Cass. crim., 5 juillet 1993, n° 92-82.799
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tacchella
Rapporteur :
M. de Mordant de Massiac
Avocat général :
M. Perfetti
Avocat :
Me Parmentier
REJET du pourvoi formé par :
- X... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 21 avril 1992, qui pour malversation, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 400 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater l'extinction de l'action publique ;
" aux motifs peu importe qu'aucun acte concernant personnellement (X...) ne soit intervenu entre le 24 mai 1985 et les citations à comparaître du 18 mars 1991 ; qu'il n'est pas contestable que des actes d'instruction (notamment la désignation d'experts comptables) ont été diligentés par la chambre d'accusation, alors qu'il est constant que des actes d'instruction interrompent la prescription à l'égard même des personnes qui n'y seraient pas impliquées, en raison de l'effet absolu de l'interruption de prescription qui se produit à l'égard de tous, auteurs, connus ou inconnus, et complices (cf. arrêt p. 8, paragraphes 3 à 5) ;
" alors qu'en se bornant à énoncer que " des actes d'instruction ", telle que " la désignation d'experts comptables ", actes dont elle n'a pas précisé de date, avaient interrompu le cours de la prescription, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier la légalité de sa décision sur ce point ; qu'ainsi elle a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que pour écarter l'exception de prescription soulevée par X..., la cour d'appel énonce que celle-ci n'était nullement acquise ; qu'entre le 24 mai 1985, date de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, et le 18 mars 1991, date de la citation effective devant cette juridiction, de nombreux actes d'instruction avaient été effectués par la chambre d'accusation ; qu'il importait peu qu'aucun acte concernant personnellement X... n'ait été accompli, les actes interruptifs de prescription développant leurs effets à l'égard de toutes les personnes pouvant être concernées par la procédure ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que dès lors le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation des entreprises, de l'article 408 du Code pénal, de l'article 4 de ce Code et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., syndic de la liquidation des biens de la banque Lacaze, coupable du délit de malversation ;
" aux motifs qu'il est établi que, pour la période allant du 24 décembre 1978 au 9 décembre 1981, c'est-à-dire de la fermeture de la banque Lacaze au début des investigations et plus précisément à la date de la dernière opération identifiée à la Banque Populaire, X... avait perçu un montant total d'intérêts nets de 398 812, 71 francs, grâce au placement de sommes qu'il ne détenait qu'au titre de son activité professionnelle de syndic ; que les détournements sont donc établis par le rapport de l'expertise ordonnée par le juge d'instruction ; qu'ils s'élevaient à hauteur globale de 677 387, 86 francs, produisant, après prélèvement fiscal de 278 575, 15 francs, un montant brut de 398 912, 71 francs au bénéfice de X..., pour la période considérée ; que le seul fait pour le syndic, agissant dans le cadre de sa mission, d'opérer des prélèvements sans autorisation des organes compétents à des fins personnelles est constitutif du délit ; qu'en agissant dans son intérêt personnel, le prévenu a volontairement porté atteinte aux intérêts des créanciers ; que la seule violation répétée de cette obligation légale qui lui imposait de déposer les fonds des créanciers sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts est suffisante en elle-même à caractériser cette intention frauduleuse (cf. arrêt p. 19-20) ;
" 1) alors que le délit prévu par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation des entreprises, n'est constitué que lorsque l'utilisation à son profit par le syndic des sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission a porté une atteinte aux intérêts du créancier ou du débiteur ; qu'en déclarant X... coupable de ce délit au seul motif que celui-ci avait opéré des placements, dont il avait perçu les fruits, au moyen des sommes d'argent qu'il recueillait dans le cadre de la liquidation dont il était le syndic, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi une atteinte avait été ainsi portée aux intérêts des créanciers ou du débiteur, a violé les textes visés au moyen ;
" 2) alors qu'aucune disposition pénale ne sanctionne la méconnaissance par le syndic de l'obligation que lui fait l'article 25 du décret du 22 décembre 1967 de déposer à la Caisse des dépôts et consignations les sommes qu'il recueille dans l'exercice de sa mission ; qu'en relevant dès lors, pour déclarer X... coupable de malversation, qu'il avait manqué à son obligation de dépôt, la cour d'appel a méconnu le principe de la légalité des infractions et des peines, violant ainsi l'ensemble des textes visés au moyen ;
" 3) alors que le délit prévu par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 n'est constitué que lorsque l'atteinte portée aux intérêts des créanciers ou du débiteur par l'utilisation par le syndic à son profit des sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission a été volontaire ; que pour déclarer X... coupable de ce délit, la cour d'appel devait constater que le syndic avait agi de mauvaise foi et dans l'intention de nuire aux intérêts du débiteur ou du créancier ; qu'en déduisant au contraire l'intention frauduleuse de la seule violation répétée de son obligation légale par le syndic, la cour d'appel qui a, au contraire, reproduit les déclarations de celui-ci selon lesquelles, la pratique critiquée " étant courante dans la profession à l'époque ", il avait agi de bonne foi, a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que pour le déclarer coupable du délit de malversation retenu contre lui, la cour d'appel énonce que X..., syndic, faisait virer des fonds importants de son compte étude à son compte personnel, d'où il les retirait pour acquérir des bons de caisse ; que, lorsque ceux-ci arrivaient à échéance, il en encaissait les intérêts avant d'en reverser le montant nominal au compte étude ; qu'en agissant ainsi, le prévenu a volontairement porté atteinte aux intérêts des créanciers ; que la seule violation des dispositions légales lui imposant de déposer les fonds des créanciers sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations caractérise l'intention frauduleuse ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a, contrairement à ce qui est soutenu, caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de malversation dont elle a reconnu le prévenu coupable ;
Que dès lors le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.