Cass. crim., 29 septembre 1999, n° 98-87.815
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Martin
Avocat général :
M. Lucas
Avocat :
Me Foussard
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Charles-Marie,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 10 novembre 1998, qui, sur renvoi de cassation, l'a condamné, notamment pour infractions à l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985, à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 700 000 francs d'amende ;
Vu le mémoire produit et les observations complémentaires ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 207 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, ensemble les articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré coupable Charles-Marie Z... des délits prévus et punis par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 et l'a condamné, en répression, à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 700 000 francs d'amende ;
" aux motifs que, sur l'extinction de la créance de la société Spap sur Brigitte X..., il faut rappeler que, dès l'enquête préalable à la déclaration de la cessation des paiements, Charles-Marie Z... connaissait les malversations des dirigeants de la Spap, établies alors à la somme de 900 000 francs au moins ; qu'il ne faisait déclarer la créance de la Spap que pour 1 franc à titre provisionnel en dépit des dispositions de l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il est admis que cette déclaration de créances a été égarée, certainement par Xavier A..., représentant des créanciers au redressement judiciaire de Brigitte X... ; qu'en tout cas, cette créance ne figurait pas sur les états des créances, tant provisoires que définitifs, établis par ce dernier et soumis à la ratification du juge commissaire ; que Charles-Marie Z..., qui confesse avoir connu ces états et avoir participé à la procédure de vérification étant, rappelons-le, administrateur à l'ensemble des redressements, attendait le 12 mars 1992 pour réagir, d'une part, en révélant au parquet, d'autre part, en se prévalant de l'extinction de la créance par application de l'article 53, dernier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 ; que ce jour du 12 mars 1992 était précisément celui de la levée de la mesure de garde à vue de Brigitte X... qui s'était empressée de rendre compte " à son administrateur " de la teneur des interrogatoires qu'elle avait subis ; que, dès la clôture des comptes de la société Spap pour l'exercice 1988, Charles-Marie Z... connaissait le solde débiteur-résultant des prélèvements indus-de Brigitte X..., retenu au bilan pour 3 190 418 francs ; que Charles-Marie Z..., qui n'avait pas fait constituer de provision a indiqué, dans un rapport du 4 janvier 1989, que cette créance ne pourrait être recouvrée, n'a déposé, ou fait déposé, aucune déclaration complémentaire comme l'y invitaient pourtant les dispositions conjuguées des articles 50 et 53 de la loi précitée et 66 et 67 du décret du 27 décembre 1985 ; qu'averti, ce qu'il admet, de l'omission de la créance, il lui appartenait de réclamer au sens des articles 102 voire 103 de cette loi, 72 voire 84 du décret d'application et de provoquer ainsi, une décision d'admission complémentaire ; qu'est, dès lors, inopérante l'argumentation développée par le prévenu prise de l'absence de moyen de l'administrateur pour faire admettre une créance déclarée mais omise ; qu'est dénué de pertinence son moyen tiré du comportement voire de la fraude de Xavier A... qui, si elle était avérée, il devait dénoncer ; que, dans ces conditions, sont réunis à l'encontre de Charles-Marie Z..., des éléments tant matériels qu'intentionnels du délit réprimé par l'article 207, alinéa 1er, de la loi déjà visée du 25 janvier 1985 ; que l'intention coupable ressort, en effet, suffisamment de sa persévérance à obtenir l'extinction de la dette de Brigitte X... dans les comptes de la Spap en trahissant le mandat que lui avait confié le juge et la loi, d'administrer dans l'intérêt de ces sociétés de ses créanciers ; que la fixation de la créance, dans la déclaration disparue, à la somme symbolique mais dérisoire de 1 franc n'avait d'autre but que la dissiper dans l'importance du passé du débiteur ;
" alors que, premièrement, les juges du fond ne peuvent statuer que dans la limite des faits dénoncés à la prévention ; qu'en l'espèce, la prévention dénonçait simplement le fait pour Charles-Marie Z... de n'avoir pas révélé aux différentes autorités ou personnes chargées des procédures, la disparition de la déclaration de créance de la SA Spap au règlement judiciaire des époux X... ; que, néanmoins, Charles-Marie Z... a été condamné pour, après avoir demandé l'admission d'une créance pour 1 franc, n'avoir pas déposé de déclaration complémentaire ; que, ce faisant, les juges du fond ont violé les limites de leur saisine et l'article 388 du Code de procédure pénale ;
" alors que, deuxièmement, et de la même manière, dès lors que la prévention ne dénonçait que le fait de n'avoir pas révélé la disparition de la déclaration de créance, les juges du fond ne pouvaient, sans excéder les limites de leur saisine, reprocher à Charles-Marie Z... de n'avoir pas " réclamer " au sens des articles 102 voire 103 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 72 voire 84 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ; qu'à cet égard encore, l'arrêt a été rendu en violation de l'article 388 du Code de procédure pénale ;
" et alors que, troisièmement, lorsqu'il réprime le fait pour un administrateur d'avoir usé des pouvoirs dont il disposait dans un sens contraire aux intérêts des créanciers et du débiteur, l'article 207 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 exige un acte positif ; qu'en se bornant à relever contre Charles-Marie Z... des abstentions, les juges du fond ont violé le principe de la légalité des délits et l'article 207 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 " ;
Attendu que, pour déclarer Charles-Marie Z... coupable d'infraction à l'article 207, alinéa 1er, 2, de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, fait un usage de ses pouvoirs contraire aux intérêts du débiteur ou des créanciers, l'administrateur au redressement judiciaire qui laisse sciemment et dans son intérêt s'éteindre la créance de la société sur le dirigeant social ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 121-4 du Code pénal, 3 de l'ancien Code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 207 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré coupable Charles-Marie Z... des délits prévus et punis par l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 et l'a condamné, en répression, à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 700 000 francs d'amende ;
" aux motifs qu'il ne peut être contesté que Charles-Marie Z..., administrateur au redressement judiciaire de la société Spap acquérait, le 24 novembre 1989, indirectement, par l'intermédiaire de Michel Y..., 10 % des actions de cette société ; qu'il convient, d'abord, de relever que Rachou, cédant de ses actions, ne rencontrait jamais Michel Y..., cessionnaire, approché par Charles-Marie Z... qui savait qu'il ne pouvait lui refuser de lui rendre service ; qu'ensuite, le jour même de la cession, l'acquéreur devait consentir, à la demande de Charles-Marie Z..., son " créancier moral ", une promesse unilatérale de vente de ses actions, dont la levée d'option, avant le 20 novembre 1999, était potestativement laissée à la seule volonté du bénéficiaire, à " première demande " ; que Michel Y... engageait également ses successibles ; que Charles-Marie Z... s'empressait de soumettre l'acte et la formalité de l'enregistrement pour lui donner date certaine et prévenir toute " déloyauté " du promettant ; qu'il le faisait le 1er février 1990 à la recette des impôts de Bagnoles-sur-Cèze (Gard) s'étant domicilié fictivement pour l'occasion et assurer la clandestinité de l'opération dans la commune des Angles ; que les actes, cessions et promesses, opérant simulation par interposition d'un prête-nom, caractérisent une opération unique d'acquisition par Charles-Marie Z... ; que celui-ci ne peut donc se prévaloir de l'absence d'effet d'une promesse unilatérale, encore moins de sa renonciation sous signature privée du 23 octobre 1992, enregistrée le 4 novembre 1992 au même lieu, alors que l'enquête judiciaire le compromettait et ôtait tout caractère volontaire à son désistement ; que, selon l'article 207 précité, alinéa 2, un administrateur judiciaire ne peut prendre une quelconque participation dans le patrimoine du débiteur qu'il assiste ou représente ; que les actions émises par une société anonyme en contrepartie d'une souscription de son capital social, non seulement constatent une dette de la société à l'égard du porteur mais encore permettent de participer à des distributions de dividendes et ainsi, constituent les biens du débiteur au sens de l'article visé, qui concerne tous les éléments actifs et passifs de son patrimoine, peu important la propriété de titres dématérialisés ; que, de surcroît, elle confère au porteur un droit de vote ; que, par cette utilisation également prohibée, Charles-Marie Z... pouvait intervenir dans la gestion qu'il avait mandat de contrôler ; que le but poursuivi - même s'il n'influe par le mobile - le recours à un prête-nom et la clandestinité recherchée caractérisent l'élément intentionnel de l'infraction ;
" alors que, premièrement, en cas de vente ou de cession, le transfert de propriété n'intervient qu'au moment de l'échange des consentements ; que, dans l'hypothèse d'une promesse unilatérale de vente, si le promettant s'engage immédiatement envers l'acquéreur à lui vendre le bien, l'acquéreur reste, quant à lui, libre de ne pas conclure la vente ; qu'ainsi, une promesse unilatérale de vente n'emporte pas transfert de la propriété ; que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 n'incrimine que l'acquisition des biens du débiteur ; qu'au cas d'espèce, en condamnant Charles-Marie Z... alors que celui-ci n'avait conclu qu'une promesse unilatérale de vente dont il avait, par ailleurs, refusé de lever l'option, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, dès lors que le texte ne vise pas la tentative, les juges du fond ne pouvaient retenir l'existence d'une promesse unilatérale de vente pour entrer en condamnation à l'encontre de Charles-Marie Z... ; qu'à cet égard encore, les juges du fond ont violé l'article 3 de l'ancien Code pénal, et 207 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
" alors que, troisièmement, l'article 207 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ne vise que l'acquisition des biens du débiteur ; que, dans l'hypothèse où le débiteur est une personne morale, les actions que les tiers peuvent détenir dans le capital de la société ne constituent pas un bien du débiteur ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" et alors que, quatrièmement, un texte d'incrimination doit être clair et précis ; que, s'il faut considérer que la formule " biens du débiteur " peut s'entendre des actions composant le capital du débiteur, force est alors d'admettre que le texte d'incrimination est entaché d'équivoque et d'imprécision ; qu'en se fondant, néanmoins, sur ce texte pour condamner Charles-Marie Z..., les juges du fond ont violé le principe de la légalité des délits, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde européenne et des libertés fondamentales " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, l'infraction à l'article 207, dernier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation écartée à bon droit par la cour d'appel, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.