, tous les dessins ou modèles antérieurs provoquent une impression d’ensemble qui se distingue de celle du [dessin ou modèle] contesté et ne s’opposent donc pas au caractère individuel de celui-ci. Ainsi, le [dessin ou modèle] contesté se distingue davantage des dessins ou modèles antérieurs que par des détails insignifiants, de sorte qu’il possède également la nouveauté requise conformément à l’article 5 du [règlement no 6/2002] ».

23      D’une part, la requérante estime que la décision attaquée ne fait que « survoler » la cause de nullité tirée de l’absence de « nouveauté » au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002 et, de ce fait, ne contient pas de motivation compréhensible, en violation de l’obligation de motivation qui s’impose à l’EUIPO en vertu de l’article 62 du règlement no 6/2002.

24      D’autre part, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le dessin ou modèle contesté remplissait la condition de « nouveauté » au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002 uniquement en raison du fait qu’il présentait un « caractère individuel » au sens de l’article 6 du même règlement. Or, selon la requérante, il s’agit de deux conditions distinctes, soumises à des critères d’appréciation différents.

25      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

26      S’agissant de la première branche du deuxième moyen, à savoir la prétendue violation de l’obligation de motivation par l’EUIPO, force est de constater que la motivation de la décision attaquée répond aux exigences de l’article 62 du règlement no 6/2002.

27      En effet, la chambre de recours a exposé clairement, au point 39 de la décision attaquée, les raisons qui l’ont conduite à estimer que le dessin ou modèle contesté remplissait la condition de « nouveauté » au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002, à savoir qu’une telle nouveauté s’imposait en l’espèce eu égard à la constatation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté et au fait que celui-ci ne se distinguait des dessins ou modèles antérieurs pas uniquement par des détails insignifiants. La circonstance que la chambre de recours ait motivé sa conclusion par un raisonnement laconique n’ôte rien au caractère approprié de cette motivation.

28      Par conséquent, il convient d’écarter cette première branche du moyen comme étant non fondée.

29      S’agissant de la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la prétendue erreur commise par la chambre de recours en ce qu’elle a considéré que la constatation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté permettait en l’espèce de constater également sa nouveauté, il découle de la jurisprudence que, conformément à l’article 6 du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C361/15 P et C405/15 P, EU:C:2017:720, point 124).

30      Dans la mesure où la condition posée par l’article 6 du règlement no 6/2002 va au-delà de celle posée par l’article 5 du même règlement [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme(Cadrans de montre), T68/11, EU:T:2013:298, point 38], une impression globale différente sur l’utilisateur averti au sens dudit article 6 ne peut être fondée que sur l’existence de différences objectives entre les dessins ou modèles en conflit. Celles-ci doivent donc suffire à satisfaire la condition de la nouveauté de l’article 5 du règlement no 6/2002, celle-ci et la condition du caractère individuel se recoupant dans une certaine mesure (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Cadrans de montre, T68/11, EU:T:2013:298, point 39).

31      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu considérer qu’il pouvait être conclu à la nouveauté du dessin ou modèle contesté eu égard à la constatation du caractère individuel de celui-ci.

32      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la seconde branche du moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et des articles 4 et 6 du règlement no 6/2002

33      Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours des erreurs dans l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

34      En premier lieu, la requérante soutient que la désignation, au point 14 de la décision attaquée, du dessin ou modèle contesté en tant que « détergent sous la forme d’un bloc nettoyant pour les toilettes » est incorrecte, ce qui, en conséquence, a entraîné une appréciation erronée du degré de liberté du créateur et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

35      La requérante fait valoir que la représentation de face du dessin ou modèle contesté ne montre pas que les quatre boules juxtaposées de couleurs, respectivement, bleue, jaune, bleue et jaune sont en contact, le petit panier dans lequel elles sont placées étant dessiné avec des lignes en pointillés qui n’entrent pas dans le champ de protection et qui ne sont pas de nature à désigner le produit. Ainsi, selon la requérante, l’agencement de quatre boules, disposées côte à côte, mais isolées les unes des autres, ne montre pas l’apparence d’un produit, mais de quatre produits. La requérante en tire la conséquence que le dessin ou modèle contesté n’a pas l’apparence d’un produit ou d’une partie d’un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002, ce qui aurait dû entraîner sa nullité conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous a), dudit règlement.

36      La requérante critique également la conclusion, figurant au point 20 de la décision attaquée, selon laquelle le degré de liberté du créateur est limité en ce qui concerne les blocs pour cuvettes de toilettes. Cette conclusion erronée aurait un effet sur l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. La requérante soutient que les blocs pour cuvettes de toilettes sont précisément des produits qui d’habitude sont jetés dans les cuvettes des toilettes ou les urinoirs sans être fixés. Or, pour ce genre de produits, le créateur n’est pas restreint d’une manière quelconque dans la taille ou la forme.

37      En deuxième lieu, la requérante critique le point 27 de la décision attaquée, dans lequel la chambre de recours, dans le cadre de l’examen du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, a indiqué que l’utilisateur averti savait que les balles d’une piscine à balles sont mélangées lors de l’utilisation, sans qu’un agencement ou une suite de couleurs déterminés soient décisifs. La requérante soutient que cette conclusion procède d’un argument qui n’examine pas les documents D 4 et D 7 et le dessin ou modèle antérieur D 5. Lesdits documents et dessin ou modèle antérieur contiendraient des illustrations statiques dans lesquelles l’ordre des balles serait déterminé. Pour cette raison, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les agencements et suites de couleurs individuels des piscines à balles représentées dans les documents D 4 et D 7 et dans le dessin ou modèle antérieur D 5 ne créent pas une impression d’ensemble semblable à celle du dessin ou modèle contesté serait erronée.

38      La requérante conteste également la conclusion, figurant au point 36 de la décision attaquée, selon laquelle, en ce qui concerne le document D 1, la concordance dans la forme des boules et la suite de couleurs, le bleu et le jaune, au milieu des anneaux n’est pas suffisante à elle seule pour provoquer auprès de l’utilisateur averti une impression d’ensemble semblable à celle du dessin ou modèle contesté. La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir négligé le fait que la partie du document D 1 sur laquelle elle a mis l’accent représente les boules à la jonction des deux anneaux, ce qui constitue un dessin ou modèle à part entière opposable au dessin ou modèle contesté.

39      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

40      Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 que le caractère individuel doit être apprécié, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti. Cette dernière doit être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise qu’il convient de tenir compte, dans l’appréciation du caractère individuel, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de ce dessin ou modèle.

41      Conformément à la jurisprudence, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [arrêt du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 16].

42      Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève (voir considérant 14 du règlement no 6/2002), du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (arrêt du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 17).

43      Enfin, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, il convient également de tenir compte du point de vue de l’utilisateur averti. Selon une jurisprudence constante, l’utilisateur averti est une personne dotée d’une vigilance particulière et qui dispose d’une certaine connaissance de l’état de l’art antérieur, c’est-à-dire du patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit en cause qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle contesté, ou le cas échéant, à la date de priorité revendiquée (voir arrêt du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 18 et jurisprudence citée).

44      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté concernait l’apparence d’un détergent pour toilettes sous forme d’un bloc pour cuvettes de toilettes et que le degré de liberté du créateur était limité en ce qui concerne le matériel qui est imposé par l’utilisation des substances chimiques.

45      S’agissant du grief de la requérante tiré de la désignation prétendument erronée du produit en cause, il convient de noter tout d’abord que les parties s’accordent sur le fait que le panier dessiné en pointillé ne rentre pas dans le champ de protection et n’est pas de nature à désigner le produit.

46      Ensuite, il convient de relever que les caractéristiques visuelles du dessin ou modèle contesté, tel qu’il est représenté au point 1 ci-dessus, ne font pas ressortir que les boules en question sont tellement espacées que, pour suivre la thèse de la requérante, il s’agirait de quatre boules isolées. Au contraire, la première illustration du dessin ou modèle contesté montre que les quatre boules sont alignées de manière contiguë selon un agencement cohérent et les unes en lien avec les autres. Ainsi, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a défini le produit concerné comme un « bloc » détergent et non comme quatre produits isolés.

47      S’agissant de la critique de la requérante envers l’appréciation par la chambre de recours du degré de liberté du créateur, il ressort de la jurisprudence que celui-ci est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit [voir arrêt du 15 octobre 2015, PromarcTechnics/OHMI – PIS (pièce de porte), T251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 51 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, il s’agit de récipients destinés à contenir du nettoyant pour les toilettes. Dans la mesure où ce type de produit impose naturellement des contraintes du point de vue de sa matière, à cause des substances chimiques utilisées pour les blocs pour cuvettes de toilettes, ainsi que du point de vue de sa taille et de sa forme, qui doivent être adaptées pour permettre de placer les blocs dans le support prévu, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a relevé, au point 20 de la décision attaquée, que le degré de liberté du créateur était limité. De plus, il convient de souligner que la chambre de recours a constaté que le créateur n’était soumis à aucune limitation concernant les couleurs et la conception concrète. La requérante fait référence à un type de bloc de nettoyant qui d’habitude est jeté dans les cuvettes des toilettes ou les urinoirs sans être fixé. Mais les spécificités d’un tel produit sont différentes de celles du produit en cause qui constitue un bloc fixé dans un panier qui est placé sous la chasse d’eau dans la cuvette.

49      S’agissant du grief de la requérante visant la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les documents D 4 et D 7 et le dessin ou modèle antérieur D 5 ne sont pas aptes à provoquer la même impression d’ensemble que le dessin ou modèle contesté, il convient de relever, tout d’abord, que la requérante ne conteste pas la constatation faite par la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, selon laquelle lesdits documents et le dessin ou modèle antérieur concernent des piscines à balles.

50      Ensuite, force est de constater qu’il est notoire que les piscines à balles sont caractérisées par un mélange aléatoire et imprévisible de boules. En l’occurrence, les représentations des documents D 4 et D 7 et du dessin ou modèle D 5 montrent un ensemble de balles de quatre couleurs différentes, jaune, bleu, rouge et vert. Dans la mesure où une telle succession de balles résulte d’un mélange purement spontané sans aucun caractère déterminé ou prévisible, l’affirmation de la requérante selon laquelle lesdites représentations seraient « statiques » et montreraient un ordre des balles déterminé est manifestement non fondée. De plus, la requérante ne démontre pas que les parties des documents D 4 et D 7 et du dessin ou modèle D 5 qu’elle a elle-même soulignées par des ovales disposent d’un caractère indépendant dans cette configuration précise, qui leur permettraient d’être distinguées de l’impression globale produite par les piscines à balles perçues dans leur intégralité.

51      Eu égard à ce qui précède, la conclusion figurant au point 27 de la décision attaquée selon laquelle les agencements et suites de couleurs individuels des piscines à balles représentées dans les illustrations des documents D 4 et D 7 et du dessin ou modèle D 5 ne créent pas une impression globale semblable à celle du dessin ou modèle contesté, n’est entachée d’aucune erreur.

52      S’agissant du grief de la requérante relatif au document D 1, qui montre le casse-tête dénommé « Anneaux hongrois », force est de constater que la succession de boules de couleurs bleue et jaune ne peut être visible que dans la partie du dessin ou modèle antérieur souligné par un ovale par la requérante elle-même. Or, cette partie du document D 1 n’a pas de caractère indépendant et ne peut être séparée de l’impression globale produite par le produit perçu dans son intégralité. Bien que, selon l’article 3 sous a), du règlement no 6/2002, l’apparence d’une partie d’un produit peut en principe également constituer un dessin ou modèle, la partie du document D 1 représentant les boules de couleurs bleue et jaune soulignée par la requérante ne constitue pas en elle-même un tel dessin ou modèle indépendant. La jurisprudence a précisé que pour constituer un dessin ou modèle à part, séparé de celui du produit principal, les éléments pertinents doivent être mis particulièrement en évidence et empêcher ainsi d’appréhender le produit principal comme un tout [arrêt du 25 octobre 2013, Merlin e.a./OHMI – Dusyma (Jeux), T231/10, non publié, EU:T:2013:560, points 34 et 35]. Or, les quatre boules choisies par la requérante font partie intégrante de l’ensemble du jeu présenté et de son image. Elles ne sont pas spécialement mises en relief, hormis le marquage effectué par la requérante.

53      L’extrait du mode d’emploi du jeu, auquel se réfère la requérante, ne permet pas de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours. En effet, ledit extrait propose qu’« une boule jaune et une boule bleue se trouv[ent] à chacune des intersections ». Ainsi, ce passage met-il l’accent sur la juxtaposition de deux boules de couleurs différentes, ce qui diffère considérablement du dessin ou modèle contesté qui représente, conformément aux constatations effectuées par la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, un agencement linéaire de quatre boules alternativement bleues et jaunes.

54      Il résulte de tout ce qui précède que les arguments de la requérante ne parviennent pas à invalider la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les documents D 1, D 4, D 7 et le dessin ou modèle D 5 ne sont pas aptes à provoquer la même impression d’ensemble que le dessin ou modèle contesté.

55      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont conclu à la condamnation de la requérante aux dépens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

58      En outre, quant aux dépens exposés dans la procédure administrative devant la chambre de recours de l’EUIPO, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables [voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2017, Lauritzen Holding/EUIPO – DK Company (IWEAR), T622/14, non publié, EU:T:2017:143, points 50 et 51]. Partant, si la demande tendant à ce que la requérante, ayant succombé en ses conclusions, soit condamnée aux dépens est accueillie, il convient d’exprimer cette obligation de la requérante dans le dispositif dans la mesure où la décision de la chambre de recours sur les dépens n’est pas claire sur ce point et de ce fait il n’est pas sûr que le remboursement des dépens exposés pendant la procédure devant la chambre de recours puisse être obtenu sur la base de la décision de la chambre de recours relative aux dépens, décision demeurée valide après le rejet du recours de la requérante. En effet dans le cas d’espèce la décision de la chambre de recours manque de clareté dans la mesure où d’un côté elle prévoit dans le dispositif que « la défendresse en nullité » soit condamnée à supporter les frais des procédures de nullité et de recours tandis que de l’autre côté, dans la motivation elle constate que « la demanderesse supporte les frais exposés par la titulaire dans les procédures de nullité et de recours ».

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Buck-Chemie GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Henkel AG & Co. KGaA, y compris les frais indispensables exposés devant la chambre de recours de l’EUIPO.