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Décisions

Cass. com., 17 juin 2020, n° 18-18.321

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Rousseau et Tapie

Paris, du 12 avr. 2018

12 avril 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 avril 2018), la société SN Recup Nord a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 20 janvier et 4 février 2014. La société [...], désignée liquidateur, a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif et en prononcé d'une mesure de faillite personnelle MM. J... et I..., cogérants de la société, ce dernier ayant démissionné de ses fonctions le 2 septembre 2013.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, qui est recevable

Enoncé du moyen

3. M. I... fait grief à l'arrêt de le condamner solidairement avec M. J... à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société SN Recup Nord pour la somme de 150 000 euros alors « que la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours ; que pour retenir que M. I... avait commis des fautes de gestion, l'arrêt attaqué a affirmé, par motif propre, que M. J... était responsable des irrégularités tenant à l'absence de comptabilité sincère, tandis que M. I... était encore co-gérant de la société SN Recup Nord au moment de ces faits et, par motif adopté, que M. I... était au fait des conditions d'exercice de l'exploitation, que les faits dénoncés ne relevaient pas d'une gestion correcte et que leur caractère fautif au regard des règles de droit commercial se trouve parfaitement établi ; qu'en condamnant M. I... au titre de l'insuffisance d'actif de cette société, sans rechercher, au besoin d'office, si les fautes qu'elle lui imputait ne constituaient pas de simples négligences dans la gestion de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, ensemble les articles 1er et 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016 :

4. La loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours.

5. Pour condamner M. I... à contribuer à l'insuffisance d'actif, l'arrêt relève que la comptabilité n'était pas tenue régulièrement et ce, au détriment des créanciers et que M. J..., gérant de la société, était responsable de ces irrégularités. Il relève également que M. I... était encore co-gérant de la société au moment de ces faits et qu'il y a lieu de confirmer le jugement pour ce qui concerne sa responsabilité, étant précisé que ces fautes de gestion ont nécessairement été à l'origine d'une partie de l'insuffisance d'actif, en privant le dirigeant d'un outil de contrôle de la situation financière de l'entreprise.

6. En se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser, à la charge personnelle de M. I..., des fautes qui ne soient pas de simples négligences dans la gestion de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. M. I... fait grief à l'arrêt de le condamner à une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans alors « que le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que, dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 24 novembre 2017, M. I... critiquait le jugement entrepris pour l'avoir condamné à une interdiction de gérer de cinq ans et soutenait que si une faute de gestion devait néanmoins être retenue à son encontre, il ne pourrait être condamné qu'à une contribution à l'insuffisance d'actifs très limitée ; qu'en conséquence, il demandait à la cour d'appel, dans le dispositif de ses écritures , de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'avait condamné à une interdiction de gérer de 5 ans, et de le décharger de toutes condamnations ; qu'en affirmant néanmoins que M. I... n'avait pas conclu sur ce point, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

8. L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que M. I... n'a pas conclu sur sa condamnation au titre de l'interdiction de gérer.

10. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. I... demandait la réformation du jugement entrepris en ce qu'il avait, notamment, prononcé contre lui une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans après avoir expliqué, dans le corps de ces mêmes conclusions, en quoi il n'avait pas commis les faits qui lui étaient reprochés aussi bien à l'appui de la demande de contribution à l'insuffisance d'actif que de celle tendant au prononcé de l'interdiction de gérer, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il prononce contre M. I... une interdiction de gérer pendant une durée de cinq ans et le condamne au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif de payer la somme de 150 000 euros à la société [...] en qualité de liquidateur de la société SN Recup Nord en ce qu'il le condamne solidairement à payer à la société [...], ès qualités, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.