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Décisions

TUE, 2e ch., 13 novembre 2012, n° T-83/11

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

TUE n° T-83/11

13 novembre 2012

1 La requérante, Antrax It Srl, est titulaire de huit dessins ou modèles communautaires no 000593959-0001 à no 000593959-0008, déposés le 25 septembre 2006 à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et publiés au Bulletin des dessins et modèles communautaires les 21 novembre 2006 et 20 avril 2009.

2 Tous ces dessins ou modèles représentent, selon les termes mêmes des demandes de dessins et modèles déposées par la requérante devant l’OHMI, des modèles de thermosiphons (« modelli di termosifoni ») destinés à être appliqués à des « radiateurs de chauffage » relevant de la classe 23.03 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié.

3 Parmi eux, seuls les dessins ou modèles nos 000593959-0001 et 000593959-0002 (ci-après les « dessins ou modèles contestés ») font l’objet des présentes affaires.

4 Les dessins ou modèles contestés sont représentés comme suit :

5 Le 16 avril 2008, l’intervenante, The Heating Company (THC), a présenté devant l’OHMI des demandes en nullité des dessins ou modèles contestés, qui ont été enregistrées sous les références ICD000005312 et ICD000005320. Ces demandes en nullité étaient fondées sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), disposition qui renvoie aux conditions fixées aux articles 4 à 9 du même règlement.

6 À l’appui de ses demandes en nullité, l’intervenante a invoqué, à l’encontre des dessins ou modèles contestés, portant respectivement les numéros 000593959-0002 et 000593959-0001, les modèles allemands portant respectivement les numéros 4 et 5 (ci-après les « dessins ou modèles antérieurs ») compris dans l’enregistrement multiple no 40110481.8, publié le 10 septembre 2002 et étendu à la France, à l’Italie et au Benelux en tant que dessin ou modèle international portant la référence DM/060899.

7 Par décisions du 30 septembre 2009, la division d’annulation a déclaré la nullité des dessins ou modèles contestés, pour absence de nouveauté au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002.

8 Ces décisions ont fait l’objet de recours de la requérante formés le 27 novembre 2009.

9 Par décisions du 2 novembre 2010 (ci-après les « décisions attaquées »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a annulé les décisions de la division d’annulation, compte tenu d’un défaut de motivation adéquate au regard de la cause de nullité tenant à l’absence de nouveauté, et a déclaré nuls les dessins ou modèles contestés au motif de l’absence de caractère individuel.

11 En particulier, la chambre de recours, après avoir constaté que les décisions de la division d’annulation contestées devant elle étaient dépourvues de motivation adéquate au regard de la cause de nullité tenant à l’absence de nouveauté (article 5 du règlement no 6/2002) et devaient, donc, être annulées, a procédé à un nouvel examen de cette cause de nullité et l’a écartée, au motif que les différences entre les dessins ou modèles contestés et les dessins ou modèles antérieurs (ci-après, pris ensemble, les « dessins ou modèles en cause ») n’étaient pas « extérieures » aux projets, comme le seraient un code de produit ou une marque de qualité, mais concernaient ces projets et ne pouvaient, de ce point de vue, pas être fondues dans le concept de « détails insignifiants » au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

12 La chambre de recours a, ensuite, examiné le motif de nullité tenant à l’absence de caractère individuel [article 25, paragraphe 1, sous b), et article 6 du règlement no 6/2002].

13 Dans ce cadre, la chambre de recours a défini l’utilisateur averti, au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, comme celui qui achète des radiateurs de chauffage pour les installer dans son habitation et qui a eu la possibilité de voir et de comparer des dessins ou modèles de radiateurs, en consultant des revues de design ou d’aménagement, en visitant des magasins spécialisés et en naviguant sur l’internet (point 39 des décisions attaquées).

14 Puis, la chambre de recours a indiqué que « les [dessins ou modèles en cause] représent[aient] des radiateurs constitués de deux collecteurs horizontaux à section circulaire, unis sur la partie antérieure [pour les dessins ou modèles no 000593959-0002 et no 4 – respectivement sur la partie antérieure et sur la partie postérieure pour les dessins ou modèles no 000593959-0001 et no 5 –] par une suite d’éléments verticaux (tubes radiants), de section rectangulaire, avec un léger espacement entre eux » (point 40 des décisions attaquées).

15 La chambre de recours a poursuivi en procédant aux appréciations suivantes :

« 41. Les [dessins ou modèles en cause] recourent à des composants ayant la même forme. Les tubes verticaux sont rectangulaires, les collecteurs sont cylindriques. La saillie latérale des collecteurs est aussi identique.

42. L’aspect général des deux radiateurs doit être considéré comme similaire, ou n’étant pas de nature à produire chez l’utilisateur averti une impression globale significativement différente, soit que l’on observe le radiateur de face, latéralement ou selon des angles intermédiaires, comme cela se produit le plus souvent lors d’une utilisation normale. »

16 La chambre de recours a, ensuite, considéré que les différences soulignées par la requérante entre les dessins ou modèles en cause concernant, premièrement, le rapport entre la dimension frontale (ci-après la « largeur ») et la dimension latérale (ci-après la « profondeur ») des tubes, deuxièmement, le rapport entre la largeur des tubes et l’espace entre deux tubes et, troisièmement, le rapport entre le diamètre du collecteur et la profondeur des tubes ne pouvaient pas être niées, mais n’étaient pas suffisantes, même envisagées toutes à la fois, pour modifier, aux yeux de l’utilisateur averti, l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause (points 43 à 47 des décisions attaquées).

17 S’agissant de l’argument selon lequel il conviendrait de tenir compte d’un degré limité de liberté du créateur en l’espèce, la chambre de recours l’a écarté en relevant que, pour les tubes de radiateurs en particulier, diverses configurations en matière de section pouvaient être imaginées (point 48 des décisions attaquées).

18 La chambre de recours a conclu que les dessins ou modèles contestés devaient donc être déclarés nuls pour absence de caractère individuel.

 Conclusions des parties

19 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler les décisions attaquées en ce qu’elles ont déclaré nuls les dessins ou modèles contestés au motif qu’ils sont dépourvus de caractère individuel et déclarer, par conséquent, la validité desdits dessins ou modèles ;

– annuler les décisions attaquées en ce qu’elles l’ont condamnée au paiement des dépens exposés par l’intervenante dans le cadre des procédures devant l’OHMI ;

– condamner l’OHMI et l’intervenante à lui rembourser l’ensemble des dépens exposés dans le cadre des présentes procédures, et toute autre somme due en vertu de la loi ;

– condamner l’intervenante à lui rembourser l’ensemble des dépens exposés dans le cadre des procédures devant l’OHMI, et toute autre somme due en vertu de la loi.

20 L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter les recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

21 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter les recours ;

– condamner la requérante aux dépens de la présente procédure ;

– condamner la requérante aux dépens exposés devant l’OHMI.

22 Par lettres des 13 avril et 27 mai 2011, l’OHMI, conformément à l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a transmis au Tribunal les dossiers des procédures devant la troisième chambre de recours, comportant les dossiers des procédures devant la division d’annulation.

23 Par décision du 29 février 2012, le président de la deuxième chambre du Tribunal, les parties entendues, a ordonné, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure, la jonction des présentes affaires aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

 En droit

24 La requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 6 du règlement no 6/2002.

 Sur la recevabilité des pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal

25 L’OHMI conteste la recevabilité devant le Tribunal des pièces produites aux annexes A 3 et A 4 des requêtes, dans la mesure où ces pièces n’ont été produites à aucun stade de la procédure devant l’OHMI.

26 La requérante répond que ces pièces ne sont pas des éléments de preuve nouveaux qui modifieraient le cadre du litige, mais seulement des représentations tridimensionnelles des dessins ou modèles en cause, réalisées à la seule fin de rendre plus aisée la visualisation des différences fondamentales qui caractériseraient ces dessins ou modèles et susciteraient, chez l’utilisateur averti, une impression générale différente. Une chose serait d’apporter dans le cadre de la procédure devant le Tribunal des preuves qui introduiraient de nouvelles circonstances ou qui serviraient de fondement à des thèses nouvelles et différentes par rapport à celles développées devant la chambre de recours. Une autre chose serait d’annexer des documents qui tendraient à confirmer les arguments déjà exposés et à démontrer tant le caractère erroné que l’absence de fondement de la thèse que l’OHMI a faite sienne dans les décisions attaquées.

27 Il convient de relever que, quoi qu’en dise la requérante, les pièces produites aux annexes A 3 et A 4 des requêtes constituent bien des éléments de preuve nouveaux, dont la chambre de recours ne disposait pas.

28 Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 61 du règlement no 6/2002, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probatoire [arrêt du Tribunal du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T9/07, Rec. p. II981, point 24 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C29/05 P, Rec. p. I2213, point 54, et du Tribunal du 23 mai 2007, Henkel/OHMI – SERCA (COR), T342/05, non publié au Recueil, point 31].

29 La même conclusion s’impose, comme l’ont fait valoir l’OHMI et l’intervenante lors de l’audience, à l’égard des pièces annexées aux observations de la requérante du 29 mai 2012 et produites, pour la première fois, au soutien de sa thèse selon laquelle une saturation de l’état de l’art aurait existé.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 6 du règlement no 6/2002

30 Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs dans son appréciation du caractère individuel des dessins ou modèles contestés. Les différences entre les dessins ou modèles en cause seraient telles que les impressions globales produites sur l’utilisateur averti seraient différentes et que les dessins ou modèles contestés ne seraient, donc, pas dépourvus de caractère individuel.

31 L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

32 En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

33 Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

34 L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise que, pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

35 L’article 63 du règlement no 6/2002 dispose que, « [a]u cours de la procédure, l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits[ ; t]outefois, dans une action en nullité, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties [...] ».

36 En premier lieu, s’agissant de la définition de l’utilisateur averti, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’« utilisateur averti » au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002 ne vise ni un fabricant ni un vendeur du produit dans lequel le dessin ou modèle concerné est destiné à être incorporé ou auquel il est destiné à être appliqué. L’utilisateur averti est une personne dotée d’une vigilance particulière et qui dispose d’une certaine connaissance de l’état de l’art antérieur, c’est-à-dire du patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit en cause qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle concerné (arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, point 28 supra, point 62).

37 Par ailleurs, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce produit est destiné [arrêt du Tribunal du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T153/08, Rec. p. II2517, point 46].

38 Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (arrêt Équipement de communication, point 37 supra, point 47).

39 Toutefois, cette circonstance n’implique pas que l’utilisateur averti soit en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier de ceux qui sont arbitraires (arrêt Équipement de communication, point 37 supra, point 48).

40 Dans son arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic (C281/10 P, Rec. p. I10153, point 53), la Cour a indiqué que la notion d’utilisateur averti devait être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré.

41 En l’espèce, la chambre de recours a défini l’utilisateur averti comme celui qui achète des radiateurs de chauffage pour les installer dans son habitation. La chambre de recours a ajouté que celui-ci devait être « averti » en ce sens qu’il doit avoir eu la possibilité de voir et de comparer des dessins ou modèles de radiateurs, en consultant des revues de design et d’aménagement, en visitant des magasins spécialisés et en naviguant sur l’internet. En d’autres termes, selon la chambre de recours, cette personne, sans être un expert en dessin industriel (comme le serait un architecte ou un décorateur d’intérieur), est au courant de ce qu’offre le marché, des tendances de la mode et des caractéristiques de base du produit (point 39 des décisions attaquées).

42 Il convient de relever que cette définition, à laquelle au demeurant la requérante souscrit, est correcte.

43 En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 dispose qu’il convient de tenir compte, dans cette appréciation, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de ce dessin ou modèle.

44 Le degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit auquel le dessin ou modèle est appliqué. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné [arrêts du Tribunal Représentation d’un support promotionnel circulaire, point 28 supra, point 67, et du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda GikenKogyo (Moteur à combustion interne), T11/08, non publié au Recueil, point 32].

45 Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles comparés ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (arrêt Moteur à combustion interne, point 44 supra, point 33).

46 Au point 48 des décisions attaquées, la chambre de recours a considéré que l’argument de la requérante selon lequel la marge de liberté du créateur était réduite en l’espèce n’était pas convaincant. La chambre de recours a relevé, en particulier pour les tubes, que diverses configurations en matière de section pouvaient être imaginées, comme le montreraient les autres dessins ou modèles composant les enregistrements no 000593959-0003 à 000593959-0008 de la requérante.

47 Il convient de constater que la position de la chambre de recours est correcte.

48 En effet, pour ce qui est du dessin des tubes, il n’est ni établi ni même allégué que la liberté du créateur subirait des limitations particulières. Bien au contraire, il apparaît que le créateur peut choisir, pour la section des tubes, parmi une grande variété de formes différentes, dont les dessins ou modèles de la requérante no 000593959-0003 à 000593959-0008 fournissent, d’ailleurs, une illustration.

49 S’agissant du dessin des collecteurs, la requérante n’établit nullement l’existence d’impératifs techniques ou légaux limitant le degré de liberté du créateur. Ainsi, l’affirmation de la requérante selon laquelle « ce [ne serait] pas un hasard si le diamètre des collecteurs des radiateurs réellement produits par [l’intervenante], [la requérante] et la grande majorité des producteurs de radiateurs est constant et de dimension égale à 34 ou 35 mm » non seulement ne constitue en rien la preuve de l’existence de contraintes techniques ou réglementaires qui imposeraient ce diamètre aux producteurs de radiateurs, mais, bien au contraire, exprime explicitement que le recours à d’autres diamètres de collecteurs – indépendamment même du recours à d’autres formes de section que la forme cylindrique – était non seulement possible, mais encore pratiqué.

50 Ces considérations sont d’ailleurs corroborées par la réponse de la requérante, dans la réplique, à la remarque de l’OHMI et de l’intervenante sur l’absence de preuve de contraintes techniques ou légales en la matière. En effet, pour toute réponse à cette remarque, la requérante indique que « aux fins de la présente instance, à tout le moins, les produits de l’intervenante et de la requérante présentent le même diamètre de collecteur et [que] cela constitue, assurément, un réel critère de référence dans l’analyse comparative des deux modèles de radiateurs ». Toutefois, force est de constater que la circonstance éventuelle que les radiateurs concrètement produits par les parties selon les dessins ou modèles en cause comporteraient des collecteurs de même diamètre ne retire rien au fait que n’est nullement établie une quelconque limitation technique ou réglementaire de la liberté du créateur en ce qui concerne les collecteurs.

51 S’agissant, enfin, des détails de l’agencement entre les tubes et les collecteurs, l’existence de contraintes réglementaires ou techniques n’est pas établie.

52 Il résulte des considérations qui précèdent que, comme le relève l’OHMI, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, en substance, au point 48 des décisions attaquées, que le degré de liberté du créateur n’était pas restreint.

53 En troisième lieu, il convient d’examiner l’appréciation par la chambre de recours, critiquée par la requérante, du caractère individuel des dessins ou modèles contestés.

54 La requérante fait valoir que la chambre de recours s’est trompée lorsqu’elle a affirmé que, dans les dessins ou modèles en cause, « la saillie latérale des collecteurs était aussi identique » (point 41 des décisions attaquées). En fait, les dessins ou modèles contestés présenteraient, en ce qui concerne les collecteurs, des lignes discontinues, puisqu’ils n’auraient pas une longueur prédéfinie, tandis qu’ils ne seraient, en tout état de cause, pourvus d’aucune saillie latérale, à la différence des dessins ou modèles antérieurs. Par conséquent, le fait que, contrairement aux dessins ou modèles antérieurs, les collecteurs des dessins ou modèles contestés ne soient pas pourvus de saillies latérales constituerait une première différence substantielle entre les dessins ou modèles en cause, dont la chambre de recours n’aurait, à tort, pas tenu compte.

55 Il convient, d’emblée, de constater que, comme l’OHMI l’admet d’ailleurs devant le Tribunal, les dessins ou modèles contestés ne comportent aucune revendication en ce qui concerne les extrémités des collecteurs et, notamment, une éventuelle saillie que ces collecteurs formeraient par rapport au dernier tube. Cette absence de revendication se déduit des lignes brisées qui terminent, dans les vues des dessins ou modèles contestés, les dessins des collecteurs.

56 Cette constatation sur l’absence de revendication s’agissant des extrémités des collecteurs est, d’ailleurs, cohérente avec le fait que les dessins ou modèles contestés sont, ainsi que cela ressort expressément des demandes d’enregistrement déposées par la requérante, non pas des dessins ou modèles de « radiateurs de chauffage », mais, plus limitativement, des dessins ou modèles de « thermosiphons » (modelli di thermosifoni) destinés à être appliqués à des radiateurs de chauffage.

57 À cet égard, il convient de relever que la référence aux « radiateurs de chauffage » (radiatori per riscaldamento), opérée d’office par l’OHMI dans les enregistrements tels que publiés au Bulletin des dessins et modèles communautaires, résulte d’une initiative purement administrative de l’OHMI, visant à classer ces enregistrements selon la terminologie non obligatoire de la classification instituée par l’arrangement de Locarno (point 2 ci-dessus). Cette initiative ne se substituait à, ni n’invalidait, la description des dessins ou modèles contestés – modèles de thermosiphons – indiquée dans les demandes d’enregistrement [voir, à cet égard, l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002, et l’article 3 du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO L 341, p. 28)].

58 Il résulte des considérations qui précèdent que toutes les références opérées en l’espèce aux saillies des collecteurs des dessins ou modèles en cause, que ce soit pour considérer qu’elles sont identiques, ou qu’elles pourraient l’être, ou, à l’inverse, pour prétendre qu’elles sont différentes, excèdent le cadre de la protection revendiquée par les dessins ou modèles contestés et sont, donc, dépourvues de pertinence.

59 Partant, c’est à tort que la chambre de recours, au point 41 des décisions attaquées, a considéré que « la saillie latérale des collecteurs [des dessins ou modèles en cause était] identique ».

60 Quoi qu’en dise l’OHMI, cette considération de la chambre de recours constitue bien l’une de celles qui, au point 41 des décisions attaquées, fondent l’affirmation de la chambre de recours au point 42 de ces décisions selon laquelle « [l]’aspect général des [dessins ou modèles en cause] doit être considéré comme similaire, ou n’étant pas de nature à produire chez l’utilisateur averti une impression globale significativement différente ».

61 Pour autant, cette appréciation erronée de la chambre de recours ne saurait impliquer l’annulation des décisions attaquées s’il s’avérait que les autres considérations opérées par la chambre de recours dans ces décisions, relatives aux formes, à l’agencement et aux rapports de proportion des tubes et des collecteurs, permettaient de fonder, à suffisance de droit, la conclusion que les dessins ou modèles contestés n’avaient pas de caractère individuel.

62 Pour ce qui est de ces autres considérations, tout d’abord, la chambre de recours a relevé que les dessins ou modèles en cause avaient en commun de représenter deux collecteurs horizontaux de section circulaire, unis sur la partie antérieure (pour les modèles no 000593959-0002 et no 4) et également sur la partie postérieure (pour les modèles no 000593959-0001 et no 5) par une suite d’éléments verticaux (tubes radiants), de section rectangulaire, avec un léger espacement entre les tubes (point 40 des décisions attaquées).

63 La chambre de recours a constaté que les dessins ou modèles en cause recouraient à des composants ayant la même forme. Elle a fait référence au fait que les tubes verticaux étaient rectangulaires et les collecteurs cylindriques (point 41 des décisions attaquées).

64 Ensuite, la chambre de recours a considéré que les différences, soulignées devant elle par la requérante, de proportions entre les dessins ou modèles en cause, concernant, premièrement, le rapport entre la largeur et la profondeur des tubes, deuxièmement, le rapport entre la largeur des tubes et l’espace entre deux tubes et, troisièmement, le rapport entre le diamètre du collecteur et la profondeur des tubes ne pouvaient, certes, pas être niées, mais n’étaient, pour autant, pas suffisantes, quand bien même elles seraient envisagées toutes à la fois, pour modifier, aux yeux de l’utilisateur averti, l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause (points 43 à 47 des décisions attaquées).

65 À l’encontre de ces considérations, la requérante réitère, en substance, son argumentation déjà développée devant l’OHMI et fondée sur les différences de proportion entre les dessins ou modèles en cause, qu’elle considère comme suffisamment importantes pour induire sur l’utilisateur averti des impressions globales significativement différentes. La requérante compare, ainsi, pour les dessins ou modèles en cause, les ratios profondeur/largeur des tubes (2,2/1 pour les dessins ou modèles antérieurs contre 1,7/1 pour les dessins ou modèles contestés) et le ratio espace entre deux tubes/largeur des tubes (1/1 pour les dessins ou modèles antérieurs contre 0,6/1 pour les dessins ou modèles contestés).

66 Selon la requérante, il est indéniable que les dessins ou modèles antérieurs sont beaucoup plus profonds que les dessins ou modèles contestés et que les tubes des dessins ou modèles antérieurs sont beaucoup plus espacés que ceux des dessins ou modèles contestés. Il en résulterait une différence claire et significative en termes d’impression globale suscitée chez l’utilisateur averti.

67 À titre préliminaire, il convient de relever que la protection demandée porte sur des dessins ou modèles, indépendamment des dimensions concrètes des produits auxquels ces dessins ou modèles sont destinés à être appliqués et que, au surplus, aucune preuve n’a été rapportée par la requérante d’une quelconque contrainte réglementaire ou technique qui imposerait un diamètre égal pour les collecteurs de radiateurs de chauffage (voir, à cet égard, les points 49 et 50 ci-dessus).

68 Il convient d’ajouter, à cet égard, que la circonstance qu’il soit parfaitement loisible à la requérante de produire, dans les annexes A 2 des requêtes, des vues des dessins ou modèles en cause reproduites à des échelles permettant d’égaliser les diamètres apparents des collecteurs, ne retire rien au fait qu’il n’est nullement établi que ces collecteurs devraient, du fait de contraintes techniques ou réglementaires, être concrètement fabriqués dans un diamètre égal.

69 Par suite, toutes les affirmations de la requérante selon lesquelles les dessins ou modèles antérieurs sont « plus profonds » que les dessins ou modèles contestés, ou selon lesquelles les tubes des dessins ou modèles antérieurs sont « plus espacés » que ceux des dessins ou modèles contestés, ou encore selon lesquelles, par mètre linéaire de thermosiphon, les radiateurs susceptibles d’être réalisés selon les dessins ou modèles contestés comportent « 44 tubes » et ceux réalisés selon les dessins ou modèles antérieurs « 24 tubes manifestement plus larges et plus espacés », sont dépourvues de toute pertinence, puisqu’elles constituent des comparaisons opérées en dimensions concrètes calculées selon la prémisse, non établie, que les collecteurs représentés sur les dessins ou modèles en cause seraient nécessairement d’un diamètre égal.

70 Pour les mêmes raisons, c’est à tort que la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas adéquatement apprécié les dimensions des dessins ou modèles en cause faute d’avoir comparé ces dessins ou modèles sur la base d’une mise à la même dimension des collecteurs représentés sur ces dessins ou modèles.

71 En définitive, seules sont pertinentes en l’espèce, aux fins de la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause, et au-delà des autres considérations pertinentes relatives aux choix de formes et d’agencement des tubes et des collecteurs, les considérations relatives aux différences dans les rapports de proportions internes de ces différents dessins ou modèles.

72 Sous le bénéfice de ces observations préliminaires, il convient de relever qu’il est effectivement exact, comme d’ailleurs la chambre de recours le constate elle-même, que certaines différences existent entre les dessins ou modèles en cause, dans les rapports de proportions internes desdits dessins ou modèles.

73 Ainsi, la chambre de recours, reprenant les éléments avancés par la requérante devant l’OHMI, mentionne des différences dans les ratios profondeur/largeur des tubes (2/1 pour les dessins ou modèles antérieurs contre 1,7/1 pour les dessins ou modèles contestés) (point 44 des décisions attaquées), dans les ratios espace entre deux tubes/largeur des tubes (1/1 pour les dessins ou modèles antérieurs contre 0,6/1 pour les dessins ou modèles contestés) (point 45 des décisions attaquées) et dans les ratios diamètre du collecteur/profondeur des tubes (ratio inférieur à l’unité pour les dessins ou modèles antérieurs, et supérieur à l’unité pour les dessins ou modèles contestés) (point 46 des décisions attaquées).

74 La chambre de recours considère, en substance, que ces différences, qu’elles soient prises individuellement ou globalement, ne sont pas significatives au point de modifier l’impression globale que produisent les dessins ou modèles en cause (points 44 à 47 des décisions attaquées).

75 Dans ce contexte, la chambre de recours a poursuivi en réfutant la position de la requérante selon laquelle le degré de liberté du créateur aurait été limité (point 48 des décisions attaquées).

76 À ce stade de l’examen des appréciations de la chambre de recours, il convient de relever que, si cette dernière considération de la chambre de recours est correcte (voir les points 46 à 52 ci-dessus), il n’en reste pas moins qu’une autre question, pertinente pour l’appréciation du degré d’attention de l’utilisateur averti aux différences entre les dessins ou modèles en cause, était soulevée par la requérante dans la procédure devant l’OHMI.

77 En effet, il ressort des décisions attaquées elles-mêmes que la requérante a fait valoir, tant devant la division d’annulation (voir point 4, seconde phrase, des décisions attaquées) que devant la chambre de recours [voir point 11, sous c), deuxième phrase, des décisions attaquées], l’argument selon lequel le secteur des radiateurs à éléments et collecteurs aurait été saturé en termes de design, avec pour conséquence que les différences de proportions internes entre les dessins ou modèles en cause, loin de pouvoir être considérées comme non significatives en comparaison des points communs reliant lesdits dessins ou modèles, auraient été, au contraire, immédiatement perceptibles par un utilisateur averti et auraient, donc, suscité des impressions globales différentes.

78 Il ressort également des décisions attaquées que, devant la chambre de recours, la requérante a rappelé que ces arguments avaient été amplement illustrés pendant les procédures devant la division d’annulation, laquelle ne les aurait pas pris en considération, ne serait-ce que pour les réfuter [point 11, sous c), in fine, des décisions attaquées].

79 Or, force est de constater que la chambre de recours, bien qu’elle mentionne expressément ces arguments de la requérante relatifs à la saturation de l’état de l’art, ne fournit à son tour, dans les décisions attaquées, aucune motivation à leur sujet, fut-ce même pour les rejeter comme non prouvés.

80 En particulier et contrairement à ce que l’OHMI suggère dans son mémoire en réponse devant le Tribunal, le point 48 des décisions attaquées n’aborde pas cette question, mais uniquement celle de la limitation de la liberté du créateur par des contraintes techniques ou réglementaires, laquelle est une question différente.

81 En effet, la constatation que la liberté du créateur n’était pas limitée par des contraintes techniques ou réglementaires ne répondait nullement à la question de savoir si, de facto, aurait prévalu une situation de « saturation de l’état de l’art », du fait de l’existence d’autres dessins ou modèles de thermosiphons ou de radiateurs présentant les mêmes caractéristiques d’ensemble que les dessins ou modèles en cause, saturation de l’état de l’art qui pouvait être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences de proportions internes entre ces différents dessins ou modèles.

82 L’OHMI et l’intervenante, interrogés par le Tribunal au sujet de la motivation des décisions attaquées, s’agissant de l’allégation de la partie requérante relative à la saturation de l’état de l’art, ne contestent pas l’absence de motivation des décisions attaquées sur la question de la saturation de l’état de l’art. Bien au contraire, l’OHMI, dans ses observations du 29 mai 2012, admet en substance cette absence de motivation.

83 En même temps, l’OHMI affirme, dans ses observations du 29 mai 2012 puis lors de l’audience, premièrement, que la requérante aurait prétendu non pas qu’une saturation de l’état de l’art pouvait influer sur la perception du modèle par l’utilisateur averti, mais seulement qu’une marge réduite de liberté des créateurs pouvait découler d’une telle saturation et, deuxièmement, que cette dernière prétention serait erronée.

84 Subsidiairement, l’OHMI, soutenu par l’intervenante, fait valoir que la requérante n’aurait, de toute manière, pas prouvé la saturation de l’état de l’art et que l’OHMI ne serait pas tenu de répondre à des arguments sans intérêt ou dépourvus de pertinence. L’OHMI évoque également l’arrêt Équipement de communication, point 37 supra (point 58) en faisant valoir que le Tribunal aurait, dans cet arrêt, exclu la pertinence d’une saturation de l’état de l’art simplement liée à l’existence d’une tendance en matière de design, ou encore aurait confirmé le principe selon lequel l’existence d’une telle tendance est dénuée de pertinence dans l’appréciation du caractère individuel.

85 S’agissant de la première affirmation de l’OHMI avancée dans ses observations du 29 mai 2012 puis lors de l’audience, relative à ce qu’aurait ou non prétendu la requérante devant la division d’annulation et la chambre de recours, force est de constater que cette affirmation est directement démentie tant par les constatations opérées aux points 77 à 79 ci-dessus que par la référence, opérée par l’OHMI lui-même au point 15 de son mémoire en réponse, à l’argument de la requérante devant la chambre de recours tiré de la saturation de l’état de l’art. Il n’est donc pas sérieusement contestable que la requérante avait soutenu, devant l’OHMI, l’existence d’une saturation de l’état de l’art de nature à influer sur la perception des dessins ou modèles en cause par l’utilisateur averti, et que l’OHMI avait parfaitement identifié cet argument.

86 Par suite, la deuxième affirmation de l’OHMI, selon laquelle une marge réduite de liberté des créateurs ne saurait découler d’une saturation de l’état de l’art, apparaît dénuée de pertinence.

87 La seule question en cause est celle de savoir si la chambre de recours a examiné l’argument de la requérante selon lequel une saturation de l’état de l’art aurait prévalu qui aurait été de nature à influencer la perception des dessins et modèles en cause par l’utilisateur averti. Or, ainsi qu’il a déjà été constaté, la réponse à cette question de l’existence d’un examen par l’OHMI est négative.

88 Dans ses arguments avancés à titre subsidiaire, l’OHMI, soutenu par l’intervenante, fait valoir que la requérante n’aurait, de toute manière, pas prouvé devant lui la saturation de l’état de l’art et qu’il ne serait pas tenu de répondre à des arguments sans intérêt ou dépourvus de pertinence.

89 S’agissant, tout d’abord, de la référence au fait que l’OHMI n’est pas tenu de répondre à des arguments sans intérêt ou dépourvus de pertinence, il convient de considérer, comme déjà indiqué au point 81 ci-dessus, qu’une éventuelle saturation de l’état de l’art, découlant de l’existence alléguée d’autres dessins ou modèles de thermosiphons ou de radiateurs présentant les mêmes caractéristiques d’ensemble que les dessins ou modèles en cause, était pertinente, en ce qu’elle pouvait être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences de proportions internes entre ces différents dessins ou modèles.

90 Quant à l’argument selon lequel la requérante n’aurait pas prouvé devant l’OHMI la saturation de l’état de l’art, force est de constater que cette considération constitue, ainsi que l’objecte en substance la requérante, une tentative de motivation tardive des décisions attaquées, irrecevable devant le Tribunal. En effet, selon une jurisprudence constante, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union européenne (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C189/02 P, C202/02 P, C205/02 P à C208/02 P et C213/02 P, Rec. p. I5425, point 463 ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T228/02, Rec. p. II4665, point 139).

91 En outre et pour autant que cet argument de l’OHMI, selon lequel la saturation de l’état de l’art n’aurait pas été prouvée dans la procédure administrative, pourrait être perçu, tout comme les demandes et arguments avancés et les pièces nouvelles produites par la requérante dans ses observations du 29 mai 2012, comme une invitation faite au Tribunal d’examiner lui-même la question de l’existence de cette saturation et de ses effets sur la perception des dessins ou modèles en cause par l’utilisateur averti, il convient de le rejeter.

92 Il convient, en effet, de rappeler que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position et l’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C263/09 P, Rec. p. I5853, point 72).

93 Enfin, s’agissant de la référence opérée par l’OHMI à l’arrêt Équipement de communication (point 37 supra, point 58), il convient de relever que cette référence est dépourvue de pertinence.

94 En effet, dans l’affaire Équipement de communication, l’argument de la partie requérante était, en substance, que la liberté du créateur aurait été limitée, notamment, par le souci de se conformer à une tendance générale en matière de design (arrêt Équipement de communication, point 37 supra, point 52, in fine). Le Tribunal a rejeté cette prétention, en indiquant qu’une tendance générale en matière de design est pertinente, tout au plus, par rapport à la perception esthétique du dessin ou modèle concerné et peut, donc, éventuellement, exercer une influence sur le succès commercial du produit dans lequel ce dessin ou modèle est incorporé (arrêt Équipement de communication, point 37 supra, point 58).

95 Ce faisant, le Tribunal a seulement refusé qu’une tendance générale en matière de design puisse être considérée comme un facteur de limitation de la liberté du créateur, dès lors que c’est précisément cette liberté du créateur qui lui permet de découvrir de nouvelles formes, de nouvelles tendances, ou encore d’innover dans le cadre d’une tendance existante.

96 Le Tribunal n’a, en revanche, dans l’arrêt Équipement de communication (point 37 supra), nullement voulu énoncer qu’une situation de saturation de l’état de l’art devrait être considérée comme dénuée de pertinence pour l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle. Tout au plus a-t-il exclu de l’appréciation du caractère individuel toute considération relative à l’esthétique du dessin ou modèle examiné ou au succès commercial du produit dans lequel ce dessin ou modèle est incorporé (voir, en ce sens, arrêt Équipement de communication, point 37 supra, point 58, in fine).

97 Il résulte des considérations qui précèdent que, alors que les décisions attaquées mentionnent expressément l’argument de la requérante relative à une saturation de l’état de l’art et que cet argument était pertinent pour l’appréciation du caractère individuel des dessins ou modèles contestés, ces décisions ne comportent aucune motivation s’agissant de cette allégation.

98 Or, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation, laquelle a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C199/99 P, Rec. p. I11177, point 145, et Dansk Rørindustrie.a./Commission, point 90 supra, point 462), constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (voir arrêt du Tribunal du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T218/02, RecFP p. IA267 et II1221, point 57, et la jurisprudence citée).

99 Dans ce contexte, duquel il ressort que, au-delà des appréciations erronées évoquées aux points 59 à 61 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas motivé les décisions attaquées sur une question pourtant pertinente pour l’appréciation du caractère individuel des dessins et modèles contestés, il convient d’annuler les décisions attaquées en ce qu’elles ont déclaré les dessins et modèles contestés nuls, les présents recours étant rejetés pour le surplus.

 Sur les dépens

100 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

101 En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, la partie intervenante au soutien de l’OHMI supportera ses propres dépens.

102 En outre, la requérante a conclu à la condamnation de l’intervenante aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure administrative devant l’OHMI. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation. Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’intervenante, ayant succombé en ses conclusions, soit condamnée aux dépens de la procédure administrative devant l’OHMI ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par la requérante aux fins des procédures devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Les décisions de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 2 novembre 2010 (affaires R 1451/2009-3 et R 1452/2009-3) sont annulées en ce qu’elles ont déclaré nuls les dessins ou modèles nos 000593959-0001 et 000593959-0002.

2) Les recours sont rejetés pour le surplus.

3) L’OHMI supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Antrax It Srl dans la procédure devant le Tribunal.

4) The Heating Company (THC) supportera, outre ses propres dépens devant le Tribunal, ceux exposés par Antrax It dans les procédures devant la chambre de recours.