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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 18 octobre 2018, n° 17/17168

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebée

Conseillers :

M. Malfre, M. Gouarin

TGI Meaux, du 24 août 2017, n° 17/00637

24 août 2017

Par acte notarié des 6 et 8 janvier 1998, la Banque de l'Île-de-France a consenti à la Sci Pierre de M. un prêt d'un montant de 10 148 869 francs (1 547 185 euros), remboursable sur 15 ans, au taux d'intérêt annuel de 7,5%, la Sci Pépinière Royale s'est portée caution solidaire, M. N. s'est porté caution solidaire à hauteur de la somme de 762 245,08 euros, M. P. s'est porté caution solidaire à hauteur de la somme de 381 122,54 euros et M. L. s'est porté caution solidaire à hauteur de la somme de 381 122,54 euros. Cet acte mentionnait que, par acte sous seing privé du 31 décembre 1997, la société Interfimo s'était portée caution à hauteur de 50% des sommes dues.

Par acte notarié du 5 novembre 2003, la Banque de l'Île-de-France, devenue Banque Thémis, a cédé sa créance au Crédit lyonnais.

Le 27 octobre 2011, un protocole d'accord transactionnel a été conclu entre les parties.

Courant septembre 2016, la société Interfimo a payé au Crédit lyonnais 50% des échéances impayées et du capital restant dû.

Le 29 novembre 2016, le Crédit lyonnais et la société Interfimo ont fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de la Sci Pierre de M. pour le recouvrement de la somme de 2 230 701,11 euros, qui fait l'objet d'une contestation.

Le 10 janvier 2017, le Crédit lyonnais a fait enregistrer à la conservation des hypothèques de Coulommiers (Seine-et-Marne) sous le volume 2017 V n°55 une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier appartenant à M. P. situé à Signy-Signets (Seine-et-Marne), cadastré section B 514 et B 517 pour garantie du paiement de la somme de 62 500 euros sous réserve des intérêts et frais. Cette hypothèque judiciaire provisoire a été dénoncée à M. P. par acte d'huissier du 17 janvier 2017.

Par acte d'huissier du 16 février 2017, M. P. a fait assigner le Crédit lyonnais devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux aux fins, notamment, de voir déclarer nul l'acte de dénonciation de l'hypothèque judiciaire provisoire du 17 janvier 2017 et, subsidiairement, d'en voir ordonner la mainlevée.

Par jugement du 24 août 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux a débouté M. P. de sa demande de mainlevée de l'inscription hypothécaire judiciaire provisoire, a débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires et a condamné M. P. aux entiers dépens.

Par déclaration du 7 septembre 2017, M. P. a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 11 septembre 2018, M. P. demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de déclarer nul l'acte de dénonciation d'inscription d'hypothèque provisoire du 17 janvier 2017, subsidiairement, de déclarer prescrite la créance dont se prévaut le Crédit lyonnais, en tout état de cause, d'ordonner la mainlevée et la radiation de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et de condamner l'intimé à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp GRV selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 25 septembre 2018, le Crédit lyonnais demande, sur le fondement de l'article 2306 du code civil, à la cour de confirmer le jugement attaqué, de débouter M. P. de toutes ses demandes et de condamner l'appelant à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de M. L., avocat, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

La clôture est intervenue le 27 septembre 2018.

SUR CE

Sur la validité de l'acte de dénonciation de l'hypothèque provisoire :

Aux termes de l'article R. 532-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice. Cet acte contient à peine de nullité :

1° une copie de l'ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise ; toutefois, s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n'est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette ;

2° l'indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l'article R. 512-1';

3° la reproduction des articles R. 511-1 à R. 512-3 et R. 532-6.

M. P. soutient que les dispositions de l'article R. 532-3 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas applicables à l'acte de dénonciation du 17 janvier 2017, qui est aussi intitulé «'signification d'ordonnance'», que cet acte est nul en ce qu'il mentionne les actes notariés des 6 et 9 janvier 1998 mais aussi le protocole d'accord transactionnel du 27 octobre 2010, qui n'est pas un titre exécutoire, ce qui obligeait l'intimé à obtenir une autorisation judiciaire préalable, et en ce qu'il ne mentionne que le montant de la somme due en vertu du protocole d'accord transactionnel et non le montant exact de la dette.

Le Crédit lyonnais fait sienne l'argumentation du premier juge.

C'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que l'acte de dénonciation de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire du 17 janvier 2017 visait et était accompagné en copie de l'acte authentique reçu par maître R. les 6 et 9 janvier 1998 par lesquels la Banque de l'Île-de-France a consenti un prêt à la Sci Pierre de M. et M. P. s'est porté caution solidaire à hauteur de la somme de 381 122,54 euros, de la cession de créance intervenue le 5 novembre 2003 et de sa signification le 13 novembre 2010 à M. P., l'acte de dénonciation indiquant clairement le montant de la dette, soit la somme de 62 500 euros. Le premier juge a, à juste titre, considéré qu'agissant en exécution d'un acte authentique, le Crédit lyonnais n'avait pas à obtenir une autorisation judiciaire pour procéder à l'inscription d'une hypothèque provisoire, et ce conformément à l'article L. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution, et que l'acte de dénonciation était régulier, le fait que l'acte de dénonciation porte comme titre «'dénonciation d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et signification d'ordonnance'» alors qu'aucune ordonnance n'était signifiée au moyen de cet acte ne faisant pas grief à M. P. dès lors que les prescriptions de l'article R. 532-3 étaient respectées.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire :

Aux termes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Il résulte de ces dispositions que le juge de l'exécution n'a pas à rechercher l'existence d'un principe certain de créance, encore moins à établir la preuve d'une créance certaine mais qu'il suffit d'une apparence de créance. Le créancier saisissant doit rapporter la preuve que la créance est menacée dans son recouvrement qui, en matière de cautionnement, est appréciée en considération de la situation de la seule caution et non du débiteur principal.

Selon l'article L. 511-2, une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice n'ayant pas encore force exécutoire.

En vertu de l'article L. 512-1, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.

S'agissant des menaces pesant sur le recouvrement, M. P. soutient qu'il exerce la profession d'expert-comptable et qu'il a perçu des revenus d'un montant annuel de 101 289 euros pour l'année 2016 et de 178 563 euros pour l'année 2017. Par ailleurs, il fait valoir que le Crédit lyonnais bénéficie d'une hypothèque conventionnelle de premier rang sur le bien immobilier appartenant à la Sci Pierre de M. dont la valeur est estimée à 2 160 000 euros.

Le Crédit lyonnais fait siens les motifs du premier juge et expose que le péril ne doit pas être apprécié à l'égard de la caution à partir de la situation du débiteur principal. Il fait valoir que le contentieux est ancien, que M. P. refuse de payer ou de consigner la somme qu'il a reconnu devoir par le protocole d'accord transactionnel du 27 octobre 2011 et que l'importance de ses revenus ne permettent pas nécessairement de garantir dans la durée le recouvrement de la dette.

C'est à tort que le premier juge a retenu qu'en application du protocole du 27 octobre 2011, la Sci Pierre de M. et les cautions avaient bénéficié d'un délai de paiement de 5 ans, qu'au terme de ce délai la dette n'était pas apurée alors que le Crédit lyonnais ne bénéficiait pas d'une garantie conventionnelle conférée par M. P. et qu'eu égard à la durée de la procédure et aux pièces produites, des difficultés financières étaient caractérisées démontrant une menace pour le recouvrement.

En effet, les menaces pesant sur le recouvrement de la créance à l'égard de la caution ne doivent pas être appréciées à partir de la situation du débiteur principal mais en fonction de celle de la caution.

En l'espèce, l'importance des revenus annuels perçus par M. P., qui a déclaré des revenus d'un montant de 178 563 euros pour l'année 2017 dont des revenus fonciers révélant qu'il est propriétaire de biens immobiliers, par rapport au montant de la créance, 62 500 euros, ne permet pas d'établir la menace pesant sur le recouvrement de la créance invoquée par le Crédit lyonnais, la seule inexécution du protocole d'accord transactionnel ne suffisant pas à elle-seule à caractériser une telle menace.

Ainsi, à supposer établi le principe de créance, la preuve de menace pesant sur son recouvrement n'est pas rapportée par le Crédit lyonnais.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. P. de sa demande de mainlevée de l'hypothèque provisoire et en ce qu'il l'a condamné aux dépens et, statuant à nouveau, d'ordonner la mainlevée de l'hypothèque provisoire enregistrée à la conservation des hypothèques de Coulommiers (Seine-et-Marne) sous le volume 2017 V n°55, sur le bien immobilier appartenant à M. P. situé à Signy-Signets (Seine-et-Marne), cadastré section B 514 et B 517.

Succombant, le Crédit lyonnais sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité justifie que le Crédit lyonnais soit condamné à payer à M. P. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. P. de sa demande de mainlevée de l'hypothèque provisoire et en ce qu'il l'a condamné aux dépens';

Statuant à nouveau du chefs des dispositions infirmées,

Ordonne la mainlevée de l'hypothèque provisoire enregistrée par le Crédit lyonnais à la conservation des hypothèques de Coulommiers (Seine-et-Marne) sous le volume 2017 V n°55, sur le bien immobilier appartenant à M. P. situé à Signy-Signets (Seine-et-Marne), cadastré section B 514 et B 517';

Rejette toute autre demande ;

Condamne le Crédit lyonnais aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne le Crédit lyonnais à verser à M. P. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.