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Décisions

Cass. 1re civ., 23 septembre 2003, n° 99-21.174

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Bargue

Avocat général :

M. Sainte-Rose

Avocats :

SCP Boré, Xavier et Boré, Me Capron, Me Odent

Amiens, du 10 sept. 1999

10 septembre 1999

Attendu que par acte du 3 mai 1990 instrumenté par M. X..., notaire, les époux Y... ont vendu à M. Z... un appartement et un terrain pour le prix global de 1 550 000 francs ; qu'en 1995, après avoir obtenu un certificat d'urbanisme positif, M. Z... a mis en vente le terrain au prix de 850 000 francs ; qu'à cette occasion, il s'est révélé que le terrain était frappé d'une servitude non aedificandi dont la mention ne figurait pas à l'acte du 3 mai 1990, alors qu'elle figurait à celui de la vente antérieure ; que M. Z... a assigné la SCP notariale et les époux Y... en réparation du préjudice causé par leurs fautes respectives, correspondant à la diminution de valeur du bien résultant de la servitude ; que les premiers juges, avant dire droit sur l'évaluation de ce préjudice, ont ordonné une expertise pour évaluer le terrain selon qu'il serait ou non constructible ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par la SCP notariale, pris en sa première branche et sur le second moyen réunis :

Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1638 du même Code ;

Attendu que pour condamner la SCP notariale à garantir les époux Y... de la condamnation prononcée à leur encontre au profit de M. Z..., sur le fondement de la garantie prévue à l'article 1638 du Code civil, l'arrêt retient qu'en omettant de mentionner dans l'acte de vente du 3 mai 1990 l'existence de la servitude, le notaire a commis un manquement directement à l'origine du dommage subi par l'acquéreur qui l'oblige à réparation ;

Attendu, cependant, que l'exécution d'une telle garantie, conséquence de l'engagement librement souscrit par les parties au contrat, ne saurait constituer un préjudice que le notaire instrumentaire pourrait être tenu d'indemniser ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans relever l'existence d'un préjudice qui résulterait pour l'acquéreur de l'impossibilité d'obtenir tout remboursement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident formé par les époux Y... :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter l'action formée par les époux Y... contre la SCP notariale, pour obtenir réparation du préjudice matériel et moral qu'ils avaient subi du fait qu'ils devaient indemniser leur acquéreur du dommage subi par lui en raison de la révélation d'une charge qui ne lui avait pas été déclarée, l'arrêt énonce qu'ayant eu recours au même notaire pour l'acquisition et la revente de leur bien, les époux Y..., qui n'étaient pas des professionnels de l'immobilier, pouvaient attendre de lui, outre une plus grande rigueur dans la rédaction de l'acte, un conseil sur l'importance qui s'attachait à une information complète de l'acheteur, qu'ignorant que le notaire allait oublier de mentionner l'existence de la servitude, ils pouvaient se croire dispensés de délivrer eux-mêmes l'information en sorte que le notaire devait garantir totalement les vendeurs ; que l'arrêt retient encore que le notaire n'ayant pas excédé les nécessités de sa défense en demandant que la charge de l'indemnisation pèse également sur les vendeurs, il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formée à ce titre par les époux Y..., pas plus qu'à celle tendant à la réparation d'un préjudice à l'origine duquel ils avaient participé ;

Attendu qu'en énonçant ainsi que les époux Y... avaient participé au dommage qui est résulté de la charge qu'ils n'avaient pas déclarée à leur acquéreur, tout en constatant que, du fait de l'intervention du notaire, ils étaient fondés à croire qu'ils étaient dispensés d'informer leur acquéreur de l'existence de cette charge, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.