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Décisions

Cass. crim., 4 décembre 1989, n° 89-80.752

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Alphand

Avocat général :

M. Rabut

Avocat :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin

Douai, du 14 déc. 1988

14 décembre 1988

Statuant sur le pourvoi formé par :

Z... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 1988, qui, pour complicité de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement dont 6 avec sursis ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 197, alinéa 1er, 198 et 199 de la loi du 25 janvier 1985, 402 et 403 du Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Z... coupable du délit de complicité de banqueroute et l'a condamné en conséquence à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois assortis du sursis simple ;

"aux motifs, propres et adoptés, que Bernard Z..., sous-directeur de l'Agence de banque Joire Pajot et Martin à Roubaix, avait fait suivre à Roubaix en juin 1983 le compte de la société Ateliers des Flandres dont il avait la charge lorsqu'il était en poste à l'agence de Lille Faidherbe ; qu'il reconnaissait avoir mis en place le procédé d'escompte de traites tirées sur des particuliers et autorisé un encours d'escompte de 150 000 francs, en décembre 1982 jusqu'à 4 000 000 francs deux ans plus tard ; que ce système, favorisant la trésorerie Ateliers des Flandres, se devait d'être géré avec beaucoup de rigueur ; normalement, la traite acceptée avant l'échéance devait être annulée par un débit équivalent au compte ordinaire de la société lorsqu'un chèque client venait la couvrir ; qu'il apparaissait que les traites ne correspondaient pas au montant réel des travaux effectués (cf. : infractions à la législation sur la construction des maisons individuelles reprochées à A...) ; que A..., maçon de métier, ne pouvant à la fois s'occuper du secteur commercial et du secteur financier de l'entreprise, a bénéficié incontestablement de l'aide de son banquier pour gérer ces mouvements financiers ; que la banque Joire, Pajot et Martin avait d'ailleurs fort imprudemment installé ce système d'escompte qui revenait à donner, au client seul, le pouvoir de débloquer des fonds sans intervention de l'organisme prêteur d'une part, et d'autre part constituait un haut risque, s'agissant d'une SARL de 20 000 francs travaillant dans un secteur instable ; qu'il est établi, en outre, que Bernard Z... a détruit des avis d'impayés destinés à la Banque de France, pour éviter que la société Ateliers des Flandres ne soit interdite de chéquiers ; que c'est pourquoi, en laissant se poursuivre un découvert et un escompte sans cesse croissants au profit de la société, dont la situation était irrémédiablement compromise, Z... a procuré à la société des fonds par des moyens ruineux qui n'avaient pour but que de retarder la constatation de l'état de cessation des paiements ; qu'en répression, il convient d'aggraver la peine de Z... dont le rôle, à raison des fonctions qui étaient les siennes, a été capital, sinon déterminant (v. jugement p. 14, in fine, et p. 15 ; arrêt, p. 10 paragraphe 3) ;

"alors que la connaissance de l'état de cessation des paiements est un élément constitutif du délit ; qu'en se bornant à reprocher des imprudences à la banque et à son préposé, la cour d'appel, saisie de conclusions énonçant que le tribunal de commerce avait fixé à février 1985 la date de cessation des paiements, n'a pas caractérisé cet état et encore bien moins la connaissance que le demandeur aurait eue de cette situation en 1984, au moment où il a consenti les crédits ; 

"alors que, d'autre part, la complicité suppose une participation consciente à l'infraction ; qu'en retenant à l'encontre du seul A... le délit d'escroquerie au préjudice de la banque Joire, Pajot et Martin, par l'émission de traites non causées et revêtues de fausses signatures, ainsi que la fausse promesse d'un apport de 600 000 francs grâce à l'intervention d'un ami, la cour d'appel constatait nécessairement que le gérant de la société Ateliers des Flandres avait trompé son banquier et, partant, le demandeur chargé du dossier de cette entreprise ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences de ses propres constatations ;

"alors, enfin, que la cour d'appel a relevé que la banque avait imprudemment installé ce système d'escompte ; que la cour d'appel ne pouvait statuer sur le délit de complicité de banqueroute sans avoir recherché, ainsi que le demandeur le soutenait, s'il avait ou non dissimulé le fonctionnement particulier de cette société à ses dirigeants qui avaient autorisé les facilités bancaires ainsi accordées" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Bernard A..., dirigeant de la société "Ateliers des Flandres", a été poursuivi pour banqueroute et emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ; que pour déclarer Z..., sous-directeur de l'établissement bancaire dont ladite société était cliente, complice de ce délit, les juges du fond énoncent qu'il avait lui-même mis en place le procédé d'escompte des traites tirées sur des particuliers par ladite société ; qu'à cette occasion, Z... s'était aperçu que les traites tirées par A... dépassaient le crédit consenti et ne correspondaient pas au montant réel des travaux par lui effectués ; que les juges ajoutent qu'en détruisant personnellement les avis d'impayés destinés à la Banque de France et en laissant se poursuivre un découvert et un escompte sans cesse croissants pour les "Ateliers des Flandres" dont la situation était alors irrémédiablement compromise, Z... avait procuré à A... des fonds par des moyens qui furent ruineux pour l'entreprise et qui n'avaient pour but que de retarder la constatation de l'état de cessation de ses paiements ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt attaqué a, sans encourir les griefs du moyen, justifié et l'état de cessation des paiements de la société "Ateliers des Flandres" et la connaissance qu'en avait Z..., ainsi que les éléments tant matériels qu'intentionnel de la complicité de banqueroute retenue contre lui ;

Que dès lors le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; 

REJETTE le pourvoi.