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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 9 mars 2016, n° 14/01984

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire du Massif Central (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

Mme Robert, M. Juillard

TGI Clermont-Ferrand, du 9 juill. 2014, …

9 juillet 2014

EXPOSE DU LITIGE :

Le 6 septembre 2011, la SAS RIOM MOTO a ouvert un compte professionnel auprès de la Banque Populaire du Massif Central (BPMC).

Le 15 septembre 2011, M. S.-L., président de la SAS RIOM MOTO s'est porté caution solidaire de tout engagement pris par cette société pour une durée de 10 ans et dans la limite de 10 000 euros avec intérêts et pénalités. Le 2 juin 2012, l'engagement de caution a été porté à 30 000 euros. Le 8 juin 2012, ce même dirigeant a cautionné un prêt d'équipement à hauteur de 40 894.32 euros avec intérêts et pénalités.

Puis, les 12 et 23 juin 2012 Mme I. et Mme B. se sont portées également caution de ce dernier emprunt selon les mêmes conditions.

Le 5 juillet 2013, la BPMC a mis en demeure M. S.-L. de régler la somme de 29 331.45 euros au titre de ses engagements de caution.

Le 31 juillet 2013, le tribunal de commerce de CLERMONT FERRAND a ouvert une procédure de liquidation de la SAS RIOM MOTO.

La BPMC a déclaré sa créance le 16 août 2013 auprès du liquidateur pour un montant de 59 083.48 euros, puis, elle a mis en demeure les trois cautions de respecter leurs engagements pour ce montant. Ne parvenant pas à obtenir paiement, la BPMC a assigné les trois cautions le 27 septembre 2013.

Par jugement du tribunal de grande instance de CLERMONT FERRAND, en date du 9 juillet 2014, Mme I. a été déchargée de son obligation de caution en raison de la disproportion de son engagement. En revanche, M. S.-L. a été condamné à payer à la BPMC la somme de 27 232.71 euros au titre du compte courant professionnel, ainsi que celle de 32 128.84 euros pour le prêt d'équipement, solidairement avec Mme B., outre intérêts de 7.20 % à compter du 19 août 2013 ; la juridiction a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 27 septembre 2013 et accordé des délais à M. S.-L. durant 24 mois avec déchéance du terme dès le premier impayé, outre le paiement, in solidum avec Mme B., d'une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la distraction des dépens en faveur de maître D. S..

Par déclaration au greffe en date 19 août 2014, M. S.-L. et Mme B. ont interjeté appel de ce jugement.

Ces derniers, par conclusions signifiées le 18 novembre 2014, demandent la réformation partielle de la décision et soulèvent la nullité de leurs engagements de caution solidaires à hauteur de 40 894.32 euros. Subsidiairement, l'obtention de délais de paiement est sollicitée en faveur de Mme B. et la confirmation du surplus du jugement, ainsi que le bénéfice de la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la distraction des dépens en faveur de maître P..

Ils font valoir que le prêt d'équipement à hauteur de 40 894.32 euros est un concours fautif dans la mesure où il était inopportun et inadapté. La banque n'a pas vérifié la destination du prêt qui devait concerner des investissements. En fait, il s'agissait de combler le déficit du compte courant et d'augmenter les garanties par l'obtention de multiples cautions. Ils ajoutent qu'en procédant au versement du montant du prêt sur le compte courant la banque a commis une immixtion dans la gestion de la société, traduisant ainsi une gestion de fait de l'entreprise. Ils estiment, sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce, que la prise de multiples cautions par la banque est disproportionnée par rapport au montant qui est garanti à hauteur du double du montant du prêt, qu'il s'agit là d'une faute engageant la responsabilité de la banque et devant aboutir à la nullité de leurs engagements.

Ils invoquent également un vice du consentement constitué par le dol commis par l'affectation du prêt d'équipement au comblement du déficit du compte courant, dol qui conduira à la nullité des actes de cautionnement.

Enfin, Mme B. sollicite des délais de paiement afin de ne pas vendre sa maison d'une valeur de 250 000 euros. Elle indique que ses revenus sont de 1 860 euros par mois à titre de retraite, qu'elle rembourse des prêts pour 551 euros par mois et a vendu une propriété en indivision pour un montant de 15 000 euros. Enfin, elle ne possède aucune épargne après avoir soutenu la SAS RIOM MOTO à hauteur de 19 000 euros.

La BPMC, par conclusions signifiées le 8 janvier 2015, sollicite la confirmation de la décision frappée d'appel, sauf en ce qu'elle a accordé des délais à M. S.-L., ainsi que le débouté de toutes les demandes des appelants et l'octroi d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile , outre la distraction des dépens en faveur de Maître D. S..

Elle soutient qu'il n'existe aucune disproportion dans la prise de garanties au sens de l'article L 650-1 du code de commerce, car il faudrait démontrer que le concours est lui-même fautif. Or, la banque a fait procéder à une étude prévisionnelle, par le cabinet comptable SEGECO, avant d'accorder le prêt et cette dernière s'est avérée tout à fait favorable à l'octroi de l'emprunt sollicité par la société qui présentait un excédent brut d'exploitation de 10 746 euros.

Elle ajoute que le prêt litigieux n'est en rien fautif, car il n'était pas affecté puisqu'il s'agit d'un prêt professionnel, la notion de prêt d'équipement est générique et peut servir à financer tous les besoins des sociétés dont le financement des fonds de roulement, c'est d'ailleurs ce qui est mentionné dans le contrat litigieux. L'obtention d'un prêt à moyen terme était en outre plus favorable qu'un financement à court terme. Dès lors, Il n'existe aucune manoeuvre dolosive de la banque.

Elle affirme qu'il n'y a eu aucune immixtion dans la gestion par le versement sur le compte courant des fonds destinés à la trésorerie de la société.

Elle fait conclure qu'il n'existe aucune interdiction légale de faire souscrire plusieurs cautions pour un même prêt.

Enfin, la banque indique que les appelants ont bénéficié de délais par l'effet de l'appel, et, s'agissant de Mme B., que le fait d'apporter de manière manuscrite des mentions sur les relevés de compte de la SAS RIOM MOTO ne peut constituer des preuves pour minorer sa situation financière.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité des engagements de caution

Il résulte de l'article L 650-1 du code de commerce que lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

Il convient de préciser également que pour appliquer ce texte, il est exigé que le concours, en l'occurrence le prêt dit 'd'équipement', qui n'est en fait qu'un prêt non affecté à moyen terme, soit lui-même fautif.

C'est sur ce fondement juridique principal que les appelants contestent leurs engagements en qualité de caution personnelle et solidaire.

En l'espèce, le prêt du 8 juin 2012, souscrit pour un coût total de 40 894.32 euros, prévoit que son objet est le financement en fonds de roulement de la société et non un emprunt affecté. De plus, ce prêt n'est en rien fautif contrairement à ce qu'indiquent les appelants. En effet, l'octroi de ce crédit n'est intervenu qu'après une étude effectuée par un cabinet d'expertise comptable, SEGECO, dont il n'est pas contesté qu'à la lecture de ce document rien ne s'opposait à ce que la banque accorde le prêt sollicité par le dirigeant social de la SARL RIOM MOTO. Le fait que le montant de ce concours soit versé sur le compte courant de la société en cause n'est pas constitutif d'une faute dans la mesure où il s'agit d'un prêt professionnel non affecté et qu'il y aurait immixtion illicite du banquier s'il intervenait pour imposer l'affectation d'un prêt. C'est d'ailleurs un moyen soulevé par les appelants, qui ne craignent pas une certaine contradiction à cet égard, en demandant, d'une part, de retenir que la banque s'est immiscée dans les affaires de la société afin de caractériser une faute du prêteur, et de d'autre part, en indiquant que le prêt litigieux était inadéquat et que la banque n'avait effectué aucun contrôle dans l'affectation des fonds -ce qu'elle ne doit justement pas faire en vertu du principe de non-immixtion. En outre, les appelants ne démontrent aucun acte de gestion de fait se bornant à en alléguer l'existence.

Enfin, il est possible d'indiquer, de manière surabondante en l'absence de faute dans l'octroi du prêt, que le fait que la banque a sollicité l'engagement des deux appelants (à hauteur du montant emprunté) n'est pas la démonstration d'une disproportion des garanties prises par le prêteur, qui se limitent à deux cautionnements de personnes physiques et à aucune autre garantie.

S'agissant du dol qui se trouve être le second fondement juridique invoqué par les appelants, il convient de relever qu'il n'y a, là non plus, aucune démonstration de la réalité d'un tel vice du consentement dans la mesure où le prêt litigieux avait pour objet d'abonder le fonds de roulement de la société et où le chef d'entreprise, M. S.-L., était le seul gestionnaire de cette entreprise et qu'il ne rapporte pas la preuve qu'il s'est vu imposer, par des manoeuvres, un prêt qu'il a lui-même sollicité et signé.

En conséquence, le jugement sera confirmé par substitution des présents motifs au regard notamment de l'évolution de l'argumentation des appelants.

Sur les délais de paiement prévus par l'article 1244-1 du code civil

Mme B. n'apporte aucune pièce efficiente au soutien de sa demande. En effet, ce ne sont pas des annotations manuscrites sur les relevés de comptes de la SARL RIOM MOTO, sensées être des apports personnels à l'entreprise, qui peuvent lui permettre de bénéficier de délais de paiement. De plus, au regard de ses revenus de l'ordre de 1 860 euros par mois, mais surtout eu égard à la valeur de son immeuble (250 000 euros), à la perception d'une somme de 15 000 euros dans le cadre d'une vente immobilière, à une épargne de 13 000 euros, il convient de considérer qu'elle est en capacité d'honorer le règlement de sa dette, nonobstant le paiement d'un crédit de 500 euros par mois. Par ailleurs, du fait de la procédure elle a déjà largement bénéficié de la totalité des délais qui pouvaient lui être légalement accordés.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délais de paiement de Mme B..

S'agissant de M. S. L., il ne fait valoir aucun moyen dans ses conclusions au soutien du maintien des délais accordés en première instance. On retrouve néanmoins dans une fiche de renseignement constituée pour l'obtention d'un prêt la trace de revenus de 2 000 euros par mois, au titre d'une pension militaire, outre les revenus perçus dans le cadre de la société avant son placement en liquidation judiciaire. De plus, l'appelant ne démontre pas avoir engagé des paiements à l'égard de la banque, ni même proposé un échéancier. Enfin, la durée de la procédure lui a déjà permis d'avoir de larges délais de paiement qui ne peuvent perdurer.

En conséquence, le juge sera réformé de ce chef.

Sur le surplus des demandes

Succombant en appel comme en première instance M. S.-L. et Mme B. devront supporter, outre les dépens auxquels ils ont été condamnés en première instance et l'indemnité mentionnée à l'article 700 du code de procédure civile, la charge des dépens d'appel et une indemnité complémentaire de 3 000 euros.

Le droit de recouvrement direct des dépens sera accordé à Maître D. S., avocat.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a accordé des délais à M. Xavier S.-L. ;

Y ajoutant ;

Déboute M. Xavier S.-L. de sa demande de délais de paiement ;

Condamne in solidum M. Xavier S.-L. et Mme Nicole B. aux dépens d'appel et à payer à la Banque Populaire du Massif Central (BPMC) une indemnité complémentaire de 3000 euros en application l'article 700 du code de procédure civile ;

Accorde à Maître D. S. le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.