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Décisions

Cass. 3e civ., 1 février 2012, n° 11-10.271

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

SCP Boullez, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Reims, du 8 nov. 2010

8 novembre 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 novembre 2010), que par acte du 11 octobre 1985, la SCI La Gauloise en Champagne (la SCI), aux droits de laquelle vient la société GMD, a donné à bail aux consorts X..., aux droits desquels vient la société Le Gaulois, des locaux à usage commercial ; que le bail a été renouvelé à compter du 1er octobre 1994 ; que par acte du 1er octobre 2002, la SCI a notifié une demande en révision du prix du bail, en raison d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ; que le 30 septembre 2003, la preneuse a sollicité le renouvellement du bail venu à expiration le jour même; qu'après avoir notifié un mémoire en révision le 30 septembre 2004, la bailleresse a assigné le 29 septembre 2006 en fixation du loyer révisé à compter du 1er octobre 2002 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Le Gaulois fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en révision du loyer exercée par la société GMD, alors, selon le moyen, qu'en l'absence d'action en fixation du prix du bail renouvelé dans le délai de la prescription biennale, le bail est renouvelé aux clauses et conditions, notamment de prix, du bail expiré ; qu'il s'ensuit que la prescription de l'action en fixation du loyer du bail renouvelé s'oppose à l'exercice par le bailleur d'une action en révision du loyer expiré ; qu'il ressort des constatations auxquelles les juges du fond ont procédé que le bailleur avait donné son accord sur le principe du renouvellement du bail, par acte du 21 novembre 2003, sans agir en fixation du loyer du bail renouvelé dans le délai de deux ans qui lui était ouvert à compter de cette acceptation ; qu'en décidant cependant que la société GMD était recevable à agir en révision du loyer du bail expiré par acte du 29 septembre 2006, après avoir notifié son mémoire, le 30 septembre 2004, moins de deux ans après avoir formé une demande en révision, par acte du 1er octobre 2002, bien que l'action en fixation du loyer du bail renouvelé soit atteinte par la prescription, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 145-10, L. 145-11, L. 145-38 et L. 145-60 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la demande de révision portait sur le bail renouvelé à compter du 1er octobre 1994 dont le prix n'avait fait pas l'objet d'une révision depuis cette date de sorte que la demande répondait aux exigences de l'article L. 145-38 du code de commerce, la cour d'appel, qui a à bon droit retenu que le renouvellement du bail au 1er octobre 2003 n'avait pas d'incidence sur l'action en révision triennale survenue en cours du bail précédant celui à renouveler, le défaut de saisine du juge des loyers commerciaux dans les deux ans du point de départ du bail renouvelé ayant pour seul effet de faire courir le prix de l'ancien bail, prix en cours de fixation judiciaire dont le montant maintenu au 1er octobre 2003 serait celui arrêté par le juge au 1er octobre 2002, en a justement déduit que l'action en révision n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le prix du bail révisé au 1er octobre 2002 doit être fixé à la valeur locative en application de l'article L. 145-33 du code de commerce et ordonner, avant dire droit sur la valeur locative, une expertise, l'arrêt retient que la période de référence à prendre en compte pour apprécier une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité est celle comprise entre le point de départ du bail renouvelé, soit le 1er octobre 1994, et la demande de révision, soit le 1er octobre 2002, qu'il ressort des productions que les locaux sont particulièrement adaptés à la destination des lieux de café restaurant, qu'ils sont situés dans un quartier piétonnier dans un secteur très fréquenté au coeur du centre-ville de Reims, que la fréquentation de deux des quatre parkings du centre-ville a augmenté de 68 % entre 1994 et 2001, que la population du centre ville a augmenté entre 1990 et 1999, les îlots IK, IL et IM ayant cru respectivement de 29,80 %, 31 % et 10,10 %, que la piétonisation de la place Drouet d'Erlon, achevée le 28 mai 1994 a produit ses effets au cours de la période de référence qui a commencé à courir quatre mois plus tard et que la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité au cours des huit années de la période de référence caractérisée par l'accroissement de la population de l'hyper-centre, l'augmentation de la fréquentation du quartier et l'amélioration de son environnement a bénéficié directement au commerce litigieux en raison de la nature de l'activité exercée dans les locaux loués et a entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative ;

Qu'en statuant ainsi, sans dire en quoi les éléments qu'elle relevait entraînaient une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte sus-visé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le prix du bail révisé au 1er octobre 2002 devait être fixé à la valeur locative en application de l'article L. 145-33 du code de commerce et ordonné, avant dire droit sur la valeur locative, une expertise, l'arrêt rendu le 8 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims autrement composée.