TUE, 5e ch., 4 juillet 2017, n° T-901/6_
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
1 L’intervenante, Nike Innovate CV, est titulaire du dessin ou modèle communautaire déposé le 27 décembre 2012 et enregistré le même jour sous le numéro 002159640-0002 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 32/2013, du 14 février 2013, avec une date de priorité au 22 juin 2012.
2 Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué relèvent de la classe 10.04 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Instruments, appareils et dispositifs de mesure ». Ce dessin ou modèle est représenté comme suit :
3 Le 19 août 2013, le requérant, M. Thomas Murphy, a présenté devant l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle contesté.
4 À l’appui de sa demande en nullité, il a notamment invoqué le dessin ou modèle communautaire déposé le 26 novembre 2004, enregistré sous le numéro 000264379-0001 pour des « bracelets de montres LCD flexibles » et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 28/2005, du 5 avril 2005, représenté comme suit :
5 Le requérant invoquait, en substance, dans sa demande en nullité, une violation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, au motif que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel.
6 Par décision du 25 février 2014, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.
7 Le 16 mars 2014, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.
8 Par décision du 19 novembre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. À titre liminaire, elle a rappelé que la question qui se posait au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 consistait, en substance, à savoir si, avant la date de priorité du dessin ou modèle contesté, un dessin ou modèle produisant une même impression d’ensemble sur l’utilisateur averti avait été divulgué au public. En outre, premièrement, elle a relevé qu’elle confirmait l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué au public. Deuxièmement, elle a souligné que le dessin ou modèle contesté était enregistré pour des « instruments, appareils et dispositifs de mesure » mais qu’il apparaissait que ce dessin ou modèle consistait en un bracelet de montre électronique. La chambre de recours a donc estimé que l’utilisateur averti, qu’il convenait de prendre en considération, était toute personne qui achetait habituellement un tel bracelet, qui l’utilisait aux fins prévues et qui s’informait en consultant des catalogues consacrés exclusivement ou en partie aux bracelets de montres électroniques, en se rendant dans des magasins ou des points de vente proposant de tels produits, en téléchargeant des informations à partir de l’internet, etc. Par conséquent, la chambre de recours a considéré que l’utilisateur averti saurait que ces bracelets de montres sont souples et de forme circulaire afin de pouvoir être portés au poignet et qu’ils contiennent un affichage et incorporent un type d’instruments ou de capteurs capables d’effectuer des mesures. Elle a également rappelé la jurisprudence selon laquelle, en raison de son intérêt pour les produits concernés, l’utilisateur averti fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé lorsqu’il utilise ces produits. Troisièmement, la chambre de recours a estimé que le degré de liberté d’un créateur de bracelets de montres électroniques n’était restreint que par les contraintes techniques qui s’appliquaient à ces bracelets dans la mesure où ils devaient être ergonomiques afin de pouvoir s’adapter au poignet et où ils devaient contenir un certain type de dispositif de mesure intégrant des instruments ou des capteurs capables d’effectuer ces mesures. Quatrièmement, la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle les dessins ou modèles en cause différaient par plusieurs caractéristiques, telles que la présence d’un bouton ovale incrusté sur le dessus, l’utilisation d’un matériau transparent et l’absence de décoration sur la face externe du dessin ou modèle contesté. Elle a ajouté que le système de fermeture du dessin ou modèle contesté était plus court que celui du dessin ou modèle antérieur et que ce dernier dessin ou modèle était beaucoup plus fin que le dessin ou modèle contesté. La chambre de recours a conclu que ces différences n’échapperaient pas à l’œil exercé de l’utilisateur averti et produiraient une impression d’ensemble différente sur celui-ci.
Conclusions des parties
9 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
10 L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
11 Le requérant soulève trois moyens. Par le premier moyen, il soutient que la chambre de recours ne lui a pas accordé de procès équitable et a violé son obligation de motivation en ne prenant pas en compte les explications relatives au dessin ou modèle antérieur et en ne répondant pas à l’argument selon lequel le dessin ou modèle antérieur devait bénéficier d’une protection très étendue. Par le deuxième moyen, le requérant fait valoir que la chambre de recours a violé son obligation de motivation en ne répondant pas à l’argument selon lequel le degré de liberté du créateur était très élevé. Par le troisième moyen, le requérant invoque, en substance, une violation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 au motif que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause.
12 Dans la mesure où, par les deux premiers moyens, le requérant reproche à la chambre de recours de ne pas avoir répondu à certains arguments soulevés devant elle, il convient de les examiner ensemble.
Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la violation du droit à un procès équitable et de l’obligation de motivation
13 Dans le cadre du premier moyen, le requérant soutient que la chambre de recours ne lui a pas accordé de procès équitable et a violé son obligation de motivation en ne prenant pas en compte les explications relatives aux caractéristiques du dessin ou modèle antérieur qu’il avait présentées devant elle et en ne répondant pas à son argument selon lequel, au moment de son enregistrement, le dessin ou modèle antérieur était original et constituait une telle avancée par rapport à l’état de la technique qu’il devait bénéficier d’une protection étendue.
14 En particulier, en premier lieu, le requérant soutient que le dessin ou modèle antérieur requiert des explications parce que, en 2004, il était très difficile de représenter ce dessin ou modèle complexe et nouveau. Il ajoute que, contrairement aux demandes de brevets, les demandes de dessins ou modèles n’exigent pas une description écrite des caractéristiques des dessins ou modèles et ne le permettent pas, sauf de manière très limitée. Le requérant considère que c’est dans ce contexte que la motivation de la décision attaquée doit être appréciée.
15 En second lieu, il fait valoir que la chambre de recours a certes mentionné son argument tiré du fait que le dessin ou modèle antérieur constituait une avancée importante par rapport à l’état de la technique au moment de son enregistrement. Toutefois, elle n’aurait pas motivé le rejet de cet argument. Il ne ressortirait pas non plus de la décision attaquée que la chambre de recours ait fait sienne la réponse donnée par l’intervenante à cet argument, à savoir qu’il n’était pas étayé. À cet égard, le requérant soutient que ce n’était pas à lui d’étayer son argument mais à l’intervenante de le réfuter. Selon le requérant, il ne serait pas logique en effet d’exiger qu’il prouve la non-existence d’un dessin ou modèle sous la forme d’un dessin ou modèle électronique avant l’enregistrement du dessin ou modèle antérieur.
16 Dans le cadre du deuxième moyen, le requérant soutient que la chambre de recours a ignoré son argument selon lequel le degré de liberté du créateur de bracelets de montres électroniques était très élevé, en dépit des exemples de bracelets de montres variés qu’il avait fournis à la chambre de recours. Cette dernière aurait fait sienne, sans motivation adéquate, l’argumentation de l’intervenante selon laquelle sa liberté de conception était limitée. La chambre de recours aurait également omis de quantifier le degré de liberté d’un créateur de bracelets de montres électroniques. Si elle l’avait fait, elle aurait constaté qu’il était très élevé.
17 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.
18 À titre liminaire, il convient de relever qu’aucun des arguments invoqués par le requérant ne vient au soutien de son affirmation selon laquelle la chambre de recours a violé son droit à un procès équitable. L’argumentation développée par le requérant dans le cadre des deux premiers moyens vise, en réalité, seulement à démontrer une violation de l’obligation de motivation.
19 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 62 du règlement n° 6/2002, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours qu’elles fournissent un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 10 septembre 2015, H&M Hennes & Mauritz/OHMI – Yves Saint Laurent (Sacs à main), T525/13, EU:T:2015:617, point 15 et jurisprudence citée].
20 Ainsi, les chambres de recours ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à adopter, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 9 septembre 2015, Dairek Attoumi/OHMI – Diesel (DIESEL), T278/14, non publié, EU:T:2015:606, point 69 et jurisprudence citée].
21 En outre, compte tenu de la continuité fonctionnelle entre divisions d’annulation et chambres de recours, dont atteste l’article 60, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la décision de la division d’annulation ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, contexte qui est connu du requérant et qui permet au juge de l’Union d’exercer pleinement son contrôle de légalité (voir arrêt du 9 septembre 2015, DIESEL, T278/14, non publié, EU:T:2015:606, point 71 et jurisprudence citée).
22 Il convient également de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 10 septembre 2015, Sacs à main, T525/13, EU:T:2015:617, point 16 et jurisprudence citée).
23 En l’espèce, il y a lieu de relever qu’il ressort de la décision attaquée, résumée au point 8 ci-dessus, que la chambre de recours a exposé, dans cette décision, les faits et les considérations juridiques qui l’ont amenée à conclure que la demande en nullité, fondée sur l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté, devait être rejetée.
24 De plus, en ce qui concerne les explications relatives aux caractéristiques du dessin ou modèle antérieur qu’a fournies le requérant devant la chambre de recours, il convient de relever que cette dernière a souligné, dans la décision attaquée, que les caractéristiques des dessins ou modèles qui étaient revendiquées mais n’apparaissaient pas dans les représentations enregistrées des dessins ou modèles ne relevaient pas de la protection visée par chaque enregistrement et ne pouvaient être prises en considération. La chambre de recours a ainsi implicitement écarté les explications relatives aux caractéristiques du dessin ou modèle antérieur que le requérant avait fournies devant elle au motif que, dans ses explications, le requérant revendiquait des caractéristiques du dessin ou modèle antérieur qui n’apparaissaient pas dans les représentations de ce dessin ou modèle. C’est donc à tort que le requérant soutient que la chambre de recours a violé son obligation de motivation à cet égard.
25 La question de savoir si la chambre de recours a écarté, à juste titre, les explications relatives au dessin ou modèle antérieur présentées devant elle relève du bien-fondé de la décision attaquée et sera examinée ci-après dans le cadre du troisième moyen.
26 En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel le dessin ou modèle antérieur, ayant constitué à la date de son enregistrement une avancée importante par rapport à l’état de la technique, devait bénéficier d’une protection plus étendue, il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait le requérant lui-même, que la chambre de recours a mentionné cet argument au point 12 de la décision attaquée et la réponse donnée à cet argument par l’intervenante au point 13 de ladite décision, à savoir que l’argument du requérant n’était étayé d’aucun élément de preuve. Le requérant n’avait en effet invoqué devant la chambre de recours, aucun fondement juridique à l’appui de cet argument. Il n’avait pas non plus apporté la preuve d’une telle avancée. Dans la mesure où il se prévalait du fait que le dessin ou modèle antérieur constituait une avancée importante par rapport à l’état de la technique, il lui incombait de le prouver. Contrairement à ce que soutient en substance le requérant, cette preuve n’était pas impossible à apporter. Il aurait pu présenter, par exemple, des articles de presse ou des extraits de sites Internet faisant état de cette avancée. Étant donné que l’argument du requérant n’était étayé ni par un fondement juridique ni par des preuves, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas y avoir répondu.
27 En ce qui concerne l’argument du requérant relatif au degré de liberté du créateur, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé : « comme l’a[vait] conclu la division d’annulation [...], le degré de liberté d’un créateur de bracelets de montres électroniques n’est finalement restreint que par les contraintes techniques qui s’appliquent à ces bracelets, dans la mesure où ils doivent être ergonomiques afin de pouvoir s’adapter à une partie particulière du corps humain et où ils doivent contenir un certain type de dispositif de mesure intégrant des instruments et/ou des capteurs capables d’effectuer des mesures. […] La fonction du bracelet de montre électronique a pour conséquence que le degré de liberté du créateur est uniquement restreint par les restrictions susmentionnées ».
28 La division d’annulation avait conclu, en substance, que le degré de liberté du créateur était élevé et seulement limité par les contraintes techniques applicables aux bracelets de montres électroniques.
29 Partant, il ressort de la décision attaquée, lue en combinaison avec la décision de la division d’annulation que la chambre de recours a approuvée, que cette dernière a estimé que le degré de liberté d’un créateur de bracelets de montres était élevé parce qu’il était seulement restreint par les contraintes techniques qui s’appliquaient à ces bracelets. Ainsi, l’argument du requérant selon lequel la chambre de recours a fait sienne, sans motivation adéquate, l’argumentation de l’intervenante selon laquelle la liberté du créateur était limitée et a omis de quantifier le degré de liberté du créateur résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée.
30 La question de savoir si ce degré de liberté est très élevé comme le soutient le requérant – et pas seulement élevé – relève du bien-fondé de la décision attaquée et sera examinée ci-après dans le cadre du troisième moyen.
31 Partant, les premier et deuxième moyens doivent être rejetés.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002
32 Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 que le caractère individuel doit être apprécié, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti. L’impression globale produite sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité a été revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 précise qu’il convient de tenir compte, dans l’appréciation du caractère individuel, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de ce dessin ou modèle.
33 En outre, il ressort du considérant 14 du règlement n° 6/2002 que, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève.
34 Le requérant ne conteste pas que le produit auquel le dessin ou modèle contesté s’applique consiste en un bracelet de montre électronique. Il ne conteste pas non plus les appréciations de la chambre de recours, rappelées au point 8 ci-dessus, relatives à l’utilisateur averti qu’il convient de prendre en considération en l’espèce et à son degré d’attention. En revanche, le requérant soutient que les appréciations de la chambre de recours relatives au degré de liberté du créateur de bracelets de montres électroniques et au caractère individuel du dessin ou modèle contesté sont erronées.
35 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.
Sur le degré de liberté du créateur
36 Le degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit auquel le dessin ou modèle est appliqué. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné (voir arrêt du 10 septembre 2015, Sacs à main, T525/13, EU:T:2015:617, point 28 et jurisprudence citée).
37 Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles comparés, ne présentant pas de différences significatives, produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (voir arrêt du 10 septembre 2015, Sacs à main, T525/13, EU:T:2015:617, point 29 et jurisprudence citée).
38 Toutefois, le facteur relatif à la liberté du créateur ne saurait à lui seul conditionner l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle. Il permet uniquement de nuancer l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, mais ne détermine pas la distance requise entre deux dessins ou modèles pour que l’un d’eux ait un caractère individuel (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Sacs à main, T525/13, EU:T:2015:617, point 35).
39 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée, lue en combinaison avec la décision de la division d’annulation, que la chambre de recours a estimé que le degré de liberté d’un créateur de bracelets de montres électroniques était élevé (voir points 27 à 29 ci-dessus).
40 Le requérant soutient que la chambre de recours aurait dû considérer que ce degré de liberté était très élevé. À l’appui de cet argument, il a fourni trois images de bracelets de montres électroniques.
41 Il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que le degré de liberté d’un créateur de bracelets de montres électroniques était limité par les contraintes techniques qui s’appliquaient auxdits bracelets, à savoir la nécessité d’être ergonomiques pour pouvoir s’adapter au poignet et de contenir des instruments de mesure. Elle a également estimé, à juste titre, que, pour qu’un bracelet de montre puisse remplir sa fonction correctement, il devait être relativement petit, fin et léger et s’adapter au poignet. Or, compte tenu de l’existence de ces contraintes, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que le degré de liberté du créateur était élevé et non très élevé.
42 Quant aux trois images de bracelets de montres électroniques fournies par le requérant, il convient de relever qu’elles ne remettent pas en cause l’existence des contraintes énumérées par la chambre de recours pour la liberté d’un créateur de bracelets de montres électroniques et donc sa conclusion selon laquelle le degré de liberté du créateur est seulement élevé.
Sur l’appréciation du caractère individuel
43 Conformément à la jurisprudence, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [arrêt du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 16].
44 En l’espèce, la chambre de recours a relevé, à titre liminaire, en s’appuyant sur l’arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic (C281/10 P, EU:C:2011:679, point 74), et sur des décisions antérieures de la troisième chambre de recours, que la comparaison entre les dessins ou modèles devait être fondée sur les dessins ou modèles tels que décrits et représentés dans les demandes d’enregistrement respectives.
45 En ce qui concerne la comparaison des dessins ou modèles en cause, la chambre de recours a souligné que la division d’annulation avait conclu que le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur différaient par plusieurs caractéristiques, telles que la présence d’un bouton ovale incrusté sur le dessus, l’utilisation d’un matériau transparent et l’absence de décoration sur la face externe du dessin ou modèle contesté.
46 De surcroît, en réponse à un argument du requérant, la chambre de recours a indiqué que, même si le bouton d’un bracelet de montre avait une attribution fonctionnelle, comme le soutenait le requérant, il pouvait néanmoins être conçu et placé sur le produit de différentes manières et que de nombreuses configurations de ce bouton étaient possibles.
47 En outre, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel le matériau transparent était commun aux dessins ou modèles en cause et était indispensable au fonctionnement de l’affichage lorsque le dispositif était allumé ou activé, la chambre de recours a relevé que, sur la base des dessins ou modèles tels qu’ils avaient été enregistrés, il semblait que, à l’exception du système de fermeture argenté ou métallique, le matériau du dessin ou modèle contesté était entièrement transparent, plusieurs composants techniques étant visibles au travers, tandis que rien n’indiquait que le matériau qui composait le dessin ou modèle antérieur était transparent à un quelconque endroit.
48 Quant aux éléments de décoration des dessins ou modèles en cause, la chambre de recours a noté que le dessin ou modèle contesté ne contenait, outre le matériau transparent utilisé, aucun élément de décoration significatif, à l’exception d’un rectangle sur le dessus du bracelet qui contenait de nombreux petits carrés (ou rectangles) blancs, tandis que le dessin ou modèle antérieur contenait des indications horaires et de mesure ainsi qu’une silhouette d’homme en train de plonger. Selon la chambre de recours, le dessin ou modèle antérieur présentait également des lignes fines courant sur la longueur du bracelet, sur ses deux faces, et une fine ligne de couleur pâle courant sur la longueur de la face externe du bracelet, en son milieu.
49 Quant aux systèmes de fermeture des deux bracelets de montres, la chambre de recours a estimé que, dans le dessin ou modèle contesté, le système de fermeture argenté ou métallique était plus court que celui du bracelet de montre du dessin ou modèle antérieur.
50 La chambre de recours a enfin relevé que, comme le montraient les vues de côté des dessins ou modèles en cause, dans le dessin ou modèle antérieur, le bracelet de montre était beaucoup plus fin que celui du dessin ou modèle contesté.
51 Elle a conclu que, en raison de ces différences, les dessins ou modèles en cause produisaient une impression d’ensemble différente sur l’utilisateur averti.
52 En premier lieu, le requérant fait valoir que la chambre de recours ne pouvait pas s’appuyer sur l’arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, (C281/10 P, EU:C:2011:679, point 74), pour affirmer que la comparaison entre les dessins ou modèles en cause devait être fondée sur les dessins ou modèles tels que décrits et représentés dans les demandes d’enregistrement de ces dessins ou modèles, car cela ne ressortirait pas de cet arrêt. La Cour aurait en effet souligné au point 73 de cet arrêt qu’il n’était pas erroné de prendre en compte, lors de l’évaluation de l’impression globale des dessins ou modèles en cause, les produits effectivement commercialisés et correspondant à ces dessins ou modèles. Le requérant souligne qu’une représentation ou un échantillon fidèle, réel, d’un dessin ou modèle dont l’enregistrement est basé sur un dessin réalisé par ordinateur, comme c’est le cas du dessin ou modèle antérieur, ne devraient pas être ignorés dans l’appréciation globale. La chambre de recours aurait pourtant ignoré les « représentations élaborées […] qui aident à comprendre et à apprécier le dessin ou modèle [antérieur] dans sa forme réelle ». La chambre de recours n’aurait pas non plus examiné convenablement les explications déposées par le requérant devant elle relatives à ce dessin ou modèle et à ce à quoi ce dessin ou modèle ressemblerait dans son état fini, tant en position éteinte qu’en position allumée.
53 Il ressort certes de l’arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic (C281/10 P, EU:C:2011:679, points 73 et 74), qu’il est possible de tenir compte, pour comparer des dessins ou modèles, des produits effectivement commercialisés et correspondant à ces dessins ou modèles, à tout le moins à titre illustratif, pour confirmer les conclusions déjà tirées de l’appréciation des dessins ou modèles tels que décrits et représentés dans les demandes d’enregistrement. Toutefois, ainsi que l’a relevé l’intervenante, le requérant n’a pas fourni de tels produits. Il avait certes fourni, afin de prouver l’existence d’un dessin ou modèle antérieur, des images représentant ses produits devant la division d’annulation (point 4 de la décision attaquée). Cependant, la division d’annulation n’en avait pas tenu compte, à juste titre, dans la mesure où ces images n’étaient pas datées (point 7 de la décision attaquée). Le requérant n’avait pas contesté cette appréciation de la division d’annulation devant la chambre de recours, qui l’a, au demeurant, confirmée (point 27 de la décision attaquée).
54 En ce qui concerne les explications relatives aux caractéristiques du dessin ou modèle antérieur qu’a fournies le requérant devant la chambre de recours et dont celle-ci aurait dû tenir compte, il convient de rappeler qu’il ressort implicitement de la décision attaquée que la chambre de recours les a écartées au motif que, dans ces explications, le requérant revendiquait des caractéristiques du dessin ou modèle antérieur qui ne figuraient pas dans les représentations de ce dessin ou modèle.
55 En vertu de la jurisprudence, la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles doit porter uniquement sur les éléments effectivement protégés, sans tenir compte des caractéristiques exclues de la protection (voir arrêt du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 58 et jurisprudence citée). En l’espèce, les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur protégées sont celles qui figurent sur les représentations du dessin ou modèle antérieur, reproduites au point 4 ci-dessus, qui ont été divulguées au public. Le requérant a soutenu, en substance, dans les explications qu’il a fournies devant la chambre de recours, que les caractéristiques électroniques et l’affichage du bracelet de montre étaient cachés à moins qu’il ne soit activé ou illuminé. Il a également expliqué que les lignes horizontales à la surface du bracelet de montre n’étaient pas réelles ni statiques mais qu’elles symbolisaient un filtre de polarisation, que le plongeur indiquait que le bracelet de montre pouvait être étanche et que le bracelet de montre antérieur incorporait un matériau transparent, indispensable pour l’affichage des mesures lorsqu’il était activé ou allumé. Ces caractéristiques du dessin ou modèle antérieur, revendiquées par le requérant dans ses explications devant la chambre de recours, ne ressortent toutefois pas des représentations de ce dessin ou modèle.
56 En effet, le dessin ou modèle antérieur représente un bracelet de montre fin et opaque doté d’un système de fermeture métallique. Sur ce bracelet apparaissent des indications horaires et de mesure, une silhouette d’homme en train de plonger, des lignes fines courant sur la longueur du bracelet, sur ses deux faces, et une fine ligne courant sur la longueur de la face externe du bracelet, en son milieu. Ce sont ces caractéristiques du dessin ou modèle antérieur qui sont visibles sur les représentations de celui-ci qui sont protégées et non celles qui sont revendiquées dans les explications du requérant présentées devant la chambre de recours.
57 En outre, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel, en substance, les explications qu’il a présentées devant la chambre de recours auraient dû être prises en considération parce qu’il lui était difficile de représenter le dessin ou modèle antérieur qui était nouveau en 2004 et parce les demandes de dessins ou modèles ne permettent qu’une description très limitée, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO lors de l’audience, que le requérant aurait notamment pu utiliser des lignes pointillées pour représenter les caractéristiques du dessin ou modèle non revendiquées, ainsi que cela était suggéré par le point 11.4 des directives d’examen relatives aux dessins et modèles communautaires, adoptées par la décision EX-03-9 du président de l’OHMI, du 9 décembre 2003, intitulé « Conditions de forme de la représentation du dessin ou modèle » [voir, à cet égard, arrêt du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière), T68/10, EU:T:2011:269, points 59 à 64]. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, une explication écrite du dessin ou modèle antérieur n’était pas nécessaire.
58 La chambre de recours a donc écarté, à juste titre, les explications relatives aux caractéristiques du dessin ou modèle antérieur que le requérant a présentées devant elle.
59 Le fait, allégué par le requérant, que certaines de ces explications avaient été données dans la demande d’enregistrement n’est pas pertinent. En effet, seules les représentations reproduites au point 4 ci-dessus ont été publiées et donc divulguées au public. Partant, même si certaines de ces explications figuraient déjà dans la demande d’enregistrement, ce que le requérant n’a en outre pas prouvé, elles ne pourraient pas être prises en considération.
60 En deuxième lieu, le requérant fait valoir que la chambre de recours a accordé trop de poids à la présence et à l’emplacement du bouton ovale dans le dessin ou modèle contesté. Elle aurait omis de tenir compte ou n’aurait pas suffisamment tenu compte de son argument selon lequel l’utilisateur averti verra essentiellement le bouton du dessin ou modèle contesté comme étant un élément ordinaire et fonctionnel plutôt que comme présentant un intérêt esthétique.
61 Cet argument ne saurait prospérer. La chambre de recours a répondu à l’argument du requérant, selon lequel le bouton ovale du dessin ou modèle contesté n’avait qu’une attribution fonctionnelle, au point 39 de la décision attaquée. Elle a correctement estimé que le fait que ce bouton ait une attribution fonctionnelle n’empêchait pas qu’il puisse être considéré comme un élément de différence dans la mesure où ce bouton pouvait être placé sur un bracelet de montre de différentes manières et avoir des formes et des tailles différentes.
62 En troisième lieu, le requérant soutient que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le dessin ou modèle antérieur n’utilise pas de matériau transparent ou translucide serait erronée, un tel matériau étant nécessaire au fonctionnement de l’affichage de tout bracelet de montre électronique.
63 Contrairement à ce que soutient le requérant, la chambre de recours n’a pas affirmé que le dessin ou modèle antérieur n’utilisait pas de matériau transparent ou translucide mais que, en ce qui concerne le dessin ou modèle antérieur tel qu’il est enregistré, rien n’indiquait que le matériau qui composait ce dessin ou modèle était transparent à un quelconque endroit. En effet, même si le bracelet de montre électronique du dessin ou modèle antérieur utilise un matériau transparent parce qu’il est nécessaire au fonctionnement de l’affichage des informations fournies par un bracelet de montre électronique, cela ne se voit pas sur le dessin ou modèle antérieur tel qu’il est enregistré. Ce dessin ou modèle a un aspect opaque. Les composants internes du dessin ou modèle antérieur ne sont pas visibles. Ce dessin ou modèle n’apparaît donc pas comme étant composé d’un matériau transparent, contrairement au dessin ou modèle contesté.
64 En quatrième lieu, le requérant fait valoir que les affirmations de la chambre de recours concernant les couleurs des dessins ou modèles en cause sont erronées et incohérentes. L’affirmation de la chambre de recours, figurant au point 41 de la décision attaquée, selon laquelle le dessin ou modèle contesté est représenté en noir et blanc, tandis que les illustrations du dessin ou modèle antérieur sont en couleur serait erronée, étant donné que les deux dessins ou modèles en cause seraient représentés en noir et blanc. Selon le requérant, même à supposer que cette affirmation soit correcte, elle serait incompatible avec l’affirmation, figurant au point 40 de la décision attaquée, selon laquelle le dessin ou modèle contesté est presque totalement transparent. La chambre de recours aurait commis une erreur en droit dans la décision attaquée en se prévalant d’une prétendue différence de couleur des dessins ou modèles en cause. Sa motivation à cet égard serait en outre hésitante et incohérente. Ce manque de clarté constituerait en soi une violation de l’obligation de motivation.
65 C’est à juste titre que la chambre de recours a affirmé que le dessin ou modèle contesté était représenté en noir et blanc, tandis que les illustrations du dessin ou modèle antérieur étaient en couleur, étant donné que, sur les représentations du dessin ou modèle antérieur reproduites au point 4 ci-dessus, le bracelet de montre est recouvert d’une couleur vert pâle. En tout état de cause, la chambre de recours a également affirmé que les couleurs réelles du dessin ou modèle antérieur étaient sans objet, dans la mesure où l’appréciation de l’impression d’ensemble devait uniquement être fondée sur les caractéristiques divulguées du dessin ou modèle contesté. Partant, elle n’a pas tenu compte de la couleur verte du dessin ou modèle antérieur comme étant un élément de différence des dessins ou modèles en cause. Elle a apprécié le dessin ou modèle antérieur comme s’il était représenté en noir et blanc. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, l’affirmation selon laquelle le dessin ou modèle contesté est représenté en noir et blanc n’est pas en contradiction avec l’affirmation selon laquelle il semblerait que le matériau du dessin ou modèle contesté soit entièrement transparent. Ce dessin ou modèle apparaît comme étant presque totalement transparent parce que ses composants internes sont visibles.
66 En cinquième lieu, le requérant soutient que la chambre de recours a estimé à tort que la couleur vert pâle du dessin ou modèle antérieur constituait une de ses caractéristiques alors qu’elle ne sert qu’à indiquer le processus d’éclairage qui conduit vers l’écran d’affichage. En outre, la ligne courant au milieu du bracelet ferait partie du quadrillage métallique invisible dans le filtre polarisant. Elle ne constituerait donc pas, en tant que telle, une caractéristique du dessin ou modèle antérieur. Si tel était le cas, il ne s’agirait de toute façon pas d’une caractéristique notable.
67 Il y a lieu de rappeler que la chambre de recours n’a pas estimé que la couleur verte était une caractéristique du dessin ou modèle antérieur. La chambre de recours a en outre souligné, à juste titre, que le dessin ou modèle antérieur, tel qu’il était représenté, présentait une fine ligne courant sur la longueur de la face externe du bracelet de montre, en son milieu. Cette ligne ressort distinctement parce qu’elle est plus claire que le reste du bracelet de montre. En outre, elle ne passera pas inaperçue aux yeux de l’utilisateur averti compte tenu de sa position et de sa longueur.
68 En sixième lieu, le requérant a fait valoir, lors de l’audience, que l’essence du dessin ou modèle antérieur était sa forme et son système de fermeture. Or, la forme du dessin ou modèle antérieur serait très semblable à celle du dessin ou modèle contesté. En outre, selon le requérant, le système de fermeture du dessin ou modèle antérieur, qui est un élément très important de ce dessin ou modèle du point de vue esthétique, sera perçu par l’utilisateur averti comme étant très semblable à celui du dessin ou modèle contesté.
69 Il convient de rappeler que les bracelets de montres électroniques doivent avoir une forme circulaire pour s’adapter au poignet. Partant, cette caractéristique commune aux dessins ou modèles en cause n’aura que peu d’importance dans l’impression globale produite par lesdits dessins ou modèles sur l’utilisateur averti [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T9/07, EU:T:2010:96, point 72].
70 En outre, la chambre de recours a souligné, à juste titre, que le système de fermeture du dessin ou modèle contesté était plus court que celui du bracelet de montre du dessin ou modèle antérieur. Les systèmes de fermeture de ces dessins ou modèles sont toutefois globalement similaires, étant donné qu’ils ont une forme assez semblable et qu’ils apparaissent tous deux comme étant métalliques ou argentés. Cependant, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne s’agit pas d’un élément très important des dessins ou modèles en cause. En effet, il ressort de la jurisprudence que l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par un dessin ou modèle doit nécessairement être déterminée aussi au regard de la manière dont le produit en cause est utilisé (voir arrêt du 14 juin 2011, Montre attachée à une lanière, T68/10, EU:T:2011:269, point 78 et jurisprudence citée). Or, lorsqu’il utilise un bracelet de montre électronique, l’utilisateur averti accorde plus d’importance à la partie de la montre qui affiche les données chiffrées qu’au système de fermeture de cette montre. En outre, il ressort des représentations des dessins ou modèles en cause que le dessin ou modèle contesté est plus large et plus épais que le dessin ou modèle antérieur. Il en ressort également que le dessin ou modèle contesté comporte un grand bouton ovale placé en évidence sur le dessus du bracelet de montre. De plus, les composants internes du dessin ou modèle contesté sont visibles, ce qui lui donne un aspect plus technique que le dessin ou modèle antérieur qui apparaît comme étant opaque et élégant. Enfin, le dessin ou modèle contesté présente moins d’éléments de décoration que le dessin ou modèle antérieur sur lequel sont clairement perceptibles un plongeur et une ligne courant sur toute la longueur du bracelet de montre. En raison de ces différences, l’impression d’ensemble produite par le dessin ou modèle contesté sur l’utilisateur averti sera clairement différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur, même en tenant compte du fait que le degré de liberté d’un créateur de bracelets de montres électroniques est élevé.
71 En septième lieu, le requérant soutient que le dessin ou modèle antérieur bénéficie d’une protection très étendue parce qu’il constituait, à la date de son enregistrement, une avancée importante par rapport à l’état de la technique. Il invoque, à l’appui de cet argument, un arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni].
72 Cet argument ne saurait être retenu. En effet, il ne ressort pas du règlement n° 6/2002 qu’il y a lieu de tenir compte du fait que le dessin ou modèle antérieur constituait, à la date de son enregistrement, une avancée importante par rapport à l’état de la technique pour déterminer si le dessin ou modèle contesté possède un caractère individuel. De plus, en ce qui concerne l’arrêt national invoqué par le requérant, il convient de relever que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement n° 6/2002, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non pas sur la base d’une jurisprudence nationale, même fondée sur des dispositions analogues à celles de ce règlement [voir, par analogie, arrêt du 29 octobre 2015, Éditions Quo Vadis/OHMI – Gómez Hernández ("QUO VADIS"), T517/13, non publié, EU:T:2015:816, point 46 et jurisprudence citée]. En outre, le caractère nouveau et inhabituel du premier dessin ou modèle n’empêche pas l’utilisateur averti de percevoir les différences des dessins ou modèles ultérieurs [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T22/13 et T23/13, EU:T:2015:310, point 95]. Enfin, et en tout état de cause, il convient de rappeler que le requérant n’a pas prouvé que son dessin ou modèle constituait, à la date de son enregistrement, une avancée importante par rapport à l’état de la technique (voir point 26 ci-dessus) et qu’il ne prétend d’ailleurs pas l’avoir fait.
73 Par ailleurs, lors de l’audience, le requérant a relevé que l’EUIPO avait accepté la date du 22 juin 2012 comme date de priorité du dessin ou modèle contesté, qui est la date à laquelle l’intervenante avait déposé une demande de brevet auprès du United States Patent and Trademark Office (USPTO, Office des brevets et des marques des États-Unis) pour le dessin ou modèle contesté. L’EUIPO aurait donc considéré que la photographie du dessin ou modèle contesté, reproduite au point 2 ci-dessus, était équivalente au dessin au trait figurant dans ladite demande de brevet. Selon le requérant, l’EUIPO aurait donc dû considérer que le dessin ou modèle antérieur, qui est aussi un dessin au trait, était en substance équivalent à la photographie du dessin ou modèle contesté.
74 À cet égard, il suffit de relever que le dessin au trait figurant dans la demande de brevet déposée auprès de l’USPTO, pour un bracelet transparent, est en effet équivalent à la photographie du dessin ou modèle contesté qui figure au point 2 ci-dessus et que ce dessin au trait n’est pas plus semblable au dessin ou modèle antérieur que la photographie reproduite au point 2 ci-dessus. Partant, l’argument du requérant doit être rejeté comme non fondé sans qu’il soit besoin d’examiner s’il est irrecevable, ainsi que le soutient l’EUIPO.
75 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
76 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
77 Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Thomas Murphy est condamné aux dépens.