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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 5 novembre 2020, n° 17/19194

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fédération Française Financière 5 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Fillioux, Mme Alquie Vuilloz

Avocat :

Me Cohen

T. com. Cannes, du 21 sept. 2017, n° 201…

21 septembre 2017

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 (Ci-après la S. A.S. FFF 5) est une société par actions simplifiée, constituée par acte sous seings privés en date du 30 octobre 2009 et immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de CANNES le 6 novembre 2009 sous le numéro 517 915 765.

Elle a pour objet social les activités de marchand de biens et de promotion immobilière.

Monsieur X a été nommé en qualité de président, et ce pour une durée de 7 ans à compter de l'immatriculation de la société au RCS, soit jusqu'au 6 novembre 2016.

Jusqu'à récemment Monsieur X était par ailleurs le gérant de la société OPTIMUM FINANCIAL (450 187 794 RCS CANNES), laquelle avait pour activité principale le conseil en investissement patrimonial et la commercialisation de biens immobiliers entrant dans le cadre de dispositifs fiscaux de faveur. C'est par le biais de cette société OPTIMUM FINANCIAL que Monsieur X a conçu et commercialisé le projet FFF 5. La société OPTIMUM FINANCIAL a depuis été placée en liquidation judiciaire, par jugement du Tribunal de commerce de CANNES en date du 2 juin 2015, puis radiée le 30 novembre 2016, suite à un jugement de ce même Tribunal prononçant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

La société FFF 5 a été initialement constituée avec un capital social de 152.200 euros divisé en 1.522 actions de 100 euros de valeur nominale. S'en sont suivies plusieurs augmentations de capital en numéraire, décidées lors d'assemblées générales extraordinaires en date des 26 janvier 2010, 30 mars 2011, 2 avril 2012 et enfin 23 décembre 2013, ayant successivement porté le capital social à 463.100 euros, puis 828.100 euros, puis 1.019.600 euros et enfin 1.151.500 euros.

Les 11.515 actions qui composent actuellement le capital de la société FFF 5 sont réparties entre une centaine d'actionnaires.

Les actionnaires de la société FFF 5 ont souscrit au capital dans le but de bénéficier du régime fiscal de faveur prévu par la loi du 1er août 2003, dite Loi Dutreil.

Le bénéfice de ce dispositif de défiscalisation étant subordonné à la conservation des titres reçus pendant une durée minimale de cinq ans à compter de la souscription, il avait été stipulé à l'article 11.A des statuts de la société FFF 5 une clause d'inaliénabilité aux termes de laquelle :

' La totalité des actions de la société, tous les titres pouvant donner droit, immédiatement ou à terme à des actions de la société ainsi que les démembrements de ces actions et titres sont inaliénables pendant une période de cinq années à compter :

- soit de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés pour celles créées à l'origine dans les présents statuts,

- soit à compter de leur création pour celles créées, par augmentation de capital, après l'immatriculation.

Cette interdiction d'aliéner les actions s'applique à toute transmission entre vifs ou par voie testamentaire, à titre gratuit ou onéreux, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit (cession, apport, fusion, saisie...) ainsi qu'à tout nantissement portant sur les actions ou titres visés au paragraphe précédent, à l'exception :

- des mutations réalisées avec l'accord écrit et préalable de tous les autres associés,

- et des cessions résultant de l'exclusion d'un associé en application des présents statuts.

Toute transmission effectuée en violation des dispositions ci-dessus est nulle.

Cette inaliénabilité prendra fin à l'expiration de la première période quinquennale ci-dessus définie.'

Au titre de la souscription des titres, les associés ont signé un document intitulé ' Engagement de souscription Loi Dutreil' rappelant les avantages fiscaux et la possibilité d'une rentabilité moyenne annuelle d'environ 3% du capital investi et ce pendant 5 ans.

Son engagement de conservation des titres arrivant au terme des 5 ans, M. Y a sollicité le 18 août 2014 la vente de l'ensemble de ses titres et le versement des dividendes des 5 années. D'autres associés ont envoyé la même demande au fur et à mesure de l'expiration de leur engagement.

Après relance du 24 octobre 2014, par lettre en date du 2 novembre 2014, Monsieur X a adressé un courrier à M. Y, lui indiquant qu'il ne lui était pas possible de sortir de [sa] souscription avant le 31 décembre 2016, dans la mesure où une assemblée générale extraordinaire en date du 19 août 2014 avait prorogé l'inaliénabilité des titres en décidant que les dates de sortie s'échelonneraient à partir du 31 décembre 2016. Il ressortait du procès-verbal de cette assemblée générale extraordinaire, joint au courrier, qu'il avait été aussi et surtout décidé de réduire la valeur nominale des actions de 40 % compte tenu des pertes, ramenant ainsi le capital social de 1.151.500 euros à 690.900 euros.

S'en sont suivis plusieurs échanges de courrier entre M. Y seul, puis le conseil de Messieurs Y, G Z, B D et X E, actionnaires, et La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5, aux fins d'obtenir divers documents, à savoir les copies des lettres recommandées de convocation, les rapports de l'expert-comptable, les projets de résolutions et finalement les copies de nombreux documents de la société au titre de leur droit d'information.

Divers documents ont été remis par clé USB par courrier du 27 novembre 2015 par le conseil de la S. A.S. FF5.

Par courrier recommandé en date du 3 décembre 2015 Messieurs Y, G Z, B D et X E ont reçu une convocation pour une Assemblée générale mixte devant se tenir le 23 décembre 2015 avec pour ordre du jour l'approbation des comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2014 et l'actualisation des associés (sortie/entrée).

Malgré les irrégularités soulevées par certains actionnaires, l'assemblée générale s'est tenue le 23 décembre 2015 et a adopté diverses résolutions.

La copie du procès-verbal de cette assemblée générale et du rapport de gestion ayant été adressée aux associés, Messieurs Y, G Z, B D et X E ont fait savoir par courrier en date du 15 mars 2016 qu'ils considéraient que cette assemblée générale était irrégulière et avait été tenue en fraude de leurs droits.

Par acte d'huissier en date du 25 mars 2016 Messieurs Y, G Z, B D et X E ont assigné Monsieur X et la S. A.S. FF5 devant le Tribunal de Commerce de Cannes aux fins de solliciter la nullité des assemblées générales des 19 août 2014 et 23 décembre 2015, de prononcer l'anéantissement rétroactif des résolutions adoptées dans le cadre de ces assemblées générales et de condamner Monsieur X au paiement d'une somme de 3 000€ à chacun en raison de ses fautes de gestion en réparation du préjudice subi. Ils sollicitaient également une somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens.

Par jugement contradictoire en date du 21 septembre 2017, le Tribunal de commerce de CANNES, faisant droit à l'intégralité des demandes qui lui étaient faites par Messieurs Y, Z, D et F, a :

- prononcé la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 19 août 2014 et de l'assemblée générale mixte du 23 décembre 2015 de la société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 ;

- ordonné au représentant légal de la société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 de procéder aux dépôts et formalités ou autres consécutives aux dites nullités ;

- condamné Monsieur X à payer à chacun des demandeurs, à savoir Monsieur Y, Monsieur G Z, Monsieur B D et Monsieur X E, la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts ;

- condamné Monsieur X et la société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 aux dépens et à payer à chacun des dits demandeurs la somme de 1.500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Le Tribunal de Commerce a retenu que les règles statutaires de quorum et de majorité n'avaient pas été respectées lors de l' AGE du 19 août 2014 pour délibérer valablement sur une réduction du capital ( revalorisation des parts sociales) et une prolongation de la clause d'inaliénabilité temporaire des actions, et que ces mêmes règles n'avaient pas été respectées en ce qui concerne l'assemblée générale mixte du 23 décembre 2015.

Par déclaration en date du 23 octobre 2017, la société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X, ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions d'appelant notifiées par RPVA le 15 janvier 2018, la S. A.S. FF5 et Monsieur Philippe HODIQUET demandent à la Cour, vu les pièces communiquées, de :

- dire et juger recevables et bien fondés la société FFF5 et Monsieur Philippe HODIQUET en leur appel,

- constater que l'assemblée générale du 19 août 2014 a fait l'objet d'une régularisation,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 septembre 2017 par le Tribunal de commerce de Cannes,

En conséquence,

- condamner conjointement et solidairement Messieurs Y, G Z, B D, X E à payer à chacun des appelants, la SAS FFF5 et Monsieur Philippe HODIQUET la somme 4.000,00 €,

- condamner conjointement et solidairement Messieurs Y, G Z, B D, X E à payer à chacun des appelants la SAS FFF5 et Monsieur Philippe HODIQUET, la somme de 3.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de leurs prétentions, les appelants prétendent qu'en ce qui concerne l'assemblée générale du 23 décembre 2015, celle-ci est régulière dans la forme et dans le fond et que le procès-verbal de délibération a été transmis dans les délais impartis. En ce qui concerne l'assemblée générale du 19 août 2014, régulière en la forme, ils prétendent que d'une part elle est régulière en ce qu'elle a été effectuée, de même que les autres, avec un quorum de plus de 60% des actionnaires, et d'autre part qu'elle a été régularisée lors de l' assemblée générale tenue 'en janvier 2015". Enfin ils indiquent que les intimés sont dans une position d'opposition et d'obstruction systématique à toute décision, que la contestation de l'assemblée générale du 19 août 2014 n'a pas été faite dans un délai raisonnable, et que les décisions de réduction du capital social ont été prise dans un souci de transparence et de réalité économique, l'action judiciaire des intimés étant dépourvue de tout sens économique.

Par conclusions d'intimés notifiées par RPVA le 11 avril 2018 et déposées au greffe, Messieurs Y, G Z, B D et X E demandent à la Cour, au visa des articles L.227-9 al. 4, L.227-19, L.225-252, R.225-66, L.242-6, L.242-8, L.244-1 et L.244-2du Code de commerce, 1836 du Code civil, 32-1, 515 et 564 du Code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 septembre 2017 par le Tribunal de commerce de CANNES,

Y ajoutant, eu égard à l'appel interjeté par Monsieur X et la société FFF 5 :

- condamner Monsieur X à payer, à titre de dommages et intérêts, une somme supplémentaire de 2.000 euros à chacun des intimés en sus de la condamnation de première instance, soit une somme de 5.000 euros au total, en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi,

- condamner in solidum la société FFF 5 et Monsieur X, à payer une somme supplémentaire de 2.500 euros à chacun des intimés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de la condamnation de première instance, soit une somme de 4.000 euros au total,

- condamner in solidum la société FFF 5 et Monsieur X aux entiers dépens de la présente procédure.

Ils exposent que depuis 2014 ils sont en litige avec La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X qui opère une gestion désastreuse de La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 voire illégale en ce qui concerne certains de ces agissements. Plus particulièrement en ce qui concerne la validité des deux assemblées générales objets de la présente procédure, ils soutiennent que les règles de convocation et de tenues des assemblées n'ont pas été respectées, et que les décisions prises de manière irrégulière violent leurs droits d'associés et leur causent préjudice dont ils demandent réparation.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L.227-9 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées dispose que:

' Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.( ...)

Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.'

Par ailleurs l'article L.227-19 du même code dans sa version en vigueur à la date de l'assemblée générale litigieuse dispose que les clauses statutaires visées aux articles L. 227-13, L. 227-14, L. 227-16 et L. 227-17 ne peuvent être adoptées ou modifiées qu'à l'unanimité des associés.

L'article L.227-13 est relatif aux clauses des statuts prévoyant l'inaliénabilité des actions, pour une durée n'excédant pas dix ans.

Il résulte clairement de la lecture de l'ensemble de ces articles qu'en matière de S. A.S., les statuts déterminent librement à la fois les décisions qui doivent être prises collectivement et les règles de quorum et de majorité applicables aux dites décisions collectives, à l'exception de certaines clauses, notamment celles relatives à la modification d'une clause d'inaliénabilité qui doivent être prise à l'unanimité des actionnaires.

En l'espèce l'article 21 A des statuts de La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 prévoit que les associés délibérant collectivement sont seuls compétents pour prendre notamment les décisions suivantes :

- approbation des comptes sociaux annuels et affectation des résultats

- augmentation, amortissement ou réduction du capital social,

- adoption ou modification de clauses relatives à l'inaliénabilité des actions.

Cet article 21 A prévoit également que ' Quelqu'en soit le mode, toute consultation de la collectivité des associés doit faire l'objet d'une information préalable comprenant l'ordre du jour, le texte des résolutions et tous les documents et informations leur permettant de se prononcer en toute connaissance de cause sur la ou les résolutions présentées à leur approbation.

Cette information doit faire l'objet d'une communication intervenant quinze jours au moins avant la date de la consultation. ( ...)

Sont obligatoirement prises collectivement par les associés les décisions relatives à ( ...) la réduction du capital, ( ...) l'approbation des comptes annuels et l'affectation des résultats ( ...).

Les décisions extraordinaires sont seules à pouvoir modifier les statuts dans toutes leurs dispositions. Elles ne peuvent toutefois augmenter les engagements des associés.'

L'article 21 B des statuts, relatif aux règles de quorum des assemblées, prévoit que :

' Les décisions collectives qualifiées d'extraordinaires ne sont valablement prises, sur première consultation, que si les associés présents ou représentés possèdent au moins 60% des actions ayant le droit de vote, à l'exception de celles définies comme nécessitant l'unanimité.

Sur deuxième consultation aucun quorum n'est requis.'

Enfin l'article 21 E des statuts prévoit, en ce qui concerne les règles de majorité que :

' Sauf dispositions contraires de la loi ou des statuts, les décisions collectives sont adoptées :

- à 95% pour toutes décisions extraordinaires ayant pour effet de modifier les statuts,

- à l'unanimité pour certaines clauses : modification de la clause d'inaliénabilité temporaire des actions ( ...), toute décision y compris de transformation, ayant pour effet d'augmenter les engagement d'un ou plusieurs des associés ( ...).'

Les règles applicables aux assemblée générale de La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et aux décisions collectives des associés sont donc clairement définies dans les statuts, en conformité avec la loi, et ne prêtent pas à discussion ou interprétation.

* Sur la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 19 août 2014 et l'annulation rétroactive des résolutions adoptées

En ce qui concerne le non respect des règles de forme de convocation de cette assemblée générale, s'il est exact que les actionnaires ont été convoqués le 21 juillet 2014, soit plus de quinze jours avant la date de l'assemblée, en revanche il ressort de cette lettre de convocation versée aux débats par les intimés que seul l'ordre du jour était indiqué dans ce courrier accompagné des formules de pouvoirs. En revanche il n'est pas mentionné dans ce courrier qu'y sont joints un projet de résolution, et un rapport ou tout autre document et information permettant de se prononcer en connaissance de cause. Il est simplement mentionné dans ce courrier ' conformément à la réglementation l'inventaire est tenu à votre disposition au siège social'.

La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X qui prétendent que la convocation était accompagnée d'un projet de résolutions, d'un rapport et d'un formulaire de pouvoir ne justifie aucunement de cet envoi.

Il en résulte que l'information préalable prévue aux termes des statuts ne peut être considérée comme ayant été faite, surtout au vu de l'objet des résolutions particulièrement graves inscrites à l'ordre du jour. La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X ne peuvent donc prétendre que l'assemblée générale est régulière en la forme.

Par ailleurs il ressort du procès verbal de l' assemblée générale extraordinaire du 19 août 2014 que, outre que l'ordre du jour est partiellement différent de celui indiqué dans la lettre de convocation, celle ci a eu pour ordre du jour les points suivants:

- revalorisation à la baisse des parts sociales compte tenu des pertes

- établissement du planning des dates de sorties

- modification corrélatifs des statuts article 7 - capital social

- pouvoirs en vue des formalités.

En réalité, sous le terme ' revalorisation à la baisse des parts sociales compte tenu des pertes', a été voté une réduction du capital motivée par les pertes par voie de réduction de 40% du montant nominal des actions ( diminution du capital social de 1.151.500€ à 690.000€), et sous l'intitulé ' établissement du planning des dates de sorties' a été voté une modification et prolongation de la clause d'inaliénabilité temporaire des actions, d'une durée initiale de 5 ans, jusqu'au 31 décembre 2016.

Conformément aux statuts, il fallait donc :

- pour la résolution portant sur la revalorisation des parts un quorum de 60% des actions et un vote à la majorité de 95%; le nombre d'actions étant de 11.515, il fallait donc que les associés présents ou représentés détiennent plus de 6 909 actions,

- pour la résolution portant sur la modification de la clause d'inaliénabilité temporaire des actions il fallait que tous les associés soient présents ou représentés et un vote à l'unanimité.

Or il ressort de la lecture de la feuille de présence de cette assemblée générale que le total des actions des associés présents ou représentés s'élève à 6 157.

Il en résulte que les règles de quorum régissant la validité de cette assemblée générale n'ont pas été respectées. Par ailleurs le fait que les résolutions aient été prises à l'unanimité des présents ou représentés est indifférent, les résolutions devaient être adoptées à 95 % de la totalité des actionnaires pour l'une et à l'unanimité pour l'autre.

Enfin La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X, qui ne contestent finalement pas le non respect de ces règles, ne peuvent prétendre comme ils le font dans leurs conclusions que cette assemblée générale aurait fait l'objet d'une régularisation lors de celle tenue ' en janvier 2015" ( ce qui semble être une coquille, aucune assemblée générale ne s'étant tenu à cette date) ou plutôt en décembre 2015. Outre que la seconde assemblée générale n'avait pas le même ordre du jour, aucune régularisation n'est possible, s'agissant d'une violation des statuts.

En application de l'article L.227-9 du code de commerce susvisé, l'annulation de l'assemblée générale extraordinaire du 19 août 2014, sera confirmée.

* Sur la nullité de l'assemblée générale mixte du 23 décembre 2015 et l'annulation rétroactive des résolutions adoptées

Les intimés demandent l'annulation de l'assemblée générale mixte qui s'est tenue le 23 décembre 2015.

La lettre de convocation du 3 décembre 2015 mentionne qu'il s'agit d'une assemblée générale mixte 'ordinaire annuelle sur les comptes au 30/09/2014 + Extraordinaire' dont l'ordre du jour est le suivant :

- approbation des comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2014

- actualisation des associés ( sortie/entrée).

En ce qui concerne les conditions de forme conditionnant la régularité de l'assemblée générale, diverses irrégularités peuvent être relevées.

Il ressort en effet de cette lettre de convocation que, contrairement aux affirmations des appelants, le rapport de gestion pour l'exercice du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014, établi par le Président Monsieur X le 01/10/2015, rapport très laconique qui ne contient aucune information réelle au sens de l'article L. 232-1 du code de commerce, n'est pas mentionné comme étant joint à cette convocation. En effet ne sont joints que le projet de résolutions, et un formulaire de pouvoir. En réalité ce prétendu rapport n'a été adressé aux actionnaires qu'avec la notification du procès verbal de l'assemblée générale ainsi qu'il ressort des pièces produites.

Par ailleurs comme le soulèvent les intimés, ce formulaire de pouvoir ne donne possibilité de donner pouvoir que pour approuver les résolutions, mais pas pour les refuser.

Enfin il ressort de la lecture du projet de résolution, que celui ci ne permettait pas aux associés de se prononcer sur l'affectation du résultat de l'exercice clos le 30 septembre 2014, ni sur les modifications statutaires entraînées par l'actualisation des associés, modifications qui relèvent de la compétence exclusive de ceux ci.

Sur le fond, plusieurs irrégularités entachent également la délibération de l'assemblée générale du 23 décembre 2015.

Tout d'abord le procès verbal de cette assemblée générale ( qui s'est tenue un lundi 23 décembre à 8h30 ) mentionne que les associés présents ou représentés possèdent 3 623 actions, ce qui est inférieur au quorum de 40% ( 4 606 actions) nécessaire pour l'adoption de décisions ordinaires ( approbation des comptes de gestion annuel) conformément à l'article 21 B des statuts, et encore plus au quorum de 60% pour les autres décisions. Il ne pouvait donc être retenu comme l'a fait Monsieur X , Président, que le quorum était atteint, au motif que les associés présents ou représentés possédaient plus du cinquième des actions ayant un droit de vote.

Enfin il convient de constater que sous l'intitulé ' actualisation des associés', La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 a en réalité entendu faire régulariser par l'assemblée générale non seulement des opérations de rachats par la société FFF 5 de ses propres actions, mais aussi une acquisition réalisée à titre personnel par Monsieur X en violation de la clause d'inaliénabilité qu'il avait fait proroger et qu'il opposait à certains actionnaires, notamment les intimés, qui avaient pourtant fait part de leur volonté de faire racheter leurs actions.

Au vu de ces divers irrégularités, la nullité de l'assemblée générale du 23 décembre 2015 doit également être confirmée.

* Sur la demande de dommages intérêts de Messieurs Y, G Z, B D et X E

Messieurs Y, G Z, B D et X E, actionnaires de La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5, sollicitent la mise en cause de la responsabilité personnelle de Monsieur X sur le fondement de l'article L.225-252 du code de commerce et l'octroi de dommages intérêts.

L'article L.225-251 du code de commerce dispose que les dirigeants d'une société sont responsables envers la société ou envers les tiers soit des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. Par ailleurs il résulte de la combinaison des articles L.225-252 et L.227-8 du code de commerce que les actionnaires d'une société anonyme par action peuvent, sur le même fondement, exercer une action en réparation du préjudice personnellement subi du fait des agissements du dirigeant d'une société. Une telle action, qui permet de réparer un préjudice distinct de celui subi par la société, suppose la démonstration d'une faute du dirigeant, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Enfin l'actionnaire n'a pas à démontrer l'existence d'une faute séparable des fonctions du dirigeant concerné.

En l'espèce si les mauvais résultats de la société dus à la gestion du dirigeant ne peuvent être constitutifs d'une faute de gestion au sens de l'article précité, en revanche la violation manifeste et réitérée des statuts au cours des deux assemblées générales susvisées, et l'adoption de résolutions en violation des dits statuts, conduisant à une diminution de 40% de la valeur des actions des actionnaires, et à l'allongement de la clause d'inaliénabilité sans l'accord de ces derniers en violation de leurs droits, sont constitutives de fautes de la part du président, d'autant plus qu'il était informé entre les deux assemblées des contestations de certains actionnaires. Cette faute cause à ces derniers un préjudice distinct de celui de la société et qui leur est personnel.

Ces fautes ont causé un préjudice moral aux actionnaires, préjudice justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 3 000€ à titre de dommages intérêts à chacun des intimés.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

* Sur la demande de dommages intérêts de La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X

Outre que la demande de dommages intérêts n'est nullement explicitée par les appelants, ceux ci ayant succombé en leurs prétentions et étant condamnés par le présent arrêt, cette demande de dommages intérêts est rejetée comme étant infondée.

* Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens

La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X qui succombent sont condamnés in solidum aux dépens d'appel, la condamnation de première instance étant confirmée.

La condamnation prononcée en première instance au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile est confirmée.

Par ailleurs La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X sont condamnés in solidum à payer à Messieurs Y, G Z, B D et X E la somme de 1 000€ à chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Cannes du 21 septembre 2017;

Y ajoutant

Condamne in solidum La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X à payer à Messieurs Y, G Z, B D et X E la somme de 1 000€ chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample et contraire des parties ;

Condamne in solidum La Société FEDERATION FONCIERE FINANCIERE 5 et Monsieur X aux dépens d'appel.