CA Versailles, 12e ch., 27 avril 1989, n° 1500-88
VERSAILLES
Arrêt
Monsieur et Madame L. sont appelants d'un jugement du 20 Novembre 1987 du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES qui , accueillant la demande de déplafonnement de leur propriétaire Madame veuve G. , a fixé à la somme annuelle de 93.200 Frs à compter du 3 Janvier 1985 le loyer dû pour le fonds de commerce de pâtisserie , sis grande ... .
Ils soutiennent que la transformation en rue piétonne de la rue Violette n'a pas entraîné pour les commerces une variation de plus de 10 % de la valeur locative ; que la demande de déplafonnement de loyer n'est pas fondée et que le loyer doit être fixé à 27.224,81 Frs à compter du 1er Janvier 1985 ; à titre subsidiaire que le chiffre de 60.000 Frs doit être retenu pour la période du 1er Janvier 1985 au 3 Février 1987 ; à titre encore plus subsidiaire ils sollicitent l'organisation d'une mesure d'instruction aux fins de rechercher le montant des loyers commerciaux avoisinants .
Les consorts G. venant aux droits de Madame veuve G. , décédée , soutiennent que leur demande de déplafonnement du loyer a été justement accueillie ; que les preneurs ou les cessionnaires du droit au bail doivent être condamnés au paiement des intérêts légaux à compter du 3 Janvier 1985 ; ils sollicitent la capitalisation des intérêts et une somme de 6.000 Frs pour frais de procédure .
Monsieur et Madame J. , cessionnaires du fonds de commerce suivant acte du 9 Novembre 1987 interviennent volontairement dans la procédure ; ils soutiennent que la transformation de la rue Violette , déjà très commerçante en rue piétonne , n'a pas sensiblement augmenté sa commer-cialité ; ils estiment que le loyer ne peut être fixé qu'à la somme de 27.224 Frs .
SUR CE LA COUR
Considérant que par acte du 18 Juillet 1983 Madame veuve G. a consenti à Monsieur et Madame L. le renouvellement d'un bail commercial à compter du 1er Janvier 1982 moyennant un loyer annuel de 22.973 Frs révisable par période triennale , la première fois le 1er Janvier 1985 ; que se fondant sur la transformation en voie piétonne de la rue bordant le fonds elle a sollicité le déplafonnement du loyer par application de l'article 27 du décret du 30 Septembre 1953 demandant dans l'assignation du 26 Juillet 1985 que le nouveau loyer soit fixé à 60.000 Frs , puis , après dépôt du rapport de l'expert judiciaire, par mémoire déposé le 3 Février 1987, qu'il soit fixé à 93.200 Frs ;
Considérant que par arrêté du 26 Avril 1982 le Maire de DREUX a institué la grande rue Maurice Violette sur laquelle s'ouvre le fonds litigieux en rue piétonne ;
Considérant que cette modification faite en accord avec les commerçants riverains dans le but notamment d'accroitre
la commercialité constitue un fait matériel au sens de l'article 27 du décret du 30 Septembre 1953 et peut autoriser un déplafonnement du loyer s'il est acquis qu'elle a effectivement entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative;
Considérant que le premier Juge a justement retenu qu'il résultat du rapport clair et précis de l'expert que la transformation de la rue en rue piétonne avait pour le commerce de pâtisserie-confiserie , objet du bail accru sensiblement les facteurs de commercialite en attirant une clientèle plus nombreuse s' attardant plus longuement ;
Considérant que l'expert s'appuie en outre sur une constatation non démentie selon laquelle toute création d'une voie piétonne a eu pour effet d'augmenter le chaland et de transformer dans un sens favorable la physionomie commerciale de la rue
Considérant que ces élèments sont confortes encore par la création d'une galerie marchande à proximité du fonds de commerce et par l'augmentation sensible du chiffre d'affaires des Epoux L.dès après la transformation de la rue , compte tenu des circonstances économiques, notamment de l ' inflation ;
Considérant que M. et Mme L., pas plus que leurs cessionnaires , Monsieur et Madame J. , n'apportent d'élèments permettant de mettre en doute les constatations de l'expert ; que l'étude produite " du commerce de l'agglomération drouaise " est inopérante à cet effet comme ayant été effectuée postérieurement , en Septembre 1987 , ayant pour but l'accroissement , pour l'avenir des facteurs de commercialite , et ayant
approuve la stratégie municipale " déjà effectuée , en particulier l'aménagement de la rue Violette considérée , comme facteur d'amélioration de commercialite ;
Considérant que l'expert a fixe la valeur locative du fonds de commerce , supérieure de plus de 10 % au loyer indexé, par comparaison avec le prix au m2 de locaux commerciaux situés à proximité et calculés au prix du marché tenant compte des facteurs de commercialite après la transformation de la rue Violette ; que la détermination du montant des loyers commerciaux immédiatement voisins dont il n'est pas indiqué qu'ils auraient fait l'objet d'un déplafonnement depuis la transformation de la rue est sans intérêt ; les preneurs ne justifiant/ de l'impossibilité de saisir l'expert d'une telle demande en temps opportun ; que les Consorts L. & J. n'apportent aucun élèment permettant de démontrer que l'expert aurait fait une inexacte appréciation , les surfaces tant du local litigieux que des locaux de comparaison n'étant pas contestées ; que le prix de 93.200 Frs a été justement retenu ;
Considérant que Monsieur et Madame L. sollicitent à juste titre l'application de l'article 30 du décret du 30 Septembre 1953 qui prévoit que le prix judiciairement fixé ne peut prendre effet , s'il excède les limites initialement fixées par les prétentions originaires des parties qu'à dater de la notification des nouvelles prétentions ; qu'il est constant que Madame G. avait fixé à 60.000 Frs le prix demandé à l'origine de la procédure et ne l'a élevé à 93.200 Frs que dans un mêmoire déposé le 3 Février 1987 ; qu'en conséquence le prix du loyer doit être fixé à 60.000 Frs du 3 Janvier 1985 au 3 Février 1987
et a 93.200 Frs à compter du 4 Février 1987 ;
Considérant que , les modalités de fixation d'un nouveau loyer ne dérogeant pas aux textes relatifs à l'intérêt légal , la demande des propriétaires relative au paiement d'un intérêt légal à compter de la demande , dans les limites suspre-cisées , ainsi que la demande en capitalisation des intérêts sont justifiées :
Considérant qu'il n' apparaît pas inéquitable de laisser aux consorts G. la charge de leurs frais ir-répétibles ;
Considérant que l'intervention des Epoux J. est recevable , mais leur demande mal fondée ; qu'ils supporteront les dépens de leur intervention volontaire :
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ,
Reformant partiellement le jugement déféré ,
Fixe le montant du loyer annuel du aux consorts G. à 93.200 Frs à compter du 4 Février 1987 et à 60.000 Frs à compter du 3 Janvier 1985 jusqu'au 3 Février 1987 ,
Dit que les sommes dues porteront intérêt au taux légal, pour la somme de 60.000 Frs par an à compter du 3 Janvier 1985 pour la somme de 93.200 Frs à compter du 4 Février 1987 ,
Ordonne la capitalisation des intérêts à comtper du 28 février 1989 selon les modalités fixées par l'article 1154 du Code Civil ,
Dit que Monsieur et Madame J. conserveront la charge des dépens de leur intervention ,
Condamne Monsieur et Madame L. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.