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Décisions

Cass. com., 17 juin 2020, n° 18-24.100

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat :

SCP Foussard et Froger

Cass. com. n° 18-24.100

17 juin 2020


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 3 juillet 2018), que la société Servial, exerçant une activité de commerce de viande, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 20 décembre 2006 et 31 janvier 2007, M. B... étant désigné liquidateur et la date de cessation des paiements fixée au 19 décembre 2006 ; que le liquidateur a assigné M. D..., son dirigeant, en responsabilité pour insuffisance d'actif et prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer ;

Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme de 991 395 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif de la société Servial alors, selon le moyen :

1°/ que la simple négligence du dirigeant ne peut engager sa responsabilité au titre d'une insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à relever en l'espèce que M. D... n'avait pas pris de mesure de restructuration pour remédier à la situation déficitaire de son entreprise, ou encore qu'il n'avait pas réagi aux manquements du directeur de la société Servial aux règles d'hygiène, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

2°/ que la poursuite d'une activité déficitaire n'engage la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif que si elle présente un caractère abusif ; que le simple de fait de poursuivre l'activité jusqu'à la date de cessation des paiements ne caractérise pas en soi un comportement fautif ; qu'en se bornant à observer en l'espèce que M. D... avait poursuivi l'activité de la société Servial en connaissance des résultats déficitaires sans justifier de mesures de restructuration sérieuse pour remédier à cette situation, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une faute de gestion, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que s'agissant de la poursuite d'une activité déficitaire, l'arrêt relève que, dès 2004, le résultat d'exploitation était très déficitaire et le solde du compte courant débiteur, en dépit de cessions d'immobilisations, que les signaux d'alerte s'étaient multipliés en 2005 en raison du rejet de chèques sans provision dépassant le découvert autorisé, du refus de toute ouverture de crédit au profit de la société par son établissement de crédit et des préoccupations dont le commissaires aux comptes, menaçant en 2006 d'émettre des réserves sur les comptes de l'exercice suivant et envisageant d'engager une procédure d'alerte la même année, avait fait part à plusieurs reprises au dirigeant, lequel était expérimenté dans le domaine des affaires ; que s'agissant des manquements du directeur de la société Servial aux règles d'hygiène, la cour d'appel a retenu que le comportement du dirigeant démontrait sa volonté manifeste de faire des économies en congelant des produits, les faits s'étant déroulés pendant deux ans et ayant persisté ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever que le dirigeant n'avait pas pris les mesures de restructuration nécessaires ni réagi aux manquements du directeur de la société Servial aux règles d'hygiène, a caractérisé les fautes de gestion de M. D..., excédant une simple négligence ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant ainsi constaté l'ancienneté et l'ampleur des déficits et la multiplication des signaux d'alerte au cours de l'année 2005, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever que M. D... avait poursuivi l'activité de la société Servial en connaissance des résultats déficitaires sans justifier de mesures de restructuration sérieuse pour remédier à cette situation, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.