Cass. crim., 30 juin 1999, n° 97-85.764
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Schumacher
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Capron
REJET ET CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur les pourvois formés par :
- Z... Bernard, I... Dominique, B... Pierre, K... René, A... Jacques, mandataire du syndicat patronal ADECA, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 24 septembre 1997, qui a condamné Bernard Z..., à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 1 000 000 francs d'amende et 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, pour malversation, Dominique I..., à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 300 000 francs d'amende et 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, Pierre B..., à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende et 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et René K..., à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, pour complicité de malversation, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi de Jacques A..., mandataire du syndicat patronal ADECA :
Attendu que le demandeur ne produit aucun mémoire à l'appui de son pourvoi ;
II. Sur les pourvois des autres demandeurs :
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 7 mai 1991, le tribunal de commerce de Bobigny, dont le président était Pierre B..., dans sa formation présidée par René K... et dans laquelle siégeait Bernard Z..., a mis en redressement judiciaire la société Jules Zell, entreprise de plomberie, couverture et électricité, nommé René K... en qualité de juge commissaire et désigné Dominique I... aux fonctions d'administrateur judiciaire ;
Que, le 8 juillet 1991, sur requête de ce dernier, René K... a autorisé la cession de la branche électricité de la société Jules Zell à la société Martet-Mercier dont Bernard Z... était administrateur et détenait directement 29 % du capital et 20 % par l'intermédiaire de la " Compagnie financière de la Muette " dont il était actionnaire à 95 % ;
Que, le 12 juillet 1991, Bernard J..., relation d'affaires de Bernard Z..., a présenté une offre de reprise globale de la société Jules Zell et de ses trois filiales, et que, par jugement du 23 juillet 1991, le tribunal de commerce, dans la formation présidée par René K..., mais dans laquelle ne siégeait plus Bernard Z..., a ordonné la cession de l'entreprise et de ses filiales à Bernard J..., avec faculté de substitution, et désigné Dominique I... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Attendu que, le 30 juillet 1991, à la suite d'une réunion des conseils d'administration des filiales de la société Jules Zell, Bernard Z... a été nommé président de ces sociétés ; que, par la suite, le cessionnaire, Bernard J..., s'est substitué la société Nouvelle Zell, ayant notamment pour administrateur la Compagnie financière de la Muette, dont Bernard Z... était le président, lequel détenait 66 % du capital de la nouvelle société ;
Qu'enfin, le 29 août 1991, celui-ci a émis sur son compte personnel un chèque de 2 270 000 francs à l'ordre de Dominique I..., en règlement d'une partie du prix de cession ;
Attendu que, courant novembre 1991, le procureur de la République, informé des circonstances dans lesquelles était intervenue la cession de la société Jules Zell et de ses filiales, a présenté requête à la chambre criminelle de la Cour de Cassation aux fins de désignation d'une juridiction d'instruction ; qu'aussitôt Bernard Z... a renoncé à acquérir des actifs de la société Jules Zell et a été mis en congé de ses fonctions juridictionnelles ;
Qu'après instruction de l'affaire par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, Bernard Z... a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle pour malversation et Pierre B..., René K... et Dominique I..., pour complicité de ce délit ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 88 de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, 111-2, 111-3 et 112-1 du Code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué, après avoir constaté l'absence de loi de pénalité à la date de la commission des faits poursuivis, a néanmoins condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement et à une peine d'amende ;
" aux motifs que, l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 qui définit l'incrimination du délit de malversation renvoyait aux peines de l'alinéa second de l'article 408 de l'ancien Code pénal mais que cet article 408 a été abrogé par l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal à la date du 1er mars 1994 sans que la référence à l'article 408 ait été supprimée ; que c'est seulement l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a remplacé dans l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 la référence aux peines de l'article 408 ancien par la référence aux peines du nouvel article 314-2 du Code pénal ; que le défaut de coordination dans la mise en oeuvre des textes est donc avéré mais que cependant les 2 articles 408 et 314-2 précités sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont en tous points identiques ; que le premier réprimait l'abus de confiance " commis par une personne faisant appel au public afin d'obtenir la remise de fonds ou de valeurs " et que le second sanctionne l'abus de confiance commis " par une personne qui fait appel au public afin d'obtenir la remise de fonds ou de valeurs " ; que le délit d'abus de confiance réalisé par une personne qui fait appel au public n'a donc pas été abrogé par le législateur et que sauf à faire une interprétation abusive du principe de la légalité des délits et des peines, il n'apparaît pas qu'il puisse résulter du défaut de coordination des textes susvisés, aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 aux faits de la cause ; que, comme le relève le ministère public, la référence aux pénalités de l'article 408 puis à celles de l'article 314-2 du nouveau Code pénal traduit la volonté constante du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé dès lors que celui-ci se trouve pris en des termes exactement identiques ;
" alors qu'il résulte des dispositions des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 112-1 deuxième alinéa, du Code pénal, que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date de la commission des faits reprochés ; qu'en l'absence de pénalité prévue par la loi à la date de la commission des faits reprochés, aucune peine ne peut être prononcée ; qu'en l'espèce, les faits de malversation commis par les personnes ayant participé à la procédure collective, incriminés par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par la loi du 30 décembre 1985 ont été dépourvus de sanctions pénales entre le 1er mars 1994, date d'abrogation de l'ancien article 408 du Code pénal et le 1er octobre 1994, date d'entrée en vigueur de l'article 88 de la loi du 20 juin 1994 qui prévoit que le délit susvisé sera puni des peines prévues par l'article 314-2 du nouveau Code pénal ; qu'aucune disposition de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992 ne vise le remplacement de l'article 207 susvisé pour sanctionner le délit de malversation ; que la référence faite à l'article 314-2 du nouveau Code pénal par l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 démontre, qu'avant l'entrée en vigueur de cette disposition, aucune pénalité n'était encourue pour le délit précité suite à l'abrogation de l'article 408 de l'ancien Code pénal ; que, dès lors, la loi du 10 juin 1994 prise en son article 88 est une disposition pénale plus sévère rétablissant une pénalité qui, en tant que telle, ne peut rétroagir et s'appliquera uniquement aux faits commis postérieurement à son entrée ne vigueur ; qu'il s'ensuit que le 1er mars 1994, les faits de malversation reprochés au prévenu n'étaient plus susceptibles de poursuites pénales faute de sanction et ne pouvaient plus ensuite être appréhendés par les nouvelles dispositions plus sévères de l'article 88 précité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 372 de la loi du 16 décembre 1992, 88 de la loi du 10 juin 1994, 111-3, 111-4, 112-1, 112-4, 314-2 du Code pénal, 6 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme :
" en ce que, l'arrêt attaqué a condamné Dominique I... du chef de complicité de malversation pour des faits qui auraient été commis courant 1991 ;
" aux motifs que, l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 renvoyait aux peines de l'alinéa 2 de l'article 408 de l'ancien Code pénal ; que cet article a été abrogé par l'article 372 de la loi du 16 décembre 1992 à compter du 1er mars 1994 sans qu'ait été modifié concomitamment l'article 207 précité ; que c'est seulement l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a remplacé dans l'article 207 la référence aux peines de l'article 314-2 du Code pénal aujourd'hui en vigueur ; que l'article 408 du Code pénal abrogé le 1er mars 1994 et l'article 314-2 du Code pénal en vigueur depuis cette date sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont en tous points identiques ; que le délit d'abus de confiance par personne faisant appel au public n'a donc pas été abrogé par le législateur ; qu'il n'apparaît pas qu'il puisse résulter du défaut de coordination des textes susvisés aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 aux faits de la cause ; que la référence dans cet article 207 aux peines de l'article 408 du Code pénal puis de celles de l'article 314-2, traduit la volonté constante du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé ;
" alors, d'une part, qu'une disposition pénale nouvelle qui abroge le texte réprimant une infraction s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; qu'en refusant d'appliquer l'article 372 de la loi du 16 décembre 1992, entrée en vigueur après la commission des faits mais avant qu'ils soient jugés, qui abrogeait l'article 408 du Code pénal réprimant le délit de malversation, l'arrêt attaqué a violé le principe de légalité des délits et des peines ;
" alors, d'autre part, que l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a modifié la rédaction de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, pour substituer la référence de l'article 314-2 du Code pénal à celle de l'article 408 du Code pénal, n'est entré en vigueur, aux termes de l'article 89 de la loi, que le 1er octobre 1994 ; qu'il n'a aucun caractère interprétatif ; qu'en faisant rétroagir ces dispositions pour réprimer des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur, l'arrêt attaqué a derechef méconnu le principe de la légalité des délits et des peines et de la non-rétroactivité des lois répressives ;
" alors, enfin que, les articles 314-1 et 314-2 du Code pénal ne répriment pas les mêmes faits que ceux qui étaient définis par l'article 408 et ne prévoient pas les mêmes peines ; que, dès lors, en l'absence de toute intervention du législateur, l'arrêt attaqué ne pouvait substituer aux peines prévues par l'article 408 auxquelles l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 faisait exclusivement référence, celles prévues par l'article 314-2 du nouveau Code pénal " ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, en faveur de Pierre B... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 266 de la loi du 16 décembre 1992, 111-2 et 112-1 du nouveau Code pénal, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité des poursuites du chef de malversation ;
" que, les faits visés à la prévention sont antérieurs au 1er mars 1994 ; que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 qui définit les éléments constitutifs du délit de malversation renvoyait aux peines de l'alinéa 2 de l'article 408 de l'ancien Code pénal ; que cet article 408 a été abrogé par l'article 372 de la loi du 16 décembre 1992 à compter de l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal ultérieurement fixée au 1er mars 1994 par la loi du 19 juillet 1993 sans qu'ait été concomitamment modifié l'article 207 précité, la référence audit article 408 demeurant inchangée ; que c'est seulement l'article 88 de la loi du 10 juin 1994 qui a remplacé dans l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 la référence aux peines du deuxième alinéa de l'ancien article 408 du Code pénal par la référence aux peines de l'article 314-2 du Code pénal aujourd'hui en vigueur ; que le défaut de coordination dans la mise en oeuvre de ces textes est donc avéré ; que toutefois l'article 408 du Code pénal abrogé le 1er mars 1994 et l'article 314-2 du Code pénal en vigueur depuis cette date sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont en tous points identiques... ; que le délit d'abus de confiance par personne faisant appel au public n'a donc pas été abrogé par le législateur ; que, dès lors, sauf à faire une interprétation abusive du principe de la légalité des délits et des peines, il ne saurait résulter du défaut de coordination des textes susvisés aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 aux faits de la cause ; qu'ainsi que le relève le ministère public, la référence dans cet article 207 aux peines de l'article 408 du Code pénal puis de celle de l'article 314-2 traduit la volonté constante du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé ; que dès lors que celui-ci se retrouve repris dans des termes exactement identiques, la référence de l'article 207 aux textes successifs du Code pénal se trouve en substance inchangée ; que le moyen tiré de l'abrogation de la loi pénale et de l'absence d'élément légal fondant les poursuites sera en conséquence rejeté ;
" alors que, la cour d'appel ne pouvait, sans commettre d'excès de pouvoir et violer l'article 111-2 du nouveau Code pénal, considérer qu'en cas d'abrogation d'un texte comportant tout à la fois définition d'une infraction donnée ainsi que détermination de la peine applicable et auquel se référait quant à la pénalité une toute autre incrimination contenue dans une loi pénale annexe, présumer de ce que le texte se substituant à la loi abrogée parce qu'il incriminait les mêmes agissements que cette dernière en prévoyant toutefois des sanctions différentes se substituait nécessairement à l'ancien comme référence quant à la sanction applicable au délit prévu par la loi pénale annexe en l'absence de toute décision du législateur d'autant que ce dernier, dans une loi d'adaptation ayant pour objet précisément de substituer dans les différentes incriminations dont celles de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 faisant référence aux dispositions abrogées de l'ancien Code pénal, celles du nouveau Code, ne prévoyait pas que tel devait être le cas pour l'incrimination présentement en cause, à savoir l'article 207 de la loi susvisée " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'illégalité des poursuites tirée de l'absence de sanction applicable au délit de malversation prévu par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, entre le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 1992, ayant abrogé l'article 408 ancien du Code pénal, et le 23 octobre 1994, date d'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1994, ayant remplacé dans l'article 207 de la loi précitée la référence à l'article 408 ancien, par celle à l'article 314-2 du Code pénal, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'article 408, abrogé le 1er mars 1994 et l'article 314-2 en vigueur depuis cette date sanctionnent une infraction dont les éléments constitutifs sont identiques, énonce qu'il n'apparaît pas " qu'il puisse résulter du défaut de coordination des textes susvisés, aucune conséquence quant à l'applicabilité de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 aux faits de la cause " ; que les juges ajoutent que la référence, dans cet article 207, aux peines de l'article 408 ancien du Code pénal, puis à celles de l'article 314-2 du même code, traduit la volonté du législateur de réprimer le délit de malversation des mêmes peines que celles de l'abus de confiance aggravé ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, il se déduit de l'article 207 ancien de la loi du 25 janvier 1985, selon lequel les malversations incriminées par cet article sont punies " des peines prévues par le 2e alinéa de l'article 408 du Code pénal ", que le législateur a, quant à la répression, entendu assimiler ces malversations aux faits d'abus de confiance définis par ce second texte ; qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 408, alinéa 2, ayant été reprises, à compter du 1er mars 1994, à l'article 314-2 du Code pénal, les peines prévues par ce texte ont, dès cette date, été applicables au délit prévu par l'article 207 précité ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 111 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré que Bernard Z... a participé à la procédure au sens de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 et l'a déclaré coupable de ce délit ;
" aux motifs que, le fait pour un juge consulaire de participer au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire constitue une participation à la procédure puisqu'il s'agit de l'acte fondateur de cette procédure qui détermine, s'il y a ou non lieu, à déclencher le mécanisme prévu par la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il n'y a pas lieu de dissocier, au regard de l'article 207 susvisé, le jugement d'ouverture des autres actes de la procédure subséquents, sauf à permettre à un juge consulaire personnellement intéressé d'influer sur une décision juridictionnelle dont les effets économiques et financiers sont essentiels ; qu'il s'agit d'un seul bloc qui ne peut être scindé sans porter gravement atteinte à l'esprit de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 ; que dès lors où Bernard Z... a participé en qualité de premier assesseur au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SA Jules Zell, il est établi qu'il a participé à la procédure au sens de l'article 207 susvisé ;
" alors que, l'audience au cours de laquelle est prononcée l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire constitue une condition préalable au délit de malversation prévu par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 mais non la procédure elle-même au cours de laquelle l'infraction peut être commise ; que, dès lors, le fait de participer au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en qualité de juge consulaire exclut l'application de l'article 207 susvisé, réservé aux seuls organes désignés par le jugement d'ouverture ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu qui soutenait qu'en siégeant à l'audience du tribunal de commerce ayant ouvert le redressement judiciaire de la société Jules Zell, il n'avait pas participé à la procédure au sens de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, la juridiction du second degré énonce que " dissocier, au regard de l'article 207 visé à la prévention, le jugement d'ouverture et la procédure subséquente serait enlever toute portée à celui-ci dans la mesure où ce serait permettre à un juge consulaire, personnellement intéressé, d'influer sur une décision juridictionnelle dont les effets économiques et financiers sont essentiels et conditionnent la mise en place d'une procédure spécifique qui en découle directement, et qui a pour effet de faire du jugement d'ouverture et de la procédure elle-même un seul bloc qui ne peut être scindé, sans porter gravement atteinte à l'esprit de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'audience au cours de laquelle les juges examinent la situation financière, économique et sociale du débiteur, et entendent le cas échéant le rapport du juge commis en application de l'article 13 du décret du 1er décembre 1985 et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, constitue la première étape de la procédure de redressement judiciaire, au sens de l'article 207 de la loi précitée, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 122-3 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré Bernard Z... coupable du délit de malversation pour des faits commis en 1991 et l'a condamné de ce chef à la peine de 2 années d'emprisonnement avec sursis et à la peine d'amende d'1 million de francs ;
" aux motifs que, l'élément moral du délit de malversation s'analyse en la conscience chez une personne qui s'est portée acquéreur des biens litigieux, de leur appartenance à un débiteur ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire à laquelle il a participé ; que l'alinéa deuxième de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 protège non pas l'intérêt particulier des créanciers lequel est visé en l'alinéa premier mais l'intérêt général qui exige que les juges consulaires et les mandataires de justice ne puissent en aucun cas se porter acquéreur des biens du débiteur lorsqu'ils ont participé à la procédure ; que Bernard Z... ne conteste pas avoir eu une telle conscience et que les démarches effectuées auprès du président du tribunal de commerce démontrent qu'il avait conscience d'enfreindre la loi ; que l'autorisation donnée par le président avant l'audience du 7 mai 1991 ne saurait valoir fait justificatif ;
" alors que, l'erreur sur le droit entraîne exonération de la responsabilité pénale si la personne qui s'en prévaut a demandé au juge consulaire chargé de présider l'audience d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire s'il existait, à ce stade de la procédure, une incompatibilité à exercer une fonction de juge consulaire avec une éventuelle participation dans les opérations de reprise ; qu'en l'espèce, la réponse positive formulée par le président du tribunal de commerce au prévenu l'a conduit à croire légitimement pouvoir siéger à l'audience du tribunal du 7 mai 1991 se prononçant sur l'ouverture de la procédure judiciaire de sorte que la responsabilité pénale ne pouvait être retenue " ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni de conclusions régulièrement déposées que le prévenu ait invoqué devant les juges du fond l'erreur sur le droit comme cause d'irresponsabilité pénale ;
Que, dès lors, le moyen est nouveau et comme tel irrecevable ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 207 de la loi du 25 janvier 1985, 121-4 et 111-4 du Code pénal, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de malversation et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs qu'il importe peu qu'à la date de la cession par Bernard Z... de l'ensemble de ses participations dans la SA Zell, les actes de cession du fonds de commerce de la SA Jules Zell n'eussent pas été signés et que le transfert de propriété ne fut pas encore intervenu, dans la mesure où l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 ne vise que le fait de se rendre acquéreur et qu'il suffit que l'intéressé, en toute connaissance de cause, procède aux démarches conduisant à l'acquisition des biens et se comporte en maître de ces biens ; qu'en l'espèce, à la date du 8 juillet 1991 concernant la cession du secteur électricité de Zell à la société Martet-Mercier, Bernard Z... détenait 49 % des parts de cette société, qu'à la date du 23 juillet 1991 à laquelle a eu lieu la cession des actifs de la SA Jules Zell au profit de Bernard J..., il était prévu une faculté de substitution d'acquéreur et que le 30 juillet 1991, Bernard Z... a été officiellement nommé président des 3 sociétés, filiales de la SA Jules Zell précédemment cédées à Bernard J... et qu'un chèque bancaire de 2 270 000 francs a été émis sur le compte personnel du prévenu pour régler une partie des actifs ; qu'ainsi, dès la fin juillet 1991, Bernard Z... était bien le maître du département électricité et des 3 filiales de la SA Jules Zell ;
" alors que le délit de malversation est une infraction qui exige un résultat et suppose qu'il y ait acquisition directe ou indirecte des biens du débiteur cédé ; que le simple fait de procéder à des démarches en vue d'un éventuel transfert de propriété n'est pas pénalement répréhensible tant au regard de l'infraction consommée que de la tentative, celle-ci n'était pas spécifiquement incriminée selon les dispositions de l'article 121-4 du Code pénal ; que, dès lors, aucune des mentions de l'arrêt ne constatant que le prévenu ait eu la qualité d'acquéreur lors des actes de cession, la déclaration de culpabilité est dépourvue de base légale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 121-4, 121-5 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 592 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Dominique I... du chef de complicité du délit de malversation commis par Bernard Z... ;
" aux motifs qu'il importe peu qu'à la date de cession par Bernard Z... de l'ensemble de ses participations dans la société anonyme Nouvelle Zell, les actes de cession du fonds de commerce de la SA Zell n'eussent pas été signés et que le transfert de propriété ne fût point encore intervenu ; qu'en effet, l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 incriminant le fait de " se rendre acquéreur pour son compte ", il suffit que l'intéressé en toute connaissance de cause procède aux démarches conduisant à l'acquisition des biens du débiteur et qu'il se comporte en maître de ses biens ; et aux motifs également que Bernard Z... ayant eu connaissance de l'éventualité de poursuites judiciaires décidait, après une rencontre avec le procureur de la République, de renoncer à l'opération et sur sa demande, était mis en congé de ses fonctions juridictionnelles ;
" alors, d'une part, que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, qui fait obligation à la juridiction saisie de la poursuite de prononcer la nullité de l'acquisition, n'incrimine que le fait de se rendre acquéreur des biens du débiteur ; que, dès lors, la condamnation prononcée en l'absence de toute acquisition des biens du débiteur et sur le fondement des seuls démarches accomplies en vue d'une acquisition à laquelle l'auteur principal a librement renoncé est illégale ;
" alors, d'autre part, que la tentative de commettre un délit n'est punissable que dans les cas prévus par la loi ; que l'article 207 du 25 janvier 1985, qui réprime le seul fait de se rendre acquéreur des biens du débiteur, ne prévoit pas que la tentative sera également punissable ; que, dès lors, les démarches accomplies en vue d'une acquisition qui ne s'est pas réalisée ne sont punissables ni au titre du délit accompli, ni au titre de la tentative ;
" alors, en troisième lieu que, ni la prise de participation de Bernard Z... dans la société anonyme Nouvelle Zell, ni le paiement partiel des actifs effectué sur son compte personnel ne caractérisent un quelconque acte d'acquisition des biens du débiteur ; qu'ainsi, la condamnation prononcée est dépourvue de toute base légale ;
" et alors enfin, que la juridiction saisie ne peut également prononcer de condamnation sans avoir prononcé la nullité de l'acquisition " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Bernard Z... coupable de malversation et Dominique I... complice de ce délit, la juridiction du second degré énonce que, dès lors que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 incrimine le fait de " se rendre acquéreur pour son compte ", des biens du débiteur, il suffit que l'intéressé, après avoir procédé ou fait procéder aux démarches conduisant à l'acquisition de ces biens, se comporte en maître de ceux-ci ;
Que les juges relèvent que, d'une part, le juge commissaire, par ordonnance du 8 juillet 1991 a autorisé la cession du secteur électricité de la société Jules Zell à la société Martet-Mercier dont Bernard Z... détenait directement ou indirectement 49 % du capital, que, d'autre part, le 30 juillet 1991, après cession de l'ensemble des actifs de la société et de ses 3 filiales à Bernard J..., avec faculté de substitution, le prévenu a été nommé président de ces sociétés et qu'il a remis à Dominique I... un chèque bancaire de 2 270 000 francs en paiement d'une partie des actifs de la SA Jules Zell ;
Que les juges ajoutent qu'il est ainsi établi que Bernard Z... était bien, dès la fin juillet 1991, le maître du département électricité et des 3 filiales de la SA Jules Zell ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le prononcé de la nullité de l'acquisition, prévue par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, n'est pas une condition préalable à la condamnation pour malversation, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 121-6, 121-7 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 592 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Dominique I... du chef de complicité du délit de malversation commis par Bernard Z... ;
" aux motifs que la demande de K Bis n'était pas, pour Dominique I..., une obligation professionnelle légalement prescrite, mais une telle pratique apparaît habituelle ; que la carence de Dominique I... est pour le moins suspecte, alors qu'il devait, en professionnel averti, avoir connaissance du nom des magistrats ayant participé au jugement d'ouverture et ne pouvait ignorer la présence de Bernard Z... chez Martet-Mercier ; qu'il a participé à des réunions chez le président B..., pour attirer son attention sur la présence de Bernard Z... dans la reprise des actifs Zell ; que, néanmoins, rassuré par le président B..., il a encaissé le chèque bancaire de Bernard Z... destiné à assurer le financement d'une partie des actifs Zell ; qu'il apparaît, dans les procès-verbaux des conseils d'administration comme assistant Michel E... lorsque celui-ci soumet à l'agrément les cessions d'actions à Bernard Z... ; qu'il est resté silencieux à la suite de la lettre que lui a adressée l'expert H... ; que, dès lors, il ne peut être sérieusement contesté que Dominique I... a porté aide et assistance à Bernard Z... au moyen des actes positifs susvisés, et qu'en tout état de cause, en dépit de ses obligations légales et alors qu'il avait parfaitement connaissance du comportement frauduleux de celui-ci, au moins à compter du 24 ou 25 juillet 1991, il a volontairement omis de rendre compte au procureur de la République, que ce soit en juillet, en août ou en septembre 1991, de ses actes, l'avis du président B... ou de K... étant, en l'espèce, sans incidence ;
" alors, d'une part, que Dominique I..., qui, selon les constatations de l'arrêt, aurait eu connaissance du comportement frauduleux de Bernard Z... à compter du 24 ou 25 juillet 1991, n'a pu sciemment lui prêter aide et assistance pour l'autorisation de la cession du secteur électricité à Martet-Mercier, intervenue le 8 juillet 1991, ni pour celle de la cession du reste des actifs de la société Zell à Bernard J..., intervenue le 23 juillet 1991 ;
" alors, d'autre part, qu'il n'y a pas de complicité par abstention ; qu'ainsi, l'omission d'alerter le procureur de la République ne peut caractériser, à l'encontre de Dominique I..., qui n'y était pas légalement tenu, un acte positif d'aide ou d'assistance au délit de malversation qui aurait été commis par Bernard Z... ;
" alors, enfin, que l'encaissement du chèque destiné au paiement d'une partie des actifs de la société Zell, avec l'accord du président du tribunal de commerce, et la participation aux conseils d'administration des sociétés faisant l'objet du plan de cession autorisé par le tribunal, entrait directement et exclusivement dans les fonctions d'administrateur et de commissaire à l'exécution du plan de Dominique I... ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui n'expose pas en quoi ces actes normaux de la fonction de Dominique I... pouvaient, en eux-mêmes, caractériser une quelconque aide ou assistance portée à Bernard Z..., est dépourvu de toute base légale " ;
Attendu que, pour déclarer Dominique I... coupable de complicité de malversation, la juridiction du second degré, par motifs propres et adoptés, énonce qu'après le jugement de cession de la société Jules Zell et de ses filiales, du 23 juillet 1991, le prévenu a commis l'essentiel des actes positifs constitutifs de l'aide et de l'assistance apportées à l'auteur principal ;
Que les juges retiennent notamment qu'il a préparé les cessions de parts des 3 filiales au profit de Bernard Z... ; qu'il a encaissé sur son compte professionnel le chèque bancaire de 2 270 000 francs destiné à assurer le paiement d'une partie des actifs de la société Jules Zell et que c'est dans son étude qu'a été passé, le 25 septembre 1991, l'acte de cession du département électricité de la société ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué à la deuxième branche du moyen, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la complicité par aide et assistance du délit de malversation commis par Bernard Z... dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, en faveur de Pierre B... et pris de la violation des articles 59 et 60 anciens du Code pénal, 121-7 du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre B... coupable de complicité de malversation ;
" aux motifs que, contrairement à ce que soutient la défense, il apparaît que le président du tribunal de commerce de Bobigny... a, dès l'origine, prêté son concours à la réalisation des faits litigieux ; que René K... a assuré que depuis le début, Pierre B... lui avait demandé de le tenir informé, ce qu'il avait fait dès l'ouverture de la procédure ; que c'est à l'initiative de Pierre B... qu'a été désigné en qualité d'administrateur Dominique I... ainsi que l'a déclaré René K...... que lorsque dès le mois de juillet 1991 des " rumeurs " avaient commencé à circuler, ce dernier, conscient des risques qui se précisaient, avait déclaré à Bernard Z... au lendemain du jugement du 23 juillet 1991 qu'il ne s'opposait pas à son intervention sous réserve qu'il obtienne l'accord du président du tribunal Pierre B... ; que c'est dans ces conditions qu'a eu lieu la réunion contestée par la défense mais dont l'existence a été néanmoins établie de façon formelle lors de la confrontation devant le magistrat instructeur nonobstant les déclarations divergentes qui ont pu être faites antérieurement par les différents protagonistes à ce sujet ; que le témoin Bernard C... a lui aussi rapporté que lors d'une conversation téléphonique, Bernard Z... lui avait expliqué... qu'il ne pouvait rien faire sans avoir l'aval du président du tribunal et que par la suite, début août, il avait rencontré ce dernier qui lui avait déclaré avoir obtenu cet aval ; que ces déclarations de Bernard C... coïncident donc parfaitement avec celles de Bernard Z..., René K... et Dominique I... ; que M. G..., mandataire des créanciers lors de la même confrontation, a également déclaré qu'il était exact qu'entre le 24 et 26 juillet cette réunion a eu lieu... qu'il est établi, en outre, par les déclarations concordantes de Bernard Z..., René K... et Dominique I... qu'une deuxième série de réunions informelles a eu lieu en présence du président B... début septembre 1991 ; que son existence est au surplus confirmée par les déclarations de M. Doucede, greffier en chef du tribunal de commerce de Bobigny ;
" alors que la Cour, qui a ainsi déclaré établie la participation de Pierre B... à l'opération litigieuse sur le fondement exclusif des déclarations des coprévenus et de 2 personnes étroitement liées à celle-ci tout en reconnaissant qu'elles avaient fait l'objet de variations successives et divergentes de la part de leurs auteurs et sans aucunement répondre à l'argumentation péremptoire des conclusions de Pierre B... faisant état de ce que précisément les premières déclarations des coprévenus ne faisaient aucunement mention de l'existence de réunions et dénonçant par ailleurs les invraisemblances de fait entachant les déclarations subitement convergentes recueillies lors de la confrontation devant le juge d'instruction et portant tout à la fois sur les dates et les participants, n'a pas en l'état de cette insuffisance de motifs et de défaut de réponse aux conclusions satisfait à l'obligation qui est la sienne d'instruire à charge et à décharge ni par conséquent légalement justifié sa décision " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, en faveur de Pierre B... et pris de la violation des articles 59 et 60 anciens du Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre B... coupable de complicité de malversation ;
" aux motifs qu'il apparaît que le président du tribunal de commerce de Bobigny a, dès l'origine, prêté son concours à la réalisation des faits litigieux ; que René K... a assuré que depuis le début Pierre B... lui avait demandé de le tenir informé ce qu'il avait fait dès l'ouverture de la procédure ; que c'est à l'initiative de Pierre B... qu'à été désigné en qualité d'administrateur Dominique I...... que c'est dans ces conditions qu'a eu lieu la réunion contestée par la défense entre le 24 et le 26 juillet mais dont l'existence a été néanmoins établie de façon formelle lors de la confrontation devant le magistrat instructeur nonobstant les déclarations divergentes qui ont pu être faites antérieurement par les différents protagonistes à ce sujet... qu'il est établi, en outre, par les déclarations concordantes de Bernard Z..., René K... et Dominique I... qu'une deuxième série de réunions informelles a eu lieu en présence du président B... début septembre 1991... que, dès lors, il est suffisamment établi que Pierre B... suivait attentivement la procédure litigieuse, que malgré ses dénégations systématiques, les réunions susvisées ont bien eu lieu en sa présence avec le rôle qui lui a été attribué et qui correspond bien en fait à sa personnalité telle qu'elle ressort du dossier, de président autoritaire connaissant toutes les affaires importantes de son tribunal, se targuant de régler les difficultés sérieuses ;
" alors que le délit de malversation incriminé par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 consistant dans le fait pour une personne ayant participé à un titre quelconque à la procédure de redressement ou de liquidation d'une entreprise de se rendre acquéreur pour son compte directement ou indirectement des biens du débiteur ou de les utiliser à son profit, il s'ensuit que la complicité de cette infraction suppose, pour être caractérisée, la connaissance par le prévenu de cette participation de l'auteur principal à la procédure ce qui n'est aucunement constaté en l'espèce où la Cour ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si Pierre B... savait que Bernard Z... avait siégé en qualité d'assesseur lors de la procédure d'ouverture ce que contestait précisément Pierre B... dans ses écritures, là encore délaissées par la Cour, et se référant aux déclarations du nommé Bernard Z... indiquant n'avoir jamais déclaré au président B... avoir siégé dans cette procédure " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la complicité du délit de malversation commis par Bernard Z... dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Capron, en faveur de René K... et pris de la violation des articles 207, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné René K... à 15 mois d'emprisonnement avec sursis pour le délit prévu et réprimé par l'article 207, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 ;
" aux motifs qu'" il est (...) reproché à René K... de s'être rendu complice de l'infraction de malversation commise par Bernard Z..., dont il vient d'être démontré que l'ensemble des éléments constitutifs sont parfaitement établis ; qu'il convient donc de déterminer si René K... a, avec connaissance, aidé ou assisté Bernard Z... dans les faits qui ont préparé ou facilité l'infraction, ou dans ceux qui l'ont consommée en commettant des actes positifs (cf. arrêt attaqué, p. 18, 2° considérant) ; " que René K..., juge commissaire et président de chambre, qui apparaît particulièrement expérimenté, était le magistrat en charge du dossier de la SA Jules Zell ; que Bernard Z... avait, en conséquence, essentiellement besoin de son accord pour commettre la malversation en se portant acquéreur des biens du débiteur " (cf. arrêt attaqué, p. 18, 3° considérant) ; " qu'ainsi, le 8 juillet 1991, René K... a rendu l'ordonnance aux termes de laquelle le département électricité Zell était cédé à la société Martet-Mercier pour la somme de 170 650 francs ; que cette décision, d'une importance déterminante, a été prise de l'aveu même du prévenu, sans " aucun contrôle " sur le repreneur, le K bis n'ayant même pas été demandé ; qu'un tel comportement, de la part d'un magistrat expérimenté, ne peut manquer de surprendre, d'autant plus qu'à l'époque, la procédure Zell était la plus importante en cours devant le tribunal de commerce de Bobigny, et qu'aux dires de France Broos, juge consulaire au tribunal de commerce de Bobigny, les recherches sur le repreneur, notamment par le K bis, se faisaient antérieurement à la décision sur le plan de cession, ce K bis étant fourni soit par l'avocat du repreneur ou son représentant, soit par le mandataire de justice, et, à défaut, sollicité par le magistrat ", (cf. arrêt attaqué, p. 18, 4° considérant) ; " que, par ailleurs, Christian D..., président-directeur général de la société Martet-Mercier, ayant déclaré au magistrat instructeur que l'existence de Bernard Z... au sein de la société était un " secret de polichinelle ", que M. Y..., le contrôleur de gestion, missionné par l'administrateur, ne pouvait l'ignorer, et que Dominique I... le savait, il en résulte que René K..., saisi par requête de l'administrateur, ne pouvait pas ne pas être informé de la situation de Bernard Z..., lequel a, par ailleurs, toujours déclaré qu'il ne voulait pas que l'on ait pu penser qu'il menait une opération occulte ; que René K... apparaît plutôt avoir ainsi commis une négligence " volontaire " pour que l'attention ne soit pas officiellement appelée sur la situation de Bernard Z... ; qu'est ainsi établi le premier fait positif de complicité ayant permis de consommer l'infraction " (cf. arrêt attaqué, p. 18, 5° considérant) ; " que la formation juridictionnelle présidée par René K..., assisté des juges Michel F... et Yves X..., a, par décision du 23 juillet 1991, accordé à Bernard J... avec faculté de substitution le bénéfice de la cession des éléments d'actif de la société Zell et de ses filiales Battais, Etpm et Erpa, alors qu'il est établi, notamment par la déclaration de M. G..., que la procédure de faculté de substitution est " suffisamment rare pour rester de l'ordre de l'exceptionnel " (cf. arrêt attaqué, p. 18, 6° considérant, lequel s'achève p. 19) ;
" que René K... a reconnu, devant le magistrat instructeur, avoir été informé, dès le lendemain, par Bernard Z... de son intention de reprise des actifs Zell en substituant aussitôt J... ; qu'au lieu de s'opposer à une telle manoeuvre dont il connaissait le caractère frauduleux, en sa qualité de président de la chambre ayant rendu la décision susvisée et de magistrat indépendant et intègre, René K... a avoué avoir répondu à Bernard Z... qu'il devait obtenir l'autorisation du président B... et avoir participé, peu après, à une réunion dans le cabinet de ce dernier, qui a autorisé Bernard Z... à intervenir dans la procédure ", (cf. arrêt attaqué, p. 19, 1er considérant) ; " que, dès lors, il ne peut être sérieusement contesté que, tenu par la loi de veiller au bon déroulement de la procédure, René K..., par sa connaissance de l'intervention de Bernard Z... et par son accord à celle-ci, a permis la réalisation du délit de malversation ", (cf. arrêt attaqué, p. 19, 2° considérant) ;
" 1° alors que la complicité nécessite, pour être constituée, l'accomplissement d'un acte positif ; qu'en relevant, pour établir que René K... a été le complice de Bernard Z..., " qu'il apparaît plutôt avoir (...) commis une négligence " volontaire " pour que l'attention ne soit pas officiellement appelée sur la situation " de l'auteur principal, la cour d'appel, qui a déduit un motif dubitatif, et qui, par conséquent, ne justifie pas que René K... aurait commis un acte susceptible de caractériser sa complicité, a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que les délibérations des juges sont secrètes ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas possible, lorsqu'une juridiction statue dans une formation collégiale, d'imputer la responsabilité du jugement à un des magistrats qui en ont délibéré, plutôt qu'à un autre ; qu'en relevant, pour établir que René K... a été le complice de Bernard Z..., qu'il a présidé la formation du tribunal de commerce de Bobigny qui, en arrêtant le plan de cession des actifs de la société Jules Zell, a permis l'infraction commise par Bernard Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3° alors que la complicité nécessite, pour être constituée, l'accomplissement d'un acte positif ; qu'en relevant, pour justifier que René K... a été le complice de Bernard Z..., que, postérieurement au jugement arrêtant le plan de cession de la société Jules Zell, René K..., loin de s'opposer au projet de Bernard Z..., lequel entendait se substituer au bénéficiaire du plan de cession, avait indiqué à celui-ci qu'il devait obtenir l'autorisation du président du tribunal de commerce de Bobigny, et qu'il avait participé à la réunion à l'issue de laquelle celui-ci avait approuvé la substitution projetée par Bernard Z..., la cour d'appel, qui se contredit quand, après avoir indiqué que René K... a renvoyé Bernard Z... à la décision du président du tribunal de commerce de Bobigny, elle énonce que René K... a approuvé l'initiative de Bernard Z..., a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer René K... coupable de complicité de malversation, la cour d'appel relève que le prévenu, qui apparaît particulièrement expérimenté, était le magistrat en charge du dossier de la société Jules Zell dont Bernard Z... avait besoin de l'accord pour se porter acquéreur des biens du débiteur ; que les juges retiennent que, le 8 juillet 1991, il a rendu l'ordonnance aux termes de laquelle le département électricité de la société Jules Zell a été cédé à la société Martet-Mercier, dont le président a déclaré au juge d'instruction que la présence de Z... au sein de cette société était " un secret de polichinelle " ;
Que les juges relèvent, en outre, que la formation qu'il présidait a, par décision du 23 juillet 1991, accordé à Bernard J..., avec faculté de substitution, le bénéfice de la cession des éléments d'actif de la société Jules Zell et de ses filiales, et qu'ayant été informé, dès le lendemain, par Bernard Z..., de son intention de se substituer aussitôt à Bernard J..., René K..., au lieu de s'opposer à une telle manoeuvre dont il connaissait le caractère frauduleux, l'a invité à obtenir l'autorisation du président B... ;
Que les juges ajoutent que, " tenu par la loi de veiller au bon déroulement de la procédure, René K..., par sa connaissance de l'intervention de Bernard Z... et par son accord à celle-ci, a permis la réalisation du délit de malversation " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'en raison de ses fonctions de président de chambre au tribunal de commerce et de juge commissaire, le prévenu avait le pouvoir et le devoir de s'opposer à la reprise des actifs de la société Jules Zell et de ses filiales par Bernard Z..., la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs la complicité de malversation dont elle l'a déclaré coupable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, en faveur de Dominique I... et pris de la violation des articles 112-1, 131-26, 408 ancien du Code pénal et 207 de la loi du 25 janvier 1985 :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à titre de peine complémentaire la privation, pour une durée de 3 ans, de tous les droits civiques, civils et de famille visés à l'article 131-26 du nouveau Code pénal ;
" alors que seules les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs de leur action ont été commis peuvent être prononcées ; que les faits reprochés ont été commis en 1991 ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait condamner le prévenu à l'interdiction de représenter ou d'assister une partie en justice, visée au troisièmement de l'article 131-26 qui n'est entré en vigueur que le 1er mars 1994 et n'était pas visée dans l'énumération de l'article 42 du Code pénal ancien applicable à la date des faits ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les textes susvisés " ;
Et sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, en faveur de Bernard Z... et pris de la violation des articles 112-1, 131-26 du Code pénal, 408 de l'ancien Code pénal, 207 de la loi du 25 janvier 1985 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, après avoir déclaré le prévenu coupable du délit de malversation, l'arrêt confirmatif attaqué l'a condamné en répression à la peine de 2 ans d'emprisonnement assortie du sursis, à une amende de 1 000 000 de francs et, à titre de peine complémentaire, à l'interdiction de tous les droits énumérés à l'article 131-26 du nouveau Code pénal pour une durée de 5 ans ;
" alors que seules les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis peuvent être prononcées ; que les faits reprochés ont été commis en 1991 et devaient être réprimés en application de l'ancien article 408 du Code pénal, de sorte que la cour d'appel ne pouvait condamner le prévenu à l'interdiction de tous les droits de l'article 131-26 du Code pénal nouveau parmi lesquels figure l'interdiction de représenter ou d'assister une partie en justice prévue au 3° de l'article qui n'est entré en vigueur que le 1er mars 1994 et n'était pas comprise dans l'énumération de l'article 42 du Code pénal ancien alors applicable, sans violer les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 112-1 du Code pénal ;
Attendu qu'aux termes de cet article, seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;
Attendu que Bernard Z..., déclaré coupable de malversation et Dominique I..., complice de ce délit commis courant 1991, ont été condamnés notamment à l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, prévue par l'article 131-26 du Code pénal ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la disposition de l'article 131-26. 3°, du Code précité, qui porte notamment sur le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, n'est entré en vigueur que le 1er mars 1994 et que ce droit n'était pas compris dans ceux énumérés par l'article 42 du Code pénal alors applicable, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I. Sur les pourvois formés par Jacques A..., mandataire du syndicat patronal ADECA, Pierre B... et René K... :
Les REJETTE ;
II. Sur les pourvois formés par Bernard Z... et Dominique I... :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 24 septembre 1997, en ses seules dispositions ayant prononcé contre Bernard Z... et Dominique I..., la privation du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.