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Décisions

CA Reims, ch. civ., 7 février 2017, n° 15/02441

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

The Wine Forum (Sté)

Défendeur :

Air Sea International (SAS), Transports Cep'extras (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

Mme Maussire, Mme Lefort

JEX Reims le 28 août 2015

28 août 2015

Exposé du litige

Rappel de la procédure

Par ordonnance rendue le 3 février 2015, le président du tribunal de commerce de Reims a autorisé la SAS Air Sea International (ci-après ASI) à pratiquer une saisie conservatoire sur tous les biens mobiliers, sommes, titres, avoirs, fonds ou devises appartenant à la société américaine Souvenirwine.com, exerçant sous le nom commercial WineFlite, détenus par la Sarl Transports Cep'Extras (ci-après TCE), aux fins de garantie et conservation d'une créance évaluée provisoirement à 110.000 euros.

Par acte d'huissier du 5 février 2015, la société ASI a fait pratiquer entre les mains de la société TCE la saisie conservatoire autorisée. La Sarl Transports Cep'Extras a répondu à l'huissier détenir pour le compte de la société WineFlite 7 palettes de vin pour un total d'environ 165 caisses de vin. Elle a autorisé l'huissier à se rendre dans ses locaux le 6 février 2015 pour lister l'ensemble de la marchandise dont elle a indiqué qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une précédente saisie. Elle a ajouté que des factures pour un montant de 19.236,38 euros ne lui avaient pas été réglées par la société WineFlite et qu'elle exerçait donc son droit de rétention sur la marchandise faisant l'objet de la saisie. L'huissier de justice a joint au procès-verbal des bons de livraison mentionnant le nom de destinataires, la date et la dénomination des bouteilles et leur quantité, ainsi qu'une liste complémentaire de biens saisis qu'il a établie.

Par acte d'huissier du 9 février 2015, la société ASI a fait assigner la société Souvenirwine.com, exerçant son activité sous le nom commercial WineFlite, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Pontoise en paiement de sa créance.

Par ordonnance de référé rendue le 26 février 2015, le président du tribunal de commerce de Pontoise a condamné la société Souvenirwine.com, exerçant son activité sous le nom commercial WineFlite, à payer à titre provisionnel à la société Air Sea International la somme de 103.107,53 euros TTC majorée des pénalités de retard égales à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance de chacune des factures, outre la somme forfaitaire de 40,00 euros par facture au titre des frais de recouvrement, ainsi qu'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Par acte d'huissier en date du 18 mars 2015, la société de droit américain Souvenirwine.com, exerçant sous l'enseigne WineFlite, et la société de droit américain The Wine Forum ont fait assigner en référé la SAS Air Sea International et la Sarl Transports Cep'Extras devant le président du tribunal de commerce de Reims aux fins notamment de voir prononcer la nullité et la mainlevée de la saisie du 5 février 2015 en ce que les biens objets de la saisie ne sont pas la propriété de la société Souvenirwine.com mais celle de la société The Wine Forum, et subsidiairement de voir ordonner la distraction des bouteilles saisies appartenant à la société The Wine Forum.

Par ordonnance de référé rendue le 29 avril 2015, le président du tribunal de commerce de Reims :

- s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution de Reims pour connaître de la demande de distraction de la société Souvenirwine.com à l'encontre de la Sarl Transports Cep'Extras,

- s'est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société Souvenirwine.com et des demandes de la société The Wine Forum à l'encontre de la société Air Sea International,

- a constaté l'existence d'une contestation sérieuse au titre de la propriété des bouteilles de vin saisies à titre conservatoire, et renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond,

- a débouté la société Souvenirwine.com de sa demande de nullité de la saisie conservatoire jusqu'à clarification complète de la propriété des bouteilles,

- a débouté la société The Wine Forum de sa demande de distraction des bouteilles saisies,

- a débouté les sociétés Souvenirwine.com et The Wine Forum de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre des sociétés Air Sea International et Transports Cep'Extras,

- a condamné la société américaine Souvenirwine.com à régler à la Sarl Transports Cep'Extras la somme de 19.755,56 euros au titre de factures non réglées,

- a condamné solidairement les sociétés Souvenirwine.com et The Wine Forum aux entiers dépens.

Par acte d'huissier du 10 juillet 2015, la société The Wine Forum, M. Joseph C., M. Daniel A., M. Timothy Keith P., M. Peter L., M. Marco C., M. Dhruv M. S., ainsi que la société de droit américain Souvenirwine, dont le nom commercial est Souvenirwine.com, ont fait assigner la SAS Air Sea International et la Sarl Transports Cep'Extras devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Reims auquel ils demandent de :

A titre principal,

- dire que les biens objets de la saisie conservatoire pratiquée le 5 février 2015 par la SAS Air Sea International ne sont pas la propriété de la société Souvenirwine mais celle des tiers propriétaires et d'autres propriétaires,

- en conséquence, ordonner la distraction des 822 bouteilles saisies appartenant aux tiers propriétaires par application de l'article R.221-51 du Code des procédures civiles d'exécution,

- dire nul le droit de rétention de la société Transports Cep'Extras en l'absence de créance certaine, liquide et exigible,

A titre subsidiaire,

- ordonner la réduction du droit de rétention de la société Transports Cep'Extras aux 238 bouteilles n'appartenant pas aux tiers propriétaires et listées en fin de procès-verbal de saisie-conservatoire,

En tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés Air Sea International et Transports Cep'Extras à payer à chacun des tiers propriétaires la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement rendu le 28 août 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Reims a :

- débouté la société The Wine Forum, M. Joseph C., M. Daniel A., M. Timothy Keith P., M. Peter L., M. Marco C., M. Dhruv M. S. et la société Souvenirwine de leurs demandes,

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la Sarl Transports Cep'Extras au titre d'un droit d'action directe contre les destinataires,

- condamné in solidum la société The Wine Forum, M. Joseph C., M. Daniel A., M. Timothy Keith P., M. Peter L., M. Marco C., M. Dhruv M. S. et la société Souvenirwine à payer à la SAS Air Sea International la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à la Sarl Transports Cep'Extras la somme de 1.500 euros au même titre,

- condamné la société The Wine Forum, M. Joseph C., M. Daniel A., M. Timothy Keith P., M. Peter L., M. Marco C., M. Dhruv M. S., la société Souvenirwine aux dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a estimé que les tiers se disant propriétaires ne démontraient pas que les bouteilles étaient bien leur propriété, et qu'en tout état de cause la demande de distraction n'était pas individualisée ; que la Sarl Transports Cep'Extras ayant une créance certaine et liquide sur la société Souvenirwine, il n'y avait pas lieu d'annuler la rétention du dépositaire en application des dispositions de l'article 1948 du Code civil ; que compte tenu de la saisie conservatoire pratiquée sur les bouteilles, qui le rendait indisponibles, la demande de réduction de l'assiette du droit de rétention était irrecevable ; et que le droit d'action directe était de la compétence du juge du fond, de sorte qu'il était incompétent pour statuer sur la demande en paiement de la Sarl Transports Cep'Extras en vertu des dispositions des articles L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire et R.121-1 du Code des procédures civiles d'exécution.

Par déclaration enregistrée le 5 octobre 2015 au greffe de la cour d'appel de Reims, la société de droit Américain The Wine Forum, M. Joseph C., M. Daniel A., M. Timothy Keith P., M. Peter L., M. Marco C., M. Dhruv M. S. ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt avant dire droit en date du 13 septembre 2016, la cour d'appel de Reims a ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture, fait injonction aux appelants de signifier le jugement du juge de l'exécution du 28 août 2015 à la société américaine Souvenirwine, ainsi que leur déclaration d'appel et leurs dernières écritures, fait injonction aux sociétés intimées de notifier leurs dernières écritures à la société Souvenirwine, et renvoyé l'affaire à l'audience du 13 décembre 2016.

Les appelants ont déféré à cette injonction, en notifiant également cet arrêt à la société Souvenirwine, par actes d'huissier du 2 novembre 2016 adressés à la société Process Forwarding International (PFI), délégataire de l'autorité centrale américaine, conformément à la convention internationale de La Haye du 15 novembre 1965 ratifiée par les Etats-Unis.

La société de droit américain Souvenirwine n'a pas constitué avocat.

Prétentions et moyens des parties

Par conclusions récapitulatives n° 3 du 25 novembre 2016, les appelants demandent à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celle relative à l'incompétence de la juridiction pour statuer sur la demande de condamnation formulée par la société TCE au titre de l'action directe,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger que les biens objets de la saisie conservatoire pratiquée le 5 février 2015 par la SAS Air Sea International ne sont pas la propriété de la société Souvenirwine mais celle des tiers propriétaires, le cas échéant, celle de la société The Wine Forum pour les bouteilles non revendues et d'autres propriétaires,

- en conséquence, ordonner la distraction des 822 bouteilles saisies appartenant aux tiers propriétaires par application de l'article R.221-51 du Code des procédures civiles d'exécution, selon répartition établie par huissier dans son procès verbal du 5 février 2015 détaillée dans le dispositif des écritures,

- dire et juger nul le droit de rétention de la société TCE en l'absence de créance certaine, liquide et exigible et en raison de sa mauvaise foi du fait de sa parfaite connaissance de l'identité réelle des propriétaires des marchandises saisies, les conditions posées par les articles L.132-8 et L.133-7 du Code de commerce n'étant pas remplies, et compte tenu de la compétence exclusive des tribunaux californiens pour connaître de l'exécution du contrat d'entreposage entre TCE et le débiteur, la société Souvenirwine,

A titre subsidiaire,

- ordonner la réduction du droit de rétention de la société Transports Cep'Extras aux 227 bouteilles n'appartenant pas aux tiers propriétaires et listés en fin du procès verbal de saisie conservatoire du 5 février 2015,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la Sarl Transports Cep'Extras et la SAS Air Sea International à payer aux tiers propriétaires et à The Wine Forum la somme de 10.000 euros chacun à titre de dommages intérêts, la première pour avoir pratiqué une saisie alors qu'elle savait que les biens objets de la saisie n'étaient pas la propriété du débiteur, et la seconde pour avoir exercé un droit de rétention en méconnaissance des dispositions des articles L.132-8 et L.133-7 du Code de commerce,

- les condamner in solidum à payer à chacun des appelants la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- les condamner in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Ils expliquent que la société The Wine Forum a acheté, pour le compte de MM. C., A., P., L., C. et S., 1.060 bouteilles de vin grand cru classé français qu'elle leur a revendues ; qu'elle a chargé la société Souvenirwine, commissionnaire de transport, d'organiser le transport et la livraison des bouteilles aux propriétaires finaux, laquelle s'est adressée à la société Air Sea International pour organiser la logistique ; que la société Transports Cep'Extras est dépositaire des marchandises en attente d'expédition.

En réponse aux conclusions de la société Air Sea International sur les significations sollicitées par la Cour, ils font valoir qu'il n'existe aucune exigence de traduction des actes signifiés aux Etats-Unis.

Sur le fond, en premier lieu, ils critiquent le jugement déféré sur plusieurs points. Ils soutiennent qu'il n'existe pas de clause de réserve de propriété puisque le prix a été payé, que le transfert de propriété a eu lieu, que les ventes sont parfaites, et que Souvenirwine, commissionnaire de transport, est étrangère aux ventes et était seulement chargée d'organiser le transport ; qu'ils apportent bien la preuve complète que le prix des bouteilles a été payé ; que le juge a fait une confusion entre la comptabilité de Souvenirwine dont il n'a jamais été question et la comptabilité de The Wine Forum qui prouve les achats et les reventes ; que les bouteilles ont été achetées en primeur, de sorte que les vins doivent d'abord être élevés 18 mois en barrique avant d'être livrés, ce qui explique le décalage entre la date des factures et celle de l'expédition ; qu'il est impossible de différencier les bouteilles qui ont la couleur, le cru et l'année identiques ; qu'ils versent aux débats un tableau individualisant les bouteilles par tiers propriétaire, de sorte que les 822 bouteilles achetées puis revendues par The Wine Forum sont précisément listées en fonction de leur propriétaire, qui sont donc en droit d'en demander la distraction.

En second lieu, sur la demande de distraction des biens saisis aux tiers propriétaires, ils expliquent que les 1.060 bouteilles saisies appartiennent à des tiers , que 822 bouteilles appartiennent à MM. C., A., P., L., C. et S., qui les ont achetées auprès de The Wine Forum, et que 227 bouteilles appartiennent à d'autres propriétaires. Ils font valoir que les 822 bouteilles n'ont jamais appartenu à Souvenirwine, débiteur, et qu'ils apportent la preuve de la propriété des marchandises, étant rappelé que la preuve est libre en matière commerciale, que le procès-verbal de saisie conservatoire mentionne la propriété des bouteilles litigieuses, et que le tableau versé au débat permet d'individualiser la demande de distraction.

En troisième lieu, ils invoquent la nullité du droit de rétention de la société TCE, faisant valoir tout d'abord que sa créance est contestable. Ils expliquent à ce titre que les bouteilles sont la propriété des appelants et non pas du débiteur, Souvenirwine, qui les a confiées à TCE en dépôt ; que le juge français n'est pas compétent pour connaître des demandes tirées du contrat d'entreposage ; que la créance de TCE n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible ; que l'article L.132-8 du Code de commerce n'est pas applicable en l'espèce, s'agissant d'un transport international dont la loi applicable est celle du lieu de la livraison. Ensuite, ils soutiennent que TCE connaissait l'identité exacte des propriétaires réels de la marchandise contrairement à ce qu'elle indique, et qu'ils ne sont pas parties au contrat de transport de sorte que TCE n'a aucun droit à faire valoir à leur encontre en vertu des articles L.132-8 et 133-7 du Code de commerce. A titre subsidiaire, ils font valoir que le droit de rétention ne peut s'exercer que sur ce qui est dû en application de l'article 1948 du Code civil ; qu'en l'espèce, la valeur des 822 bouteilles est de 102.414 euros alors que la créance alléguée par la société TCE n'est que de 19.296,38 euros, de sorte qu'elle ne pourrait exercer son droit de rétention que sur 155 bouteilles et non sur la totalité ; qu'en pratiquant son droit de rétention sur les 227 bouteilles n'appartenant pas aux appelants, elle couvre donc entièrement sa créance.

Par conclusions récapitulatives n°2 du 23 novembre 2016, la SAS Air Sea International demande à la cour d'appel de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motifs,

Y ajoutant,

- condamner in solidum les appelants au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction,

Subsidiairement,

- constater qu'aucun des requérants n'est propriétaire de 258 des 822 bouteilles dont la distraction est demandée,

- constater qu'en tout état de cause, la distraction ne peut porter que pour 564 bouteilles au maximum,

- désigner précisément les bouteilles pour lesquelles la distraction est ordonnée,

- constater qu'elle ignorait que les bouteilles saisies n'appartenaient pas à la société Souvenirwine.com,

- en conséquence, débouter la société The Wine Forum de sa demande de distraction de 258 bouteilles dont elle soutient elle-même ne pas être propriétaire,

- débouter les appelants de leurs demandes de dommages intérêt et indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle expose que depuis décembre 2013, elle organise, en qualité de commissionnaire de transport pour le compte de la société Souvenirwine, le transport de bouteilles de vin au départ de la France vers diverses destinations dans le monde, et que depuis septembre 2014, la société Souvenirwine s'est abstenue de régler ses factures pour un total de 103.107,53 euros.

Sur la procédure, elle souligne que les appelants ne justifient pas de la traduction en anglais des actes signifiés à la société Souvenirwine ni du retour de l'entité requise américaine ; qu'elle n'a pas pu lui notifier ses conclusions car la société Souvenirwine n'a pas constitué avocat ; qu'en tout état de cause cette dernière ne peut plus interjeter appel. Elle ajoute que la validité de la saisie conservatoire n'est plus contestée à ce jour ; que la société Souvenirwine n'est même plus présente à la procédure ; qu'elle n'a pas contesté en première instance être sa débitrice et celle de TCE mais a soutenu seulement être insolvable ; que son attitude est déloyale et empreinte de mauvaise foi ; qu'elle a accepté la décision du président du tribunal de commerce de Pontoise qui a rejeté sa contestation sur la validité de la saisie.

Sur le fond, elle soutient que la preuve de la propriété des appelants sur les bouteilles saisies et de l'individualisation de ces bouteilles n'est pas rapportée ; que la société The Wine Forum avait soutenu être seule propriétaire des bouteilles devant le président du tribunal de commerce ; qu'en indiquant revendre immédiatement à ses clients, elle reconnaît qu'elle n'était pas propriétaire des 834 bouteilles dont elle demandait la distraction ; que concernant les 258 bouteilles qui appartiendraient à des tiers qui ne sont pas parties à l'instance, la distraction est impossible, la société The Wine Forum reconnaissant qu'elle n'en est pas propriétaire ; que les attestations d'experts comptables ne sont pas probantes, de même que les factures et le tableau ; qu'il n'est pas établi que les bouteilles saisies sont celles figurant dans les documents produits, et ce d'autant plus que la société The Wine Forum achète et revend du vin à de nombreux acheteurs ; que les références et les quantités ne coïncident pas avec les factures ; que le procès-verbal de saisie conservatoire ne permet pas non plus de justifier de la propriété des bouteilles saisies.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimerait rapportée la preuve de la propriété des 822 bouteilles dont la distraction est demandée, elle sollicite que la distraction soit limitée aux 564 bouteilles appartenant à MM. C., A., P., L., C. et S., faisant valoir que la distraction des 258 bouteilles appartenant à des tiers qui ne sont pas dans la cause est impossible. Elle soutient également qu'elle ignorait que les bouteilles saisies n'appartenaient pas à sa débitrice, puisque la société TCE a indiqué à l'huissier les bouteilles qu'elle détenait pour le compte de la société Souvenirwine.com, qui s'était présentée au transporteur comme la propriétaire des bouteilles qu'elle lui remettait et apparaît comme l'expéditeur sur les bons de livraison.

Par conclusions n°2 du 9 juin 2016, la Sarl Transports Cep'Extras demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes,

- l'infirmer en ce que le juge de l'exécution s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande au titre de l'action directe à l'encontre des destinataires,

- condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 19.755,56 euros au titre de cette action directe,

- les débouter de leurs demandes de réduction de l'assiette du droit de rétention,

A titre subsidiaire,

- l'autoriser à se faire attribuer les biens appartenant aux appelants, en pleine propriété, dans les conditions de l'article 2078 du Code civil pour un montant lui revenant de 19.755,56 euros, avant réduction de l'assiette du droit de rétention, les frais restant à la charge des débiteurs,

En tout état de cause,

- débouter les appelants de leurs demandes de dommages-intérêts, frais irrépétibles et dépens,

- confirmer leur condamnation de première instance au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel.

Elle expose que la société Souvenirwine l'a sollicitée en sa qualité de transporteur de bouteilles et n'a pas réglé la somme de 19.755,46 euros.

Elle soutient en premier lieu qu'elle est bien titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible à l'égard de la société Souvenirwine.com comme l'a retenu le premier juge.

En second lieu, elle invoque son droit de rétention sur la marchandise et sa bonne foi. Elle fait valoir à ce titre que dans la mesure où elle était de bonne foi, puisqu'elle ignorait que la chose transportée n'appartenait pas à son débiteur, elle pouvait exercer son droit de rétention sur la marchandise transportée en application de l'article L.133-7 du Code de commerce qui permet au voiturier de retenir la marchandise tant qu'il n'aura pas été payé du prix du transport et de saisir et de faire vendre le bien transporté et d'être payé sur le produit de la vente par préférence aux créanciers chirographaires. Elle ajoute que la loi applicable au contrat est celle de la résidence habituelle du transporteur pourvu que le lieu de chargement se situe dans ce pays, de sorte que la juridiction française est compétente.

En troisième lieu, elle fait valoir qu'elle dispose d'une action directe en paiement contre la société The Wine Forum et les tiers propriétaires ; que le juge de l'exécution est bien compétent pour statuer sur son action directe en vertu des dispositions de l'article L.213-6 du Code des procédures civiles d'exécution, puisque sa demande est formée à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée ; que cette action est recevable en vertu des dispositions de l'article L.132-8 du Code de commerce, puisque MM. C., A., P., L., C. et S. et la société The Wine Forum sont destinataires des marchandises, et que la loi applicable au contrat de transport est le droit français.

Enfin, elle soutient que les destinataires ne prouvent pas leur propriété sur les bouteilles et que le droit de rétention ne peut pas être réduit, d'autant qu'il n'est pas établi que les bouteilles pourraient être vendues 124 euros. Dans l'hypothèse d'une réduction du droit de rétention, elle demande à la cour de l'autoriser à se faire attribuer les biens appartenant aux appelants dans les conditions de l'article 2333 du Code civil.

Motifs de la décision

Sur la régularité de la procédure

Les appelants ont mis la société Souvenirwine dans la cause, conformément aux dispositions de l'article R.221-51 du Code des procédures civiles d'exécution selon lesquelles le débiteur doit être entendu ou appelé dans le cadre de la demande de distraction.

La société Air Sea International, créancier saisissant, est dépourvue d'intérêt à agir concernant ses observations sur la régularité des significations des actes à la société Souvenirwine aux Etats-Unis.

Ses critiques sur ce point envers les appelants sont d'autant plus surprenantes qu'elle n'a pas daigné signifier ses écritures au débiteur saisi comme le lui a demandé la cour. C'est même avec une certaine mauvaise foi qu'elle indique, de même que la société Transports Cep'Extras, qu'elle n'a pu notifier ses conclusions à la société Souvenirwine car cette dernière n'a pas constitué avocat. C'est bien justement parce qu'elle n'a pas constitué avocat que la cour leur a demandé de signifier les dernières écritures à la débitrice, étant rappelé que les significations s'effectuent à la dernière adresse connue. La société ASI a contourné la difficulté en modifiant ses écritures et en ne formulant plus de demandes à l'encontre de la société Souvenirwine. La cour en prend acte.

Il est bien évident que les sociétés ASI et TCE n'ayant pas signifié leurs conclusions à la société Souvenirwine, aucune demande ne pourra lui porter préjudice.

Sur la demande de distraction des biens saisis

Il résulte de l'article R.512-3 du Code des procédures civiles d'exécution que les contestations relatives à la saisie conservatoire, autres que les demandes de mainlevée pour irrégularité de la procédure, sont portées devant le juge de l'exécution du lieu d'exécution de la mesure.

L'article R.522-6 du même Code dispose que les incidents relatifs à l'exécution de la saisie [conservatoire] sont soumis, en tant que de besoin, aux dispositions des articles R.221-49 à R.221-56. Ainsi, les incidents de la saisie conservatoire sont traitées de la même manière que ceux de la saisie-vente.

Aux termes de l'article R.221-49, les demandes relatives à la propriété ne font pas obstacle à la saisie mais suspendent la procédure pour les biens saisis qui en sont l'objet.

L'article R.221-51 du Code des procédures civiles d'exécution dispose :

'Le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peut demander au juge de l'exécution d'en ordonner la distraction.

A peine d'irrecevabilité, la demande précise les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué.

Le créancier saisissant met en cause les créanciers opposants. Le débiteur saisi est entendu ou appelé.'

En l'espèce, il est constant que la société américaine The Wine Forum vend à des particuliers des bouteilles de vin français qu'elle achète à des négociants français. La société française ASI organise, en qualité de commissionnaire, le transport pour le compte de la société américaine Souvenirwine.com, exerçant sous le nom commercial WineFlite, de bouteilles de vin au départ de la France vers diverses destinations dans le monde. La société TCE est une société française de transport de bouteilles.

Il sera rappelé que postérieurement à la saisie conservatoire du 5 février 2015, la société ASI, créancier saisissant, a obtenu un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, puisqu'aux termes d'une ordonnance de référé rendue le 26 février 2015 par le président du tribunal de commerce de Pontoise, la Société Souvenirwine.com a été condamnée à payer à titre provisionnel à la société ASI notamment la somme principale de 103.107,53 euros.

Les appelants soutiennent qu'ils sont propriétaires d'une partie des bouteilles saisies tandis que les sociétés intimées le contestent.

Il incombe à ceux qui se prétendent propriétaires des biens saisis de rapporter la preuve de leur droit de propriété sur ces biens.

Aux termes de l'article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. Toutefois, les parties peuvent convenir de différer le transfert de propriété à la livraison ou au moment du paiement du prix.

Au procès verbal de saisie conservatoire du 5 février 2015, l'huissier a annexé les bons de livraison datés du 5 février 2015 concernant les bouteilles de vin saisies, comportant le nom de l'expéditeur, Wineflite (nom commercial de Souvenirwine.com), et celui des destinataires, avec une référence de commande. Certains noms de destinataires correspondent aux appelants. Il s'agit de :

- Daniel A. (ref commande client : DA027, n° sortie stock : ST25799) : 48 bouteilles,

- Peter L. (réf commande client : PL032, n° sortie stock : ST26181) : 150 bouteilles,

- Dhruv Sowhney (réf commande client : DS026, n° sortie stock : ST26179) : 114 bouteilles,

- Keith P. (réf commande client : KP025, n° sortie stock : ST26180) : 240 bouteilles

- Marco C. (réf commande client : MC028, n° sortie stock : ST25831) : 24 bouteilles.

Les autres bons de livraison concernent Tim B. (198 Bouteilles), Martin S. (12 bouteilles) et Filip O. (48 bouteilles), qui ne sont pas parties à l'instance.

Sur l'ensemble des bons de livraison, le nom et le millésime du vin sont détaillés et portent une référence d'article.

L'huissier de justice a également joint une liste complémentaire, qu'il a établie, de bouteilles de vin saisies (avec le nom, le millésime et la quantité), sans plus de précisions. Cette liste comporte 227 bouteilles.

C'est donc un total de 1.061 bouteilles qui ont été saisies dont 834 figurent sur des bons de commande (48+150+114+240+24+198+12+48) et 227 figurent sur la liste complémentaire.

La société The Wine Forum explique avoir acheté les bouteilles de vin aux négociants français, les avoir revendues à MM. C., A., P., L., C. et S. notamment, et s'être adressée à la société Souvenirwine, qui s'est adressée aux sociétés ASI et TCE, pour organiser le transport et la livraison de ces marchandises à ces derniers.

Elle justifie de factures d'achat de bouteilles de vin auprès des sociétés françaises Duclot Export, Autres Rivages et Joanne US.

Il n'est en revanche produit aucun contrat ni bon de commande signé par MM. A., P., L., C. et S.. En outre, les bons de commande annexés au procès-verbal de saisie conservatoire mentionnent Wineflite (nom commercial de Souvenirwine.com), et non The Wine Forum, comme expéditeur. Aucun contrat de commission entre les sociétés The Wine Forum et Souvenirwine n'est produit.

Les appelants versent aux débats des factures de la société the Wine Forum qui sont au nom de MM. C., A., P., L., C. et S. (pièce 11). Il s'avère que ces factures correspondent aux bons de livraison annexés au procès-verbal de saisie conservatoire. Ainsi, le bon de livraison concernant M. A. correspond en tous points à la facture du 26 juillet 2012 d'un montant de 4.356 euros au nom de Daniel A. en ce que ces documents portent sur la livraison de 6 bouteilles de vin Angelus 2011, 6 bouteilles de Vieux Château Certan 2011, 12 bouteilles de Pichon Baron 2011, 12 bouteilles de Pontet Canet 2011, 6 bouteilles de La Mondotte 2011 et 6 bouteilles Petit Mouton 2011. De même, le bon de livraison concernant M. C. correspond en tous points à la facture du 26 juillet 2012 d'un montant de 5.550 euros au nom de Marco C. en ce que ces documents portent sur la livraison de 6 bouteilles de Chateau Lafitte Rothschild 2011, 12 bouteilles de Chateau Larcis Ducasse 2011 et 6 bouteilles de Château Margaux 2011. Par ailleurs, le bon de livraison concernant M. L. correspond à la facture du 5 décembre 2012 d'un montant de 17.496 euros au nom de Peter L. pour les 13 vins de 2011 (soit 138 bouteilles) et à la facture du 22 août 2011 au même nom d'un montant de 69.903,72 euros pour le vin Cos d'Estournel 2006 (12 bouteilles). Le bon de livraison concernant M. S. correspond à la facture du 26 juillet 2012 d'un montant de 15.468 euros au nom de Dhruv S. pour les 8 vins de 2011 (soit 102 bouteilles) et à la facture du 23 août 2013 au même nom d'un montant de 4.482 euros pour le vin Château Rauzan Segla (12 bouteilles). Le bon de livraison concernant M. P. correspond à la facture du 25 juillet 2012 d'un montant de 41.742 euros au nom de Keith P. pour les 18 vins de 2011 (soit 216 bouteilles) et à la facture du 23 août 2013 au même nom d'un montant de 34.278 euros pour les vins Pavillon Blanc 2012 (12 bouteilles) et Haut Brion 2012 (12 bouteilles).

Enfin, il est produit une facture du 26 juillet 2012 au nom de Philippe C. dont le montant de 2.100 euros correspond à 12 bouteilles de vin Pichon Lalande 2011 et 12 bouteilles de Vieux Château Certan 2011.

Il est produit également un document comptable (pièce 10) établissant que les montants de ces factures ont été payés par MM. C., A., P., L., C. et S. à la société the Wine Forum, ce qui est confirmé par les attestations des experts comptables (pièces 13 et 20).

S'agissant de M. C., son nom ne figure sur aucun bon de livraison annexé au procès-verbal de saisie conservatoire. Il n'apporte donc aucunement la preuve qu'il est propriétaire de bouteilles saisies, et ce d'autant plus que les bouteilles achetées mentionnées sur la facture, à savoir du Pichon Lalande 2011 et du Vieux Château Certan 2011, ne figurent pas non plus sur la liste complémentaire établie par l'huissier de justice.

S'agissant de MM. A., P., L., C. et S., les pièces produites précitées établissent qu'ils étaient destinataires d'une partie des bouteilles saisies et qu'ils les ont payées auprès de la société The Wine Forum.

Par ailleurs, il résulte de l'assignation devant le juge de l'exécution que la société Souvenirwine, qui agissait avec la société The Wine Forum, ne contestait pas ne pas être propriétaire des bouteilles saisies et être seulement un commissionnaire de transport, ce qui impliquait qu'aucun transfert de propriété n'ait pu s'opérer en sa faveur.

Toutefois, ces éléments sont mis à mal par les éléments rapportés par la société TCE, qui produit le contrat d'entreposage qu'elle a conclu avec la société Souvenirwine le 31 mai 2013, dont il ressort que cette dernière, entrepositaire, a pour activité la production et la commercialisation de vins, qu'elle ne dispose pas d'une surface suffisante pour entreposer les marchandises dans l'attente de leur vente et leur livraison et est donc entrée en relation avec la société TCE qui dispose d'un entrepôt, et qu'elle s'est engagée envers la société TCE, à détenir la pleine et entière propriété des marchandises remises en dépôt lesquelles seront et demeureront libres de tous droits ou liens quelconques, de leur entrée jusqu'à leur sortie des entrepôts.

Ainsi, il apparaît difficile de déterminer à quelle date les destinataires des bouteilles de vin en deviennent réellement propriétaires, et ce d'autant plus qu'il s'agit pour la plupart de vins achetés en primeur de sorte qu'il existe un grand décalage entre la date de la commande et la date de la livraison. Il n'est pas établi qu'au moment de la saisie, MM. A., P., L., C. et S. étaient déjà propriétaires des bouteilles commandées et payées.

En outre, la société TCE produit des bons de livraison (pièce 2) datés du 20 mars 2015, soit postérieurs à la saisie, au nom respectivement de MM. C., A., P., L., C. et S. mentionnant exactement les mêmes vins, la même quantité et le même numéro de commande que sur les bons de livraison du 5 février 2015, comme si les sociétés impliquées dans la livraison des commandes avaient réorganisé, après la saisie des bouteilles à livrer, les expéditions prévues avec de nouvelles bouteilles identiques.

Par ailleurs, la société The Wine Forum sollicite également la distraction à son profit des autres bouteilles, celles mentionnées sur la liste complémentaire établie par l'huissier (227 bouteilles), et celles listées sur les autres bons de livraison annexés au procès-verbal de saisie conservatoire et qui concernent Tim B. (198 Bouteilles), Martin S. (12 bouteilles) et Filip O. (48 bouteilles), qui ne sont pas parties à l'instance. Toutefois, la société The Wine Forum, qui ne produit aucun contrat conclu avec ses clients, ni bon de commande, n'est pas claire quant à la nature des relations contractuelles qu'elle a avec eux, étant précisé qu'elle soutenait initialement être propriétaire de toutes les bouteilles saisies, et admet aujourd'hui qu'elle n'en est pas propriétaire. Ainsi, il est difficile de savoir, au vu des pièces produites, si elle achète des bouteilles puis les revend à ses clients (contrat de vente), ou si elle prend commande auprès de ses clients et achète pour leur compte des bouteilles auprès des négociants (contrat de mandat). Par ailleurs, elle ne peut revendiquer en justice des biens appartenant à des tiers pour leur compte et ne peut demander la distraction de biens saisis au profit de tiers qui ne sont pas parties à l'instance.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la distraction ne peut être ordonnée, faute de preuve certaine que les bouteilles saisies sont la propriété des appelants, de sorte que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le droit de rétention de la société TCE

Aux termes de l'article L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.

Il résulte de l'article R.522-5 du Code des procédures civiles d'exécution que si la saisie conservatoire est pratiquée entre les mains d'un tiers , il est procédé comme il est dit aux articles R.221-21 à R.221-29 relatifs aux opérations de saisie vente entre les main d'un tiers .

L'article R.221-29 du même Code dispose :

'Si le tiers se prévaut d'un droit de rétention sur le bien saisi , il en informe l'huissier de justice par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à moins qu'il n'en ait fait la déclaration au moment de la saisie.

Dans le délai d'un mois, le créancier saisissant peut contester le droit de rétention devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le tiers . Le bien demeure indisponible durant l'instance.

A défaut de contestation dans le délai d'un mois, la prétention du tiers est réputée fondée pour les besoins de la saisie.'

L'exercice par la société TCE, tiers saisi , de son droit de rétention sur les marchandises saisies qu'elle détient pour le compte de la société Souvenirwine, débiteur saisi , relève donc incontestablement de la compétence du juge de l'exécution.

En revanche, il est pour le moins curieux que la société TCE invoque son droit de rétention en se fondant sur l'article L.133-7 du Code du commerce qui confère un privilège au transporteur, alors que droit de rétention et privilège ne se confondent pas puisqu'ils n'ont pas les mêmes effets. Si le juge de l'exécution est expressément compétent pour statuer sur l'exercice d'un droit de rétention dans le cadre d'une saisie, il n'en est pas de même pour le privilège de l'article L.133-7 du Code du commerce, ni pour l'action directe prévue par l'article L.132-8 du même Code, qui conduirait d'ailleurs à une condamnation en paiement et donc à l'obtention d'un titre exécutoire, ce qui n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'exécution. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point, étant précisé qu'en tout état de cause la demande au titre de l'action directe est sans objet puisque les parties concernées n'ont pas obtenu la distraction sollicitée. D'ailleurs, la demande des appelants tendant à juger nul le droit de rétention est sans objet puisque ce droit de rétention ne peut les concerner.

La société TCE a déclaré exercer son droit de rétention au moment de la saisie conservatoire par déclaration à l'huissier qu'il a mentionnée au procès-verbal. Dès lors, la société ASI, créancier saisissant, avait un délai d'un mois à compter de la date du procès-verbal de saisie conservatoire du 5 février 2015 pour saisir le juge de l'exécution de Reims et contester le droit de rétention, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte que la rétention de la société TCE est réputée fondée pour les besoins de la saisie, en application de l'article R.221-29 du Code des procédures civiles d'exécution.

Aux termes de l'article 1948 du Code civil, le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt. L'application de ce texte sur le droit de rétention est nécessairement dans le débat à hauteur d'appel puisque le jugement déféré y fait référence.

Pour être titulaire d'un droit de rétention, il faut que le dépositaire détienne légitimement une chose, qu'il soit titulaire d'une créance certaine et exigible, et qu'un lien de connexité existe entre la détention et la créance.

La société TCE détient des marchandises en vertu d'un contrat d'entreposage conclu avec la société Souvenirwine le 31 mai 2013. Par ordonnance de référé, désormais définitive, rendue le 29 avril 2015 par le président du tribunal de commerce de Reims, la société Souvenirwine.com a été condamnée à payer à la société TCE la somme de 19.236,38 euros. La société TCE dispose donc d'un titre exécutoire constatant une créance, certaine, liquide et exigible à l'encontre de la société Souvenirwine.com. La créance résulte du contrat d'entreposage, de sorte qu'il existe un lien entre les marchandises détenues et la créance.

La société TCE remplit donc les conditions pour invoquer un droit de rétention.

Le droit de rétention, contrairement au privilège, ne permet pas au rétenteur de faire saisir la chose pour être payé sur le prix par préférence à d'autres créanciers. C'est seulement un moyen pour refuser de se dessaisir de la chose détenue jusqu'au paiement. Ce moyen de pression présente toutefois une réelle efficacité en raison de l'étendue de son opposabilité. En effet, c'est un droit réel, opposable à tous, et même aux tiers non tenus de la dette, de sorte que le dépositaire peut opposer son droit de rétention au déposant ou à un propriétaire non débiteur revendiquant sa chose ou à un tiers saisissant. Ceux-ci n'ont pas d'autre choix que de payer le dépositaire s'ils veulent obtenir restitution de la chose. Enfin, la qualification de droit réel confère un caractère indivisible au droit de rétention : le dépositaire est en droit de refuser de se dessaisir de la chose déposée tant qu'il n'a pas reçu l'entier paiement de tout ce qui lui est dû au titre du dépôt.

La société TCE est donc bien fondée à opposer son droit de rétention à l'encontre du créancier saisissant pour la totalité des marchandises saisies, et ce même si sa créance est d'un montant très inférieur à la valeur des bouteilles saisies. Elle ne pourra être tenue de se dessaisir des marchandises au profit de la société ASI que lorsqu'elle aura été réglée en totalité de sa créance, peu important qui paie cette dette, étant rappelé que le débiteur est une société américaine insolvable.

En conséquence, il convient donc de dire que la société TCE peut retenir les marchandises saisies tant qu'elle n'est pas intégralement réglée de sa créance.

Sur les demandes de dommages-intérêts des appelants

Compte tenu de ce qui précède sur la distraction des biens saisies, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Les appelants, partie perdante, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement par l'avocat postulant du créancier saisissant, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Au vu du présent arrêt, la condamnation des appelants au titre de l'article 700 du Code de procédure civile sera confirmée. L'équité commande cependant de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la Sarl Transports Cep'Extras peut retenir les marchandises saisies tant qu'elle n'est pas intégralement réglée de sa créance,

Rejette les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum la société The Wine Forum, M. Joseph C., M. Daniel A., M. Timothy Keith P., M. Peter L., M. Marco C. et M. Dhruv M. S. aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement par Me Mélanie C.-R., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.