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Décisions

Cass. com., 14 octobre 1997, n° 95-16.033

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Armand-Prevost

Avocat général :

M. Mourier

Avocat :

Me Blondel

Dijon, 1re ch. sect. 1, du 21 mars 1995

21 mars 1995

Attendu, selon l'arrêt déféré (Dijon 21 mars 1995, n° 00001395/93) rendu sur renvoi après cassation, que Mme Y... et Mme Z..., respectivement président et directeur général de la société Etablissements Pierre A... (société A...) en redressement judiciaire ont fait l'objet d'une mesure de faillite personnelle prononcée par le tribunal de commerce ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. X..., pris en ses qualités d'administrateur du redressement judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Hureaux, reproche à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu de prononcer la faillite personnelle, alors, selon le pourvoi, que la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée, s'agissant du pourvoi formé contre l'arrêt du 21 mars 1995 (répertoire général n° 00001396/93, pourvoi n° P 95-16.032) aura pour inéluctable conséquence, en l'état d'une indivisibilité certaine, d'entraîner la censure de l'arrêt n° 00001395/93 ;

Mais attendu que ce dernier pourvoi a été rejeté ce jour par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation ;

que le moyen ne peut qu'être rejeté ;

Et sur le moyen, pris en ses autres branches :

Attendu que M. X..., ès qualités reproche aussi à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que M. X..., ès qualités faisait valoir qu'il importait de ne point perdre de vue qu'au jour du jugement de redressement judiciaire, Mme Y... avait un salaire de 30 000 francs et Mme Z... un salaire de 21 500 francs; que la rémunération de ces dernières a été modifiée pour le mois de février 1988, soit trois jours avant le jugement de redressement judiciaire, à une époque où la société ne parvenait pas à payer son personnel qu'elle mettait en chômage technique, si bien que dans un tel contexte, il est certain que le versement de primes exceptionnelles au profit des dirigeants de droit très peu de temps avant la déclaration de cessation des paiements, à un moment où la situation économique de l'entreprise était tout simplement catastrophique, contribuait nécessairement au déséquilibre financier de la société, si bien que le paiement desdites primes exceptionnelles doit être considéré comme étant à l'origine de détournements de fonds au profit exclusif desdits dirigeants; qu'en décidant le contraire sur le fondement de motifs inopérants pour infirmer le jugement entrepris, la cour d'appel viole par refus d'application l'article 182, alinéa 1, de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que M. X... insistait dans ses écritures d'appel sur le fait qu'au 30 mars 1986, le chiffre d'affaires net avait été de 17 179 979 francs pour un résultat bénéficiaire de 363 108 francs, alors que le chiffre d'affaires de l'exercice 1987 était de 17 600 793 francs pour un déficit de 672 335 francs; qu'une projection avait été faite au 31 décembre 1987 concernant la période postérieure du 1er avril au 31 décembre 1987 et il est apparu un chiffre d'affaires de 11 979 113,56 francs pour un résultat net déficitaire de 1 121 787,79 francs ; quant à l'exercice arrêté au 31 décembre 1988, il a fait apparaître un chiffre d'affaires net de 13 465 000,16 francs, donc une perte importante du chiffre d'affaires par rapport à l'exercice précédent de plus de 4 millions de francs et un résultat d'exploitation déficitaire de 3 327 539 francs et une perte comptable de 3 226 695 francs, tandis que la perte au 31 mars 1987 avait été de 672 858 francs, si bien qu'à la lecture de ces seuls chiffres, il ressortait que la société connaissait de très graves difficultés depuis le début de l'exercice 1987, en sorte que ses dirigeants ont poursuivi une activité déficitaire; qu'en ne s'exprimant pas sur ce moyen pris dans son épure, moyen circonstancié, et en statuant sur le fondement de motifs lapidaires et inopérants, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 182.4° de la loi du 25 janvier 1985; alors, de quatrième part, que pour ne pas tenir compte de la projection au 31 décembre 1987 avancée par M. X..., la cour d'appel se contente d'affirmer que ladite projection a été réalisée postérieurement à l'ouverture de la procédure collective; que cependant M. X... pouvait parfaitement en faire état à titre d'élément de preuve; qu'en écartant ladite projection à partir de considérations totalement inopérantes, la cour d'appel viole les articles 1315 et 1353 du Code civil, ensemble l'article 15 du nouveau Code de procédure civile; alors, de cinquième part, qu'en exigeant que la poursuite d'exploitation soit "manifestement" déficitaire pour pouvoir mettre en oeuvre l'article 182.4° de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel ajoute une condition à la loi puisqu'il suffit, pour qu'une faillite personnelle puisse être prononcée, qu'il y ait une poursuite abusive dans un intérêt personnel d'une exploitation déficitaire sans plus; alors, de surcroît, que le simple fait de poursuivre une activité déficitaire est en soi de nature à caractériser la poursuite, dans leur intérêt personnel, par les dirigeants, de l'activité, à partir du moment où ceux-ci percevaient comme en l'espèce des rémunérations tout à fait substantielles; qu'en jugeant différemment à partir de motifs inopérants, la cour d'appel viole de plus fort l'article 182.4° de la loi du 25 janvier 1985; et alors, enfin, qu'aux termes de l'article 189.1°, de la loi du 25 janvier 1985, le simple fait d'avoir exercé une activité commerciale ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale, contrairement à une interdiction prévue par la loi, suffit pour entraîner la faillite personnelle; que M. X..., ès qualités insistait sur le fait qu'il y avait une irréductible incompatibilité entre les exigences de l'article 25 du chapitre IV du statut général des fonctionnaires qui s'imposait à Mme Z... et le fait d'exercer une activité de dirigeant d'une personne morale, en sorte que cette dernière exerçait ce faisant de façon illicite une fonction de dirigeant au sein de la société A...; qu'en jugeant le contraire sur le fondement de motifs erronés en droit, la cour d'appel viole par refus d'application l'article 189.1° de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, que, sur la base des éléments de preuve qui lui étaient soumis et dont elle a souverainement apprécié la valeur, la cour d'appel, d'un côté, a pu estimer que le seul fait d'avoir perçu au mois de février 1988 des primes exceptionnelles ne pouvait être assimilé à une disposition des biens de la société comme des siens propres et, d'un autre côté, a considéré, en se fondant sur le montant des rémunérations des deux dirigeantes, que la poursuite d'une exploitation déficitaire dans un intérêt personnel n'était pas suffisamment établie, peu important que par une erreur de plume, il ait été fait mention, une seule fois, d'une exploitation manifestement déficitaire, dès lors qu'il ressort des motifs de l'arrêt que la cour d'appel n'a pris en considération que le seul critère légal qu'elle a correctement énoncé dans un autre passage de sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt a retenu à bon droit que le fait, par l'une des dirigeantes de l'entreprise, d'avoir exercé une activité dans un établissement public, sans obtenir de dérogation pour continuer à diriger une entreprise privée, ne permettait pas de lui appliquer l'article 189.1° de la loi du 25 janvier 1985 ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.