CA Rennes, 2e ch., 19 septembre 2014, n° 13/07422
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Amadeite (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Bail
Conseillers :
Mme Le Potier, Mme Lefeuvre
Avocats :
Me Brebion, Me George
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 30 avril 2007, Monsieur Paul MENARD a cédé à la SCI du LINTAN, représentée par Monsieur Hervé BALUSSON, 8 446 des 8 450 parts sociales qu'il détenait dans la SARL KERINVEST, moyennant le prix de 1 500 000 € devant être payé à raison de :
- 20 000 € le jour de l'acte,
- 381 000 € payable au plus tard le 31 août 2008,
- le solde, soit 1 099 000 €, en une rente annuelle et viagère de 110 153,35 € payable par trimestrialités de 27 538,34 € les 15 mai, 15 août, 15 novembre et 15 février.
Monsieur BALUSSON s'est porté caution solidaire de la SCI du LINTAN pour garantir le paiement des sommes de 381 000 € et 1 099 000 € et de leurs accessoires.
Le paiement de la somme de 381.000 € et de la rente viagère était garanti par le nantissement au profit de Monsieur MENARD des 8 846 parts sociales objet de la cession.
A la suite du non-paiement des sommes dues, Monsieur MENARD s'est réapproprié les parts sociales, et a tenu des assemblées générales qui ont décidé de la vente des actifs de la société KERINVEST, dont le domaine de Patras, et Monsieur MENARD s'est attribué une partie du prix provenant de la vente, soit la somme de 854 415 €.
Par arrêt du 17 octobre 2012, la cour d'appel de GRENOBLE a annulé les assemblées générales et les actes subséquents.
Autorisée par ordonnance du 16 novembre 2012 du juge de l'exécution de VALENCE, la société KERINVEST a fait pratiquer, suivant procès-verbal du 22 novembre 2012, une saisie conservatoire entre les mains de la société AMADEITE, débitrice de Monsieur MENARD, pour garantie de la somme de 854 415 € correspondant au prix de vente reçu par ce dernier.
Le 26 novembre 2012, Monsieur MENARD a fait signifier à Monsieur BALUSSON et à la société AMADEITE venant aux droits de la SCI du LINTAN un commandement de payer la somme de 468 151,78 € correspondant à 17 termes de rentes viagères impayées ( du 15/11/2007 au 15/11/2012), outre les intérêts et les frais, en exécution de l' acte notarié du 30 avril 2007.
Le 22 mars 2013, Monsieur MENARD a fait signifier à Monsieur BALUSSON et à la société AMADEITE un commandement de payer la somme de 505 165,33 € correspondant aux termes exigibles du 15 novembre 2008 au 15 février 2013 avec les intérêts et les frais.
Le 17 juin 2013, Monsieur MENARD a fait signifier à Monsieur BALUSSON et à la société AMADEITE un commandement de payer la somme de 532 818,36 € correspondant aux rentes viagères impayées au 15 mai 2013.
La société AMADEITE et Monsieur BALUSSON ont, par trois actes successifs, saisi le juge de l'exécution de la contestation de ces commandements en demandant qu'il soit dit qu'ils ne peuvent avoir d'effets.
Par jugement du 15 octobre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de VANNES a :
- ordonné la jonction des trois procédures,
- déclaré Monsieur MENARD irrecevable en toutes ses demandes concernant la saisie conservatoire pratiquée par la société KERINVEST par acte du 22 novembre 2012,
- jugé que les procédures de saisie conservatoire pratiquée par la société KERINVEST et les procédure de saisie-vente pratiquées par Monsieur MENARD ne sont pas en concurrence sur le même objet saisi,
- jugé que ces commandements de payer délivrés les 26 novembre 2012, 22 mars 2013 et 10 juin 2013 à la société AMADEITE et à Monsieur BALUSSON peuvent avoir effets et les actes subséquents de poursuite ou d'exécution forcée peuvent être entrepris à la suite desdits commandements de payer aux fins de saisie-vente,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur MENARD à la moitié des dépens et la société AMADEITE et Monsieur BALUSSON à la moitié des dépens.
Appelants de ce jugement, la société AMADEITE et Monsieur BALUSSON sollicitent de la cour, par leurs dernières conclusions du 10 avril 2014, de l'infirmer et de :
Vu l'article R.121-20 du code des procédures civiles d'exécution,
- constater que la mesure de saisie conservatoire diligentée le 22 novembre 2012 par la société KERINVEST à l'encontre de Monsieur Paul MENARD entre les mains de la société AMADEITE rend sa dette indisponible et prive Monsieur MENARD du droit de solliciter le paiement de sa créance, la société AMADEITE s'étant vue interdire de procéder audit paiement,
- dire que les commandements de payer aux fins de saisie vente délivrés les 26 novembre 2012, 22 mars 2013 et 10 juin 2013 par Monsieur Paul MENARD à leur encontre ne peuvent avoir d'effet,
- dire et juger qu'aucun acte subséquent de poursuite ou d'exécution forcée ne pourra être entrepris à la suite dudit commandement de payer du 26 novembre 2012,
En tout état de cause,
-condamner Monsieur Paul MENARD à payer à chacun des demandeurs une somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ses conclusions du 21 février 2014, Monsieur MENARD demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter la société AMADEITE et Monsieur BALUSSON de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 8 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L' ordonnance de clôture est en date du 17 avril 2014.
MOTIFS
Il y a lieu de noter au préalable que Monsieur MENARD qui sollicite la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions, ne critique pas le jugement en ce qu'il l'a déclaré irrecevable en toutes ses demandes concernant la saisie conservatoire pratiquée par la société KERINVEST par acte du 22 novembre 2012. Cette disposition du jugement sera confirmée.
La contestation dont est saisie la juridiction de l'exécution est relative à la validité des commandements aux fins de saisie-vente délivrés les 26 novembre 2012, 22 mars 2013 et 17 juin 2013, à la demande de Monsieur MENARD, faisant commandement à la société AMADEITE, venant aux droits de la SCI du LINTAN, et à Monsieur BALUSSON, de payer les sommes dues en vertu de l'acte notarié du 30 avril 2007, et rappelant que faute de paiement dans un délai de huit jours à compter de l'acte, ils pourraient y être contraints par la saisie de leurs biens meubles corporels.
Ces commandements sont régis par l'article L.221-1 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur.
Contrairement à ce que soutient l'intimé, les commandements litigieux ne sont pas des actes se rapportant à une procédure de réalisation du nantissement de parts sociales dont l'objet serait alors distinct du recouvrement de la créance visée par les commandements litigieux.
L'objet du présent litige porte sur le seul point de savoir si Monsieur MENARD est titulaire à l'encontre des appelants d'une créance liquide et exigible l'autorisant à exercer le droit du créancier d'engager par un commandement de payer une mesure de saisie-vente.
L'article L.521-1 du code des procédures civiles d'exécution, dispose que la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur et qu'elle les rend indisponibles.
L'article L.523-1 du même code précise que lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n'est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée. La saisie produit les effets d'une consignation prévus à l'article 2350 du code civil.
Se prévalant de ce que Monsieur MENARD s'était réattribué les parts sociales par lui vendues, s'était irrégulièrement conduit comme le gérant de la société pour convoquer des assemblées générales qui ont décidé de la cession d'une partie de l'actif immobilier de la société KERINVEST, puis s'est fait reverser le produit de la vente de ces biens immobiliers pour un montant de 854 415 €, cette dernière a obtenu, par ordonnance rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de VALENCE le 16 novembre 2012, l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société AMADEITE de toutes créances de sommes d'argent détenues par Monsieur MENARD à son égard, pour sûreté et conservation de la somme de 854 415 € à laquelle a été évaluée la créance de la société KERINVEST à l'encontre de Monsieur MENARD.
Les appelants rappellent que, par arrêt du 17 octobre 2012, la cour d'appel de GRENOBLE avait constaté que Monsieur MENARD n'avait pas reçu attribution des parts sociales nanties et avait annulé les assemblée générales convoquées par ce dernier ainsi que les délibérations prises et les actes subséquents.
La saisie conservatoire pratiquée suivant procès-verbal du 22 novembre 2012 par la société KERINVEST, à l'encontre de Monsieur MENARD, débiteur saisi, entre les mains de la société AMADEITE, tiers saisi débitrice de Monsieur MENARD, a rendu indisponible la créance de ce dernier à l'encontre de la société AMADEITE et a emporté affectation spéciale et préférentielle de la créance saisie au profit de la société KERINVEST, de telle sorte qu'il est interdit à la société AMADEITE de payer le titulaire de la créance, Monsieur MENARD, auquel cette indisponibilité s'impose.
En conséquence, ce dernier ne peut exiger paiement de sa créance à l'encontre de la société AMADEITE et de Monsieur BALUSSON, et la créance n'étant pas exigible, au sens de l'article L.521-1 du code des procédures civiles d'exécution, il ne pouvait recourir à une mesure d'exécution forcée à l'encontre de ces derniers.
Les conditions de délivrance des commandements de payer n'étant pas remplies, il y a lieu de les déclarer nuls et de nul effet, le jugement étant infirmé.
Partie perdante, Monsieur MENARD sera tenu aux dépens de première instance et d'appel et devra verser aux appelants, ensemble, la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a déclaré Monsieur MENARD irrecevable en toutes ses demandes concernant la saisie conservatoire pratiquée par la société KERINVEST par acte du 22 novembre 2012 ;
Infirme le jugement déféré pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que les commandements de payer aux fins de saisie vente délivrés les 26 novembre 2012, 22 mars 2013 et 10 juin 2013 par Monsieur Paul MENARD à l'encontre de la société AMADEITE et de Monsieur Hervé BALUSSON sont nuls et de nul effet ;
Condamne Monsieur Paul MENARD à payer à la société AMADEITE et à Monsieur Hervé BALUSSON, ensemble, la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur Paul MENARD aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.