CA Versailles, 16e ch., 15 novembre 2018, n° 17/03712
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Amazon France Services (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grasso
Conseillers :
Mme Massuet, Mme Sixdenier
FAITS ET PROCEDURE,
La SAS Pixmania exploitait jusqu'en février 2016, date de son placement en liquidation judiciaire, une plateforme électronique mettant en relation sur un site internet spécialisé des vendeurs professionnels avec des clients, parmi lesquels la société Elite GSM.
Par deux ordonnances en date du 12 février 2016 rendues par le Président du Tribunal de commerce de Lille Métropole, la société Pixmania a obtenu de pouvoir pratiquer, à hauteur de 600.000 euros :
- une saisie conservatoire sur tous les biens meubles corporels, et notamment les stocks de produits finis, dont la société Elite GSM serait propriétaire et déposés entre les mains des sociétés du groupe Amazon opérant en France (Amazon EU SARL, la société dont la concluante comprenait qu'elle était la tête de groupe, Amazon France Services SAS, Amazon FR Logistique et plus généralement toute société affiliée à la société Amazon EU SARL au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce« que cette dernière voudra bien indiquer sur présentation de la présente ordonnance, et détenant des stocks de produits finis dont la société Elite GSM serait propriétaire »).
- une saisie conservatoire sur toutes les sommes, avoirs ou valeurs dont la société Elite GSM serait titulaire contre des sociétés du groupe Amazon opérant en France (Amazon EU SARL, Amazon France Services SAS, Amazon FR Logistique et toute société affiliée à la société Amazon EU SARL au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce).
Par ordonnance de référé du 25 février 2016, signifiée le 26 février suivant et définitive, le Président du Tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société Elite GSM à payer à la S.A.S. Pixmania à titre provisionnel la somme de 740.369,71 euros au titre des remboursements effectués par la S.A.S. Pixmania aux clients en garantie de produits non livrés par la société Elite GSM, outre la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Déclarant agir en vertu des deux ordonnances rendues par le Président du Tribunal de commerce de Lille du même jour, la S.A.S. Pixmania a fait pratiquer le 12 février 2016, à l'encontre de la société Elite GSM et entre les mains de la S.A.S. Amazon France Services et de la S.A.R.L. Amazon EU, une saisie conservatoire de créances et une autre de biens meubles corporels, et notamment des stocks de produits finis, en garantie de sa créance de 600.000 euros en principal; cette saisie a été dénoncée à la société Elite GSM.
Par acte d'huissier de justice du 8 juin 2016, la SELARL de K. représentée par Maître Christian H. de K. en qualité de liquidateur de la S.A.S. Pixmania, a assigné la S.A.S. Amazon France Services et la S.A.R.L. Amazon EU devant le juge de l'exécution de Nanterre pour voir :
- constater le refus de répondre de la S.A.R.L. Amazon EU aux saisies pratiquées entre ses mains le 12/02/2016, le manquement de la S.A.S. Amazon France Services à son devoir de collaboration dans le cadre de la saisie sur stocks du 12/02/2016 et le préjudice consécutif en étant résulté pour la S.A.S. Pixmania à hauteur de la dette de la société Elite GSM soit 680.735,62 euros ;
- condamner in solidum la S.A.S. Amazon France Services et la S.A.R.L. Amazon EU au paiement des causes de la saisie et, en conséquence, à verser au liquidateur de Pixmania la somme de 680.735,62 euros ;
- condamner in solidum la S.A.S. Amazon France Services et la S.A.R.L. Amazon EU à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire et en premier ressort rendu le 27 avril 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
-Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la S.A.S. Amazon France Services ;
-Dit n'y avoir lieu d'annuler la saisie conservatoire diligentée par la S.A.S. Pixmania le 12 février 2016 entre les mains de la S.A.R.L. Amazon EU ;
-Condamné la S.A.S. Amazon France Services et la S.A.R.L. Amazon EU à payer à Maître Christian H. de K. en qualité de liquidateur de la S.A.S. Pixmania la somme de 400.000€ de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
-Rejeté le surplus des demandes ;
-Condamné la S.A.S. Amazon France Services et la S.A.R.L. Amazon EU à payer à Maître Christian H. de K. en qualité de liquidateur de la S.A.S. Pixmania la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné la S.A.S. Amazon France Services et la S.A.R.L. Amazon EU aux dépens ;
-Rappelé que le présent jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.
Le 12 mai 2017, la SASU Amazon France Services SAS et la société Amazon EU SARL ont interjeté appel de la décision.
Dans leurs conclusions transmises le 25 juin 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la SASU Amazon France Services SAS et la société Amazon EU SARL, appelantes, demandent à la cour de :
À titre principal
-Accueillir les sociétés Amazon France Services et Amazon EU SARL en leur appel et les y déclarer recevables et bien fondées ;
-Infirmer le jugement rendu par le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nanterre du 27 avril 2017 en toutes ses dispositions ;
-Déclarer la SELARL de K., représentée par Maître Christian H. de K., agissant ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Pixmania, mal fondée en son appel incident et l'en débouter.
Dès lors,
A l'égard de la société Amazon EU S.A R.L. :
-Annuler le procès-verbal de saisie conservatoire signifié à la société Amazon EU SARL le 12 février 2016 ;
Par voie de conséquence,
-Débouter la SELARL de K., représentée par Maître Christian H. de K., agissant ès-qualités de liquidateur de la société Pixmania de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
En tout état de cause,
-Débouter la SELARL de K., représentée par Maître Christian H. de K., agissant ès-qualité de liquidateur de la société Pixmania de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
-Condamner la SELARL de K., représentée par Maître Christian H. de K., agissant ès-qualité de liquidateur de la société Pixmania à lui verser la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Amazon EU SARL.
A l'égard de la société Amazon France Services :
-Débouter la SELARL de K., représentée par Maître Christian H. de K., agissant ès-qualité de liquidateur de la société Pixmania de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
-Condamner la SELARL de K., représentée par Maître Christian H. de K., agissant ès-qualité de liquidateur de la société Pixmania à lui verser la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à Amazon France Services.
-Condamner enfin la SELARL de K., représentée par Maître Christian H. de K., agissant ès-qualité de liquidateur de la société Pixmania aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, la SASU Amazon France Services SAS et la société Amazon EU SARL font valoir :
-que, in limine litis, la signification de l'acte de mesure conservatoire n'a pas été régulièrement effectuée et est donc susceptible de nullité.
-qu'une signification doit être faite à personne, même en présence d'une personne morale, par la remise à son représentant légal, et ce, à peine de nullité.
-que l'huissier de justice doit rapporter les diligences qu'il a effectuées pour trouver le destinataire ou témoigner de raisons concrètes et précises ayant empêché la signification à personne.
-qu'en l'espèce, l'acte de signification ne comporte aucune mention des diligences accomplies par l'huissier de justice afin de signifier l'acte directement à personne.
-que le rejet de cette exception de nullité par le juge de l'exécution omet les exigences particulières pesant sur l'huissier de justice en matière de saisie conservatoire.
-que l'huissier de justice a, de surcroît, omis de signifier l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Lille Métropole, qui comportait pourtant une interpellation formelle d'Amazon EU SARL, cette interpellation n'ayant, de plus, pas non plus été reprise dans le procès-verbal de mesure conservatoire de l'huissier.
-que si l'huissier n'avait aucune obligation de joindre l'autorisation du juge il devait la présenter. Toutefois, et que la société Pixmania ne rapporte pas la preuve que la présentation a été faite.
-que l'irrégularité de la signification a privé la société Amazon EU SARL de la possibilité de répondre sur-le-champ à l'huissier de justice ce qui la contraint à supporter les conséquences de la procédure judiciaire engagée à son encontre par la société Pixmania ;
-qu'en l'absence de mesure de saisie conservatoire valide, la société Amazon EU SARL n'était pas tenue à une obligation de concours.
-que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre a confondu les notions de tiers et de tiers saisi en conférant cette dernière à la SASU Amazon France Services SAS et à la société Amazon EU SARL, impliquant un rapport de droit avec le débiteur alors qu'en l'espèce les appelantes n'entretiennent aucun rapport de droit avec la société Elite GSM.
-que la société Elite GSM était en relation avec la seule société luxembourgeoise Amazon Services Europe et que par conséquent, la SASU Amazon France Services SAS conserve la qualité de tiers à la saisie conservatoire.
-qu'il découle de cette qualité, une simple obligation de concours à l'exécution de la mesure, qui a été remplie par la SASU Amazon France Services SAS lorsqu'elle a déclaré immédiatement ne détenir aucun bien appartenant à la société Elite GSM et n'être qu'une société ayant vocation à fournir des services aux autres sociétés groupes.
-que le tiers saisi ne peut être que celui qui détient matériellement les biens visés par la mesure.
-que le juge de l'exécution ne s'est fondé que sur l'existence d'une garde juridique des biens par la SARL Amazon France Services SAS pour en déduire la qualité de tiers saisi ., alors que la notion de garde juridique induit l'existence d'un droit ou d'un titre sur les biens visés par la mesure juridique, ce qui n'a nullement été démontré par le juge.
-que l'action de l'appelant se limite à la fourniture de services pour le compte d'autres entités Amazon, sans qu'aucun rapport de droit avec le débiteur de Pixmania, conduisant à exclure l'existence d'une garde juridique des biens.
-que le recours à la théorie de l'apparence par le juge est erroné.
-que la faute délictuelle retenue à l'encontre la SARL Amazon France Services SAS s'est fondée sur des éléments de fait relatifs à la mesure conservatoire réalisée entre les mains de la société Amazon France Logistique le 29 février et le 1er mars 2016 dans un contentieux touchant à une mesure conservatoire antérieure datant du 12 février 2016.
-que l'intervention de la direction juridique d'Amazon France Services le 29 février 20196 résulte de l'absence de service juridique au sein d'Amazon France Logistique et que ces éléments de faits postérieurs e peuvent attester pas de la qualité de tiers saisi de l'appelante.
-qu'Amazon France Services a répondu sur le champ à l'huissier de justice le 12 février 2016 et à l'e-mail du 22 février 2016, et ne peut se voir reprocher le fait d'avoir répondu de manière tardive.
-que la société Pixmania n'a jamais été induite en erreur sur le caractère fructueux de la mesure puisqu'en l'absence de signification de procès-verbal de la saisie à l'entité d'Amazon effectivement détentrice des stocks, la saisie ne pouvait être considérée comme fructueuse.
-que les conditions de notification ne permettaient pas de répondre sur-le-champ à l'huissier de justice instrumentaire, ce qui est constitutif d'un motif légitime permettant l'exonération de l'obligation de concours d'Amazon France Services, conformément à ce que prévoient les textes, et contrairement à ce qu'affirme le juge de l'exécution en retenant une responsabilité de plein droit.
-que l'obligation de concours n'était limitée qu'à l'information de la société Pixmania qui savait que l'appelante n'était pas détentrice des stocks de sa débitrice, ce qui rendait inutile toute réponse, tout particulièrement après que la mesure conservatoire ait été régularisée dans les mains d'Amazon France Logistique les 29 février et 1er mars 2016.
-qu'Amazon France Services n'avait aucune obligation de désigner l'entité Amazon détenant les stocks litigieux, le lieu de situation ou bien le détail de ces stocks, l'ordonnance comportant la demande à Amazon EU SARL de communiquer de telles informations n'ayant jamais été notifiée.
-que le juge a retenu la responsabilité délictuelle des appelantes en se fondant sur l'abstention fautive, limitant son analyse au quantum du préjudice, sans caractériser le lien de causalité entre ce préjudice et les prétendues fautes respectives d'Amazon France Services et Amazon EU SARL.
-que la perte de chance alléguée par la société Pixmania résulte d'une négligence de sa part qui par ses agissements a permis à la société Elite GSM, avertie des intentions de la société Pixmania, de faire disparaître ses stocks.
-que la perte de chance alléguée n'a aucun lien avec les fautes retenues par le juge de l'exécution à l'encontre d'Amazon France Services, celle d'avoir pris l'apparence d'un tiers saisi et induit en erreur la société Pixmania.
-que la signification de la mesure conservatoire ne pouvait avoir d'effet bloquant en l'absence de détention des stocks.
-que l'information détenue par la société Amazon France Services n'aurait pas eu pour effet d'empêcher le préjudice dont se prévaut la société Pixmania.
-que le juge a statué ultra petita.,l'appréciation des dommages et intérêts alloués dépassant les limites du litige posées par la société Pixmania, soit une condamnation in solidum à la somme de 593.756,01€ des sociétés Amazon France Services et Amazon EU SARL, alors que la condamnation prononcée est de 400.000€ pour chacune des sociétés.
-qu'en tout état de cause, le montant de condamnation est critiquable en l'absence de vérification de la réalité de la perte de chance invoquée, dont la réalité a précédemment été contestée.
Dans ses conclusions transmises le 4 septembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SELARL de K., agissant ès-qualité de liquidateur de la société Pixmania , intimée, demande à la cour de :
À titre principal :
-Déclarer les sociétés Amazon France Services SAS et Amazon EU SARL mal fondées en leur appel et les en débouter.
-Confirmer le jugement rendu le 27 avril 2017 par le Juge de l'exécution près le Tribunal de grande instance de Nanterre en qu'il a :
Contre la société Amazon EU SARL :
-Considéré qu'il n'y avait pas lieu d'annuler la saisie conservatoire sur stocks pratiquée entre ses mains le 12 février 2016 ;
-Constaté que la société Amazon EU SARL a engagé sa responsabilité vis-à-vis de Maître de K., agissant ès qualités de liquidateur de Pixmania, en refusant de répondre à la saisie pratiquée entre ses mains, et engagé sa responsabilité à ce titre ;
Contre la société Amazon France Services SAS :
-Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par cette dernière ;
-Constaté que la société Amazon France Service SAS a engagé sa responsabilité vis-à-vis de Maître de K., agissant ès qualités de liquidateur de Pixmania, en apportant en réponse à la saisie conservatoire sur stocks pratiquée le 12 février 2016, des réponses tardives et inexactes.
-Déclarer Maître de K. es-qualités tant recevable que bien fondé en son appel incident et y faisant droit ;
Incidemment, réformer le jugement rendu le 27 avril 2017 par le Juge de l'exécution près le Tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il a considéré que le préjudice résultant pour Pixmania de sa perte de chance de saisir des stocks d'un montant supérieur à sa créance s'élevait à 400.000 euros, et statuant à nouveau, condamner in solidum Amazon EU SARL et Amazon France Services SAS à payer à Maître de K., agissant ès qualités de liquidateur de Pixmania, la somme de 593.756,01 euros, sauf à parfaire ;
-Condamner in solidum Amazon EU SARL et Amazon France Services SAS à payer à Maître de K., agissant ès qualités de liquidateur de Pixmania la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel, outre la condamnation prononcée à ce titre en première instance ;
-Les condamner aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL Patricia M. agissant par Maître Patricia M. Avocat au Barreau de Versailles Toque 619, conformément à l'article 699 du CPC
Au soutien de ses demandes, la SELARL de K. fait valoir :
-que l'huissier de justice a régulièrement signifié l'acte de saisie le 12 février 2016 en ce qu'il a bien effectué toutes les diligences nécessaires puisqu'en l'absence de personne habilitée à recevoir l'acte, c'est le président de la société Amazon France Services qui a accepté en connaissance de cause de recevoir l'acte pour le compte de la société Amazon EU SARL, qui a été ensuite informée par lettre simple.
-que l'autorisation du juge n'avait pas à être jointe à l'acte de saisie, la mesure étant réalisée sur présentation de l'autorisation du juge.
-que l'interpellation figurant dans l'ordonnance du 12 février 2016 ne figurant pas sur le procès-verbal est un motif étranger à la validité de la signification de l'acte de saisie.
-que la société Amazon France Services n'explicite pas les diligences particulières qu'aurait dû effectuer l'huissier de justice, qui s'est conformé aux exigences légales en la matière.
-que le juge de l'exécution est compétent pour connaître de ce litige en raison du fait de l'inexécution dommageable d'une mesure conservatoire, malgré la contestation de la société Amazon France Services relative à sa qualité de tiers saisi .
-qu'il incombait, en vertu de l'ordonnance du 12 février 2016, à la société Amazon France Services de faire connaître les biens qu'elle détenait pour le compte de la société Elite GSM, le fait qu'elle ne les détenait pas dans ses stocks et indiquer la société du groupe détenant les stocks litigieux.
-que si la société n'a pas été en mesure de répondre sur le champ du fait des conditions dans lesquelles est intervenue la signification, elle n'était pas exonérée de son obligation de concours par une réponse différée,
-que l'acte de saisie visait les "Ste Amazon EU SARL STE Affiliée" s'agissant de l'obligation de déclarer les stocks litigieux.
-qu'aucune information n'a été délivrée alors qu'il s'agit d'une obligation incombant au tiers saisi , et qu'Amazon EU SARLa engagé sa responsabilité, l'existence d'un motif légitime lui permettant seulement de ne pas répondre sur-le-champ et non de s'abstenir de toute réponse.
-que la multiplication des actes procédures effectués par l'intimé avait pour but de combler le silence de la société Amazon France Services quant au lieu et au détail des stocks détenus.
-que cela a eu pour effet de permettre l'organisation de l'insolvabilité du débiteur alors que depuis le 12 février 2012 la société Amazon France Services est l'interlocuteur unique de l'intimée concernant l'assiette de la saisie et la détentrice du pouvoir de rendre indisponibles les biens saisis.
-que la société Amazon France Services cherche à s'exonérer de toute responsabilité en alléguant qu'elle n'était tenue par aucune obligation, alors que les réponses intervenues le 12 février et du 22 février 2016 ont manifestement été formulées au titre de tiers saisi .
-que l'appelante confirmait le 22 février que le stock litigieux était bloqué, témoignant qu'elle s'estimait tenue par le caractère conservatoire de la saisie et par ses obligations de renseignement.
-qu'elle reconnaît donc avoir le pouvoir de bloquer les stocks litigieux dans ses déclarations du 22 février 2016 et donc avoir le statut de gardien juridique des biens saisis,
-que les déclarations en date du 22 février 2016 sont toutefois tardives au regard de l'urgence et de l'obligation de répondre sur-le-champ, parcellaires du fait de l'absence d'indication des lieux et détails des stocks détenus et fausses quant au blocage desdits stocks.
-que la faute reprochée à la société Pixmania de ne pas avoir pratiqué les saisies entre les mains de la société Amazone France Logistique est infondée dans la mesure où au moment de ces saisies, la société Amazon France Logistique était dessaisie du dossier au profit de l'appelante.
-que le comportement de la société Amazon France Services est de nature à engager sa responsabilité.
-que si la société Amazon France Services s'était soumise à son devoir de collaboration, les saisies auraient pu être satisfaites et la concluante voir sa créance garantie contre la société Elite GSM.
-que si les stocks litigieux avaient été effectivement bloqués par la société Amazon France Services voire restitué, le litige aurait pris fin.
-qu'il résulte de ces éléments que le lien de causalité entre l'obstruction fautive de l'appelante et le préjudice de l'intimé est caractérisé.
-qu'en dépit des sommes qui ont pu être saisies, le dommage de l'intimée s'élève à la somme de 593.756, 01 euros qui aurait pu être réparé par la vente du stock détenu par la société Amazon France Logistique (d'une valeur de 897.597, 60 euros).
-que le jugement du 27 avril 2017 minore la somme due retenant l'abstention fautive de la société Pixmania en se fondant sur les allégations de la société Amazon France Services avançant que l'intimée a renoncé à l'exécution de l'ordonnance contre la société Amazon France Logistique.
-qu'en l'absence de certitude quant au détenteur des stocks litigieux et au regard du nombre de sociétés composant le groupe Amazon, la société Pixmania a effectué dans l'urgence le choix le plus logique aux fins d'assurer le succès de ses poursuites en agissant contre la société de tête du groupe.
-que lorsque les saisies complémentaires ont voulu être exercées entre les mains de la société Amazon France Logistique, la société Pixmania s'est heurtée au blocage des informations relatives aux stocks litigieux.
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La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 septembre 2018.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 3 octobre 2018 et le délibéré au 15 novembre suivant.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, si les appelantes demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, le dispositif de leurs conclusions ne contient aucune demande relative au rejet par le juge de l'exécution de la fin de non recevoir et ce point n'a donc pas à être examiné par la cour.
Sur la nullité de la saisie conservatoire du 12 février 2016
Il résulte de l'article 654 du code de procédure civile que 'la signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.'
L'article 655 du même code dispose lui que 'si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénom et qualité.
L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.'
Ces diligences sont prescrites à peine de nullité de l'acte aux termes de l'article 693 du même code.
En l'espèce, l'acte de la saisie diligentée à l'encontre de la S.A.R.L. Amazon EU le 12 février 2016 a été signifié à l'adresse de la succursale en France de la société luxembourgeoise, à savoir au [...], adresse qui est également le domicile personnel du responsable pour la France de la S.A.R.L. Amazon EU aux termes de l'extrait k bis produit, ainsi que le siège social de la S.A.S. Amazon France Services. L'acte précise que l'huissier s'est rendu sur place et a pu vérifier le domicile qui lui a été confirmé par ' la personne présente au domicile'.
L'acte indique également que la signification à la personne même du destinataire de l'acte s'est avérée impossible en raison de l'absence de personne habilitée présente.
En effet, sur place, le lieu de l'établissement a été confirmé par la personne présente à l'accueil de l'immeuble, mais personne n'est venu se présenter à lui à l'accueil au motif qu'aucune personne habilité à recevoir l'acte n'aurait été présente au siège de la société et l'huissier a donc fait état de cette impossibilité dans son procès-verbal rendant impossible la signification à personne conformément à l'article 654 du Code de procédure civile.
Cependant, l'huissier s'et ensuite déplacé pour procéder à une saisie entre les mains d'une autre société du même groupe -la S.A.S. Amazon France Services- dont le siège était situé à la même adresse, et a pu rencontrer le représentant habilité de ladite société, à savoir M. F., son président, lequel a expressément accepté de recevoir l'acte à destination de Amazon EU.
L'acte litigieux indique donc que l'huissier a rencontré 'M. F. Cédric, Directeur juridique d'Amazon France services ainsi déclaré qui a accepté de recevoir la copie de l'acte'.
L'huissier a donc régulièrement fait état de ses diligences, d'une part pour vérifier le domicile, d'ailleurs non contesté, de la personne morale destinataire, et d'autre part pour remettre son acte à une personne habilitée, ainsi que la loi lui en fait l'obligation.
Compte tenu de ses diligences précédemment effectuées et mentionnées dans son acte, l'huissier instrumentaire a pu légitimement se fonder sur l'acceptation du Directeur juridique de la S.A.S. Amazon France Services, par ailleurs Président de cette société, sans avoir à procéder à de plus amples vérifications et procéder à une remise de l'acte dans les conditions prévues par les articles 655 et 658 du code de procédure civile, puisque la copie de l'acte peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire, qui l'accepte et déclare ses nom, prénom et qualité .
L'acte satisfaisant aux dispositions édictées par les articles précités, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas annulé la saisie-conservatoire effectuée le 12 février 2016 entre les mains de la S.A.R.L. Amazon EU.
Sur la responsabilité des appelantes
Aux termes de l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis.
Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts.
Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur.'
Aux termes de l'article R. 521-21 alinéa 2 et 3 du même code auquel renvoie l'article R. 522-5, seuls applicables en matière de saisie conservatoire, l'huissier de justice invite le tiers - saisi ' à déclarer les biens qu'il détient pour le compte de celui-ci et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure. En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts.'
Le tiers saisi , qui n'est tenu à aucune obligation envers le débiteur , peut engager sa responsabilité délictuelle lorsqu'il n'apporte pas son concours et être condamné aux causes de la saisie et s'il fait des déclarations incomplètes ou mensongères , il peut être condamné à des dommages et intérêts, si sa faute a entraîné un préjudice pour le créancier .
Sur la demande dirigée contre la S.A.R.L. Amazon EU
Le tiers saisi dans le cadre d'une mesure conservatoire est dans l'obligation de répondre « sur le champ » pour satisfaire à son obligation de renseignement, sauf à justifier d'un motif légitime.
En ce cas, et s'il justifie d'un motif légitime se traduisant le plus souvent par le fait qu'il n'a pas pu avoir immédiatement connaissance de la saisie, le tiers saisi a l'obligation de fournir les informations qui lui sont demandées dès qu'il a connaissance de la saisie ou dès qu'il est censé en avoir connaissance .
Il est constant que la société Amazon UE n'a pas répondu sur le champ, ce qu'elle ne pouvait faire, non plus que par la suite .
S'agissant de l'absence de communication des coordonnées de l'entité Amazon détenant les stocks litigieux, le lieu de situation ou bien encore le détail de ces stocks, Amazon EU SARL soutient d'une part que le fait d'appartenir à un groupe de sociétés n'a effectivement aucune incidence sur les contours de l'obligation de concours au sens de l'article R.221-21 du code des procédures civiles d'exécution et n'emporte aucune obligation de désigner la société du groupe Amazon détenant les stocks litigieux, d'autre part qu'elle n'avait pas davantage d'obligation judiciaire de le faire au motif que l'acte de signification de l'ordonnance du 12 février 2016 autorisant la saisie sur stock ne comportait pas le texte de l'ordonnance, et que l'interpellation judiciaire figurant dans ladite ordonnance du 12 février 2016 d'indiquer la société du groupe détenant les stocks n'a pas été reprise dans le procès-verbal de mesure conservatoire.
Mais c'est par une exacte appréciation des faits de la cause et des motifs que la cour reprend à son compte que le juge de l'exécution a estimé qu'en tout état de cause, dès lors que la S.A.R.L. Amazon EU n'a justifié d'aucun motif légitime d'exonération de son obligation d'apporter son concours, ni sur le champ, mais pas non plus par la suite, engage sa responsabilité, le seul fait pour le tiers saisi qui a obligation de répondre au créancier saisissant de n'avoir apporté aucune réponse s'assimilant dès lors à un refus de déclaration du tiers saisi quant aux biens qu'il détient, et ce, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur les circonstances de son interpellation relative aux autres sociétés du groupe détenant les stocks, étrangères à son obligation de renseignement dans le strict périmètre de la saisie.
Sur la demande dirigée contre la S.A.S. Amazon France Services
Cette société reproche au juge de l'exécution d'avoir retenu sa responsabilité sur le fondement de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution alors qu'elle n'avait pas qualité de tiers saisi .
La notion de tiers n'étant pas précisée par les textes, le tiers est toute personne physique ou morale qui détient, en vertu d'un pouvoir propre, des effets mobiliers devant être remis au saisissant ou qui est tenue, sous sa responsabilité, de conserver, par-devers elle, les biens qu'elle détient pour le compte du débiteur avec lequel elle se trouve ainsi dans un rapport de droit, détenant un pouvoir propre par rapport à celui-ci .
En l'espèce, lors de la saisie, le Président de la société Amazon France Services SAS, requis légalement de répondre « sur le champ » à la saisie, a précisé oralement à l'huissier instrumentaire ce qui suit :
- la société Amazon France Services SAS, dont il est le Président, ne détient pas de stocks pour le compte de la société Elite GSM (ce que le PV de saisie confirme) ;
- il n'est pas en mesure de dire si le groupe Amazon détient des stocks pour le compte de Elite GSM, et, le cas échéant, où les stocks de la société Elite GSM seraient détenus, étant précisé que le groupe reviendra vers Pixmania pour compléter sa réponse avec un état des stocks détenus dans les jours qui suivent ;
-consigne est passée d'ores et déjà du blocage des stocks litigieux.
L'huissier a coché la mention : 'le tiers détenteur m'a déclaré ne détenir aucun bien appartenant au débiteur. J'en ai pris acte, attirant son attention sur les conséquences possibles et les sanctions rappelées ci-dessous'.
Après la saisie du 12 février 2016, le 22 février suivant, l'huissier instrumentaire a interrogé par courriel le service juridique d'Amazon en la personne de M. F. , sur 'le montant exact des sommes saisies', et il lui a été répondu par courriel du même jour provenant de la S.A.S. Amazon France Services, et intitulé 'votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016' : ' Nous revenons vers vous suite à votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016. La valeur totale du stock d'Elite GSM se trouvant dans les centres de distribution d'Amazon en France s'élève à897 597, 60 euros. Ce stock est réparti dans les quatre centres de distribution d'Amazon.fr Logistique SAS en France et nous vous confirmons qu'il a été bloqué depuis le 12 février 2016 au soir.'
Interrogée à nouveau le 26 février suivant sur la localisation des stocks, la S.A.S. Amazon France Services a répondu que le 29 février suivant, sous l'intitulé ' votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016', ' Nous vous envoyons dans la journée le détail des stocks par centre dedistribution en France. Nous envoyons également cette information pour les centres de Lille et Chalons aux deux huissiers qui se sont présentés dans ces centres ce matin. Pour ce qui est du contact, nous vous suggérons de nous contacter via cet email. Les équipes locales n'ont pas accès aux informations sur le stock ni aucune information sur le compte Elite GSM, ce compte étant bloqué depuis le 12 février. Madame N. vous contactera également dans la journée.'
Il est constant qu'entre temps, la société créancière a réalisé des mesures conservatoires les 29 février et 1er mars 2016, entre les mains de la société Amazon France Logistique, qui en réalité détenait les stocks, soit auprès des centres logistiques d'Amazon de Sevrey, Montélimar, Saran et Lauwin-Planque, sur l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 25 février 2016 .
La société a donc répondu sur le champ et précisé sa réponse par deux fois, sur sollicitation de l'huissier, indépendamment des sommations interpellatives ultérieures, consécutives au résultat des saisies opérées sur les sites de la société Amazon France Logistique.
En effet, la société Pixmania fait délivrer le 2 mars 2016 à la société Amazon France Services SAS une sommation interpellative d'avoir : « à remettre sur le champ le détail intégral et par site des stocks appartenant à la société Elite GSM, détenus par la société Amazon FR Logistique ».
La sommation a été reçue pour la société Amazon France Services SAS par un nouvel interlocuteur, M. Najib S., legal counsel, qui a répondu : « nous prenons acte de votre demande et allons conduire nos diligences internes afin de répondre à votre question.
Puis le 3 mars la société Amazon France Services SAS a répondu :
« Nous faisons suite à la sommation interpellative que vous avez signifiée ce matin à la demande de la Selarl de K., agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la société Pixmania. Nous relevons que cette sommation s'inscrit dans le prolongement des mesures conservatoires nouvellement réalisées entre les mains de la société Amazon FR Logistique, prise en ses quatre centres de distribution respectivement situés à Sevrey, Saran, Montélimar et Lauwin Plan et que cette sommation vise à vous remettre "le détail intégral et par site des stocks appartenant à la société Elite GSM, détenus par la société Amazon FR Logistique".
A titre liminaire, nous attirons votre attention sur le fait qu'Amazon France Services est une société de services dont l'activité est étrangère à la gestion et l'exploitation du site Internet www.amazon.fr, la société Amazon FR Logistique assurant de son côté, des prestations de stockage de marchandises proposées notamment sur la place de marché du site Internet www.amazon.fr. En outre, si ce n'est leur affiliation commune, Amazon France Services et Amazon FR Logistique sont deux entités juridiques indépendantes.
Cela dit, nous vous avons, par email daté du 22 février dernier, apporté des informations sur l'état du stock de produits détenu, pour le compte d'Elite GSM, par Amazon FR Logistique, alors que nous n'étions pas tenus de le faire et qu'Amazon FR Logistique n'était pas visée par une mesure conservatoire. Dès lors, nous ne pouvons que vous confirmer les informations suivantes que nous détenons de la société Amazon FR Logistique : les déclarations faites les 29 février et 1er mars par la société Amazon FR Logistique à la suite de la réalisation entre ses mains de mesures conservatoires comportent déjà le détail du stock détenu à date par chacun de ces centres ainsi que leur valeur. Vous trouverez à cet effet, ci-joint, les éléments d'information communiqués par Amazon FR Logistique aux huissiers instrumentaires. »
La cour ne peut que reprendre à son compte l'analyse objective et pertinente que le juge de l'exécution a faite des mails adressés les 22 et 29 février 2016 à l'huissier par le service juridique d'Amazon France Services ayant pour objet 'votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016" et retenir, indépendamment des éléments de fait ultérieurs relatifs aux saisies des 29 février et 1er mars 2016 entre les mains de la société Amazon France Logistique, qu'ils complétaient la première réponse faite sur le champ à l'huissier le 12 février 2016 et que les réponses données premièrement sur la valeur des stocks d'Elite GSM se trouvant dans les centres de distribution d'Amazon en France et deuxièmement sur la confirmation que ces stocks étaient bloqués depuis le 12 février 2016, ont pu légitimement être considérées par le saisissant comme émanant du tiers - saisi , ou à tout le moins comme émanant de l'entité du groupe Amazon détentrice du pouvoir de rendre indisponibles les biens saisis.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la S.A.S. Amazon France Services .
Sur le préjudice
En l'espèce, dans les jours qui ont suivi le 29 février, la concluante a appris à l'occasion des nouvelles saisies et des sommations interpellatives que la société Amazon FR Logistique a restitué plus de 90% des stocks qu'elle détenait à Elite GSM, ruinant les chances pour le créancier d'obtenir le remboursement de sa créance.
En effet, il n'est pas contesté qu'à la suite des saisies de stocks réalisées auprès de la société Amazon France Logistique, seuls ceux encore en sa possession au 29/02 et 1er mars 2016 ont pu être appréhendés pour une valeur de 76.979,61 euros, sur une valeur initialement déclarée de 897.597,60 euros, la déperdition de stock depuis le 12 février étant due à l'exécution des ordres de retour auxquels a procédé la société Elite GSM depuis cette date, et auxquels Amazon a obtempéré au motif que le 'blocage du compte' mentionné par Amazon France Services n'aurait eu pour seul effet que de bloquer les transactions commerciales depuis la marketplace mais non de s'opposer aux demandes de restitution du la société Elite GSM.
La créancière a obtenu condamnation selon ordonnance de référé du 25 février 2016 de la société Elite GSM à lui restituer la somme de 740.369,71 euros TTC, et à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et est parvenue à saisir la somme totale de 59.634,09 euros sur les comptes bancaires de Elite GSM.
Elle a par ailleurs saisi chez Amazon FR Logistique les stocks qu'elle n'avait pas encore restitués le 29 février 2016 à Elite GSM d'une valeur totale de 76.979,61 euros, et est parvenue à récupérer 15.000 euros à la suite de la vente des fruits des deux saisies de biens meubles corporels conduites chez Elite GSM.
Elle évalue donc son dommage à la somme de 593.756,01 euros.
La S.A.R.L. Amazon EU, qui s'est abstenue de répondre, peut être condamnée aux causes de la saisie sur le fondement de l'article R211-5 du code des procédures civiles d'exécution.
La S.A.S. Amazon France Services en s'abstenant dans ses réponses de mentionner la marketplace, et le fait que le blocage du stock évoqué le 22 février, ne pouvait concerner que la poursuite des transactions commerciales sur internet, incitant ainsi S.A.S. Pixmania à croire au caractère fructueux de la saisie conservatoire du 12 février , a commis une faute qui est à l'origine du préjudice de la société créancière et pour laquelle elle doit des dommages et intérêts.
Toutefois, il convient de relever que la société Pixmania disposait d'une autorisation du Président du Tribunal de commerce de Lille datée du 12 février 2016 visant expressément Amazon FR Logistique, mais n'en a pas fait usage à l'encontre de la dite société et a attendu de disposer d'un nouveau titre exécutoire (l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 25 février 2016) pour réaliser une mesure conservatoire entre les mains de la société Amazon FR Logistique, ce qui a contribué à son préjudice .
C'est par une juste appréciation des faits de la cause que le premier juge a évalué la perte de chance à la somme de 400.000 €.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point, la S.A.R.L. Amazon EU étant condamnée au paiement de la somme de 593.756,01 € et la S.A.S. Amazon France Services condamnée in solidum à hauteur de 400.000 € .
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelant est condamné à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision,
Partie perdante, l'appelant ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens,
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf sur le préjudice ;
Y substituant,
Condamne la S.A.R.L. Amazon EU à payer à Maître de K., agissant ès qualités de liquidateur de Pixmania la somme de 593.756,01 €
Condamne la S.A.S. Amazon France Services à payer cette somme in solidum à hauteur de 400.000€ ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum la S.A.R.L. Amazon EU et la S.A.S. Amazon France Services à payer à Maître de K., agissant ès-qualités de liquidateur de Pixmania la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.A.R.L. Amazon EU et la S.A.S. Amazon France Services aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.