Cass. 3e civ., 6 juin 2012, n° 11-14.032
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mas
Avocats :
Me Blondel, SCP Piwnica et Molinié, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 janvier 2011), que M. Le X..., propriétaire d'une parcelle dans un lotissement, a assigné la société civile immobilière Saint André (la SCI), propriétaire de la parcelle voisine, en rétablissement du studio implanté le long du mur pignon de sa maison dans son état initial de garage ; que la SCI a assigné M. Y..., Mmes Z... et A..., ses vendeurs, en garantie et indemnisation de la moins value de son immeuble ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à affecter à nouveau à usage de garage le studio lui appartenant, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions, la SCI Saint-André a fait valoir que, conformément à l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme, le règlement d'architecture comme le règlement du lotissement annexés au cahier des charges n'avaient pas, par la seule référence au premier de ces documents dans l'article 13 du cahier des charges et leur annexion à celui-ci, une valeur contractuelle, ce qu'au demeurant M. Le X... n'alléguait pas ; qu'en se bornant à relever que l'article 13 du cahier des charges stipulait que l'acquéreur devait se conformer au règlement d'architecture annexé, la cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie mais qui a néanmoins ordonné à la SCI Saint André de conférer au studio qu'elle avait acquis l'usage de garage qui serait conforme aux prescriptions s'imposant à elle a, en statuant ainsi, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la SCI Saint André, se fondant sur les dispositions de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, a fait valoir que le règlement d'architecture et le règlement du lotissement " documents approuvés " d'un lotissement, sont caducs dix ans après la délivrance de l'autorisation de lotir, sauf dans le cas où les co-lotis décident le maintien des règles qu'ils édictent ; qu'en énonçant que les dispositions du cahier des charges ne constituaient pas en elles-mêmes un règlement de lotissement ou un document d'urbanisme pré-existant susceptible d'être reproduit dans un cahier des charges, la cour d'appel qui a aussi retenu que ces documents avaient été annexés au cahier des charges et s'imposaient en conséquence aux co-lotis, motifs contradictoires entre eux, et qui a néanmoins ordonné à la SCI Saint-André de conférer au studio qu'elle avait acquis l'affectation de garage n'a pas, en statuant ainsi, satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'aux termes de l'article 6 du " dossier de lotissement " intitulé " tenue générale ", différentes prescriptions tendant à ce que les lots, les constructions, les espaces libres et les voies soient tenus en excellent état de propreté et d'entretien ont été édictées, et notamment dans l'alinéa 2 § 5 2e, selon lequel " il ne pourra être établi ni sur les façades des bâtiments ni sur les terrains rien qui puisse nuire à la propreté, au bon aspect, à la tranquillité et à la sécurité des habitants, et il ne pourra, notamment, être exécuté aucun travail sur les bâtiments ou sur les terrains qui en modifieraient l'aspect ou la fonction, tels qu'ils ont été autorisés par le permis de construire. Dans chaque immeuble, le règlement d'occupation devra prévoir en particulier l'interdiction de faire sécher du linge aux fenêtres " ; qu'en se fondant sur une disposition relative à la tenue générale du bâtiment, la cour d'appel qui, sans tenir compte de ce que le studio qui n'avait imposé que des travaux intérieurs et aucun sur les façades avait en outre été construit conformément au permis de construire obtenu et de ce qu'aucune modification n'était ensuite intervenue, en a néanmoins ordonné la restitution à l'état de garage, a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'aux termes des articles 6 et 8 du règlement du lotissement comme de l'article 14, alinéa 2, du cahier des charges de cession de terrain, l'acquéreur est tenu de ne pas modifier l'affectation des bâtiments édifiés en conformité avec le permis de construire ; que dans ses conclusions, la SCI Saint-André a fait valoir que l'affectation en studio avait été autorisée par un permis de construire, et que son auteur avait déclaré cette autorisation par permis de construire, à deux reprises, en déposant une deuxième demande de permis de construire et dans l'acte de vente du studio à la SCI Saint-André, ce que le rapport d'expertise judiciaire avait confirmé, précisant que celle-ci n'avait pas modifié l'affectation du bâtiment tel qu'autorisée ; qu'en retenant que la SCI Saint-André avait construit un studio au lieu d'un garage, en limite séparative de propriété, la cour d'appel n'a pas tenu compte des éléments de la cause tels qu'énoncés par la SCI Saint-André dans ses conclusions, soit l'acquisition par la SCI Saint-André d'un studio et non pas d'un garage, la conformité de l'affectation du bâtiment à un usage d'habitation au permis de construire par son auteur, ce que l'expert avait confirmé, celui-ci relevant en outre que le studio était séparé du bâtiment appartenant à M. X... par un joint de rupture ; qu'en ordonnant néanmoins à la SCI Saint-André la restitution d'une affectation respectant des engagements contractuels pris par les propriétaires, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le seul permis de construire qui avait été délivré l'avait été pour l'édification d'un garage, et retenu, par motifs adoptés, que le cahier des charges stipulait qu'il était interdit d'exécuter aucun travail sur les bâtiments qui en modifierait l'aspect ou la fonction tels qu'autorisés par le permis de construire, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions en les écartant, en a exactement déduit que la transformation d'un garage en studio n'était pas autorisée et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1626 du code civil ;
Attendu que, pour débouter la SCI de sa demande en garantie d'éviction formée contre ses vendeurs, l'arrêt relève que l'acte de vente mentionne expressément que la SCI était en possession lors de la vente du cahier des charges, du règlement du lotissement et des statuts de l'association syndicale et que la lecture de ces documents ne pouvait que laisser comprendre au gérant de celle-ci que la construction d'un studio ne pouvait être autorisée en limite de propriété et retient que le gérant de la SCI, société spécialisée dans l'immobilier doit se voir opposer sa propre turpitude car il avait les éléments nécessaires à la connaissance de l'éviction dont il pouvait souffrir ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que le risque encouru était déclaré dans l'acte de vente et que la SCI avait renoncé à toute garantie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la SCI de sa demande de garantie, l'arrêt rendu le 4 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.