Cass. com., 15 décembre 2015, n° 14-18.627
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés E.on énergies renouvelables et E.on Climate & Renewables France Solar que sur le pourvoi incident relevé par MM. X... et Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 19 juin 2009,les actionnaires de la société Conilhac énergies, dont la société Gerfault, ont cédé à la société E.on énergies renouvelables (la société EER) la totalité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Conilhac energies devenue à la suite de cette opération la société E.on Climate & renewables France solar (la société ECR) ; qu'une clause du contrat stipulait que le prix initial d'acquisition des titres serait éventuellement augmenté d'un complément de prix d'un montant variable, lié aux résultats des projets photovoltaïques que la société ECR détenait en portefeuille directement ou par l'intermédiaire de sa filiale, la société CCE énergies (la société CCE) ; qu'une autre clause stipulait que, préalablement à la réalisation de la cession d'actions, la société Gerfault s'engageait auprès de la société EER à procéder au rachat de l'ensemble des participations minoritaires détenues par des tiers dans la société CCE, dont MM. Nicolas X..., Olivier X..., Patrick X... et M. Y... ; que la société Gerfault a procédé au rachat des parts sociales détenues par MM. X... et Y... dans le capital de la société CCE par un acte du 3 juillet 2009 qui stipulait que le prix que la société Gerfault s'engageait à verser aux cédants était composé d'un montant initial et d'un complément de prix éventuel, subordonné au versement effectif par la société EER du complément de prix dû à la société Gerfault en exécution du contrat de cession d'actions du 19 juin 2009 ; qu'à la suite de la cession par la société EER des parts qu'elle détenait dans le capital de la société CCE et faute de réalisation des projets photovoltaïques, puis du reversement à la société Gerfault du complément de prix lui revenant et de la consignation par cette société de la somme revenant à MM. X... et Y..., ceux-ci ont assigné la société Gerfault ainsi que les sociétés EER et ECR en paiement de dommages-intérêts pour inexécution du contrat du 3 juillet 2009 et, à titre subsidiaire, en annulation de ce contrat ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du contrat du 3 juillet 2009 alors, selon le moyen :
1°/ qu'une vente conclue à vil prix est nulle de nullité absolue ; qu'en l'espèce, ils soutenaient que lors du rapprochement du groupe E.on et de la société Conilhac, un prix de 3 millions d'euros avait été payé et que ce prix était à rapprocher du prix dérisoire de 4 000 euros qui leur avait été versé ; que pour rejeter cette argumentation, la cour d'appel a considéré que s'il existait un écart sérieux de prix entre la valeur vénale des titres au moment de la cession pour la société Conilhac et celle pour la société CCE, il n'était pas démontré que cet écart reposait sur des données non fondées puisqu'était pris en compte le portefeuille de projets photovoltaïques ; qu'en statuant ainsi, alors même qu'elle avait constaté que le contrat de cession de parts de la société Conilhac énergies à la société EER et la cession de parts de la société CCE à la société Gerfault constituaient des opérations interdépendantes d'une même opération, ce dont il résultait que l'écart entre le prix versé à la société Conilhac et le prix qui leur a été versé ne se justifiait pas et que ce dernier était par conséquent dérisoire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1591 du code civil ;
2°/ que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, MM. X... et Y... soutenaient qu'en omettant volontairement de leur fournir des renseignements quant au prix d'achat de la totalité des projets de la société Conilhac énergies, la société Gerfault s'était rendue coupable d'une réticence dolosive à leur égard et que cette réticence avait été déterminante de leur consentement puisqu'ils n'auraient pas contracté pour la somme infime de 4000 euros s'ils avaient eu l'information en leur possession ; qu'en retenant néanmoins que ses observations sur l'interdépendance des contrats de cession litigieux vidaient de sens la demande de nullité de la cession pour dol, sans répondre au moyen déterminant pris de la réticence dolosive de la société Gerfault, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que le prix des parts sociales cédées à la société Gerfault par MM. X... et Y... était composé, d'un côté, d'un élément fixe correspondant à la valeur des parts au moment de la cession tenant compte de la juste valeur des projets photovoltaïques détenus en portefeuille et, de l'autre, d'une partie variable assise sur le complément de prix résultant des projets photovoltaïques et déterminable en fonction d'une méthode fixée à l'acte de cession, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a décidé que le prix convenu n'était pas vil ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées par la seconde branche en retenant que le complément de prix prévu par le contrat du 3 juillet 2009 conclu entre MM. X... et Y... et la société Gerfault reposait sur un mécanisme identique à celui prévu par le contrat du 19 juin 2009 liant cette société à la société EER ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne les sociétés ECR et EER, solidairement avec la société Gerfault, à payer la somme de 151 509,12 euros à MM. Nicolas, Olivier et Patrick X... ensemble et la somme de 50 503,04 euros à M. Olivier Y... ;
Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à l'appui de cette décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :
Rejette le pourvoi incident ;
Et sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les sociétés E.on Climate & renewables France solar et E.on énergies renouvelables, solidairement avec la société Gerfault, à payer la somme de 151 509,12 euros à MM. Nicolas X..., Olivier X..., Patrick X... ensemble et la somme de 50 503,04 euros à M. Olivier Y..., l'arrêt rendu le 3 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.