Cass. com., 16 octobre 1984, n° 83-10.517
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Fautz
Avocat général :
M. Montanier
Avocat :
Me Choucroy
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches:
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 1982) que par un acte du 6 mars 1975 M. Prevost s'est engagé à vendre les parts qu'il détenait dans la société à responsabilité limitée Orus Formation (la société) tandis que M. Brusset, gérant de cette société s'engageait, à titre personnel, à les acheter; qu'il était prévu que le prix serait déterminé par deux experts choisis par chacune des parties; que ces experts n'ayant pu accomplir leur mission, M. Prevost introduisait le 21 mai 1976 une demande tendant à faire déclarer qu'il était toujours associé dès lors que la cession convenue n'était pas intervenue faute de détermination du prix; qu'au cours de l'instance MM. Prévost et Brusset signèrent le 11 juillet 1978 un acte prévoyant que les experts précédemment désignés nommeraient un tiers expert chargé de déterminer le prix des parts et, faute d'accord sur cette désignation que celle-ci serait désigné judiciairement; que par une requête conjointe du 21 février 1979 MM. Prevost et Brusset obtinrent sa nomination; qu'à la suite de celle-ci le tiers expert procéda à la détermination du prix le 28 janvier 1980;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré que la vente avait eu lieu à cette dernière date au prix fixé par l'expert, aux motifs que, par leur accord du 11 juillet 1978 les parties avaient "implicitement" reitéré leur volonté de procéder à la vente convenue le 6 mars 1975 "qu'en outre leur intention de poursuivre la cession apparaissait des termes de la requête... présentée conjointement... le 21 février 1979", "qu'enfin la réserve de l'instance en cours, incluse au pied de l'acte du 11 juillet 1978 ne suffirait pas à limiter la portée des engagements contenus dans cet acte... à une simple appréciation de la valeur des parts en dehors de toute promesse de cession, qu'en effet l'assignation délivrée par MM. Prevost à Brusset le 21 mai 1976 avait pour objet, non de faire constater la caducité de la précédente promesse de vente du 6 mars 1975 mais de sauvegarder ses droits dans la société jusqu'à ce qu'il ait été réglé du prix de cession", alors, selon le pourvoi, que, d'une part, si une manifestation tacite de volonté peut être déduite d'un acte juridique, les juges du fond doivent indiquer les éléments de l'acte qui leur permettent d'opérer cette déduction, qu'en indiquant que l'intention des parties de poursuivre la cession des parts ressortait des termes de la requête du 21 février 1979, demandant la désignation d'un tiers expert, sans spécifier quels étaient ces termes, les juges d'appel ont violé par manque de base légale, l'article 1108 du Code civil; alors, d'autre part, que les juges du fond n'ont pas précisé en quoi l'acte du 11 juillet 1978 constituait, à l'égard du gérant, un commencement de preuve par écrit attestant sa volonté de céder ses parts, qu'une seconde fois ils ont entaché leur arrêt d'un défaut de base légale et violé l'article 1147 du Code civil; alors enfin que l'instance qui était pendante lors de la signature de l'acte du 11 juillet 1978 et dont cet acte faisait réserve, avait également pour objet la fixation du prix des parts sociales par le juge ainsi qu'il ressortait des demandes incidentes formulées par les parties, que le gérant soutenait donc à juste titre que l'expertise avait été demandée puis exécutée dans le but d'éclairer les parties et le juge qui, de ce fait, n'était pas lié par les conclusions du rapport, que c'est par une dénaturation des termes du litige que les juges du fond ont estimé que l'instance avait seulement pour objet la sauvegarde des droits de l'associé minoritaire dans la société, qu'ils ont ainsi violé l'article 4 du Nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la Cour d'appel, après avoir retenu que les parties étaient convenues, le 11 juillet 1978, de s'en remettre à un tiers expert pour déterminer le prix de vente des parts et qu'elles avaient, au cours de l'instance, sollicité la désignation de ce tiers par une requête conjointe, a décidé qu'elles avaient ainsi réitéré la volonté, l'une de vendre, l'autre d'acheter, qu'elles avaient déjà manifestée le 6 mars 1975; qu'ainsi c'est par une décision motivée et hors toute dénaturation des termes du litige que la Cour d'appel s'est prononcée comme elle l'a fait; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 15 octobre 1982 par la Cour d'appel de Paris.