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Décisions

CA Nancy, 5e ch. com., 20 décembre 2017, n° 15/02727

NANCY

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Finadvance & Associés (SAS), Finadvance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Diepenbroek

Conseillers :

M. Soin, M. Brisquet

T. com. Nancy, du 8 sept. 2015, n° 2013-…

8 septembre 2015

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

La société Intergestion créée en 1946 par la famille T. exerçait une activité de :

- distribution « grand public » d'articles de quincaillerie

- distribution « professionnelle » d'articles de quincaillerie

- de conception et de réalisation d'agencement de magasins

Le 20 juillet 2006, la société Intergestion dont le capital était intégralement détenu par une société holding, la société SDCI, a été cédée, après fusion des deux sociétés, au fond d'investissement Finadvance. L'opération d'acquisition s'est réalisée en Management By In (ou LBO).

Pour ce faire les futurs repreneurs ont créé, le 12 juillet 2006, la société Interges, devant servir de holding pour la reprise de la totalité du capital de la société SDCI.

À sa création, Interges était détenue à 85 % par Finadvance Capital III, un fonds commun de placement à risque dont la société de gestion est Finadvance SA, à hauteur de 5 % par M. Patrick D., le reste du capital restant détenu par la famille T.. Suite à une augmentation de capital réalisée en 2007, la participation de Finadvance Capital III au capital d'Interges a été portée à 91 %.

Le conseil d'administration de la société Interges était composé de :

- M. D., président

- Finadvance SA, représentée par M. Cyrille L.

- Finadvance Associés SAS (société Holding de Finadvance), représentée par M. Olivier G.,

- M. L., administrateur indépendant

Du 20 juillet 2006 au 2 avril 2007, la société Intergestion qui était constituée sous la forme d'une société anonyme avec conseil d'administration était dirigée par :

- M. D., président du conseil d'administration

- Interges SAS , représentée par M. L.

- Finadvance et associés SAS , représentée par M. G.

Le 2 avril 2007, suite à la transformation de la société Intergestion en société par actions simplifiée, le conseil d'administration était supprimé et la société Interges SAS , représentée par son président M. D. jusqu'à sa révocation le 29 octobre 2009, était désignée comme président d'Intergestion.

Différentes opérations ont été réalisées qui sont discutées dans le cadre du présent litige :

- le 8 novembre 2007, le rachat par la société Intergestion de la société TFT, holding de la société N. Thiebault, pour 11,6 millions d'euros,

- le 19 décembre 2007, le rachat par la société Intergestion de la société QAMA Logistique pour 12,4 millions d'euros,

- mars 2007, la création par Intergestion d'une filiale espagnole, la société CEFEC,

- le 17 mars 2008, le rachat par la société Interges d'une société luxembourgeoise créée en décembre 2007, qui prendra la dénomination de SLAD pour gérer les approvisionnements de la société Intergestion en matière de matériel d'agencement importé de l'étranger, suite à la rupture des relations avec la société Tegometall, fournisseur historique de la société Intergestion en matériel d'agencement,

- le 31 octobre 2008, transmission universelle de patrimoine de TFT à la société Intergestion

- le 2 janvier 2009, transmission universelle de patrimoine de Qama Logistique et N. Thiebault à la société Intergestion et création du groupe SEPAQ,

- le 1er octobre 2009, rupture par la société B. System, autre fournisseur historique de la société Intergestion, du contrat la liant à cette dernière, invoquant des faits de contrefaçon.

Le 26 mars 2010, la société Intergestion se déclarait en état de cessation des paiements.

Par jugement en date du 30 mars 2010, le tribunal de commerce de Nancy a placé la société Intergestion en redressement judiciaire et a fixé la date de cessation des paiements au 1er novembre 2009.

Par jugement du 11 août 2010, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession d'Intergestion et par jugement du 29 septembre 2010, il a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Une insuffisance d'actif représentant plus de 42 millions d'euros ayant été constatée, Maîtres Géraldine D. et Pierre B., agissant en qualité de mandataires judiciaires de la société Intergestion, ont assigné, selon exploits des 26, 27 février et 7 mars 2013, les sociétés Finadvance et Associés, Finadvance SA (cette dernière tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentant du fonds commun de placement FCPR Finadvance Capital III), Messieurs Patrick D., Cyrille L., Olivier G. devant le tribunal de commerce de Nancy afin de les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 42 000 000 d'euros au titre de leur responsabilité pécuniaire dans l'insuffisance d'actif constatée dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de la société Intergestion et de voir prononcer à l'encontre des personnes physiques défenderesses, la faillite personnelle ou l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, pour une durée de dix années.

Par jugement réputé contradictoire en date du 8 septembre 2015, M. D. étant défaillant, le tribunal a condamné solidairement les défendeurs à payer en comblement de passif la somme de 18 948 000 euros, ainsi qu'une indemnité de procédure de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 12 632 666 euros, a condamné les personnes physiques à une faillite personnelle pour 10 ans, rejetant les autres demandes.

Pour se prononcer ainsi, le tribunal, après avoir écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription pour absence d'action contre la société Interges et l'argumentation tirée de la nullité de l'assignation délivrée à M. D., dont seul celui-ci pouvait se prévaloir, a retenu, en s'appuyant sur un rapport OCA établi le 9 mai 2012 à la demande du juge commissaire, que :

- la responsabilité de tous les membres du CA d'Interges et notamment celle de M. G. qui représentait Finadavance et associés dans les différents conseils d'administration, et celle de M. L. qui représentait Finadvance SA au sein du conseil d'Intergestion jusqu'au 2 avril 2007 et qui, à partir de cette date, a cautionné les décisions d'Interges visant Intergestion, pouvait être recherchée pour gestion de droit,

- la responsabilité de la société Finadavance SA, gestionnaire de Finadvance Capital III qui était l'actionnaire majoritaire d'Intergestion, mais aussi de la société Finadvance Associés, holding de la première et de MM. L. et G., représentants de ces deux sociétés pouvait également être recherchée pour gestion de fait.

Le tribunal a estimé que les fautes suivantes étaient caractérisées :

1) l'utilisation de fonds propres pour la réalisation d'opérations de croissance externe privant la société Intergestion de ses réserves (acquisition des sociétés QAMA et TFT à hauteur de 2,8 millions d'euros en fonds propres), l'achat de Qama ayant en outre coûté à Intergestion 7,5 millions d'euros en deux ans pour une acquisition faite à hauteur de 12,4 millions,

2) des remontées de dividendes d'Intergestion vers Interges à hauteur de 4,5 millions d'euros qui ont privé la première d'une trésorerie suffisante,

3) le financement des pertes de sa filiale espagnole CEFEC à hauteur de près de 1,2 million d'euros,

4) la création par la société Interges de la société SLAD pour les approvisionnements de la société Intergestion laquelle va financer cette société par des apports en compte courant et supporter ses pertes à hauteur de 6 237 468 euros,

5) l'arrêt des relations commerciales avec deux fournisseurs importants.

Le tribunal a estimé l'insuffisance d'actif imputable à ces fautes à 22 369 000 euros, dont à déduire les dividendes des cibles, 3 421 000 euros, soit un solde de 18 948 000 euros et a retenu la solidarité entre tous les défendeurs.

Pour prononcer la faillite personnelle de M. D., le tribunal a considéré qu'il avait fait un usage des biens de la personne morale contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale et qu'il avait poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements. Il a également retenu le fait qu'il avait participé à l'élaboration des choix qui ont favorisé Interges au détriment d'Intergestion, motif également retenu pour prononcer la faillite personnelle de MM. G. et L..

*

M. Olivier G. et les sociétés Finadavance SA et Finadvance et associés, d'une part, M. Patrick D., d'autre part, ont interjeté appel de ce jugement selon déclarations reçues par voie électronique le 8 octobre 2015 et M. Cyrille L. selon déclaration reçue le 12 octobre 2015.

Par ordonnance en date du 15 décembre 2015, le premier président de la cour d'appel a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.

Par ordonnance du 21 janvier 2016 les trois procédures ont été jointes.

Par assignation 17 mars 2016, la SCP B. et Me D., arguant d'une évolution du litige ont assigné la société Chubb Insurance Company of Europe, en intervention forcée devant la cour au titre d'une police assurance responsabilité civile des dirigeants souscrite par la société Interges.

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Par conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2017 M. D. demande à la cour de :

- déclarer irrecevable l'intervention en cause d'appel de la compagnie d'assurance Chubb ;

A titre principal,

- dire et juger que les liquidateurs n'ont pas tenté de délivrer d'assignation à l'adresse de Monsieur D. mentionnée sur l'extrait Kbis de la SCI Tuileries Alsace Lorraine ;

- dire et juger que les liquidateurs ne démontrent pas avoir accompli toutes les diligences utiles pour notifier une assignation à Monsieur D. ;

- dire que cela a gravement porté atteinte à son droit de se défendre ;

- dire et juger nulle la procédure de première instance à l'encontre de Monsieur D. pour défaut de diligences ;

- dire et juger toute éventuelle nouvelle demande à l'encontre de Monsieur D. irrecevable car prescrite ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger nul le jugement entrepris par le tribunal de commerce de Nancy du 8 septembre 2015 ;

A titre très subsidiaire,

- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que Monsieur D. n'a commis aucune faute de gestion ;

- dire et juger absent le lien de causalité entre la direction de Monsieur D. et la situation de la société Intergestion ;

- dire et juger qu'aucune solidarité entre les dirigeants n'est établie ;

En conséquence,

- débouter les mandataires de la société Intergestion ès qualités de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Le cas échéant et subsidiairement,

- réduire à de plus justes proportions la condamnation prononcée à l'encontre de Monsieur D. ;

En tout état de cause,

- condamner les parties succombantes au paiement de la somme de 50 000 euros à Monsieur D. au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Clarisse M. de L..

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Par conclusions transmises le 1er février 2017, M. G. demande à la cour de :

- déclarer Monsieur Olivier G. recevable et bien fondé en son appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 8 septembre 2015 ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

- débouter la SCP Pierre B. et Maître Géraldine D. ès qualité de liquidateurs de la société Intergestion de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'endroit de Monsieur Olivier G. ;

- condamner la SCP Pierre B. et Maître Géraldine D. ès qualité de liquidateurs de la société Intergestion à payer à Monsieur Olivier G. la somme de 457 829 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la SCP Pierre B. et Maître Géraldine D. ès qualité de liquidateurs de la société Intergestion à payer à Monsieur Olivier G. la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCP Pierre B. et Maître Géraldine D. ès qualité de liquidateurs de la société Intergestion aux entiers dépens tant de première instance qu'en cause d'appel.

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Par conclusions transmises par voie électronique le 21 juin 2017, les sociétés Finadvance SA et Finadvance Associés demandent à la cour de :

In limine litis,

- annuler le rapport établi par le cabinet OCA en violation du principe du contradictoire,

- annuler l'assignation introductive d'instance des liquidateurs et l'ensemble des actes subséquents,

- annuler le jugement daté du 8 septembre 2015,

- dire et juger prescrite l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre de la société Interges et de ses dirigeants,

- déclarer irrecevable l'action dirigée à l'encontre du FPCI Finadvance CAPITAL III, dépourvu de la personnalité morale,

- déclarer irrecevable l'action fondée sur la qualité de dirigeant de droit des appelants,

A titre principal,

- dire et juger irrecevables et, à défaut mal fondées, les demandes formées par les liquidateurs au sens de l'article L.651-2 in fine du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi Sapin II n°2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

- dire et juger que la société Finadvance SA, tant personnellement qu'en sa qualité de société de gestion du FPCI Finadvance CAPITAL III, n'est pas dirigeante de droit ni de fait de la société Intergestion ;

- dire et juger que la société Finadvance Associés n'est pas dirigeante de droit ni de fait de la société Intergestion ;

- infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement daté du 8 septembre 2015.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Finadvance SA, tant personnellement qu'en sa qualité de société de gestion du FPCI Finadvance CAPITAL III et la société Finadvance Associés n'ont commis aucune faute de gestion ;

- infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement daté du 8 septembre 2015.

A titre très subsidiaire,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à solidarité ;

- infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement daté du 8 septembre 2015.

A titre plus subsidiaire,

- dire et juger qu'il n'est pas établi de lien de causalité entre l'insuffisance d'actif et les prétendues fautes de gestion ;

- infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement daté du 8 septembre 2015.

En tout état de cause,

- condamner les liquidateurs à verser à la société Finadvance SA, la société Finadvance et à la société Finadvance Associés la somme de 50 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de Procédure Civile ;

- les condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Alain C., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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Par conclusions transmises le 23 juin 2016, M. L. demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer recevable M. L. et bien fondé en son appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Nancy du 8 septembre 2015 ;

- faire droit à l'exception de nullité de l'assignation de M. D. et, constatant que cette assignation demande une condamnation solidaire de toutes les personnes physiques ou morales citées à comparaître, dire et juger que cette assignation est nulle à l'égard de tous ;

En tout état de cause,

- dire et juger que le jugement du tribunal de commerce dont appel est nul pour :

- violation des articles 455, 458 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

- violation des articles 451, 452 et 456 du code de procédure civile

- violation de l'article R.662-12-12 alinéa 1 du code de commerce

En tout état de cause et statuant sur le fond,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 8 septembre 2015,

- constater que Maîtres B. et D. n'ont pas mis en cause la société Interges, dirigeant de droit de la société Intergestion dans laquelle l'insuffisance d'actif a été constatée et que toute action à son égard est prescrite,

- dire et juger irrecevable l'action en responsabilité dirigée contre M. L. qui n'exerçait aucune fonction de dirigeant de droit comme de fait de la société Intergestion,

- dire et juger qu'il résulte de la combinaison de l'article L.227-1 et L.227-7 du code de commerce que les dispositions des articles L. 225-20 et R. 123-54 qui ne concernent que les SA ne sont pas applicables aux SAS ,

- constater qu'à la date des faits reprochés M.L. n'exerçait plus aucun mandat social au sein d'Intergestion,

-constater qu'au moment des faits reprochés M.L. n'était pas le représentant d'Interges, personne morale présidente d'Intergestion,

- dire et juger qu'à défaut d'avoir été désigné comme représentant d'Interges présidente d'Intergestion, M. L. ne peut être qualifié de dirigeant de droit d'Intergestion,

- dire et juger que les dispositions de l'article L.227-7 du code de commerce ne permet pas de qualifier de dirigeants de droit d'Intergestion au sens de l'article L.651-1 du code de commerce, l'ensemble des dirigeants de la société Interges dès lors que la société Interges a désigné un représentant légal,

- constater qu'en n'assignant pas l'ensemble des membres du conseil d'administration d'Interges mais seulement certain d'entre eux Maîtres B. et D. ont eux mêmes considéré que cet organe ne pouvait être assimilé à un conseil d'administration de société anonyme et conférer à ses membres en conséquence la qualité de dirigeant de droit d'Interges,

- dire et juger que le Conseil d'Administration d'Interges, société mère d'Intergestion, ne peut d'avantage être qualifié de dirigeant de droit d'Intergestion,

- dire et juger que M. L. ne peut être qualifié de dirigeant de droit d'Intergestion au seul motif qu'il était représentant permanent de Finadvance SA au sein du Conseil d'Administration d'Interges,

- dire en conséquence que Maîtres B. et D. sont mal fondés en leur assignation visant à faire supporter à M. L. en qualité de dirigeant de droit tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société Intergestion sur le fondement des articles L.651-1 et L 651-2 du code de commerce lesquels ne visent que les représentants permanents des SA,

- dire et juger au surplus que faute par le conseil d'administration d'Interges d'avoir réalisé des actes de gestion au sein d'Intergestion, les membres dudit conseil ne peuvent davantage être qualifiés de dirigeant de fait,

- dire et juger que M. L. salarié de la société Finadvance SA n'a effectué personnellement aucun acte de gestion susceptible de caractériser une gestion de fait et qu'en conséquence Maîtres B. et D. sont mal fondés à demander à titre subsidiaire la condamnation de M. L. sur ce fondement.

Subsidiairement,

- dire et juger que, si par impossible la Cour devait reconnaître à M. L. la qualité de dirigeant de droit ou de fait, les décisions prises au bénéfice d'Intergestion, replacées à la date à laquelle et au contexte dans lequel elles ont été prises, ne sont pas constitutives de fautes de gestion,

- dire et juger que, si par impossible la Cour devait reconnaître à M. L. la qualité de dirigeant de droit ou de fait Maîtres B. et D. n'établissent pas :

- qu'il ait en toute indépendance et personnellement pris des décisions qui constituent des fautes de gestion ayant un lien direct avec l'insuffisance d'actif constaté ;

- qu'il ait participé à de telles décisions qui justifient une condamnation solidaire avec les éventuelles autres fautes de gestion commises par les autres personnes morales ou physiques. - en tout état de cause prendre en considération la situation personnelle de M. L. pour estimer à sa juste mesure la contribution au passif éventuellement mise à sa charge.

En tout état de cause,

- dire et juger qu'il ne résulte pas des faits de la cause que M. L. ait de quelque façon commis des actes ou des faits susceptibles de justifier une condamnation pour faillite personnelle et interdiction de gérer,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Nancy dont appel et statuant à nouveau,

- dire et juger irrecevables et mal fondés Maîtres B. et D. en leur assignation et conclusions,

- débouter en conséquence de toutes leurs demandes,

- condamner Maîtres B. et D. à verser à M. L. 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Maîtres B. et D. entiers dépens.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 21 mars 2017, la SCP Pierre B. et Me D., mandataires judiciaires demandent à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- prononcé à l'encontre de Messieurs Patrick D., Cyrille L. et Olivier G. la faillite personnelle ou l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, pour une durée de dix années ;

- jugé que les Sociétés Finadvance et Associés, Finadvance SA (tant personnellement qu'en sa qualité de représentant du fonds commun de placement FCPR Finadvance CAPITAL III), Messieurs Patrick D., Cyrille L., Olivier G. ont commis plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé à 18 948 000 euros le montant de l'insuffisance d'actif sur lequel a porté la condamnation,

Y ajoutant,

- condamner les sociétés Finadvance et Associés, Finadvance SA (tant personnellement qu'en sa qualité de représentant du fonds commun de placement FCPR Finadvance CAPITAL III), Messieurs Patrick D., Cyrille L., Olivier G., à payer la somme de 42 000 000 euros au titre de la contribution à l'insuffisance d'actifs constatée dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de la société Intergestion,

- condamner la Compagnie d'assurances Chubb solidairement avec les sociétés Finadvance et Associés, Finadvance SA (tant personnellement qu'en sa qualité de représentant du fonds commun de placement FCPR Finadvance CAPITAL III), Messieurs Patrick D., Cyrille L., Olivier G., à payer la somme de 42 000 000 euros au titre de la contribution à l'insuffisance d'actifs constatée dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de la Société Intergestion,

- débouter les appelants de toutes leurs demandes,

- débouter Monsieur Olivier G. de sa demande au titre d'une prétendue procédure abusive,

- condamner la Compagnie d'assurance Chubb solidairement avec les Sociétés Finadvance et Associés, Finadvance SA (tant personnellement qu'en sa qualité de représentant du fonds commun de placement FCPR Finadvance CAPITAL III), Messieurs Patrick D., Cyrille L., Olivier G., à payer à Maître Géraldine D. et Maître Pierre B. la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Damien L'H..

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Par conclusions du 21 mars 2017, la société Chubb Insurance Company of Europe SE demande à la cour :

Au principal,

- dire la SCP Pierre B. et Me Géraldine D., ès qualités, irrecevables en leur action en intervention forcée contre Chubb Insurance Company of Europe SE,

- mettre Chubb Insurance Company of Europe SE hors de cause,

- condamner in solidum la SCP Pierre B. et Me Géraldine D. ès qualités à payer à Chubb insurance Company of Europe SE une somme de 25 000 euros au titre des dispositions de1'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP D. K. BenoîtO. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Subsidiairement,

- déclarer le jugement entrepris nul et de nul effet à l'égard de M. D. et mettre M. D. hors de cause sans examen du fond,

- dire et juger qu'aucun des défendeurs personnes physiques à1'action en comblement de l'insuffisance d'actif d'Intergestion SAS n'a eu la qualité de dirigeant de droit de cette société.

En conséquence,

- réformer le jugement entrepris du 8 septembre 2015 en toutes ses dispositions et débouter la SCP Pierre B. et Me Géraldine D. ès qualités de toutes leurs demandes à l'encontre des appelants.

Par suite, dire sans objet l'action en intervention forcée engagée par la SCP Pierre B. et Me Géraldine D. ès qualités contre Chubb Insurance Company of Europe SE ;

- mettre Chubb Insurance Company of Europe SE hors de cause ;,

- condamner in solidum la SCP Pierre B. et Me Géraldine D. ès qualités à payer à Chubb Insurance Company of Europe SE une somme de 25 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP D. K. BenoîtO. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Subsidiairement et en toute hypothèse,

- donner acte à Chubb insurance Company of Europe SE de ses plus expresses réserves de garantie ;

En cas de condamnation pécuniaire de M. D., de M. L. ou de M. G. dans l'arrêt à intervenir,

- dissocier l'examen de la question de la garantie d'assurance éventuelle de Chubb Insurance Company of Europe SE et renvoyer celle-ci à la mise en état afin de permettre à Chubb Insurance Company of Europe SE de conclure utilement sur sa garantie.

Subsidiairement,

- dire et juger que parmi les défendeurs à l'action en comblement de l'insuffisance d'actif d'Intergestion SAS , seuls MM. D., L. et G. peuvent avoir la qualité d'assurés,

- dire la garantie d'assurance de Chubb Insurance Company of Europe SE inapplicable et mettre la concluante hors de cause, en cas d'arrêt de condamnation de M. D., L. ou G. faisant apparaître, de la part de l'intéressé, une connaissance du fait dommageable au 22 octobre 2007, une faute intentionnelle ou dolosive, ou la recherche de toute rémunération, avantage ou profit auquel il n'avait pas légalement droit.

En toute hypothèse,

- constater que la garantie d'assurance éventuelle de Chubb insurance Company of Europe SE est limitée par un plafond absolu de 3 000 000 euros, tous assurés confondus, dommages intérêts et frais de défense inclus,

- dire et juger que Chubb Insurance Company of Europe SE ne peut être tenue au titre de son contrat d'assurance n°RD0082l47989 au delà de la portion disponible du plafond de garantie au jour où l'arrêt à intervenir deviendra exécutoire, après imputation sur ledit plafond de tous frais de défense de MM. G., L. et D. pris en charge en première instance et/ou en appel ou qui seront devenus exigibles à cette date, conformément à la clause d'épuisement figurant à la police,

- dire n'y avoir pas lieu à condamnation solidaire de Chubb insurance Company of Europe SE.

*

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 juillet 2017.

Le dossier a été transmis pour avis à M. le procureur général, le 18 septembre 2017, qui a conclu, le 2 octobre 2017, à la confirmation du jugement. Cet avis a été communiqué aux parties qui ont eu la possibilité d'y répondre conformément à l'article 445 du code de procédure civile. La société Finadvance SA et la société Finadvance et Associés ont usé de cette faculté en déposant une note le 3 octobre 2017.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

I - Les exceptions de procédure

1) la nullité de l'assignation délivrée à M. D.

M. D. a été cité par exploit signifié le 7 mars 2013 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

L'appelant prétend qu'il a été assigné à une ancienne adresse à laquelle il ne demeurait plus, alors que les liquidateurs avaient ou pouvaient avoir connaissance de sa nouvelle adresse qui était notamment mentionnée au RCS en sa qualité de dirigeant de la SCI les Tuileries d'Alsace-Lorraine détenue à 100 % par la société Intergestion

Par ailleurs son numéro de téléphone figurait dans l'annuaire du groupe SEPAQ qui avait connaissance de son adresse électronique, ce qui aurait permis une signification par voie électronique.

Il soutient que le procès-verbal de signification est entaché de nullité en raison de diligences insuffisantes de l'huissier pour rechercher le destinataire de l'acte et fait valoir que la nullité de l'assignation entraîne celle du jugement et que toute nouvelle action serait prescrite.

M. L. et les sociétés Finadvance s'associent à cette argumentation et soutiennent que dès lors qu'est demandée une condamnation solidaire, la nullité de l'assignation de l'un vaut pour les autres et qu'en tous cas, la procédure est entachée de nullité pour violation du principe du contradictoire, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et du droit au double degré de juridiction, l'absence de M. D., dirigeant de droit de la société Interges, seul en mesure de répondre à certaines questions, étant de nature à porter atteinte à leurs droits à la défense et à les priver d'un double degré de juridiction.

Maîtres B. et D. objectent que l'assignation a été délivrée à la dernière adresse connue, de M. D.t avant sa révocation, que l'adresse figurant au RCS n'est pas celle revendiquée par M. D., que les diligences de l'huissier sont suffisantes, le seul fait de disposer d'une adresse électronique n'impliquant pas pour autant une volonté du destinataire de recevoir les significations par voie électronique.

La cour relève en premier lieu, que les mandataires judiciaires soulèvent à bon droit que seul M. D. peut se prévaloir d'une éventuelle nullité affectant l'assignation qui lui a été délivrée. Ses co-défendeurs, régulièrement cités qui ont été en mesure de faire valoir leurs propres moyens de défense, ne peuvent en effet utilement invoquer à cet égard une violation du principe du contradictoire ou une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en l'absence de toute atteinte portée à leurs droits à la défense ainsi qu'à leur droit à un procès équitable ou au double degré de juridiction, quand bien même une condamnation solidaire serait-elle poursuivie, un co-défendeur, même cité à personne, restant en tout état de cause libre de ne pas comparaître.

La cour constate en second lieu que l'assignation a été signifiée à M. D. à l'adresse suivante : [...]. L'appelant prétend qu'il ne demeurait plus à cette adresse depuis le 30 décembre 2011 ce que ne pouvaient ignorer les mandataires judiciaires.

Il ne rapporte toutefois pas la preuve de cette connaissance. En effet, l'adresse figurant sur l'extrait Kbis de la SCI Tuileries d'Alsace Lorraine (annexe 35 Finadvance) n'est pas l'adresse [...] qu'il revendique mais une adresse à Marly Le Roi dont il ne démontre pas qu'elle était la sienne à la date de l'assignation, les autres pièces produites démontrant au contraire que, dès le début de l'année 2012, il était domicilié à Versailles (cf notamment les pièces 23, 24 et 30 constituées par un courrier de rappel du centre des finances d'Essey-les-Nancy pour le paiement de la taxe d'habitation 2011, un courrier du 12 juin 2012 pour paiement de la facture de consommation d'eau pour l'appartement de Dommartemont et une attestation du notaire ayant reçu l'acte de vente relatif à cet appartement le 27 avril 2012).

La circonstance que le numéro de téléphone personnel de M. D. ait figuré dans l'annuaire SEPAQ, bien qu'elle ne résulte pas du document incomplet produit en annexe 39 n'est, à la supposer démontrée, pas suffisante pour établir qu'une assignation à personne aurait été possible, cet annuaire ne comportant pas les adresses personnelles des personnes qui y figurent. Enfin, quand bien même les mandataires judiciaires auraient-ils pu disposer de l'adresse électronique de M. D., ce qu'ils contestent, cette circonstance n'était pas davantage de nature à permettre une signification par voie électronique en l'absence de consentement exprès de l'intéressé recueilli selon les modalités prévues à l'article 73-1 du décret du 29 février 1956 modifié par le décret n°2012-366 du 15 mars 2012.

C'est tout aussi vainement que M. D. prétend que l'acte de signification serait nul pour absence de diligences suffisantes de l'huissier, alors que l'acte comporte les mentions suivantes :

'- le signifié ne demeure plus à l'adresse indiquée,

- son nom ne figure ni sur le tableau des occupants, ni sur la porte des appartements ni sur les boites aux lettres.

- Les voisins ne peuvent me fournir de renseignement sur l'adresse actuelle de l'intéressé.

- Le préposé de la poste m 'oppose le secret professionnel.

- La Mairie ne peut fournir une autre adresse.

- Mes recherches sur l'annuaire sont restées vaines'.

lesquelles répondent aux exigences de l'article 659 du code de procédure civile, quand bien même le nom des voisins interrogé n'est-il pas indiqué, l'huissier n'étant pas tenu de le faire.

Il ne peut enfin être reproché à l'huissier de ne pas avoir consulté le site internet Linkedln, en l'absence de toute certitude quant à la fiabilité des informations qui y figurent.

Les diligences effectuées par l'huissier étant suffisantes, le moyen tiré de la nullité de l'assignation doit être rejeté.

2) la nullité du jugement

M. L., M. D. et les sociétés Finadvance demandent l'annulation du jugement pour :

- violation des articles 451 et 458 code de procédure civile et 6 Convention européenne des droits de l'homme, en raison d'une absence d'exposé des prétentions des parties, notamment des défendeurs, dont les principaux moyens ne sont pas repris et d'une absence de motivation, les éléments de preuve produits en défense n'ayant pas été analysés,

- violation des articles 451, 452, 456 code de procédure civile, la version dactylographiée du jugement, qui n'a été accessible aux parties que le 6 octobre 2015, ayant révélé que le dispositif prononcé ne correspondait pas au dispositif du jugement,

- absence de rapport du juge commissaire, cette formalité substantielle à laquelle le jugement ne fait pas référence ayant été omise, la production de ce rapport en cours de procédure de référé devant le Premier président de la cour d'appel, n'étant pas suffisante et ne permettant ni d'authentifier l'auteur du document ni de lui conférer date certaine, ce document ne pouvant enfin être considéré comme un rapport, puisque le juge commissaire se contente de s'en rapporter à justice.

M. D. invoque en outre la violation du principe du contradictoire, le jugement ayant été rendu sans qu'il ait été appelé à comparaître

Les liquidateurs répondent que le jugement est motivé, qu'il rappelle de manière succincte voire implicite les moyens des parties auxquels il répond, que le rapport de Mme P. produit par Finadvance est évoqué, bien que non nommément cité, pour écarter certains postes de préjudice et que la preuve d'une divergence entre le dispositif lu et celui figurant dans la version dactylographiée n'est pas suffisamment rapportée par la production du plumitif. Ils soutiennent enfin que le rapport du juge commissaire a bien été produit et que son absence constitue un vice de forme qui suppose la démonstration d'un grief.

La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l'article R. 662-12 du code de commerce, le tribunal saisi d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif, statue sur rapport du juge commissaire, lequel peut prendre la forme d'observations seulement orales.

Il s'agit d'une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité du jugement, quand bien même cette sanction n'est-elle prévue par aucun texte.

En l'espèce, si est versé aux débats un rapport du juge commissaire daté du 21 octobre 2014, force est toutefois de constater que ni le jugement ni la note d'audience contresignée par les parties présentes ne font mention de ce document, lequel ne figure pas au dossier du tribunal, à la différence de l'avis du ministère public, joint à la note d'audience qui le mentionne.

Il n'est dès lors pas établi que le rapport dont s'agit ait été soumis au tribunal et communiqué, ne serait-ce qu'oralement aux parties, avant la clôture des débats.

Le non respect de cette formalité substantielle cause nécessairement grief aux parties, puisque le tribunal a été amené à se prononcer sans connaître la position de l'un des organes de la procédure collective. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement déféré, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité soulevés.

Conformément à l'article 562 du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel confère à la cour la connaissance de l'entier litige, il y a donc lieu d'évoquer les autres moyens de procédure et de fond soulevés par les parties.

II - les fins de non recevoir

1) la prescription

M. L. et les sociétés Finadvance font valoir que leur responsabilité est recherchée au titre de leur rôle respectif au sein de la société Interges, or dès lors qu'aucune action n'a été engagée contre cette dernière et que toute action serait désormais prescrite, l'action des mandataires judiciaires serait également prescrite en tant que dirigée contre les appelants au titre de l'exercice de leur fonctions de dirigeants de la société Interges.

Ce moyen sera rejeté dès lors que la condamnation des représentants de la personne morale nommée présidente d'une SAS n'est pas subordonnée à la condamnation de la société représentée (Com.19 nov.2013, P.12-16.099).

2) l'irrecevabilité de la demande par application de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016

L'article 146 de la loi du 9 décembre 2016 a introduit à l'article L. 651-2 du code de commerce l'alinéa suivant : 'Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.'

M. L. et les sociétés Finadvance SA et Finadvance et associés soutiennent que cette disposition est d'application immédiate et conduit à l'irrecevabilité de la demande de Me D. et B., dès lors que seules des fautes de négligences leurs sont reprochées par les mandataires judiciaires. Ces derniers considèrent au contraire qu'en l'absence de dispositions spécifique le prévoyant, la loi n'a pas d'effet rétroactif, conformément à l'article 2 du code civil et ne s'applique pas aux procédures en cours. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, les fautes reprochées ne relèvent pas de la simple négligence.

La cour relève que cette disposition, serait-elle d'application immédiate, ne constitue pas une fin de non recevoir, dès lors qu'elle n'a pas pour effet de mettre fin au litige sans examen au fond mais qu'au contraire, elle suppose que soit caractérisée une faute de gestion et que soit portée une appréciation sur sa gravité. Le moyen ne peut qu'être rejeté.

3) la fin de non recevoir tirée de l'absence de qualité de dirigeants de droit ou de fait

Ce moyen est soulevé par les sociétés Finadvance SA et Finadvance et associés. Si l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ne peut être dirigée que contre les dirigeant de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, le moyen tiré de l'absence de cette qualité constitue toutefois un moyen de défense au fond et non pas une fin de non recevoir, dès lors qu'il suppose que soient examinés et caractérisés les pouvoirs des personnes concernées.

L'action n'étant aucunement dirigée contre le FPCI Finadvance Capital III, fonds commun de placement, qui, en vertu de l'article L.214-8 du code monétaire et financier, est dépourvu de toute personnalité morale, mais contre la société Finadvance SA, société de gestion de ce fonds commun de placement qui possède la personnalité morale, le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en tant que dirigée contre le FPCI Finadvance Capital III, doit également être rejeté.

III- la nullité du rapport OCA

Les sociétés Finadvance SA et associés soulèvent la nullité de ce rapport pour non respect du principe du contradictoire, faisant valoir que s'il n'a pas valeur d'expertise judiciaire, les personnes intéressées doivent néanmoins être associées aux travaux du cabinet d'expertise. Les appelantes considèrent que la nullité de ce rapport rejailli sur l'acte introductif d'instance et la procédure subséquente, dès lors qu'elle conduit à une véritable inversion de la charge de la preuve. Elles ajoutent que le cabinet OCA n'a pas eu accès à la comptabilité de la société Intergestion.

Ce dernier argument est réfuté par les liquidateurs qui observent que le cabinet OCA a examiné les comptes consolidés qui étaient déposés et s'est fondé sur différents documents annexés au rapport. De la même manière Me D. et B. critiquent le rapport de Mme P. du cabinet L., établi à la demande de Finadvance, qui n'est pas contradictoire et ne répond qu'à six questions qui lui ont été posées.

Il est de jurisprudence constante que la mission que le juge commissaire peut, en application de l'article L.621-9 alinéa 2 du code de commerce, confier à un technicien n'est pas une mission d'expertise judiciaire soumise aux règles prévues par le code de procédure civile. Elle ne méconnaît pas, par elle-même, les droits de la défense, le principe de la contradiction ou celui de l'égalité des armes. Enfin, l'expert, quand bien même sa mission prévoyait-elle la possibilité d'entendre tout sachant, n'était pas pour autant tenu d'y procéder, s'agissant en l'espèce d'une mission purement comptable, alors que de surcroît le président de la société Interges, en fonction pendant la période considérée, M. D., avait été révoqué de ses fonctions, le 29 octobre 2009. Il ne saurait donc y avoir lieu à annulation du rapport de ce chef.

De la même manière, le grief tiré de l'absence d'accès à la comptabilité de la société Intergestion n'est pas fondé, dès lors qu'il est établi et non contesté que le cabinet OCA a disposé des comptes consolidés certifiés conformes par les commissaires aux comptes et qu'il s'est appuyé sur d'autres documents qui sont annexés à son rapport.

Ce rapport, établi non contradictoirement, ne peut toutefois être retenu comme élément de preuve qu'autant qu'il a été soumis à la libre discussion des parties. Tel est bien le cas en l'espèce, puisque les sociétés appelantes ont elles-mêmes fait procéder à une expertise non contradictoire par le cabinet L., en la personne de Mme P., laquelle a établi trois rapports aux termes desquels elle a analysé certains points du rapport OCA et a proposé sa propre analyse. Enfin, les sociétés appelantes et M. G. ont mandaté le cabinet Prorevise afin qu'il formule une analyse critique sur les éléments présentés dans les rapports OCA et L.. Il ne s'agit pas d'une inversion de la charge de la preuve, ces rapports étant destinés à combattre celui sur lequel les liquidateurs fondent leurs poursuites.

La demande d'annulation du rapport OCA doit donc être rejetée.

IV- les responsabilités

1) la qualité de dirigeants de droit

Me B. et D. recherchent la responsabilité de la société Finadvance SA, à titre personnel, de la société Finadvance et associés, de MM. D., G. et L. en tant que dirigeants de droit de la société Intergestion, et la responsabilité de la société Finadvance SA, en tant que société de gestion du fonds Finadvance Capital III, en qualité de dirigeant de fait.

Ils font valoir en premier lieu, que jusqu'au 2 avril 2007, les appelants étaient membres du conseil d'administration de la société Intergestion et que la plupart des décisions de gestion critiquées ont été prises avant cette date.

En second lieu, les mandataires font valoir que, postérieurement au 2 avril 2007 et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective, la société Intergestion, transformée en société par actions simplifiée, a eu pour président la société Interges, qu'en vertu de l'article L.227-7 du code de commerce les dirigeants de la personne morale dirigeante encourent les mêmes responsabilités que cette personne morale, de sorte que les dirigeants de droit de la société Interges sont les dirigeants de droit de la société Intergestion.

Ils soutiennent que conformément à l'article L. 227-5 du code de commerce, ce sont les statuts qui fixent les conditions dans lesquelles une société par actions simplifiée est dirigée, or les statuts de la société Interges sont calqués sur ceux d'une société anonyme avec conseil d'administration, ce dont ils déduisent que les appelants, qui sont tous membres du conseil d'administration de la société Interges, sont dirigeants de droit d'Intergestion, cette situation légale et statutaire étant renforcée par l'existence d'une convention de prestations liant les sociétés Interges et Intergestion aux termes de laquelle la première délivre à la seconde des prestations administratives de direction moyennant refacturation par Interges à Intergestion de ses frais de personnel.

M. L. et les sociétés Finadvance relèvent que dans leur assignation, les liquidateurs imputaient aux appelants une gestion de fait et invoquent le principe de l'estoppel pour conclure à l'irrecevabilité de la demande.

L'analyse de Me B. et D. est contestée par les appelants, à l'exception de M. D. qui la fait sienne. Les autres appelants font valoir qu'aux termes des statuts de la société Intergestion ils ne sont pas dirigeants de droit de cette société, qu'ils ne sont pas davantage les représentants permanents de la société Interges, qui est dirigeante de droit de la société Intergestion, la société Interges ayant désigné comme représentant permanent M. D. ainsi que cela résulte des mentions figurant au registre du commerce et des sociétés. Ils soutiennent que cette désignation, qui bien que n'étant prévue par les textes relatifs aux sociétés par actions simplifiées n'est pas pour autant prohibée, entraîne une responsabilité exclusive du représentant permanent. Ils ajoutent que les opérations critiquées ont toutes été réalisées alors que la société Intergestion était une SAS .

MM. L. et G. font valoir en outre qu'ils ne sont pas non plus les représentants légaux de Finadvance SA et de Finadvance et associés, ni les représentants permanents de ces sociétés au sein de la SAS Interges mais qu'ils sont seulement des salariés respectivement de Finadvance SA et de Finadvance et Associés et que c'est en cette seule qualité qu'ils participaient aux réunions du conseil d'administration de la société Interges. Ils considèrent que seule la société Interges et son représentant permanent figurant au RCS, M. D., ont la qualité de dirigeants de droit de la société Intergestion au regard des dispositions de l'article L. 651-1 code de commerce et qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 651-1, L.227-7 et L.227-8 code de commerce, seuls la personne morale dirigeante et son représentant permanent figurant au RCS peuvent se voir poursuivis en comblement de passif.

Ils soutiennent également que c'est à tort que les liquidateurs considèrent que les statuts de la société Interges étaient calqués sur ceux d'une société anonyme alors qu'en réalité, le rôle du conseil d'administration était celui d'un conseil de surveillance, la direction opérationnelle de la société Intergestion étant assurée par M. D. et un CODIR (comité de direction) composé des cadres de la société dont ils ne faisaient pas partie.

Subsidiairement, les appelants font valoir que s'ils devaient être considérés comme dirigeants de droit de la société Intergestion, l'action pour être recevable devait être dirigée contre tout le conseil d'administration, or M. L., administrateur indépendant de la société Interges n'a pas été attrait en la cause.

M. D. soutient quant à lui que les autres appelants étaient bien des dirigeants de droit et fait valoir que ses pouvoirs étaient limités contractuellement dans le cadre d'un pacte d'associés conclu le 20 juillet 2006 qu'il ne pouvait prendre de décisions engageant la société au delà de 100 000 euros et que ses pouvoirs en matière d'embauche et de licenciements étaient limités. Il relève en outre que MM. L. et G. ont participé, avec les autres administrateurs, aux réunions de prises de décisions au sein de 'management meetings', qu'ils donnaient ou refusaient leur aval à toutes les décisions de gestion, qu'ils suivaient de près la trésorerie de la société étant en contact direct avec le directeur financier et les commissaires aux comptes.

Sur ce point, M. G. répond que le pacte d'associés est antérieur à la transformation de la société en SAS à la suite de laquelle le président s'est vu conférer les pouvoirs les plus étendus ce qui a rendu caduques les limitations de pouvoirs antérieures.

Sur ce :

L'article L. 650-2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

Dès lors qu'en vertu de ce texte, la même responsabilité pèse sur le dirigeant de droit et sur le dirigeant de fait, le principe de l'estoppel ne peut utilement être opposé à Me D. et B. pour avoir successivement reproché à certains des appelants une gestion de fait puis une gestion de droit, alors qu'il s'agit de fondements différents tendant aux mêmes fins.

L'article L. 650-1 du code de commerce prévoit que les dispositions relatives à l'insuffisance d'actif sont applicables aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective ainsi qu'aux personnes physiques représentants permanents de ces personnes morales.

Il convient de distinguer deux périodes : la période du 20 juillet 2006 au 2 avril 2007 pendant laquelle la société Intergestion était constituée sous la forme d'une société anonyme avec conseil d'administration et la période postérieure à la transformation de la société en SAS .

Pour la première période, ont incontestablement la qualité de dirigeants de droit de la société Intergestion SA : M. D., président du conseil d'administration, la société Finadvance et associés, représentée par M. G. et la société Interges, représentée par M. L., MM. G. et L. qui figurent en qualité de représentants permanents de ces sociétés au RCS ne pouvant contester cette qualité.

Postérieurement au 2 avril 2007, la société Intergestion a été transformée en SAS .

L'article L.227-7 du code de commerce n'instituant pas un régime de responsabilité particulier, la responsabilité des dirigeants de la société ne peut être recherchée pour insuffisance d'actif que sur le fondement de L.650-2 du code de commerce précité.

Conformément à l'article L.227-5 du code de commerce les conditions dans lesquelles une société par actions simplifiée est dirigée sont fixées par les statuts. La qualité de dirigeant d'une société par actions simplifiée s'apprécie donc au cas par cas, indépendamment des pouvoirs de représentation qui sont définis par l'article L.227-6.

En l'espèce, l'article 13 des statuts de la société Intergestion dispose que la société est dirigée et représentée par un président et, le cas échéant par un ou plusieurs directeurs généraux, personnes physiques ou morales. Le président dirige et administre la société. À cet effet, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social et sous réserve des pouvoirs attribués à l'associé unique par les dispositions légales ou les statuts. Il est toutefois précisé que cette limitation de pouvoirs ne s'applique pas au président de la société qui a la qualité d'associé unique ce qui est le cas de la société Interges.

L'assemblée générale extraordinaire du 2 avril 2007 a désigné la société Interges en qualité de président d'Intergestion. Le procès-verbal précise en outre que :

- le président ainsi nommé aura tous pouvoirs pour agir au nom de la société dans la limite de l'objet social et qu'il la représentera à l'égard des tiers,

- l'assemblée générale des actionnaires prend acte que la société Interges sera, dans l'exécution de ses fonctions de président, représentée par son président, M. Patrick D..

Il ne peut toutefois être déduit de cette dernière mention ni de la mention portée au registre du commerce et des sociétés selon laquelle le président de la société Intergestion est 'la SAS Interges, représentée par M. D. Patrick', que ce dernier aurait été désigné en qualité de 'représentant permanent' de la société dirigeante au sens de l'article L.225-20 applicable aux sociétés anonymes, alors d'une part, qu'il était le représentant légal de cette société et d'autre part, que la désignation d'un représentant permanent, qui est possible en matière de société par actions simplifiée bien que n'étant pas légalement exigée, n'était pas en l'espèce prévue par les statuts.

Il résulte de ce qui précède que les dirigeants de droit de la société Intergestion sont donc la société Interges et son représentant légal, M. D., ce qu'au demeurant ce dernier ne conteste pas.

Toutefois, en vertu de l'article L. 227-7 du code de commerce, lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent.

Dès lors, qu'il n'est pas démontré que M. D. aurait la qualité de représentant permanent de la société présidente, au sens de l'article L.225-20 du code de commerce, il convient de rechercher quels sont 'les dirigeants' de la société Interges, au sens de l'article L. 277-7 du code de commerce, susceptibles d'encourir la même responsabilité que la société, cette notion ne visant manifestement pas seulement les personnes investies par la loi du pouvoir de représentation de la société à l'égard des tiers.

L'article 15 des statuts de la SAS Interges prévoit que la société est administrée par un conseil d'administration qui assume sous sa responsabilité la direction générale de la société et désigne en son sein le président de la société au sens de l'article L.277-6 du code de commerce auquel sont dévolus, selon l'article 15.6 des statuts, les pouvoirs de représenter la société et d'agir en son nom à l'égard des tiers conformément à l'article L.277-6 précité.

Dans les rapports entre associés les pouvoirs du président sont limités, un certain nombre d'actes, tels que l'adoption du budget de la société ou de ses filiales, l'acquisition ou la cession de valeurs mobilières (hors placement de trésorerie courante), toute décision relative à la création et /ou la dissolution, non prévues au budget, de filiales, de succursales...les acquisitions ou cessions d'actifs d'un montant supérieur à 50 000 euros (porté à 150 000 euros en décembre 2007)...devant être préalablement approuvés par le conseil d'administration dont les pouvoirs vont par conséquent au-delà de simples pouvoirs de contrôle et de surveillance et sont en réalité de véritables pouvoirs décisionnels.

Dés lors que les membres du conseil d'administration sont investis par les statuts de pouvoirs de décision s'agissant notamment de la stratégie du groupe, ils ont nécessairement, comme le président, la qualité de dirigeants de droit de la SAS Interges et, en cette qualité, encourent les mêmes responsabilités à l'égard de la SAS Intergestion que les dirigeants de droit de cette dernière conformément à l'article L.277-7 du code de commerce.

Les appelants invoquent vainement les dispositions de l'article L. 227-8 qui opèrent un renvoi aux règles prévues par l'article L.225-251 du code de commerce, lesquelles ne peuvent s'appliquer cumulativement avec celles de l'article L.650-2 du code de commerce.

Il résulte par conséquent de l'application combinée des articles L.650-1 et L.227-7 du code de commerce que la responsabilité des membres du conseil d'administration, dirigeants de droit de la société Interges, peut être recherchée au même titre, que celle du président de la société, au titre de l'insuffisance d'actif de la société qu'elle dirige.

La responsabilité de sociétés Finadvance SA et Finadvance et Associés, qui sont administrateurs de la société Interges peut dès lors être recherchée sur ce fondement.

Il résulte par ailleurs du procès-verbal de l'assemblée générale d'Interges du 20 juillet 2006 que M. L. a été expressément désigné en qualité de représentant permanent de la société Finadvance SA, au sein du conseil d'administration de la société Interges, de sorte qu'en cette qualité qu'il ne conteste pas, il encourt la même responsabilité que la personne morale qu'il représente, l'absence d'inscription au RCS étant sans emport dès lors que cette désignation qui n'est pas exigée par les textes applicables aux sociétés par actions simplifiées s'analyse en réalité en une délégation de pouvoirs non soumise à l'obligation d'inscription. Toutefois, étant salarié de la société Finadvance SA en qualité de directeur de participations, sa responsabilité ne peut être engagée qu'à raison de fautes détachables de ses fonctions.

En revanche, la responsabilité de M. G. ne saurait être recherchée sur ce fondement dès lors qu'il n'était pas administrateur en nom propre et qu'il n'apparaît pas davantage qu'il ait été nommé représentant permanent de la société Finadavance et Associés.

2) La gestion de fait

La question d'une éventuelle gestion de fait ne se pose donc pas pour les sociétés Finadvance SA, Finadvance et associés ni pour M. L. dont la responsabilité a été retenue au titre de la gestion de droit, les qualités de gérant de droit et de fait étant exclusives l'une de l'autre.

La responsabilité de la société Finadvance SA ne peut pas davantage être retenue en sa qualité de représentante du fonds commun de placement FPCI Finadvance Capital III, en l'absence de tout élément permettant de caractériser des actes de gestion réalisés en cette qualité qui seraient distincts de sa gestion en qualité de dirigeant de droit.

S'agissant de M. G., les liquidateurs font valoir que, comme les autres appelants, il a participé aux seize réunions du conseil d'administration d'Interges qui se sont tenues entre juillet 2006 et octobre 2009, au cours desquelles les décisions ont été prises à l'unanimité.

Cette analyse est contestée par l'appelant qui rappelle, à juste titre, que la gestion de fait suppose que soit rapportée la preuve d'actes positifs de gestion, réalisés en toute indépendance, de nature à influer sur le fonctionnement de la société.

À cet égard, le seul reproche d'avoir siégé au conseil d'administration en qualité de représentant de la société Finadvance et associés ne constitue pas un acte d'immixtion dans la gestion de la société mais une obligation statutaire dès lors que les statuts prévoient la constitution d'un tel organe et désignent Finadvance et associés comme membre de ce conseil d'administration.

S'il résulte par ailleurs à suffisance des productions des parties que M. G. a eu une implication active dans la gestion de la société, notamment par sa participation aux 'management meetings' (cf notamment pièces de Me G. n° 55, 56, 59 à 64, pièces de Me M. n° 41, 42, 83, 84), il n'est toutefois pas pour autant démontré que M. G., salarié de Finadvance et Associés en qualité de directeur des investissements, ait agi en toute indépendance et souveraineté par rapport à son employeur, alors qu'il résulte au contraire de sa pièce n° 51 constituée par différents 'memorandum' internes qu'il rendait compte à ses supérieurs hiérarchiques et sollicitait leur accord sur le sens du vote qu'il devait exprimer au nom de la société Finadvance et associés, sur des questions importantes devant être évoquées lors des conseils d'administration d'Interges, telles l'acquisition des cibles, l'établissement d'une déclaration d'honorabilité dans le cadre du rachat de la société luxembourgeoise SLAD, la souscription puis la conversion d'obligations convertibles.

En l'absence de preuve d'une indépendance, la qualité de gérant de fait de M. G. ne peut dès lors être retenue. Me D. et B., seront donc déboutés de leur demande en tant que dirigée contre ce dernier.

3) les fautes de gestion

Les liquidateurs relèvent qu'au jour de son acquisition la société Intergestion réalisait un bénéfice de 5,1 millions d'euros alors qu'au 31 décembre 2009, elle accusait des pertes à hauteur de 22,2 millions d'euros, ses fonds propres ayant diminués de 70 millions d'euros et l'insuffisance d'actif représentant plus de 42 millions d'euros.

Il est reproché aux dirigeants des dépenses disproportionnées excédant les ressources de la société alors que les dirigeants n'ignoraient pas que les besoins en fonds de roulement de la société étaient importants, ce qui impliquait que les réserves soient mobilisées pour assurer les besoins en fonds de roulement et que l'endettement soit remboursé par les résultats futurs, tout nouvel investissement ne pouvant être financé par la société Intergestion sur ses fonds propres.

Les liquidateurs relèvent que toutes les décisions critiquées ont été prises entre mars et décembre 2007 à une époque où les dirigeants avaient connaissance des résultats en nette régression de l'exercice clos au 30 août 2006 et qu'ils n'ignoraient pas que les prévisions de résultat ne se réaliseraient pas.

Les appelants opposent que les décisions litigieuses doivent être examinées par rapport au contexte économique existant à l'époque à laquelle elles ont été prises et critiquent le rapport OCA sur lequel s'appuie les liquidateurs auquel il reprochent de ne pas avoir suffisamment pris en compte les conséquences de la crise économique de 2008 et ses incidences, notamment dans le secteur du bricolage, alors que ce secteur était au contraire en plein essor au moment de l'acquisition de la société Intergestion. Ils s'appuient à cet égard sur des rapports établis par Mme P. (cabinet L.) et par le cabinet Prorevise.

Il convient d'examiner successivement chacune des fautes alléguées.

3.1 la remontée de dividendes de la société Intergestion vers la société Interges

Pour les liquidateurs, la remontée de dividendes de la société Intergestion vers la société Interges à hauteur d'un montant total de 4,6 millions d'euros en 2007 et 2008, dont 3,5 millions d'euros prélevés sur les réserves, a privé la société Intergestion d'une trésorerie suffisante sur toute la période considérée, alors que les dirigeants savaient qu'ils ne pouvaient pas distribuer plus que les résultats futurs. Cette distribution de réserves, sur proposition du conseil d'administration de la société Interges, a permis à cette dernière de rembourser les crédits vendeurs et les emprunts contractés pour l'acquisition de la société Intergestion et de ses filiales et a privé Intergestion d'une trésorerie qui lui aurait permis de régler les dettes échues à la date du jugement d'ouverture.

Les appelants objectent que la décision de distribuer des dividendes incombe aux actionnaires et ne peut donc être imputée aux dirigeants, que les fonds dont s'agit, qui correspondaient à une trésorerie supplémentaire, étaient bloqués en SICAV et n'étaient donc pas nécessaires à l'exploitation, les besoins en fonds de roulement étant assurés par les lignes de crédit court terme accordées par les banques historiques du groupe. Ils observent que l'appréciation ne doit pas se faire de manière globale mais exercice par exercice et que ces distributions sont conformes à celles réalisées au profit de la société SDCI antérieurement à la cession.

Sur ce :

Il convient de constater que le fait que des dividendes d'un montant total de 2,1 millions d'euros aient été versés à la société SDCI en 2004 et 2005 est sans emport, dès lors que d'une part la situation doit être appréciée à la date à laquelle les décisions critiquées ont été prises et d'autre part que le montant des dividendes versés était, pour chacun de ces deux exercices, inférieur au résultat net de l'exercice.

Dans le cadre d'un LBO, le remboursement de la dette d'acquisition est assuré par les dividendes versés par la société reprise à la holding qui en détient le contrôle.

En l'espèce, il est constant :

- qu'Intergestion a distribué à Interges des dividendes à hauteur de 1 950 200 euros au titre de l'exercices clos au 31 août 2006, de 2 200 940 euros au titre de l'exercice clos au 31 août 2007 et de 500 000 euros supplémentaires au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2007 pris en compte en 2008, soit au total 4 651 140 euros, ces distributions rapprochées ayant été rendues possibles par plusieurs modifications successives de la date d'arrêté des comptes,

- que ces dividendes ont permis à la holding de rembourser les emprunts contractés pour l'acquisition d'Intergestion et de ses filiales,

- que les résultats de la période considérée, inférieurs à ceux des exercices précédents, ne permettaient pas de verser ces dividendes,

- que les réserves ont diminué de 3,5 millions d'euros sur la période considérée,

- que les besoins en fonds de roulement représentaient 18 millions d'euros au moment de l'acquisition, compte-tenu de la nécessité pour Intergestion de disposer d'une stock important pour pouvoir fournir dans des délais courts sa clientèle essentiellement constituées de grandes surfaces de bricolages dont les délais de paiement étaient plus longs que ceux de ses fournisseurs allemands,

- que pour couvrir ses dépenses d'exploitation la société Intergestion a dû, à partir de 2007, accroître notablement son recours aux lignes de crédit court terme accordées par ses banques, lesquelles n'ont toutefois pas été utilisées en totalité.

Il convient de relever que l'analyse du cabinet OCA, critiquée par les appelants ainsi que par le cabinet Prorevise, selon laquelle les dividendes versés ne pouvaient excéder les résultats de l'exercice, les réserves devant être mobilisées pour satisfaire les besoins importants en fonds de roulement, était toutefois partagée par Finadvance dans son memorandum d'acquisition, aux termes duquel elle relevait que 'les besoins de fonds de roulement consomment l'ensemble de l'excédent de ressources longues et nécessitent de recourir à des financements bancaires à court terme de façon permanente'.

S'il est indéniable que ces distributions ont privé la société Intergestion de fonds qui lui auraient permis de faire face à ses dettes échues à la date de cessation des paiements, ce seul constat n'est toutefois pas suffisant pour caractériser l'existence d'une faute de gestion des dirigeants.

Il convient en effet de se placer à la date à laquelle ces décisions de répartition ont été prises à savoir en avril 2007 pour la première distribution, en février 2008 pour la deuxième et en juin 2008 pour la troisième et de tenir compte des conditions et du contexte économique dans lequel elles ont été prises. Par ailleurs, s'il est exact que la distribution de dividendes relève des pouvoirs de l'assemblée générale des actionnaires, il n'est toutefois pas contesté que ces décisions ont été prises sur proposition du conseil d'administration d'Intergestion SA pour la première, et sur proposition du président de la SAS Intergestion, qui avait nécessairement l'approbation du conseil d'administration d'Interges compte-tenu de la limitation de ses pouvoirs, pour les deuxième et troisième, étant de surcroît observé qu'Interges est l'associé unique d'Intergestion et que Finadvance est l'associé majoritaire d'Interges.

À l'examen des différents rapports d'expertise versés aux débats, il n'apparaît pas que la distribution de dividendes décidée en avril 2007, au titre de l'exercice clos au 31 août 2006, puisse être considérée comme relevant d'une faute de gestion, en dépit d'une augmentation des besoins en fonds de roulement, compte-tenu d'une part des résultats, certes en baisse, mais toujours bénéficiaires enregistrés au cours de l'exercice (87 538 euros sur six mois), d'autre part du contexte économique porteur de l'époque, le commerce du bricolage étant en plein essor, qui permettait d'envisager des perspectives de croissance et enfin des concours bancaires consentis qui permettaient de faire face aux besoins de trésorerie.

En revanche, les distributions ultérieures ont été réalisées alors que l'augmentation notable du besoin en fonds de roulement qui s'élevait à 21,6 millions d'euros en août 2006 et à 21,5 millions d'euros en 2007 se confirmait, que les résultats de l'exercice 2007 (981 559 euros au 31 août 2007 et 556 490 euros au 31 décembre 2007 sur six mois) étaient toujours en nette régression par rapport à ceux de 2005 (2 195 000 euros) et inférieurs aux prévisions initiales, que les fonds propres avaient diminué d'un million d'euros et que la variation nette de trésorerie fin 2007 était de - 2,6 millions euros.

Enfin, si les opérations de croissance externe engagées au cours de l'exercice ont effectivement permis à Intergestion de percevoir des dividendes à hauteur de 3,4 millions comme le souligne Mme P., ces dividendes ont toutefois été affectés au remboursement de ces investissements réalisés en novembre et décembre 2007 comme cela sera évoqué ci-après.

L'appréciation de Mme P. dans son rapport complémentaire n° 3 selon laquelle les dividendes ont été supportés par la trésorerie générée par l'activité sur la période ne peut par ailleurs être retenue dans la mesure où elle prend en considération le flux net de trésorerie lié à l'activité cumulé au 31 décembre 2008 (7 586 843 euros) alors qu'il convient de se placer au 31 décembre 2007 date à laquelle le flux net de trésorerie lié à l'activité cumulé depuis 2006 n'était que de 3,6 millions euros.

Enfin, il ressort du tableau figurant en page 9 du rapport du cabinet Prorevise que le secteur du bricolage a connu, dès la fin de l'année 2007, une baisse de croissance et que le secteur de l'agencement était principalement impacté en 2007 (rapport L.).

Il s'évince du tout que le reproche fait par les mandataires d'une distribution de dividendes incompatibles avec la situation de trésorerie de la société, au regard notamment du financement des investissements réalisés en grande partie sur ses fonds propres par Intergestion et de la conjoncture défavorable est bien fondé.

Cette faute d'imprudence, qui ne relève pas d'une simple négligence mais d'une faute de gestion caractérisée, est en relation causale directe avec l'insuffisance d'actif puisqu'elle a eu pour conséquence de priver la société de réserves anciennes qui auraient pu être affectées en 2009 au règlement des dettes échues.

Aucun élément ne permettant de considérer que M. L. aurait personnellement, en toute indépendance, eu un rôle actif dans cette prise de décision et qu'il aurait commis une faute détachable de ses fonctions, sa responsabilité personnelle ne sera pas retenue à ce titre.

En revanche, les sociétés Finadvance SA et Finadvance et associés et M. D. qui ont ensemble contribué à cette prise de décision seront tenus solidairement de l'insuffisance d'actif découlant de cette faute.

3.2 l'acquisition des titres des sociétés Qama et TFT

Les liquidateurs font valoir que la société Intergestion a financé cette acquisition à hauteur de 2,8 millions d'euros sur ses fonds propres et que les avances consenties par Interges ne pouvaient être remboursées que sur les résultats des cibles, lesquels ne suffisaient pas au remboursement des crédits vendeurs et emprunts contractés. Les liquidateurs soutiennent encore que la valeur de rachat de Qama Logistique excédait le prix du marché et en veulent pour preuve le fait que le mali technique de fusion a fait l'objet d'une dépréciation à hauteur de 7,5 millions d'euros par les appelants ce qui démontrerait que le prix d'acquisition était trop élevé.

Cette affirmation est contestée par les appelants qui indiquent qu'il s'agit d'un ajustement comptable et que la dépréciation de la valeur des titres tient compte des incertitudes affectant le prix de cession compte-tenu de la procédure collective.

Les appelants contestent par ailleurs le chiffre de 2,8 millions d'euros retenu par Me D. et B. et soutiennent qu'en réalité la part d'autofinancement de ces acquisitions par Intergestion représenterait 1,38 millions, voire 1,5 millions d'euros, soit un autofinancement à hauteur tout au plus de 6 % de l'investissement dépourvu de tout impact négatif sur la trésorerie de la société Intergestion. Ils reprochent aux liquidateurs de ne pas avoir pris en compte la trésorerie des cibles, dont a bénéficié la société Intergestion par suite de la transmission universelle de patrimoine, qui au final a conduit à un apport de trésorerie de 0,4 millions d'euros.

Les appelants soutiennent enfin que ces décisions ont été prises à une époque où les performances de la société Intergestion étaient conformes au 'business plan' initial et qu'elles correspondaient à l'intérêt de la société en lui apportant une diversification au niveau des produits et des clients, le rachat de TFT N. T. répondant à l'objectif de prendre place sur le marché de la plomberie robinetterie à destination des grandes surfaces de bricolage et le rachat de Qama, à celui de devenir le n° 1 de la vente par correspondance de quincaillerie d'ameublement à destination des professionnels.

Sur ce :

Le 8 novembre 2007, le conseil d'administration d'Interges a approuvé, à l'unanimité, le projet d'acquisition par la société Intergestion de la société TFT, société mère des sociétés N. et Thiebault et CPI Robinetterie, pour un montant de 11,6 millions d'euros et du groupe Qama Logistique pour un montant de 12,4 millions d'euros.

Pour financer ces investissements Interges a avancé 21,2 millions d'euros à sa filiale en procédant à deux augmentations de capital, à la souscription d'un emprunt bancaire à hauteur de 15,5 millions d'euros et à l'émission d'un emprunt obligataire. Le solde du prix a été financé par Intergestion à hauteur de 2,8 millions d'euros au moyen d'un crédit vendeur et d'un autofinancement à hauteur de 1,7 millions d'euros.

Or le rapport OCA relevait qu'à la date de son acquisition le groupe TFT, comme Intergestion, ne disposait pas de bénéfices économiquement distribuables, l'intégralité des fonds propres étant utilisée pour le financement de son important besoins en fonds de roulement. Le groupe Qama disposait par contre d'un bénéfice distribuable au 31 décembre 2007 de 1,8 millions d'euros, de sorte que le remboursement des avances faites par Interges ne pouvait se faire qu'au moyen de ce bénéfice distribuable et des résultats des cibles, à supposer qu'ils restent constants, lesquels ne permettaient en tout état de cause pas de financer d'autres investissements.

En 2009, l'avance en compte courant consentie par Interges avait été remboursée à hauteur de 4 559 000 euros au moyen notamment des dividendes versé par les cibles à hauteur de 3 421 000 euros, la société Intergestion ayant supporté seule son investissement à hauteur de 2,8 millions d'euros.

Les appelants font valoir que la part d'autofinancement d'Intergestion dans cette opération se limiterait à 1,5 millions d'euros (cf rapport P.) ou 1,38 millions d'euros (cf rapport Prorevise).

Il convient toutefois de relever que le montant de 2,8 millions d'euros retenu par les mandataires judiciaires et le cabinet OCA ne correspond pas seulement à la part d'autofinancement d'Intergestion mais inclus également le crédit vendeur consenti par Qama à hauteur de 1,2 millions d'euros payable en trois annuités à partir de 2008, qui constitue incontestablement une charge à rembourser par Intergestion, sans financement corrélatif autre que les résultats des cibles.

Les conclusions du rapport OCA selon lesquelles un maintien des résultats des sociétés acquises en 2008 aurait à peine permis de rembourser les avances consenties par Interges à sa filiale pour financer ces acquisitions et corrélativement les emprunts contractés par la holding et le crédit vendeur consenti à Intergestion, ne sont pas sérieusement contredites, le fait que cette dernière ait, suite aux transmissions universelles de patrimoine, bénéficié de la trésorerie des cibles devant être apprécié non seulement au regard de cet investissement mais également au regard des dépenses d'exploitation et des autres investissements.

Ainsi si ces opérations de croissance pouvaient se justifier au regard des objectifs poursuivis, elles ont toutefois conduit à des investissements excessifs par rapport aux conditions prévisibles de financement, ces décisions ayant en effet été prises alors même que les résultats de la société Intergestion enregistraient une nette baisse par rapport à ceux de 2005 et que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les prévisions du 'Business plan' n'étaient pas réalisées.

Ces décisions prises de concert par tous les dirigeants ayant directement concouru à l'insuffisance d'actif en aggravant les charges pesant sur la société Intergestion, dont les fonds propres ont diminué, la responsabilité de M. D. et des sociétés Finadvance sera retenue solidairement.

La responsabilité de M. L. ne sera par contre pas retenue, en l'absence de preuve d'une faute détachable de ses fonctions.

Pour soutenir par ailleurs que la valeur d'acquisition du groupe Qama était trop élevée, les mandataires judiciaires se fondent sur le rapport OCA selon lequel cette valeur équivalente à 15 fois le résultat net consolidé du groupe était supérieure à la moyenne du secteur, qui se situe autour de 9 et soutiennent que le mali technique de dépréciation de cet actif de 7,5 millions au 31 décembre 2009 démontre cette surévaluation initiale.

Cette analyse est contestée par les appelants qui invoquent les conclusions concordantes des rapports L. et Prorevise qui, aux termes d'une analyse précise et documentée, estiment que le prix payé pour l'achat de Qama en 2007 s'inscrivait dans la fourchette des comparables de transactions et des comparables boursiers à cette date.

Il convient de relever que le cabinet L. a notamment procédé à une évaluation multicritère de la valeur du groupe qui aboutit, en fonction de la méthode retenue, à une valeur se situant entre 14,7 millions et 19,5 millions d'euros.

Cette analyse était confirmée par le cabinet Prorevise qui relevait que le prix payé pour l'achat de Qama en 2007, mesuré par le multiple valeur d'entreprise sur l'EBIT moyen 2006-2007 est inférieur à celui déterminé par le cabinet L. à partir de différentes méthodes d'évaluation et en dessous du prix médian de 4 000 entreprises cotées et considérait également que ces éléments convergents ne font donc pas apparaître de surévaluation du prix.

Le cabinet Prorevise explique par ailleurs la dépréciation de 7,5 millions sur les actifs issus de Qama constatée en 2010, d'une part par la baisse générale des actifs entraînée par la crise de 2008-2010 et d'autre part par le fait que la dépréciation a été constatée sur une valeur de cession décotée des actifs dans le contexte de l'ouverture de la procédure collective. Cette analyse est partagée par Mme P. qui relève notamment que la clôture des comptes 2009 a été réalisée en faisant référence aux événements post-clôture significatifs, à savoir l'ouverture d'un redressement judiciaire et la décision prise en juin 2010 de procéder à un plan de cession, circonstances qui motivent d'ailleurs expressément les réserves émises par les commissaires comptes lors de la certification des comptes arrêtés au 31 décembre 2009.

Il convient en outre de relever que les comptes arrêtés au 31 décembre 2007 ont au contraire été certifiés par les commissaires aux comptes sans réserve quant à la valeur de cet actif et qu'avant cette acquisition, les dirigeants s'étaient entourés de toutes les garanties nécessaires en faisant procéder à plusieurs audits comptable, financier, juridique, des stocks et du système d'information lesquels ont démontré que l'acquisition projetée était justifiée par la nécessité stratégique de diversifier les produits et les clients d'Intergestion et n'ont pas mis en évidence d'anomalies ni de risques particuliers qui ne seraient pas retranscrits dans les comptes sociaux (rapport Secef).

En l'état de ces constatations, la preuve d'une faute de gestion imputable aux dirigeants n'est dès lors pas suffisamment rapportée.

3.3 le financement des pertes de la filiale CEGEC à hauteur de 1,2 millions d'euros

Les liquidateurs font valoir que la création de cette filiale a été décidée à l'unanimité par les administrateurs et qu'il n'est nullement démontré que la création de cette filiale espagnole s'inscrivait dans le cadre des relations existant entre la société Intergestion et son client principal, la société Leroy Merlin qui était alors en phase d'expansion en Espagne. Ils soulignent que les pertes de la société CEFEC ont été financées au moyen des découverts bancaires et par le recours à l'affacturage qui sont normalement destinés à financer les besoins d'exploitation et non les investissements.

Les sociétés Finadvance font valoir qu'elles ne sont pas intervenues dans les décisions concernant la création et le financement de la société CEFEC qui ont été prises en CODIR.

Les appelants invoquent les relations avec la société Leroy Merlin, un problème de refacturation interne lié à un mode fonctionnement imposé par cette dernière ainsi que les effets de la crise financière qui a également sévi en Espagne fin 2008, ajoutant que la filiale polonaise créée dans les mêmes conditions a par contre réalisé des bénéfices.

Sur ce :

Le procès-verbal de réunion du conseil d'administration d'Interges du 15 mars 2007 mentionne au point 4 : 'confirmation de la création d'une filiale espagnole à Madrid avec un effectif à très court terme de 3 personnes, qui sera porté à 5 courant 2ème trimestre 2007. Cette filiale couvrira les 2 métiers du groupe à savoir la distribution d'articles de quincaillerie et l'agencement de magasins'.

Il ne peut être déduit de ce libellé que la création de la CEFEC aurait être décidée à l'unanimité lors de cette assemblée générale, comme le soutiennent Me D. et B., cette mention évoquant plutôt une information, étant observé qu'à cette date la société Intergestion était une société anonyme avec conseil d'administration et qu'aucun procès-verbal du conseil d'administration d'Intergestion décidant de cette création n'est produit, les sociétés Finadvance soutenant que toutes les décisions concernant la société CEFEC, dont M. D. était le président, auraient été prises en CODIR, ce que confirmait M. L. en page 40 de ses conclusions d'appel n°1.

Il est toutefois constant qu'en 2007 et 2008 la société CEFEC a réalisé un chiffre d'affaires de 75 000 euros et qu'à la date du jugement d'ouverture, elle comptait toujours sept salariés alors qu'elle ne réalisait plus aucun chiffre d'affaires et que ses pertes cumulées qui s'élevaient à 1 158 894 euros au 31 décembre 2009 ont été supportées en totalité par la société Intergestion au moyen d'avances en compte courant, ce que ne pouvaient ignorer les administrateurs.

Si M. D. soutient que la création de cette filiale était nécessaire pour accompagner le développement de son principal client la société Leroy Merlin, aucun élément n'est toutefois produit démontrant ce partenariat, pas plus que pour étayer les hypothèses émises par les cabinets Prorevise et L. quant une anomalie comptable consistant en une insuffisance de refacturation à Intergestion par sa filiale espagnole du coût du personnel travaillant pour Leroy Merlin alors qu'Intergestion encaissait le chiffre d'affaires.

Si le chiffre d'affaires réalisé par Intergestion à l'international s'élevait à 29,1 millions d'euros sur la période 2007 à 2009, le cabinet Prorevise relève cependant qu'aucun détail n'est fourni quant à la part de ce chiffre d'affaires provenant des opérations espagnoles, de sorte qu'il ne peut, en l'état des productions, être considéré, comme le fait Mme P., que les charges supportées par Intergestion n'étaient pas excessives au regard du chiffre d'affaires réalisé.

C'est donc à juste titre que Me D. et B. reprochent d'une part, à M. D., d'avoir laissé perdurer en 2009 une activité manifestement déficitaire dont les pertes étaient intégralement supportées par Intergestion, sans que la nécessité de maintenir cette filiale soit démontrée et d'autre part, aux administrateurs d'Interges, d'avoir manqué de vigilance, ces derniers, à défaut d'être à l'origine de la création de cette filiale, ayant parfaitement connaissance de l'existence de cette filiale et des avances qui lui étaient consenties alors même que la société Intergestion ne disposait pas des moyens suffisants pour à la fois soutenir sa filiale et rembourser son propre endettement et que la crise économique qui frappait le marché espagnol comme le marché français ne permettait pas d'envisager un retournement de tendance à brève échéance.

Aucun élément ne permettant de considérer que M. L. aurait eu personnellement et en toute indépendance un rôle actif dans cette prise de décision et qu'il aurait commis une faute détachable de ses fonctions, sa responsabilité ne sera pas retenue à ce titre.

Ces fautes, qui par leur nature et leur gravité, ne relèvent pas de la simple négligence, ont directement concouru à aggraver l'insuffisance d'actif. Il est justifié de prononcer une condamnation solidaire de M. D. et des sociétés Finadvance dont les fautes conjuguées ont contribué à ce que cette situation perdure.

3.4 l'arrêt des relations commerciales avec les fournisseurs Tegometall et B. System et la création de la SLAD

Pour M. D., la rupture des relations commerciales avec les fournisseurs principaux de la société Intergestion avec qui elle réalisait 30 à 40 millions de chiffre d'affaires est la cause essentielle des difficultés de la société, cette rupture étant exclusivement imputables à ces deux sociétés qui ont voulu reprendre la gestion de la distribution de leurs produits.

Il fait valoir que :

- la société Tegometall a pratiqué une hausse de ses tarifs de l'ordre de 15 % qui n'était pas susceptible d'être répercutée sur les clients d'Intergestion, que de surcroît ce fournisseur exigeait l'exclusivité totale et a brutalement résilié son crédit fournisseur, ce qui a motivé le projet de création de la société SLAD,

- la société B. System a rompu le contrat le 30 septembre 2009 arguant de contrefaçon et a obtenu la condamnation de la société Intergestion à ce titre, alors qu'en réalité la société Intergestion a été victime du comportement déloyal de deux de ses anciens salariés.

Les liquidateurs évoquent quant à eux un choix désastreux de rompre des relations anciennes avec la société Tegometall, fournisseur principal d'Intergestion en matière de matériel d'agencement, pour devenir fabricant en Chine, ce qui a généré des charges et investissements pour le développement de nouveaux produits que la société Intergestion a supporté à hauteur de 692 000 euros, sans contrepartie, puisque les produits n'étaient pas commercialisés par elle mais par la société SLAD, filiale d'Interges. De plus les marge dégagée par la SLAD étaient insuffisantes pour faire face à ses charges courantes, les pertes ont été supportées par la société Intergestion qui a également financé ses stocks invendus, le tout pour un montant total de 6 206 468 euros. Cette opération aurait enfin généré une perte importante du chiffre d'affaires ayant impacté le site de Ludres.

Cette analyse est critiquée par les appelants qui relèvent qu'il était nécessaire pour la société Intergestion de rechercher une solution d'approvisionnement alternatif sans pour autant rompre totalement avec Tegometall, objectif auquel répondait ce montage. Ils soutiennent que les pertes sont essentiellement dues aux répercussions de la crise économique de 2008 dans ce secteur.

Ils font valoir qu'il n'y a pas eu de décision des administrateurs, la question des relations avec les fournisseurs ne relevant pas des attributions de la holding. À cet égard Me D. et B. objectent que tous les appelants étaient partie prenante à ce changement d'activité et ont signé les documents concernant la création de la SLAD.

Sur ce :

Il est constant que la société Tegometall, fournisseur depuis plus de quarante ans d'Intergestion, en matière de matériel d'agencement, les achats d'Intergestion auprès de ce fournisseur ayant représenté 13,5 millions d'euros et ayant généré un chiffre d'affaires de 19 millions d'euros pour celle-ci en 2007, a annoncé en juin 2007 une augmentation notable de ses tarifs de l'ordre de 15 % arguant de la hausse des prix de l'acier.

La politique tarifaire menée par ce fournisseur avait, dès avant cette prise de position, amené M. D. à envisager des solutions d'approvisionnement complémentaires ainsi qu'il en avait informé le conseil d'administration d'Interges, le 15 mars 2007.

Par ailleurs, la société Tegometall a brutalement mis fin à son crédit fournisseur de 4 millions d'euros en février 2008, ce qui a eu pour conséquence de majorer considérablement les besoins en fonds de roulement de la société Intergestion qui a dû mobiliser davantage ses tirages bancaires court terme.

Dans ce contexte, il ne peut être fait grief à ses dirigeants d'avoir recherché une autre source d'approvisionnement, tout en maintenant provisoirement ses relations avec Tegometall.

Il convient de relever que si la décision de prendre en charge le coût du développement d'un 'produit maison' et de créer en décembre 2007 la société P. SA, devenue SLAD en mars 2008, à la suite du rachat de l'intégralité des titres par la société Interges, n'a pas été discutée au sein du conseil d'administration d'Interges, il résulte toutefois des pièces versées aux débats que MM. G. et L. ont été étroitement associés à cette prise de décision (cf notamment pièces 4 de Me M. et 54 de Me L'H.), laquelle a par ailleurs été portée à la connaissance du comité d'entreprise en juin 2008.

Si les conséquences de ce choix stratégique se sont révélées, a posteriori, très lourdes pour la société Intergestion, qui a supporté d'une part le coût du développement des nouveaux produits et d'autre part les pertes et stocks invendus de la SLAD au moyen d'avances en compte-courant, le caractère fautif de cette décision de gestion, au moment où elle a été prise, n'est toutefois pas pour autant suffisamment établi, quand bien même l'objectif affiché est-il non seulement de sécuriser les approvisionnements mais également d'améliorer la rentabilité en faisant fabriquer les produits à moindre coût en Chine.

Il ne peut en effet être fait totalement abstraction des effets de la crise économique de fin 2008 sur l'activité de la société Intergestion et sur celle de la société SLAD qui a débuté en juillet 2008. En effet, les stocks importants que cette dernière avait acquis n'ont pu être commercialisés en raison d'une baisse de la demande trouvant son origine non seulement dans un défaut de qualité des produits importés de Chine mais également dans la dégradation de la situation économique.

Le rapport D. établi en 2009 attribuait en effet l'importante baisse du chiffre d'affaires réalisé par Intergestion dans sa division agencement (30 millions d'euros en 2007, 25 millions d'euros en 2008 et 8 millions d'euros en 2009) non seulement à des facteurs internes, la défectuosité de la première gamme de produits fabriqués et la perte de confiance corrélative des clients mais également à la situation conjoncturelle défavorable, circonstances dont il n'est pas démontré qu'elles auraient pu, voire dû, être anticipées par les dirigeants d'Intergestion.

Le cabinet Prorevise observe par ailleurs que les conditions du contrat liant la société SLAD à son unique client, Intergestion, qui faisait peser sur la première la prise en charge des coûts logistiques et d'approvisionnement, se justifiaient par le fait qu'elles avaient un actionnaire commun, alors que si Intergestion avait contracté avec une société tierce, elle aurait dû supporter ces charges, ce qui, dans un contexte de baisse de la demande, aurait eu les mêmes conséquences pour Intergestion d'un point vue économique.

La preuve d'une faute de gestion des dirigeants de la société Intergestion n'est dans ces conditions pas suffisamment caractérisée, la société Intergestion ayant en effet dû répondre dans l'urgence à une forte contrainte extérieure pesant sur ses approvisionnements et les causes de l'échec patent des initiatives prises à cette fin, n'étant pas exclusivement inhérentes à l'option retenue mais relevant pour une part non négligeable de facteurs conjoncturels.

S'il est enfin constant que la rupture avec la société B. System a lourdement impacté la trésorerie d'Intergestion et que l'existence des faits de contrefaçon invoqués par ce fournisseur pour mettre un terme aux relations anciennes qu'il entretenait avec Intergestion ont été admis par un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 8 novembre 2012 passé en force de chose jugée, il résulte toutefois des pièces produites et notamment d'une attestation d'un ancien salarié, M. R., que la commercialisation des tablettes incriminées comportant la marque Cime (Intergestion) à côté du logo Element System avait débuté dans les années 1996, de sorte que ces faits ne peuvent être imputés à la nouvelle direction.

3.5 la poursuite de l'activité déficitaire

Les liquidateurs reprochent à M. D. d'avoir présenté un budget 2009 quasiment à l'équilibre pour le site de Ludres alors que le chiffre d'affaire avait baissé de 63 % et que le résultat d'exploitation était négatif (- 2,8 millions d'euros), de s'être abstenu de prendre les mesures de redressement nécessaires et d'avoir sciemment poursuivi une activité déficitaire pour conserver les avantages qu'il en retirait notamment en termes de rémunération et d'avoir privilégié le remboursement des avances consenties par la société Interges à la sauvegarde de la société Intergestion.

Ils reprochent aux autres dirigeants, qui au vu des pièces produites par M. D. bénéficiaient d'un niveau d'information important, supérieur à celui exigé par les règles de gouvernance et qui participaient activement à la gestion opérationnelle, un défaut de surveillance et en veulent pour preuve le renforcement des mesures de contrôle après révocation de M. D.. Les liquidateurs estiment que les fautes commises par ces derniers sont plus graves car après la révocation de M. D. en octobre 2009, ils ont laissé le passif s'accroître pendant cinq mois sans prendre les mesures nécessaires, alors que la TVA n'était plus réglée depuis octobre 2009.

M. D. réfute ces allégations, il indique que les échéances fiscales et sociales ont été honorées jusqu'à sa révocation, qu'il n'avait aucun intérêt à poursuivre une exploitation déficitaire et que les résultats des filiales Qama et TFT auraient pu permettre de surmonter la crise. Il soutient avoir mis en oeuvre une politique drastique de diminution des coûts notamment salariaux à partir de janvier 2008, avoir pris contact avec le CIRI pour envisager une restructuration à laquelle le pool bancaire historique de la société n'était pas opposé, mais n'avoir pu mener à bien ces tentatives du fait de sa révocation.

Les autres appelants réfutent tout défaut de surveillance, prétendant avoir consciencieusement exécuté leur mission de contrôle, mais s'être heurtés à un manque d'information de la part de M. D., voire à la transmission d'information tronquées ou erronées, ainsi que l'avait au demeurant souligné le rapport OCA.

Ils prétendent enfin avoir recherché une solution de redressement après révocation de M. D., avoir fait procéder à un audit, à la désignation d'un mandataire ad hoc, avoir entrepris des démarches auprès du CIRI et des banques.

Sur ce :

S'il n'est pas sérieusement contesté que la déconfiture de la société a été précipitée par la rupture des relations avec la société B. System qui a cessé ses livraisons en octobre 2009 privant ainsi brutalement la société Intergestion de 30 % de son chiffre d'affaires, ce qui corrélativement a conduit à la suppression d'une source de financement immédiat de la trésorerie résultant du recours au factoring, situation qui ne pouvait être anticipée par la direction, il n'en demeure pas moins que dès la fin de l'année 2008, la société connaissait déjà des difficultés et avait enregistré une baisse importante du chiffre d'affaires de son pôle agencement (-63 %). Le cabinet OCA relevait que, nonobstant cette baisse prévisible du chiffres d'affaires, M. D. présentait en décembre 2008 un budget 2009 quasiment à l'équilibre pour le site de Ludres (agencement) qui avait pourtant enregistré une perte de 2,8 millions d'euros en 2008 et prévoyait un résultat d'exploitation de 5 342 884 euros.

Si en mai 2009, M. D. a présenté au conseil d'administration un budget à la baisse après avoir initié une politique de réduction des coûts, notamment salariaux, il envisageait toutefois un résultat d'exploitation de 1,9 millions, peu réaliste dès lors que le résultat d'exploitation de 2008 s'élevait à 1,1 millions d'euros. Au final l'exercice 2009 a été clôturé avec un résultat d'exploitation déficitaire de 4842 000 millions d'euros.

Il apparaît ainsi qu'en dépit des initiatives prises en 2008 pour diminuer le recours au personnel intérimaire, ce n'est en réalité qu'à partir du mois d'avril 2009 que M. D. a présenté un plan de crise alors que la situation de la société était déjà préoccupante dès la fin 2008 et que la crise économique prenait toute son ampleur. Le grief qui est fait à M. D. d'avoir tardé à réagir est donc bien fondé.

De la même manière, le grief tiré d'un défaut de surveillance des administrateurs est également fondé dès lors qu'il résulte à suffisance des pièces n° 1 à 12 produites par M. D. qu'à la différence de ce que qu'a pu retenir le cabinet OCA, les membres du conseil d'administration disposaient de remontées d'informations sur la situation de trésorerie de la société et que l'une des priorités des administrateurs était de garantir le remboursement par Interges de sa dette 'senior'. Il sera observé à cet égard, que, si par sa nature même le mécanisme du LBO implique le remboursement de la dette d'acquisition de la holding au moyen des dividendes versés par la société reprise, ce remboursement ne doit cependant pas se faire, comme en l'espèce, au détriment de l'exploitation de la filiale.

Il ne peut enfin être reproché au conseil d'administration d'Interges d'avoir fait preuve d'inertie après la révocation de M. D. et d'avoir contribué à l'aggravation du passif, alors que différentes actions ont été entreprises : établissement d'un rapport d'audit par le cabinet D., désignation d'un mandataire ad hoc, intervention auprès du CIRI, négociations avec les banques et les actionnaires qui ont converti leurs obligations en actions, saisine de la commission départementale des chefs de service financiers... ainsi que cela résulte du rapport de Mme L. (mandataire ad hoc).

III- les montants

Les fautes ci-dessus caractérisées ont directement contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur des montants suivants :

- s'agissant de la distribution des réserves pour assurer le paiement des dividendes : 1 434 000 euros, soit la différence entre le montant des réserves au 31 août 2007 (4 419 000 euros) et le montant des réserves au 31 décembre 2008 (2 985 000) ;

- s'agissant du remboursement des avances en compte - courant d'Interges pour l'acquisition du groupe Qama : 4 559 000 dont à déduire les dividendes versés par les cibles (3 421 000 euros), soit un solde de 1 138 000 euros ;

- s'agissant du financement de l'acquisition des cibles au moyen de fonds propres : 2 800 000 euros ;

- s'agissant des avances en compte-courant faites à la société CEFEC : 1 158 894 euros.

En revanche, le lien de causalité entre le montant de 2 176 717 euros correspondant au montant du remboursement à Interges de l'avance consentie en 2007 pour l'acquisition de Qama et TFT que les mandataires judiciaires mettent en compte au titre de l'inertie de M. D. et du défaut de surveillance des administrateurs en 2008 n'est pas suffisamment démontré, ce montant faisant en outre manifestement double emploi avec le montant déjà retenu au titre du remboursement de ces avances.

Les autres montants mis en compte qui seraient la conséquence de fautes insuffisamment caractérisées, ne peuvent être retenus.

Il ne peut enfin être affirmé, comme le prétendent les mandataires judiciaires, que la politique mise en place par les repreneurs visant à faire payer par Intergestion non seulement le prix d'acquisition de celle-ci mais aussi les choix stratégiques de ses dirigeants basés sur la performance, l'amélioration de l'EBIT, au détriment de l'entreprise et de ses salariés serait à l'origine de la totalité de l'insuffisance d'actif, et que sans l'inaction totale des dirigeants la société serait encore vraisemblablement in bonis, cette analyse ne tenant pas compte des effets de la crise économique de 2008 qui a durement frappé le secteur de l'agencement puis celui de la quincaillerie et de facteurs extérieurs à l'entreprise, à savoir d'une part, la rupture brutale des relations avec la société B. System dont il n'est pas démontré qu'elle aurait pu être anticipée ou évitée par les dirigeants et d'autre part la perte de la carte du fournisseur Kesse Bohmer grâce auquel Intergestion avait réalisé 3,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2008, dont il n'est pas soutenu qu'elle serait imputable aux dirigeants d'Intergestion.

C'est donc un montant total de 6 530 894 euros qui sera mis à la charge de M. Patrick D. et des sociétés Finadvance SA et Finadvance et Associés, solidairement, ainsi que cela a été dit ci-dessus, leurs fautes respectives ayant concouru ensemble et dans la même mesure à l'insuffisance d'actif.

IV- les sanctions

Il résulte de ce qui précède que les fautes de gestion reprochés à M. D. s'inscrivent dans un objectif visant à favoriser les intérêts de la société Interges dont il était actionnaire, même minoritaire, en privilégiant le remboursement de la dette d'acquisition au détriment de l'exploitation de la société Intergestion, ce qui lui permettait par ailleurs de continuer à bénéficier personnellement des avantages, notamment en termes de rémunération, qui étaient les siens au titre de ces fonctions dans ces deux structures.

Dès lors qu'il est ainsi établi que M. D. a fait un usage des biens de la personne morale qu'il dirigeait contraire aux intérêts de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, il y a lieu de prononcer sa faillite personnelle pour une durée de dix ans conformément à l'article L. 653-4 du code de commerce.

VI - la demande contre la société Chubb

Me D. et B., qui soutiennent avoir eu connaissance en cours de procédure d'appel par suite de la communication de pièces par M. D., de la souscription, le 22 octobre 2007, par la société Interges d'une assurance garantissant la responsabilité civile des dirigeants auprès de la société Chubb Insurance Company of Europe SE, ont appelé cette dernière en intervention forcée aux fins de la voir condamner solidairement avec les appelants. Ils estiment que cette mise en cause est recevable en raison de l'évolution du litige.

La société Chubb et M. D. concluent à l'irrecevabilité de l'intervention forcée contestant toute évolution du litige, laquelle est d'interprétation stricte et ne peut résulter que d'un élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement à celui-ci, tel n'étant pas le cas de la connaissance tardive de l'existence d'un contrat d'assurance. Il observent qu'en tout état de cause, les mandataires judiciaires, qui sont aussi les liquidateurs de la société Interges, ne pouvaient ignorer l'existence de cette police, sauf à avoir fait preuve de négligence.

La cour rappelle que l'évolution du litige, au sens de l'article 555 du code de procédure civile, impliquant la mise en cause d'un tiers à hauteur d'appel, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données du litige.

Tel n'est pas le cas de la révélation prétendument tardive d'un contrat d'assurance postérieurement au prononcé du jugement frappé d'appel, étant observé que la société Chubb observe à juste titre que les mandataires judiciaires sont aussi les liquidateurs de la société Interges et ne peuvent dès lors soutenir avoir ignoré l'existence de ce contrat souscrit en 2007.

L'appel en intervention forcée de la société Chubb Insurance Company of Europe à hauteur d'appel sera donc déclaré irrecevable.

V- la demande de M. G. de dommages et intérêts pour procédure abusive

M. G. estime que la procédure est abusive comme ayant été engagée avec légèreté sans analyse approfondie des rôles et responsabilités respectives et des opérations litigieuses et qu'il a subi un préjudice important tant professionnel (perte de son emploi, de son ancienneté, atteinte à son image professionnelle), que patrimonial et moral.

Il convient toutefois de constater qu'il est suffisamment démontré que M. G. a eu un rôle particulièrement important et actif dans la gestion de la société, que la question d'une gestion de droit ou de fait pouvait sérieusement être envisagée et que sa responsabilité a d'ailleurs été retenue par les juges du tribunal de commerce, ce qui exclut tout caractère abusif à l'action engagée par Me D. et B., aucune légèreté blâmable ou intention de nuire ne pouvant leur être reprochée.

Les demandes indemnitaires de M. G. seront donc rejetées.

VI- les dépens et les frais irrépétibles

M. D., la société Finadvance SA et la société Finadvance et associés, qui succombent supporteront la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, à l'exclusion des dépens afférents à l'intervention forcée de la société Chubb Insurance Company of Europe qui seront supportés par la SCP B. et Me D., ès qualités. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il sera alloué à la SCP B. et Me D., ès qualités, une indemnité de procédure de 25 000 euros, à la charge de M. D., de la société Finadvance SA et de la société Finadvance et associés, solidairement et à la société Chubb Insurance Company of Europe une indemnité de procédure de 5 000 euros à la charge de la SCP B. et Me D., ès qualités, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes de ce chef seront rejetées. M. D., la société Finadvance SA et la société Finadvance et associés, qui sont tenus aux dépens, ne peuvent en effet y prétendre, par ailleurs aucune considération tirée de l'équité ne commande qu'il soit fait droit aux demandes présentées à ce titre par MM. L. et G..

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

REJETTE l'exception de nullité de l'assignation délivrée à M. D. ;

ANNULE le jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 8 septembre 2015 ;

Statuant après évocation,

REJETTE les fins de non recevoir soulevées ;

REJETTE la demande d'annulation du rapport OCA ;

DÉCLARE la mise en cause sur intervention forcée de la société Chubb Insurance Company of Europe SE irrecevable ;

DÉCLARE la demande recevable en tant que dirigée contre Messieurs Patrick D., Cyrille L. et Olivier G., la société Finadvance SA (tant à titre personnel qu'en qualité de représentante du FCPR Finadvance Capital III) et la société Finadvance et Associés SAS ;

DIT que M. Patrick D., la société Finadvance SA et la société Finadvance et Associés SAS ont, en qualité de dirigeants de droit, commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS Intergestion ;

CONDAMNE M. Patrick D., la société Finadvance SA et la société Finadvance et Associés SAS solidairement à payer à la SCP Pierre B. et à Me Géraldine D., ès qualités de mandataires liquidateurs de la SAS Intergestion, la somme de 6 530 894 euros (six millions cinq cent trente mille huit cent quatre-vingt quatorze euros) au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif constatée dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de la SAS Intergestion ;

PRONONCE la faillite personnelle de M. Patrice D. pour une duré de dix ans ;

DÉBOUTE la SCP B. et Me Géraldine D., ès qualités, de leurs demandes dirigées contre Messieurs Cyrille L. et Olivier G. ainsi que de leur demande dirigée contre la société Finadvance SA prise en sa qualité de représentante du fonds commun de placement FCPR Finadvance Capital III ;

DÉBOUTE M. Olivier G. de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE solidairement M. D., la société Finadvance SA et la société Finadvance et associés à payer à la SCP Pierre B. et Me Géraldine D., ès qualités, une somme de 25 000 € (vingt cinq milles euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCP Pierre B. et à Me Géraldine D., ès qualités de mandataires liquidateurs de la SAS Intergestion, à payer à la société Chubb Insurance Company of Europe SE une indemnité de procédure d'un montant de 5 000 € (cinq milles euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes sur ce fondement ;

CONDAMNE solidairement M. D., la société Finadvance SA et la société Finadvance et associés aux entiers dépens de première instance et d'appel afférents à l'instance principale, qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCP Pierre B. et Me D., ès qualités, aux dépens afférents à l'intervention forcée de la société Chubb Insurance Company of Europe SE avec distraction au profit de la SCP D. K. BenoîtO. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.