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Décisions

Cass. com., 16 janvier 2001, n° 98-20.923

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Lafortune

Avocat :

Me Jacoupy

Douai, 2e ch., du 2 juill. 1998

2 juillet 1998

Sur le moyen unique :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Douai, 2 juillet 1998) qu'en prévision de la division entre les deux fils de l'exploitant d'un fonds de commerce comprenant à l'origine deux magasins situés dans la même rue à Douai, la SARL Etablissements X... a, dans un premier temps, le 3 octobre 1987, donné en location-gérance à la SARL Alfred X... le premier fonds, situé ..., et à la SARL Culinaris Michèle et Daniel X... le second fonds, sis au 118 de la même rue, puis, en exécution d'un "pacte familial" du 13 mai 1992, a cédé le premier fonds, plus florissant, à la SARL Alfred X..., en lui consentant un bail sur l'immeuble, cependant que l'autre fils, Daniel X..., recevait la totalité des parts de la SARL Etablissements X... dont l'actif restant était composé du fonds donné en location-gérance à la SARL Culinaris Michèle et Daniel X..., devenue par la suite la SARL La Maisonnette Michèle et Daniel X..., et de l'immeuble où il était exploité ; que, reprochant à la SARL La Maisonnette Michèle et Daniel X... d'avoir étendu son activité aux arts de la table, la société Alfred X... l'a assignée, ainsi que l'EURL Etablissements X..., sur le fondement de la concurrence déloyale et de la garantie d'éviction, pour qu'il leur soit ordonné de cesser toute activité relative aux arts de la table et obtenir des dommages-intérêts ;

Attendu que la société Alfred X... fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes, alors, selon le moyen, que, tenu d'une obligation légale de garantie, le vendeur d'un fonds de commerce doit, même en l'absence de clause de non-concurrence, s'abstenir d'accomplir, directement ou par personne interposée, tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé ; qu'ainsi, la société X..., qui avait vendu à la société Alfred X... un fonds de commerce d'arts de la table, ne pouvait exercer dans la même rue la même activité, fût-ce sous le couvert de son locataire-gérant, la société La Maisonnette Michèle et Daniel X..., dès lors que le locataire-gérant ne peut exploiter que le fonds qui lui est donné en location-gérance sans y adjoindre d'autres activités ; qu'ainsi, en décidant qu'aucun manquement à l'obligation de garantie ne pouvait être imputé à la société X..., la cour d'appel a violé les articles 1625 et 1626 du Code civil ;

Mais attendu qu'en l'absence de clause de non-concurrence, la garantie légale d'éviction du fait personnel du vendeur d'un fonds de commerce n'interdit à celui-ci que les actes qui auraient pour effet de permettre au cédant de reprendre la clientèle du fonds cédé, privant ainsi celui-ci de sa substance ; qu'ayant retenu tout d'abord que l'EURL Etablissements X... n'exerce pas directement l'activité litigieuse et que, cédant d'un fonds de commerce, elle ne répondrait, au titre de la garantie d'éviction, des troubles émanant du locataire-gérant que dans la mesure où elle les aurait favorisés, l'arrêt retient que l'acte de cession à la société Alfred X... ne contenait aucune clause de non-concurrence, que les deux fonds avaient dès l'origine des activités liées aux arts ménagers et que le seul fait, pour l'un des exploitants, d'introduire dans la gamme de ses ventes des produits identiques à ceux proposés par son concurrent ne caractérise pas une faute, d'autant que la confusion qui règne entre les deux fonds préexistait aux agissements reprochés, qu'elle joue dans les deux sens et qu'enfin, aucun élément ne permet d'établir un éventuel détournement de clientèle qui serait à l'origine de la perte de chiffre d'affaires alléguée par la société Alfred X..., le secteur des arts de la table ayant connu une récession ces dernières années et les commerces du centre ville ayant dû affronter la concurrence des centres commerciaux de la périphérie ;

qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu considérer que les actes reprochés ne constituaient pas une tentative de reprise de la chose vendue et rejeter l'action engagée par la société Alfred X... sur le fondement de la garantie légale d'éviction ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.