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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 26 janvier 2017, n° 16/01585

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Novamonde Immobilier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gilibert

Conseillers :

Mme Paulmier-Cayol, Mme De Bosschere

Avocats :

Me Bolliet, Me Sonet, Me Garnier, Me Lequillerier

T. com. Compiègne, du 16 mars 2016

16 mars 2016

DECISION

Vu le jugement contradictoire en date du 16 mars 2016 par lequel le Tribunal de Commerce de Compiègne a :

dit X irrecevable en sa demande;

confirmé le jugement du 7 octobre 2015 reportant la date de cessation des paiements de la SAS NOVAMONDE IMMOBILIER au 23 janvier 2013;

a condamné X aux dépens et à payer la somme de 800€ en application de l'article 700du code de procédure civile à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS NOVAMONDE IMMOBILIER;

Vu l'acte d'appel interjeté par Monsieur X suivant déclaration en date du 25 mars 2016 à l'encontre de cette décision;

Vu les conclusions signifiées par voie électronique 25 mars 2016 par lesquelles Monsieur X Jean-Marie, appelant, demande à la Cour d'(e):

Prononcer la jonction des deux affaires enregistrées sous les RG N°16/01585 et N°16/02882 s'agissant d'un même appel d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de COMPIEGNE le 16 Mars 2016;

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Compiègne le 16 mars 2016 ;

Déclarer Monsieur X recevable en sa tierce opposition ;

Rétracter le jugement du 7 octobre 2015 en ce qu'il a reporté la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013 ;

Débouter la SCP L. - L. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la SCP L. - L. au paiement de la somme 3.000€sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SCP L. - L. ès qualités de liquidateur aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP G. B. M., avocats aux offres de droit.

Monsieur X a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à Maître Philippe L., mandataire judiciaire associé de la SCP L.-L. ès qualités et à la SAS NOVAMONDE IMMOBILIER, par actes d'huissier du 23 juin 2016 remis à domicile, ainsi qu'à la SCP Frédéric H., administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad'hoc de la Société NOVAMONDE IMMOBILIER, SAS par acte d'huissier du 09 juin 2016; cet acte a été remis à personne habilitée au siège de la société.

Vu les conclusions en date du 17 aout 2016 par lesquelles la SCP L.-L. prise en la personne de Maître Philippe L. liquidateur judiciaire ès qualités de la SAS NOVAMONDE IMMOBILIER en liquidation judiciaire et de la SCP Frédéric H. administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad'hoc de la Société NOVAMONDE IMMOBILIER SAS demandent à la Cour de:

A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Monsieur X irrecevable en sa tierce opposition ;

A titre subsidiaire,

Dire que la décision de report de la date de cessation des paiements au 23Janvier 2013 est fondée ;

Débouter Monsieur X de sa tierce opposition;

Si la Cour infirmait le jugement entrepris du chef de la recevabilité, condamner Monsieur X en tous les dépens, outre une indemnité de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Ministère Public à qui la procédure a été communiquée, a requis la confirmation de la décision déférée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 septembre 2016.

Pour plus ample exposé des moyens invoqués par les parties il est en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile fait renvoi aux conclusions susmentionnées.

CECI ETANT EXPOSE, LA COUR,

Le 23 juillet 2014, le Tribunal de Commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société NOVAMONDE IMMOBILIER, puis a prononcé le 24 septembre 2014 la liquidation judiciaire. A cette même date, le tribunal a étendu la procédure ouverte contre la société NOVAMONDE IMMOBILIER à la société ADONIS IMMOBILIER. Puis, par jugement du 4 mars 2015, il a été ordonné l'extension des opérations de liquidation judiciaire précédemment ouvertes à la SCI LE CARRE SAINT REMI et à la SCI PARC DE THESEE.

Faisant état de ce que l'ensemble des éléments financiers portés à la connaissance du liquidateur ont mis en évidence que l'état de cessation des paiements des sociétés était bien antérieur à la date provisoirement fixée dans le jugement d'ouverture;le liquidateur a sollicité du tribunal qu'il ordonne, dans le cadre des dispositions légales, le report de la date de cessation des paiements. Par jugement du 7 octobre 2015, le tribunal a fait droit à la demande de Maître L. et a fixé la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013.

Monsieur X, ex-dirigeant de la SA NOVAMONDE IMMOBILIER, a formé tierce opposition contre cette décision.

Au soutien de ses demandes, Monsieur X expose qu'il est l'ancien dirigeant et actionnaire de la SAS NOVAMONDE IMMOBILIER, laquelle a fait l'objet d'une cession le 23 septembre 2013. L'appelant ajoute que dans le cadre de cette cession, il a démissionné de son mandat de président, démission qui n'a pas été publiée par la société malgré les demandes faites au cessionnaire. Il indique avoir obtenu la condamnation judiciaire du nouvel actionnaire d'avoir à procéder à ladite publication par jugement du Tribunal de commerce du 16 mars 2016.

L'appelant invoque qu'il est bien un tiers par rapport à la décision ayant reporté la date de cessation des paiements, le démissionnaire aux fonctions de dirigeant d'une société n'étant plus par définition le représentant légal de celle-ci; de sorte que sa tierce opposition est bien recevable.

L'appelant fait valoir que sa qualité de dirigeant de fait n'était aucunement établie au 23 juillet 2014 et ne peut résulter d'une vente signée le 25 février 2014 pour laquelle la procuration n'a pas été produite en première instance, ni d'un courrier adressé à M° L., dont la preuve qu'il a été signé par lui n'est pas établie. La décision apparait ainsi mal fondée.

Monsieur X ajoute que sa tierce opposition est recevable au sens de l'article 583 du Code de Procédure Civile. L'appelant précise qu'un conflit l'a opposé au cessionnaire qui a refusé de nommer un président en remplacement, une action en nullité de la cession a été diligentée par ce dernier, que le Tribunal a rejetée par décision du 12 janvier 2016.

Sur le fond, l'appelant fait valoir que la SAS NOVAMONDE disposait d'un commissaire aux comptes qui n'aurait pas manqué de lancer la procédure d'alerte, l'information au Procureur ayant été donnée le 14 mai 2014, alors qu'il n'était lui-même plus représentant légal et les mouvements financiers allégués par le liquidateur étant parfaitement normaux entre sociétés d'un même groupe.

Les intimés rétorquent que si Monsieur X a bien cédé ses participations, sa démission des fonctions de gérant n'a jamais été officialisée. Ils précisent que si l'appelant fait état d'un courrier adressé le 12 mars 2013 à effet du 30 novembre 2013, aux termes duquel il aurait démissionné de son poste de président de la société NOVAMONDE IMMOBILIER, et de la gérance d'un certain nombre d'autres sociétés dont il fournit la liste, la décision de démission ne devient opposable erga omnes qu'une fois qu'elle a été portée à la connaissance, non pas du cessionnaire, mais de la société en application de l'article 2007 du code civil. Les intimés ajoutent que le formalisme en matière de démission des dirigeants sociaux n'a pas été respecté. Et il appartenait tant à Monsieur X qu'à ses cessionnaires d'effectuer les formalités.

L'appelant, qui figure sur l'extrait KBIS de la société, est resté à la tête des affaires. Il a ainsi, le 1er aout 2014, soit 11 mois après la cession adressé un courrier au liquidateur se présentant comme le président de la société, effectué divers actes et notamment un compromis signé par la société NOVAMONDE le 25 février 2014 selon procuration annexée à l'acte et établie par Monsieur X.

Les intimés concluent subsidiairement sur le fond, ajoutant que les comptes sociaux de l'année 2013 de la société NOVAMONDE n'ont pas été déposés au greffe. Le conseil qui était chargé du juridique, le cabinet V., interrogé par Maître L. a répondu qu'il n'est pas intervenu pour l'approbation des comptes clos au 30 juin, eu égard à la cession de contrôle dont Monsieur X l'avait informé, mais il ressort des pièces communiquées que les honoraires dus à ce cabinet étaient impayés. Les intimés rappellent que dans le contentieux ayant opposé Monsieur X à ses cessionnaires, le problème portait sur la dissimulation du passif qui n'a pas été contesté dans son quantum. Monsieur X s'est contenté de soutenir que la cession étant intervenue pour1'Euro symbolique au profit d'un cessionnaire avisé qui a accepté l'aléa et ne pouvait sérieusement invoquer le dol.

Les intimés ajoutent que cependant, en 2012, il était annoncé un bénéfice de 650.917€, s'expliquant par un montant de 1.211.094€ de produits financiers issus de participations ; toutefois lorsque le cessionnaire a reçu les comptes 2013, le 4 octobre 2013, il a découvert une situation très dégradée (déficit de 916 121€ et des capitaux propres négatifs de 721 581€). Le commissaire aux comptes a refusé de certifier les comptes sociaux de cet exercice et déclenché une procédure d'alerte le 2 décembre 2013, signalant au Procureur de la République le 14 mai 2014 qu'il ne pouvait finaliser son rapport sur les comptes 2013. Par ailleurs, l'analyse du passif déclaré démontre un passif exigible bien antérieurement à la date de cessation des paiements fixée dans le jugement déclaratif et une situation dégradée depuis longtemps .

I-Sur la demande de jonction:

Il convient en premier lieu d'observer que l'appel interjeté le 10 juin 2016, faisant l'objet de l'instance enregistrée au rôle sous le numéro 16/2882, pour lequel la jonction est demandée avec le présent dossier, a été formé hors délai, la décision ayant été délivrée par le greffe le 24 mars 2016, un premier appel ayant été interjeté par Monsieur X le 25 mars 2016; de sorte que la jonction ne peut être ordonnée.

II- Sur la recevabilité de la tierce opposition formée par Monsieur X:

L'article 583 du code de procédure civile dispose qu' « est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. »

Au cas d'espèce, Monsieur X fait valoir qu'il avait démissionné de ses fonctions de dirigeant de la société NOVAMONDE IMMOBILIER et que cette démission lui confère la qualité de tiers à la décision déférée.

L'appelant produit aux débats une missive datée du 12 novembre 2013 adressée par voie recommandée postale et également remise en main propre à Monsieur Sadeck D., aux termes de laquelle il indique «Comme suite à la vente de mes actions de la société NOVAMONDE Immobilier en date du 23 septembre 2013 à votre profit et comme convenu lors de nos accords, je vous donne par la présente ma démission de mon poste de Président de la société NOVAMONDE Immobilier et également ma démission de tous les postes que j'occupe au sein du groupe NOVAMONDE Immobilier (' suit la liste des SCI ). Cette démission prendra effet au 30 novembre 2013. »

La démission a, en l'espèce été donnée par écrit remis au cessionnaire des parts sociales détenues par Monsieur X. Il ressort des éléments du dossier que la démission n'a pas fait l'objet des publications légales et qu'il n' a pas été procédé à la désignation d'un nouveau dirigeant pour la société. Ce point ayant fait l'objet d'un chef de demande dans le cadre de l'instance en annulation de l'acte de cession des parts sociales;le Tribunal dans sa décision du 12 janvier 2016 qui a tranché ce litige, l'a prescrit

En l'espèce, Monsieur X président de la SAS NOVAMONDE IMMOBILIER est en cette qualité, représentant permanent de la société, il est un mandataire de la personne morale représentée. En application de l'article 2003 du Code civil, son mandat prend fin par sa démission, sa révocation ou son décès. Il peut donc démissionner à tout moment en observant les dispositions de l'article 2007 du Code civil qui obligent le mandataire renonçant à son mandat, de le notifier au mandant.

La démission n'est soumise à aucune condition de forme particulière. En l'espèce, la lettre de démission a été adressée par voie de recommandé (non produit aux débats) et par remise en mains propres (qui a apposé sa signature sur la lettre) au cessionnaire des actions. Toutefois, cette remise a été opérée entre les mains d'une personne physique et non à la personne morale ; n'ayant pas fait connaître à cette entité sa démission au sens des dispositions de l'article 2007 du code civil, celle-ci ne peut être considérée comme régulière et effective à l'égard de la personne morale qui lui a confié le mandat de la représenter. N'étant en outre, pas versés au dossier les statuts de la société aux termes desquels pouvaient figurer des dispositions relatives à la cessation des fonctions du dirigeant( article L 227-5 du code de commerce).

S'il est constant que le principe d'inopposabilité des nominations et des cessations de fonctions non publiées ne concerne que le pouvoir du dirigeant d'engager la société vis-à-vis des tiers à l'exclusion de la représentation en justice, il n'en demeure pas moins que le président ou tout autre dirigeant de la société peuvent à tout moment démissionner de leurs fonctions, sous réserve,éventuellement, du respect des conditions fixées par les statuts. La démission n'est toutefois acquise et irrévocable que lorsqu'elle a été notifiée à la société.

La tierce opposition formée par Monsieur X qui pour les raisons sus exposées, à la date du jugement du 7 octobre 2015 était le dirigeant en titre de la société NOVAMONDE sera en conséquence déclarée irrecevable et la décision déférée confirmée de ce chef.

III- Sur les frais irrépétibles

La partie appelante qui succombe dans ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens d'appel et condamnée à verser aux intimés ensembles la somme de 1200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Compiègne en date du 16 mars 2016 ;

Condamne Monsieur X à verser aux intimés une indemnité de 1.200€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur X aux dépens d'appel.