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Décisions

Cass. com., 5 février 2020, n° 18-15.062

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Versailles, du 20 févr. 2018

20 février 2018

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2018, RG n° 16/09048), que le groupe Quinta industries était notamment constitué de la société Quinta industries, qui avait pour actionnaire la société Quinta communications et détenait une partie du capital de la société [...], laquelle détenait elle-même la société Les Auditoriums de Joinville (la société ADJ) ; que cette dernière a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 1er décembre 2011 et 16 février 2012, M. T... étant nommé en qualité de liquidateur ; qu'un arrêt du 18 juillet 2013, devenu irrévocable, a reporté la date de cessation des paiements au 30 juin 2011 ; que le liquidateur a notamment assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif la société Quinta communications, M. O... et M. G... ; que la société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine, a été mise en redressement judiciaire le 14 novembre 2018, M. B... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire ;

Attendu que la société Quinta communications fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de la somme de 1 000 000 euros et, solidairement avec M. G..., celle de 5 000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif alors, selon le moyen :

1°/ que le respect du principe constitutionnel de nécessité des peines, dont découle la règle de l'application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d'une punition telle que la condamnation pécuniaire à contribuer à tout ou partie de l'insuffisance d'actif prévue par l'article L. 651-2, alinéa premier du code de commerce, la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours, de sorte que les dispositions nouvelles dudit texte issues de la loi du 9 décembre 2016 qui disposent que « en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée » sont applicables à la présente procédure ; que la cour d'appel se devait de rechercher si le retard dans la déclaration de cessation des paiements n'était pas dû à une simple négligence de la société Quinta communications ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en toute hypothèse, les dispositions nouvelles de l'article L. 651-2, alinéa premier du code de commerce, issues de la loi du 9 décembre 2016, sont d'application immédiate ; que la cour d'appel se devait donc de rechercher si le retard dans la déclaration de cessation des paiements n'était pas dû à une simple négligence de la société Quinta communications ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ que la condamnation de la société Quinta communications à contribuer à l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l'une d'elle entraîne la cassation de l'arrêt de ce chef ; que la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu qu'en l'absence de disposition contraire prévue par elle, la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, qui n'a pas le caractère d'une punition, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours ; que l'arrêt, rendu dans le cadre d'une instance en responsabilité pour insuffisance d'actif en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi précitée, relève, d'abord, que la date de cessation des paiements de la société débitrice a été fixée au 30 juin 2011, qu'il appartenait donc aux dirigeants de procéder à la déclaration de cessation des paiements avant le 15 août 2011, cependant que cette déclaration n'est intervenue que le 29 novembre 2011 ; qu'il retient, ensuite, que cette faute, qui a contribué à l'insuffisance d'actif de la société débitrice, est établie à l'égard de la société Quinta communications, en sa qualité de dirigeant de fait, et de M. O..., en sa qualité de dirigeant de droit ; qu'il retient encore, par des motifs non critiqués relatifs à la mesure d'interdiction de gérer prononcée contre M. O..., lequel cumulait les qualités de dirigeant de droit de la société débitrice, de dirigeant de droit de la société Quinta communications et de représentant permanent de celle-ci au sein de la société débitrice, que la cessation des paiements n'a pas été déclarée dans le délai légal de quarante-cinq jours, que cette absence de déclaration ne peut qu'avoir été commise sciemment pour permettre à la société Quinta communications de réduire son exposition financière, et que le courriel d'un avocat, du 15 septembre 2011, adressé notamment à M. O... et indiquant la liste des informations et documents nécessaires à la préparation d'une déclaration de cessation des paiements, démontre sa connaissance de l'état de cessation des paiements de la société débitrice ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, qui font ressortir que l'absence de déclaration de la cessation des paiements par les dirigeants de la société débitrice ne procédait pas d'une simple négligence, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir cette faute de gestion à l'égard de la société Quinta communications et de condamner celle-ci au titre de l'insuffisance d'actif ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.